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Le Graal, une réponse à Prométhée

Publié le par Régis Vétillard

A la suite de cette discussion autour de Prométhée, Lancelot revient, comme bien souvent, à ce que pourrait en dire l'esprit du Conte du Graal.

D'ailleurs, Maurice, curieux du mythe et de la figure que représente Lancelot, demande à son ami ce qui le relie finalement à ce héros médiéval ?

- Géographiquement le chevalier est né au Passais entre Mayenne et Normandie. Il est de la lignée de Joseph d'Arimathie qui porta le Graal en Grande-Bretagne. Après la fin du royaume d'Arthur, et alors que le Graal à jamais est à jamais dérobé aux hommes, Lancelot se retire dans un monastère où il mourra. On trouve non loin de Fléchigné, une autre figure qui reprend les mêmes éléments symboliques, à Saint-Fraimbault-de-Lassay - l’ermite Fraimbault, un modèle du personnage de Lancelot - où il a terminé sa vie, reconnu comme un saint célébré par les rois de France à partir de Clovis. ( Cf ici ''L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais'')

Saint-Fraimbault

Lancelot représente le chrétien imparfait. Il a du mal à choisir entre Guenièvre et le Graal, entre l'amour et la foi. Lancelot, est nommé parfois, le ''chevalier pensif'', il a du mal à voir le monde tel qu'il est, et ne sait plus qui il est ( à lire dans le Chevalier de la Charette ). Pour faire court, on dit que c'est le ''péché'' qui l'empêche de conquérir le Graal.... Mais, et c'est important, le Graal n'est pas l'histoire d'une personne, il est l'histoire d'une lignée. Et, il y a Elaine ; elle le relie au Graal, par le fils qu'elle lui donne, Galaad.

Maurice s'étonne de la présence du ''péché'' ..- Tu peux m'en dire plus...

- Connais-tu la figure du ''Roi Pêcheur'' ( ou Amfortas dans la version de Wagner) ? Il souffre d'une blessure mystérieuse, certainement liée à cette ''faute'' autour de laquelle nous tournons...

Qui est ce roi ?

- Dans la Queste del Saint-Graal, le roi méhaigné ( mutilé) appelé Pellehan ( ou Pellam, ou Pellès...) a été frappé par le chevalier Balain ( Balin) avec la lance qui avait transpercé le côté de Jésus. Le roi est blessé entre les hanches, ce qui cause la désolation de tout le royaume.

Cette blessure, est le signe d'une agression, tout à la fois, contre la souveraineté, contre la Nature, le principe féminin, et contre le Graal.

Parallèlement, alors que le roi Arthur, lui-même, est défaillant et devient un roi blessé, Lancelot, par amour, devient le protecteur de la reine Guenièvre agressée et captive de Méléagant ; mais alors, l'unité du royaume est brisée.

Lancelot rappelle que c'est la révélation de l'amour transgressif de Lancelot pour Guenièvre, qui va précipiter la fin du royaume d'Arthur et la fin de la chevalerie terrestre, alors que la chevalerie céleste aboutit au Graal par son fils Galaad.

L'écrivain de la Queste, pénétré de la théologie mystique de saint Bernard, voulait avertir ses contemporains du courroux de Dieu s'ils s'obstinent dans le péché.

- C'est plus difficile aujourd'hui de parler du péché. Pourtant, l'image du Royaume brisé, de la Terre Gaste, renvoie à une sorte de fatalité qui s'abat sur le monde médiéval. La ''Queste du Graal'', nous représente un monde violent fait de guerres et même en paix, de tournois. Le monde païen évoque des puissances maléfiques. « L’existence humaine y reste enténébrée par le Mal, en dépit de l’avènement de la morale courtoise et de l’influence toujours plus forte de l’Église. » ( Perdita Formentelli, universitaire)

Aujourd'hui beaucoup craignent que la guerre nucléaire soit le destin apocalyptique de l'humain.

Ceux qui partaient à la quête des ''secrets du monde'', privilégiait dans leur jugement les causes des désastres, et réveillait une culpabilité primitive de la personne sur qui s'abattait la colère divine.

- Et que penser de la présence constante de Satan ?

- Pour en revenir à Prométhée ; en cause était un ''feu'', une connaissance qui lui était liée et qui a pu apparaître comme diabolique. La première connaissance coupable du Bien et du Mal n'a t-elle pas été imputée au Diable ?

Prométhée pourrait être rapproché de Lucifer ( l'ange de la lumière, mais ange déchu) qui en échange d'une damnation éternelle transmet des connaissances magiques...

- Attention... Ce qui est important c'est la Présence de la Grâce.. C'est le rôle du Graal.

Avec le roi blessé, la Terre Gaste n'est plus fécondée par l'eau du ciel. Du silence de Perceval, naît Galaad et la Parole rédemptrice. Daniel Poirion, nous dit que pour Saint Bernard : « le Verbe est le non-dit de la parole humaine comme s'il était fondé sur un oubli » ( « ce qui est invariable est incompréhensible et doit donc être ineffable » ( Sermons de St Bernard. Tome 2 p 88).

- Justement ; que dire du Graal ?

- Le Graal est un objet complexe, et ambigu, il témoigne de rites anciens et donc de la nature vivante de ceux-ci. Le Graal chrétien est la coupe qui contient une hostie. Elle représente '' la transcendance divine eucharistique'' qui donne la Grâce.

- Comment conquérir le Graal ?

- Perceval n'a pas su poser la bonne question ; peut-être parce qu'il a causé la mort de sa mère, parce qu'il n'a pas su considérer autrui... ? Lancelot non plus ; parce qu'une autre passion que celle du Graal, le passionne... Pourtant, au cours de la Quête il exprime son repentir ; mais seule la virginité de Galaad semblait permettre d'être entièrement rempli de la Grâce divine.

Ici le destin individuel du héros, exprime un idéal collectif. Ce qui est en cause, c'est le destin de la Nature.

Si la régénération de la Nature, fait partie de la quête ; elle s'en tient à l'accession au Château de Graal, à l'espérance de pouvoir guérir le Roi; mais la contemplation du Graal reste l'objet d'une chevalerie céleste.

Friedrich_Heinrich Fuger Prometheus 1817

Maurice, pour en revenir encore à Prométhée, se remémore quelques page des ''Cahiers'' de Simone Weil qui viennent d'être publiés. Elle écrit : « Le Christ a indiqué son affinité avec Prométhée, quand il dit « je suis venu jeter un feu sur terre ». elle relève les analogies, ou concordances entre la pensée grecque, et le christianisme. Elle relève les notions de salut, chez Platon, Pindare, Hérodote, et Sophocle est, à ses yeux, « le poète grec où la qualité chrétienne de l’inspiration est la plus visible et peut-être la plus pure. Il est beaucoup plus chrétien que n’importe quel poète tragique des vingt derniers siècles, à ma connaissance. »

Dans la même idée, Lancelot se souvient d'un ouvrage d'Edgar Quinet (historien) ( transmis par Charles-Louis de Chateauneuf ), dans sa préface, il explique ses raisons de réécrire la légende de Prométhée : cette figure est l'une parmi d'autres ( Orphée, Sisyphe, Némésis...) que le christianisme va récapituler en faisant du Christ, le rédempteur. Pour Quinet, chaque peuple, écrit une page de ''l'Ancien Testament ''. Il écrit : « Il n’y a plus ni Grecs ni Barbares, ni gentils ni chrétiens, ni anciens ni modernes, mais une même société d’hommes réunis autour d’un même abîme, et qui se font les uns aux autres la même question, presque dans les mêmes termes. » 

On peut noter aussi :

André Gide, dans ''Le Prométhée mal enchaîné'',(1899) le voyait comme ''homme de lettres'', Sartre le voit plutôt comme un ingénieur, un technicien qui asservit l'humanité, dans sa pièce Épiméthée (1929). Camus ( Prométhée aux Enfers, dans L’Été ) écrit que ce révolté dressé contre les dieux est le modèle de l’homme contemporain qui choisit de se libérer de toute aliénation... Mais … « Mais au lieu de s’asservir le réel, il consent tous les jours un peu plus à en être l’esclave. C’est ici qu’il trahit Prométhée, ce fils « aux pensers hardis et au cœur léger ». C’est ici qu’il retourne à la misère des hommes que Prométhée voulut sauver. »

Cependant d'autres distinguent plutôt un '' Prométhée déchaîné '', dans ce que Camus a résumé dans une phrase : une « civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. », c'était dans Combat, le 8 août 1945, après Hiroshima.

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5 mars 1953 - La mort de Staline

Publié le par Régis Vétillard

Staline, depuis 1922, est le chef du Comité central du parti communiste de l'U.R.S.S. ; à ce titre il est à la tête de la classe qui dorénavant conduit l'Histoire ; il voit plus loin que quiconque, il est infaillible.

Staline dans le coma

Mercredi 4 mars 1953 au matin, on apprend que Staline a été victime d'une attaque cérébrale dans la nuit du 2 mars dans son appartement moscovite. Quelques jours avant, il faisait enfermer son médecin personnel dans une prison du KGB ; la paranoïa du ''Petit Père des peuples'' l'avait conduit à voir des complots partout. Il va mourir faute de soins.

Aux côtés de Staline mourant, sa fille Svetlana et son fils Vassili ( éméché), entourés de Lavrenti Beria (54 ans), le redoutable chef de la police, de Viatcheslav Molotov (63 ans) le n°2 du régime, de Gueorgui Malenkov (51 ans), peut-être le dauphin désigné, et de Nikita Khrouchtchev (59 ans) chef du parti de Moscou. Les quatre hommes se distribuent le pouvoir. Enfin, ils assistent au dernier sursaut du dictateur : « une regard de fou, d'un homme en colère.. » précisera sa fille. Il meurt à 21h50, ce 5 mars.

Sa mort suscite des titres, en particulier dans l'Humanité, comme : « Staline, l’homme de la victoire, l’homme de la paix, l’homme du socialisme », « Immense émotion dans toute la France », « Les peuples de toute la planète partagent la douleur du peuple soviétique » ou « Staline notre maître en socialisme ».

 

A la chambre des députés, en France, Édouard Herriot (80 ans) qui préside la séance, demande une une minute de silence, et presque tous les députés se lèvent.

A Rome, on se souvient de la remarque méprisante de Staline : « Le pape, combien de divisions ? » Il se raconte, que Pie XII, aurait dit : « Maintenant il pourra voir combien de divisions nous avons là-haut ! »

Sur terre, là où selon Staline « C'est toujours la mort qui gagne. » ( propos rapporté par De Gaulle) plus précisément en Union Soviétique, Béria prend le pouvoir, seulement pendant trois mois. En effet, il est arrêté le 26 juin, et exécuté le 23 décembre. Entre temps, c'est Nikita Khrouchtchev qui, à partir du 7 septembre 1953, devient le premier secrétaire du Comité central du parti.

 

Que s'est-il passé ? - A Berlin-Est, des émeutes d'ouvriers du bâtiment, du fait de leurs conditions de travail, commencent le 16 juin ; suivent des grèves, et un mouvement qui s'étend à toute la RDA, avec la revendication d'élections libres. La répression soviétique est forte. Ce soulèvement est imputé à Béria qui tentait une timide libéralisation. Khrouchtchev, qui avait été nommé par Staline en Ukraine et participé aux purges de la grande terreur, s'est imposé.

 

A l'occasion de la mort de Staline, faute de diplomates soviétiques auprès du Saint-Siège, seuls ceux qui se rendent à l'ambassade russe d'Italie, peuvent exprimer leurs condoléances. Quelques représentants du Comité Central russe, en mission, peuvent les rencontrer.

Lancelot et Maurice Maillard profitent de cette opportunité, pour les questionner et les écouter parler.

 

Les communistes parlent d'une nouvelle société sans classes. Les hommes se distinguent dans leur fonction, et non par leur classe.

- Le bonheur ? Il est un devoir dans la société communiste !

L'homme et la femme soviétiques se consacrent totalement à l'élaboration du communisme dans notre pays. Il ne se laissent pas motivés par des pulsions brutes de la nature, mais par conscience de soi.

- Staline dictateur ? - Staline s'est toujours préoccupé du bien-être de sa population : le niveau de vie a augmenté, l'enseignement est développe, la médecine est gratuite. Il était le père de la nation en ce qu'il protégeait et assurer le pérennité des valeurs familiales et sociales. Il était autoritaire et juste.

Staline déclarait que les bolcheviks devaient compenser un arriéré de cinquante ou cent ans par rapport aux pays occidentaux ; et ils l'on fait en dix, vingt ans ! Les quotas de production ont pu ainsi être réduits, afin d'améliorer le sort du peuple.

- Les procès, le goulag ? - Les ennemis de classe existent, ils sont dénoncés comme des saboteurs. Ils sont arrêtés et logés dans des camps de rééducation.

Staline était comme un père protecteur, il a conduit l'Union Soviétique et l'Europe vers la victoire. A présent, elle est une nation éprise de paix. Elle reste une nation à l'avant-garde du socialisme mondial. l’URSS est le champion du monde libre, qui défend, dans ce monde bipolaire, le communisme, la véritable démocratie et la liberté des peuples contre l’impérialisme américain.

Maurice pense à la figure de Prométhée, pour décrire l'homme stalinien, mobilisé contre les forces du passé, en révolte contre les dieux.

Prométhée ne serait-il pas l’antichrist ? .Je rappelle que Prométhée, contre les dieux, a remis le feu aux humains. En leur donnant la raison et la technique, il leur donne le pouvoir d'agir et de régner sur la création.

- En effet, ajoute Lancelot, il y a cette phrase bien connue de Marx, « La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple ». Mais, sur ce thème, Camus renvoie communisme et christianisme dos à dos, relevant l'aspect religieux du stalinisme....

- Le Christ apparaît comme celui qui répare cette transgression prométhéenne, répond Maurice

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1952-54 - La Communauté européenne de Défense ( CED)

Publié le par Régis Vétillard

A ce jour, relevons quelques questions politiques que le gouvernement français se posent quant à la construction européenne, et face au danger d'une suprématie soviétique en Europe...

Faut-il laisser l'Allemagne se réarmer ?

Faut-il garantir la sécurité de l'Europe par les Etats-Unis ?

Faut-il envisager une Europe de la Défense, comme il existe une Europe de l'acier et du charbon ?

 

En 1950, Churchill se montrait favorable à une participation allemande à la défense européenne, par la création d’une armée européenne. Mais la France restera déçue par la position britannique, qui refuse l'idée de placer ses troupes sous un commandement unique, non britannique ; et rejette toute initiative européenne de caractère fédéral.

La France s'engage dans un choix européen, alors que les britanniques choisissent la coopération avec les États-Unis, et craignent une Europe « supranationale ».

En 1951, à Paris, débute une Conférence sur la création d'une Communauté européenne de Défense (CED). Il s'agit d'un '' projet de création d'une armée européenne, avec des institutions supranationales, placées sous la supervision du commandant en chef de l'OTAN, lui-même nommé par le président des États-Unis.'' ( wiki). Avec René Pleven, la France est à l'origine de la démarche.

En mai 1952 : le traité est signé à Paris, mais il doit être ratifié par les parlements nationaux des différents pays signataires ( France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Italie).

 

Raymond Aron, note alors que « Sur la CED se déchaîna la plus grande querelle idéologico-politique que la France ait connue depuis l’affaire Dreyfus »

Une forte opposition s'organise chez les communistes, les nationalistes, inquiets d'une perte de souveraineté ou d'une remilitarisation allemande, et les neutralistes.

Le pape Pie XII, lancent des appels pressants à soutenir le projet européen et la CED. Au point, où le Grand Orient de France dit craindre « une Europe vaticane, instrument de restaurations politiques et religieuses. »

Pierre Mendès-France ( 1907-1982)

 

Pendant ce temps, la politique d'un Pierre Mendès-France (PMF), apparaît comme le seul recours.

En effet, cet été 1954, l'Empire français rend l'âme, en Indochine, l'échec de Dien-Bien-Phu (7 mai) nous accule à négocier la paix. La rébellion s'étend en Afrique du Nord. Moscou et Washington, intriguent pour une Europe à leur souhait.

P. M. F. a 47 ans, il reçoit l'investiture du Président Coty et dirige le gouvernement français entre le 18 juin 1954 et le 5 février 1955. François Mitterrand est son ministre de l'intérieur. PMF négocie directement avec le Viêt Minh, et le 23 juillet, l'assemblée nationale approuve les accords qui clôt la guerre d'Indochine ; mais devra démissionner - 9 mois plus tard ..! - sur la question algérienne.

 

La religion de Mendès, c'est la politique. Pour le reste, il s'affiche non-croyant.

Alors que surviennent, un grave accident de santé du pape et, en France, une campagne de presse, soutenant « la rébellion des prêtres-ouvriers » dont l'article de François Mauriac; Mendès-France se rend à Rome les 11 et 12 janvier 1955. Il rencontre les dirigeants italiens et le pape Pie XII, qui a tenu à le recevoir malgré ses problèmes de santé. Le président en sort bouleversé ; aux quelques personnes qui l'ont accompagné dont Lancelot, il confie : « A présent je comprends ce qu'est la grandeur ! ». Il constate que le pape est au courant, avec précision et compétence, des sujets qui préoccupent les français.

La rencontre avait été bien préparée et Lancelot entend que les prélats ont reconnu dans le Président du Conseil français, un homme de bonne volonté, alors que d'Ormesson était sceptique...

 

Lancelot dit de lui qu'il était têtu, et qu'il pouvait être cinglant ; avec ses proches, Mendès-France était peu conciliant, et sa politique de gauche ne souffrait pas de s'accorder au centre. Son successeur - aussi du Parti Radical - Edgar Faure (1908 – 1988), est son opposé.

Une chose que nous retenons de PMF, c'est '' le verre de lait ''qu'à dix heures tous les élèves boivent, distribué dans les écoles pour lutter contre la dénutrition et l’alcoolisme.

Le 30 août 1954, Pierre Mendès-France demande à l'Assemblée Nationale de se prononcer sur la ratification du traité sur la création d'une Communauté européenne de Défense (CED).

Les démocrates-chrétiens du MRP, déjà favorables à l'Europe des Six, sont pour. Les gaullistes et les communistes votent contre, les radicaux et les socialistes sont partagés.

- La CED est rejeté par l'Assemblée nationale française par 319 voix contre 264.

 

L'échec de la CED, va précéder l'éloignement de Mgr Montini ( futur Paul VI) nommé à Milan ( décembre 1954) , acquis par le parti romain, hostile à sa politique de dialogue avec l'Est.

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1952 - L'Europe et la Civilisation chrétienne

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot fait part à son gouvernement, de la position du Vatican sur la construction d'une Europe unie. Le souhait de Pie XII est que cette unification se fasse sur des fondements chrétiens. Il espère beaucoup de l'engagement de Schuman, d'Adenauer et de Gasperi. Cela permettrait de prendre ses distances avec les Etats-Unis, et assurer sa neutralité entre les deux blocs.

A partir de la fin d'année 50 ; Pie XII tend à infléchir son discours anti-communiste.

Après le décret de 1949, sur l'excommunication... Le pape renonce à tout nouvel anathème. Il s'agit de reconnaître que la guerre avec l'arme atomique devient une absurdité à bannir absolument ; et qu'il convient de rechercher une forme de coexistence, basée sur le respect des libertés fondamentales ( dont la liberté religieuse).

En février 1951, Frédéric Joliot-Curie, au nom du Conseil mondial de la Paix demande au Vatican d'appuyer une « proposition de réduction des forces armées... ».

Pour tendre vers l'équilibre entre les blocs, le Vatican appuie le projet d'une Europe unie. Il soutient le Traité sur la Communauté européenne de Défense ( CED), du 27 mai 1952, proposé à la ratification des états.

En mai 1952, le maire de Florence, Giorgio la Pira, prend l’initiative d'un ''congrès pour la paix et la civilisation chrétienne'', une trentaine de pays sont représentés.

 

Le débat sur l'Europe, dans un contexte de guerre froide, sous-tend celui de la défense de notre '' civilisation chrétienne'' en regard d'une autre proposition, celle des communistes, avec le ''Mouvement mondial des partisans de la paix''.

Mais, interroge Lancelot, si le lien entre christianisme et civilisation occidentale est évident ; peut-on aujourd'hui, encore, promouvoir une civilisation chrétienne ?

Cette question mérite le débat, elle nourrit des discussions entre Maurice M. et Lancelot qui se sent d'autant plus concerné qu'elle habite la spiritualité de sa quête.

Charles Journet (1891-1975) est un théologien catholique suisse. Il deviendra cardinal en 1965.

 

A ce propos, Maurice évoque évoque l'abbé Charles Journet (Fribourg) qui corrige l'idée du mythe d'une chrétienté de type médiéval, que l'on pourrait imaginer à partir d'une certaine ''Queste du Graal''... !.

Journet - Maritain

Journet s'inspire beaucoup de Maritain.

- Puisque tu as eu le privilège de fréquenter le couple Maritain ; peux-tu nous en dire plus de cette ''nouvelle chrétienté'' dont il parlait dans ce fameux livre ''Humanisme intégral ''

- Oui... Que suis-je capable d'en dire... ? Ce livre a été publié en 1936. Pour ce qui releverait d'un ''nouveau Moyen-âge'', il s'agit d'un titre d'ouvrage de Nicolas Berdiaeff, qui date de 1927. Elaine l'appréciait beaucoup. Nous l'avions rencontré chez les Maritain. Son discours politique, pessimiste, ne passerait plus aujourd'hui...

Jacques Maritain (1882-1973 est un philosophe et théologien français. Éminent thomiste. De Gaulle le nomme ambassadeur auprès du Saint-Siège en 1945.

''Humanisme intégral'' (1936) de Maritain, son sous-titre est ''Problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle chrétienté''. Il conçoit une ''nouvelle chrétienté'' autour d'un ''idéal social'', la chrétienté n'étant qu'un « âge de civilisation dont la forme animatrice serait chrétienne » Face à un humanisme marxiste, ou libéral bourgeois, inhumains ; il est de la responsabilité des chrétiens à montrer que l'ordre spirituel est de tendre « à tout pénétrer, à s'emparer de tout, à descendre au plus profond du monde. »

Nostalgie de la chrétienté médiévale ? Non. Cette nouvelle chrétienté tient à réhabiliter l'humain. Pour cela, elle repose sur trois principes : - l'autonomie du temporel ( il n'est plus un instrument du spirituel) ; – la transcendance absolue du spirituel, et la liberté de l'Eglise ; - rejet d'un dualisme, matériel-spirituel.

Maritain appelle à une nouvelle sainteté, la « sainteté profane », c'est un appel de pleine humanité sur les chantiers du monde.

 

Maurice, revient au père Journet, à propos de ''civilisation'' . Dans la lignée donc de Maritain, il préfère promouvoir la transcendance du christianisme qui est spirituel et éternel, alors que les civilisations sont contingentes et périssables.

- Cependant, le lien entre christianisme et civilisation occidentale, semble évident....Non ?

 

Lancelot se souvient que Paul Ricoeur se demandait si « le christianisme n'a pu être vécu que dans un contexte de civilisation aujourd'hui périmé, ... » ? ( C'était lors d'une conférence de la Post-fédération l'été 1946 à Melun).

Paul Ricœur (1913-2005) est un philosophe français, protestant.

Quand nous parlons de ''civilisation'', dit-il, nous comprenons bien que « nous appartenons à une certaine aventure qui a des contours géographiques et historiques et qui charrie certaines valeurs »

 

- « J'appartiens à ma civilisation comme je suis lié à mon corps. »

- « Une civilisation a des contours géographiques et historiques. » Nous n'y rencontrons pas toujours l'universalité de l'homme , mais une certaine aventure humaine.

 

* Certes, nous savons que naissent et meurent les civilisations ; mais une civilisation se construit sur des valeurs ?. 

Dans ces formule de Ricoeur : «  la dignité de l'homme itinérant est dans les valeurs éternelles qu'il découvre en les inventant historiquement. », je remarque une transcendance des valeurs ; même si, dit-il, - « Les valeurs ne se conservent que par la mémoire et l'invention des hommes. (…) Elles meurent quand nul n'y croit plus. »

- « Les valeurs des civilisations sont « garanties » par des valeurs'' religieuses''. » ( ici religieux ne signifie pas nécessairement foi en Dieu ). Lancelot pense alors, au communisme, qui a la prétention de construire une nouvelle civilisation....

 

Maurice tente de prendre le contre-pied, et définir la civilisation occidentale actuelle sans référence au christianisme :

* Comment pourrait-on définir notre ''civilisation occidentale'' ? N'a t-elle pas été plusieurs fois inventée : avec l'antiquité, le christianisme, les invasions barbares, puis avec la féodalité, la modernité puis la révolution bourgeoise ? Ne faut-il pas être prudent sur les limites historiques et géographiques ?

-Peut-on reconnaître un ensemble de valeurs révélé par cette histoire européenne ? - On pourrait répondre : - l'humanisme... ? Non ?

Et aujourd'hui ? « Nous sommes à l'âge atomique.. »... Quelles chances vont nous offrir, les techniques modernes ?

 

* Il y aurait une autre manière de se poser la question, par exemple : En quoi la foi chrétienne concerne t-elle notre civilisation ?

- Reprenant l'image du corps, Maurice ajoute, ma civilisation, comme mon corps, est le '' Temple du Saint-Esprit'' . Il s'agit d'y incarner ma foi.

- On parle donc, d'une civilisation à christianiser... D'ailleurs, il y a cette ''histoire'' de royaume, du règne à venir, de la fin de l'Histoire... Nous sommes invités donc à assumer les valeurs de l'époque, et de les convertir.

 

Oui, c'est bien cela, conclut Maurice... Même « si l'âge moderne était un âge païen » ? Si ''Dieu est mort '' ? Il reviendrait, à l'Eglise' de convertir et de ''baptiser'' ces valeurs nouvelles....

C'est ce qu'écrit le père Journet : « le christianisme du XXe siècle doit accepter de jouer un rôle dans les formations politiques, laïques et profondément sécularisées, à condition toutefois que la liberté de la Parole soit assurée ; il doit saisir toutes les occasions que lui offre le monde moderne, toutes les '' chances '' que lui fournit la civilisation contemporaine de baptiser cette civilisation, comme elle a tenté de baptiser celle des Grecs et celle des Barbares. »

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Le Vatican et la guerre froide 3

Publié le par Régis Vétillard

Le point de vue anti-communiste, est ancré dans le stalinisme, avec le soutien sans faille du PCF, et son secrétaire national Maurice Thorez qui conduit le culte de Staline.

Raymond Aron, 1954

La personnalité qui est la plus consciente des dangers d'une idéologie qui se cache derrière la défense des opprimés est Raymond Aron. Déjà avec avec le nazisme ; il prend conscience que chaque système totalitaire se présente comme une « religion séculière ». Pour ce qui est du communisme, dès avant la guerre, il remarquait qu' « en dépit de Staline, à cause de Hitler, nous inclinions à mettre le communisme du bon côté de la barricade. »

Raymond Aron (1905-1983) , est un philosophe, sociologue, politologue, historien et journaliste français. Le plus célèbre représentant de la pensée libérale en France après 1945

A Londres, Aron a entendu parler les polonais des massacres de Katyn : en 1940, 4000 officiers polonais furent exécutés d'une balle dans la tête, par les agents du NKVD ( police politique soviétique). En 1944, il constate la tentative d’hégémonie soviétique sur une partie de l'Europe. En 1945, il envisage sous le titre « La chance du socialisme », la perspective d’une alliance entre le libéralisme politique et le socialisme démocratique. Il dénonce « par voie d’autorité un socialisme d’État. », et estime qu' « un socialiste partisan de la famille occidentale s’oppose à un communiste dévoué au destin de l’Union soviétique »

En novembre 1946 devant les élèves de l’ENA (  Perspectives sur l’avenir de l’Europe) Aron rejetait une fois de plus le modèle soviétique : « Quoi que l’on pense du communisme, ce n’est pas un rêve, c’est un cauchemar »

Aron s'interroge sur la participation des communistes à un gouvernement pluraliste : peut-on rejeter « ceux qui ne songent qu'à le détruire ? L’anticommunisme finira peut-être, entraîné par sa logique, par détruire la démocratie. La non-résistance au communisme la détruirait plus sûrement encore. »

Comme religion séculière, et parce que « le marxisme est une hérésie chrétienne. », le communisme est « l’incarnation actuelle de l’anticatholicisme », et « se pose en Eglise rivale. »

Eglise persécutée en URSS, 1930

 

Début des années 50, par ses contacts avec Rome, Lancelot comprend que le but des soviétiques serait d'utiliser, en France en particulier, l'institution de l'Eglise pour détruire la foi populaire. Il s'agirait de la stigmatiser comme oppressive, autoritaire, emplie de préjugés et arrogante afin que le clergé n'ait pas d’autre choix que de l'ouvrir au monde et affaiblir l'institution romaine.

Derrière le rideau de fer, le clergé catholique est persécuté, le plus souvent accusé d'espionnage.

Cette prise de contrôle soviétique est à l’œuvre en Pologne. Boleslaw Piasecki , un ex-agent nazi, a lancé le réseau Pax, un service de propagande soviétique, dirigé par un prêtre orthodoxe et colonel du NKVD, Vassili Gorelov qui contrôle l'ensemble des publications religieuses polonaises et diffusent une pensée ''progressiste''... Gorelov aurait mis en place à Lviv en Pologne, une école de formation religieuse pour ''faux prêtres'' ?

L'objectif est aussi d'étendre l'influence de Pax en dehors du monde communiste, en France notamment. L'abbé Jean Boulier, en 1946, avait emmené Emmanuel Mounier en Pologne, en vue d'une collaboration entre Esprit et Pax.

Après la création de l'OTAN ( avril 1949) pour « la sauvegarde de la liberté et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires. » par douze pays occidentaux, dont la France. Lancelot apprend la mise en place par les Américains et les Britanniques de réseaux appelés «Stay Behind», destinés à réagir en cas d’invasion soviétique, pour mener la résistance, et dépendant de la CIA, et du MI6. En Italie, un réseau similaire serait sous la supervision du ministre de l'intérieur. Il est censé rester passif et s'activer en cas de danger. Il pourrait agir également en cas de «subversion interne», comme empêcher le Parti communiste italien (PCI) de former un gouvernement.

Lancelot prend ses renseignements auprès des diplomates qui se doivent de répondre aux différentes sollicitions tels que les réceptions, événements ; mais aussi auprès de nos services de renseignements qui traitent avec le Vatican, en particulier dans ce contexte de guerre froide.

Aristocrate, Wladimir d’Ormesson, est au cœur d'une vie mondaine romaine ( ancrée Villa Bonaparte) qui contraste avec la progression du communisme en Italie et à l'étranger ; par exemple, il sert d'intermédiaire entre une certaine ''noblesse pontificale'' et l'Ordre de Malte. L'ambassadeur se définit comme d'Eglise, qui a la confiance des évêques, et se veut le porte-parole de l’Église de France. « Il devient paroissien de Saint-Louis-des-Français, il reçoit à genoux la bénédiction du pape quand il le voit, il choisit un confesseur, communie et se confesse souvent. Il admire aussi la grandeur des rites romains. » ( Thèse de Sophie Gauthier )

padre Pio

Émouvant, ce que l'ambassadeur raconte à Lancelot, à propos de la messe de padre Pio, à laquelle il avait assisté : « Je le dis parce que c’est la vérité, jamais de ma vie je n’ai assisté à une messe aussi bouleversante. Et cependant toute simple. Le Padre Pio n’agissait que selon les rites traditionnels. Mais il récitait les textes liturgiques avec une telle netteté et une telle conviction ; il se dégageait de ses invocations une telle intensité ; ses gestes, si sobres qu’il fussent, étaient d’une telle grandeur que la messe prenait je ne sais quelles proportions et devenait – ce qu’en réalité elle est et ce que précisément nous avons trop oublié qu’elle est – un acte absolument surnaturel. » ( Wladimir d'Ormesson - Le Figaro, 28-29 septembre 1968. )

Mais, d'Ormesson, lui-même se plaint de n'avoir qu'un Mgr Montini, avec de grandes qualités mais sans pouvoir, ou Mgr Tardini proche de l'Opus Dei, comme interlocuteurs. Tardini est un expert en relations internationales. L'ambassadeur joue de passer de l'un à l'autre, pour arriver à ses fins.

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La guerre froide - 1952 - Un espion au Vatican

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot découvre le fonctionnement de la Secrétairerie d'État, à la tête de laquelle Pie XII, s’abstient de nommer un responsable autre que lui-même ; avec l'assistance de Mgr Domenico Tardini, qui est à la tête de la première section de la Secrétairerie d'Etat, et avec Mgr Giovanni Battista Montini ( le futur Paul VI) placé à la tête de la seconde section, avec le titre de substitut de la Secrétairerie d'État.

Pour ce qui est de la stratégie internationale, s'expriment et se concurrencent alors au sein de la Curie, une ligne résolument anticommuniste avec des cardinaux très proches du pape et une ligne plus neutraliste (autour de Mgr Montini ).

 

La guerre froide et la politique italienne, se répercutent sur le Vatican. En effet, tandis que la Démocratie Chrétienne ( DC) et le Parti Communiste ( PCI) s'affrontent lors de la campagne pour les élections municipales romaines, le 25 avril 1952, un jésuite de l’Université pontificale grégorienne, Alighiero Tondi, quitte ouvertement la Compagnie de Jésus pour rejoindre le Parti communiste italien, et annonce la révélation de prétendus secrets du Vatican.

Mgr Eugène Tisserant

 

A Rome, le personnage incontournable est le cardinal Tisserant (1884-1972), avec qui Lancelot eut déjà des contacts rapides à propos de l'Allemagne. En effet, il a participé à la réconciliation entre Paris et Bonn après la guerre, et pendant laquelle il aida à cacher au monastère de Maria Laach, Konrad Adenauer, qu'il présente au Général de Gaulle, et soutient pour en faire l'interlocuteur de la reconstruction. En septembre 1949, Adenauer occupe le poste de chancelier de la République fédérale d’Allemagne, nouvellement créée.

Le cardinal Tisserant est un contact privilégié par le gouvernement français, il va tenir un rôle important dans les relations entre l’Église et l’État. Sa priorité est le combat anticommuniste et il compte sur le courant catholique en France pour efficacement le soutenir.

 

Lancelot est mal à l'aise avec cette très forte et rude personnalité, et cela d'autant plus quand il découvre la variété du réseau d'influence mis en jeu.

Parmi les protégés de Tisserant : Claude Arnould - un ancien du 2è bureau, fondateur avec le jésuite Antoine Dieuzayde, du réseau de résistance Jade-Amicol dès 1940, et en liaison avec le MI6 britannique - s'est mis à disposition du Vatican. Ils organisent ensemble un combat contre le communisme. Ils rencontrent des personnalités comme Emile Roche ( pendant les années trente un ancien ''jeune radical '' avec Bertrand de Jouvenel et a créé avec Jean Luchaire le journal ''Notre Temps '' ) ; le secrétaire d'état Raymond Marcellin, qui, sous Vichy fut chargé de « diffuser les idées sociales de la Révolution nationale », puis participera à la résistance dans le réseau ''Alliance''.

Effectivement, nombreux sont ceux qui ont cru pouvoir faire confiance à Pétain, au début...

Mais le réseau s’élargit aussi, à des personnes comme Georges Albertini, collaborationniste, adjoint de Déat, devenu expert dans l'anti-communisme et conseiller de nombreux politiques....

Alighiero Tondi

 

Arnould et Mgr Tisserant sont convaincus qu'un informateur pour le compte des soviétiques est à l’œuvre au Vatican. En effet des prêtres envoyés clandestinement, sont arrêtés dès leur passage derrière le ''rideau de fer'' ( expression de Churchill en 1946). Un agent du contre-espionnage français, Jacques de Pressac, devient le collaborateur du cardinal et enquête sur cette affaire.

Depuis les années 30, le collège ''Russicum'' forme des missionnaires pour l'Union Soviétique. Et, précisément, après un passage par le Russicum , le jésuite Alighiero Tondi avait intégré pendant le second conflit mondial la Secrétairerie d'Etat et était devenu l'adjoint du substitut, Mgr Giovanni Batista Montini ( futur Paul VI) .

Un soir d’avril 1952, de Pressac surprend Tondi en train d’ouvrir la chambre forte de Mgr Montini.

Alighiero Tondi, en 1936, après son diplôme d'architecte était entré, à vingt-huit ans, dans la Compagnie de Jésus, et espionnait pour Moscou, via Palmiro Togliatti le Secrétaire Général du P.C italien. Le père Tondi considère que les riches possédants se servent de l'Eglise pour convaincre les démunis que leur souffrance est la volonté de Dieu. Le communisme permet de leur rendre leur dignité. Tondi reconnaît avoir dérobé des renseignements sur les prêtres préparés à être envoyés dans les pays de l'Est.

Le 25 avril, le jésuite annonce par la presse sa ''conversion'' au communisme, et son départ de l'Eglise. Il épousera la militante communiste Carmen Zanti et se fixera à Berlin-Est pour enseigner à l'université Humboldt.

Arnould après la défection de Tondi, ira jusqu'à mettre en cause Mgr Montini et obtient son départ du Vatican. Il partage à Lancelot son inquiétude du progressisme dans la presse catholique française, et aussi des mouvements d'émancipation en Afrique.

Lancelot, malgré les recommandations de beaucoup, se sent bien plus proche de Mgr Montini, plus discret, pétri de culture française et ami de Jacques Maritain, et qui échange avec beaucoup de tact et de sensibilité. Malheureusement, sa nomination à Milan ( en 1954), semble signifier la victoire des ''zelanti'' ( ''intransigeants'' en français).

 

Après la guerre, le PCF est fort de ses combats dans la résistance, fort d'un espoir pour une sociétaire plus égalitaire.

Avec Maurice Maillard, Lancelot va reconnaître à travers divers points de vue, ce qui est en train de se jouer... par exemple, le jésuite Emile Rideau ( et disciple de Teilhard de Chardin) reconnaît la ''séduction communiste '' (1946) qui s'exerce sur le chrétien, en ce qu'elle contient une promesse de salut et s'inscrit dans le sens de l'Histoire.

Joseph Robert disant la messe sur la table de la salle à manger d’une famille ouvrière avant 1955

Cependant certains, comme le père Gaston Fessard, jésuite, résistant, philosophe politique, craignent que l'avènement d'une société communiste, soit une menace pour le christianisme, et plus généralement une menace totalitaire, comme l'est le fascisme. Le père Fessard, rejette l'adage selon lequel « l’intérêt général prime l’intérêt particulier », cet intérêt général doit aussi demeurer particulier. Il tente une définition du ''bien commun '' : définition économique avec les biens publics mis en commun ; définition sociale : avec l'accès de chacun aux biens communs ; définition éthique avec la nature de la relation entre les individus de la communauté.

« Pour que puisse être comblé ce désir vivant au plus intime de chaque individu et le constituant personne, il faut que la communauté dont il est membre ne soit pas close sur elle-même et que le Bien commun qu’elle vise assure son ouverture sur l’infini vers lequel se tend la personne . » ( G Fessard : Autorité et bien commun - 1944)

A l'opposé, Jean Boulier prêtre jésuite aussi, se fait le compagnon de route des communistes. En 1948, il participe au congrès mondial des intellectuels à Wroclaw ( Pologne), et siège ensuite au conseil national du ''Mouvement de la Paix'' (1951). « Loin d’y voir une trahison, une atténuation, une dilution de ma foi, comme on m’en accuse, c’est de tout l’élan de ma foi, de ma foi catholique intégrale que je m’engage dans cette bataille, dans la lutte des classes, pour l’appeler par son nom, et que j’en souhaite la victoire ». Sanctionné par la hiérarchie, frappé d’interdit personnel en 1950, il est finalement réduit à l’état laïc en 1952.

De jeunes prêtres renouvellent le sens du mot ''mission'' et se tournent vers le monde ouvrier. Le syndicalisme est dominé par le marxisme. Le père Henri Perrin devient ouvrier à Paris. Il quitte la Compagnie de Jésus quand le Saint Office condamne en 1949, toute forme de collaboration entre chrétien et communiste.

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1951... - L'Ecole privée ( '' libre '')

Publié le par Régis Vétillard

Rappel sur la IVe République (1946-1958): Une coalition : SFIO (socialistes), MRP (chrétiens-démocrates) et Radicaux, doit faire face à l'opposition du PC (communistes) et du RPF ( le Rassemblement du peuple français, créé par le général de Gaulle, en avril 1947). « Tous les cabinets comprennent grossièrement un tiers de MRP, un tiers de socialistes et un tiers de radicaux et de modérés. Le président du conseil est interchangeable qu’il soit Socialiste (Ramadier), MRP (Schuman, Bidault), Radical (Queuille, André Marie) ou UDSR (Pleven) » ( UDSR = Union démocratique et socialiste de la Résistance (avec Mitterand) )

Pour Lancelot, l'actualité est chargée depuis quelque temps d'un débat sur ''l'aide à l'enseignement libre'' . En effet, en août 1951, la question pouvait mettre en danger le cabinet Pleven ; on s'inquiète et Lancelot est chargé de mesurer le poids de l'opinion catholique.

L'augmentation de la population scolaire exige des mesures urgentes. Et, on ne peut pas répondre à l'obligation scolaire sans l'enseignement privé.

Avant guerre on comptait à peu près 600.000 naissances dans l'année ; ces dernières années nous en sommes autour de 850.000 par an. En 1952, 858.000 enfants recevaient leur instruction primaire à l'école privée( plus de 4 millions dans l'école laïque) et 350.000 faisaient leurs études dans les collèges catholiques ( 450.000 dans le public). Les éducateurs catholiques font donc œuvre de service public.

Les catholiques se plaignent de payer deux fois pour l'éducation de leurs enfants, une fois comme contribuable et la seconde en subventionnant directement leur école. Ils souhaiteraient que l’État finance écoles publiques et écoles libres en proportion de leurs effectifs. Ce financement par l’État a été refusé pendant toute la Troisième République. Il n'a trouvé un accueil favorable que sous le régime de Vichy.

 

Que ce soit les organisations laïques, les évêques de France, le MRP ( dominante catholique...), tous veulent sauvegarder la '' paix scolaire'' ; mais y a t-il une paix sans justice ? La paix existe t-elle sans la liberté ?

Politiquement, si le camp de l'école libre s'oppose au camp laïque, Radicaux et MRP peuvent se diviser, le RPF peut s'abstenir et une grève des instituteurs n'est pas exclue. A l'ouest du pays en particulier, on ne craint pas de répondre par la grève de l’impôt, et tout ceci à la veille de la campagne pour les législatives de juin 1951.

Lancelot note que l'Assemblée des cardinaux et des évêques de France, est divisée, sur la question de l'action pratique et politique et souhaitent la dissocier des ''principes doctrinaux''...

 

Que craignent les partisans de la laïcité ? - Beaucoup d'entre eux pensent que l'Eglise a partie liée avec les forces conservatrices de la société, avec des connaissances du domaine de la croyance, alors que l'Ecole doit rester dans le domaine de la raison. Ils relèvent, également, que ce serait encourager toutes les autres confessions à réclamer leurs écoles ; et en Algérie par exemple, empêcher le rapprochement des divers éléments de la population.

Les évêques de France parlent de violation de la justice scolaire, puisqu'elle concerne la liberté de l'enseignement religieux. D'autre part, l'Etat peut très bien être laïque et permettre un enseignement chrétien : il suffit que son enseignement à lui demeure laïc, c'est à dire au-dessus des divergences confessionnelles.

 

Le contexte des élections législatives de Juin 1951, est lié aux soucis de pouvoir d'achat et d’inflation, à la question scolaire, et bien sûr à la guerre d’Indochine fortement contestée par le PCF. La ''Troisième force'' ( alliance de: la SFIO, les modérés, le MRP, le Parti radical et l'UDSR.) reste majoritaire 50,9%, le RPF a 21,7% et le PCF, 25,9%.

 

Le gouvernement ( Pleven) ne propose pour le moment que d'octroyer aux élèves des écoles privées le bénéfice des bourses d’enseignement... Les opposants répondent que ce serait tout de même une façon de subventionner ces écoles...

Une majorité au sein de l'Assemblée nationale semble exister en faveur du soutien des écoles libres.

Finalement, les lois scolaires dites « loi Marie » et « loi Barangé », sont votées le 21 et le 28 septembre 1951. Elles accordent une modeste aide à l’enseignement privé.

La loi Marie admet les élèves des établissements privés au bénéfice des bourses de l'Etat et la loi Barangé octroie une allocation trimestrielle pour chaque enfant fréquentant l'école primaire publique ou privée. Pour les élèves de l'enseignement public, l'allocation est versée à la Caisse départementale scolaire, gérée par le Conseil général, lequel assure la répartition des fonds.

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Le Vatican et la guerre froide 1

Publié le par Régis Vétillard

Après un long conflit historique, la France, souhaite trouver un nouvel équilibre politique avec le Vatican.

Après le départ de Schuman du ministère des affaires étrangères ( 1953), Lancelot travaille, pour le compte d'un service de renseignements qui dépend depuis 1945, directement de la présidence du Conseil, rattaché au pouvoir politique, et non militaire.

Le cabinet, lui explique le contexte de son travail, qui doit se concentrer sur le Vatican : ses contacts avec l’Église de France ; et son influence sur les conflits dans lesquels notre pays est engagé.

Pie XII

 

Quelques faits, pour montrer les répercussions de la guerre froide.

La Pravda, le 31 décembre 1944, accuse le pape de faire l' « Apologie des crimes nazis » dans son message de Noël. Un mois plus tard, c'est le nouveau patriarche orthodoxe de Moscou, Alexis, qui accuse, sur la radio publique soviétique, Pie XII de fascisme, essayant d'excuser l'Allemagne pour ses crimes. Et, en 1949, dans une conférence, le métropolite Nikolai, au nom de l'église orthodoxe russe, dénonce le pape comme « antichrétien » et « agent de l'impérialisme américain ».

En juillet 1949, Pie XII excommunie tous les membres de l'Église catholique « qui font profession de la doctrine matérialiste et antichrétienne des communistes ».

Une campagne anti-catholique cherche sans-doute à discréditer le pape, en questionnant son attitude devant le massacre des juifs. Cependant cette question est présente chez les chrétiens qui tentent de comprendre ; François Mauriac dans sa Préface au « Bréviaire de la haine » de Léon Poliakov, livre publié en 1951, écrit : « Nous surtout, catholiques français… n’avons pas eu la consolation d’entendre le successeur du Galiléen Simon Pierre condamner clairement, nettement, et non par des allusions diplomatiques, la mise en croix de ces innombrables « frères du Seigneur ».

Mais Mauriac dit ensuite: « Nul doute que l’occupant n’ait eu des moyens de pression irrésistibles et que le silence du pape et de la hiérarchie n’ait été un affreux devoir; il s’agissait d’éviter de pires malheurs. Il reste qu'un crime de cette envergure retombe pour une part non médiocre sur tous les témoins qui n'ont pas crié et quelles qu'aient été les raisons de leur silence. » 

 

Depuis 1949, la CIA développe un programme d’infiltration d’agents en URSS, et collabore avec le Vatican, au travers du '' Pontificium Collegium Russicum'' qui forme des prêtres envoyés clandestinement en URSS.

La France souhaite s'y associer et ne pas laisser cette initiative aux seules mains de la CIA et du MI6.

Symétriquement, le Vatican est alerté que les Soviétiques mettent sur pied une Section spécialement chargée de la pénétration des Églises, en particulier dans les pays satellites, comme la Pologne où sévit déjà un ancien prêtre Vassili Gorelov ; mais aussi dans les pays européens.

 

Lancelot se familiarise avec les arcanes du Vatican.

Le Vatican, à propos duquel, il est nécessaire d'apporter quelques précisions.

L'institution catholique, possède un gouvernement, le Saint-Siège, qui a à sa tête le secrétaire d'état ( nommé par le pape) et constitué de la Curie ; et aussi d'un Etat indépendant, créé en 1929 ( accords du Latran, avec ) nommé la Cité du Vatican ( 44 hectares) .

A noter que les ambassadeurs sont nommés auprès du Saint-Siège et non pas auprès du Vatican ; ce qui exprime un'' respect particulier à l’égard de l’Église catholique''.

Beaucoup de congrégations, interviennent également sur le plan diplomatique, en plus du nonce apostolique.

L’ambassadeur Wladimir d'Ormesson entend également représenter l’Église de France auprès du Pape....

Cet enchevêtrement ne facilite pas la lisibilité de l'action pontificale, et ses conséquences sur la société française ; c'est une des missions de Lancelot, que de classer les informations pour établir des rapports contradictoires et argumentés auprès des ministres.

 

Lancelot observe Pie XII, Eugenio Pacelli (1876 - 1958), pape et souverain, un homme au visage émacié, au port altier et à la voix théâtrale ; il lui semble être l'objet d'un cérémonial dépassé.

1950 est '' l'Année Sainte '', promulguée tous les vingt-cinq ans. L'année jubilaire est proclamée par Pie XII à l’occasion de la définition du dogme de l’Assomption de la sainte-Vierge. Le pape s'était très senti concerné par les trois messages de Fatima, dont le dernier restait encore secret ; un proche, le Cardinal Tedeschini, témoignera en 1951 à Fatima, que Pie XII lui avait confié avoir était témoin lui-même du phénomène analogue à celui des trois jeunes enfants voyants : la vision du soleil qui dansait, à quatre reprises.

 

En ces années 50, au Vatican, on peut se demander si l'Eglise perçoit que notre civilisation s'affirme de moins en moins chrétienne, et que notre tradition politique ne peut pas comprendre ce que Pie XI, lui-même reconnaissait, le 18 septembre 1938: « S'il existe un régime totalitaire – totalitaire de fait et de droit – c'est le régime de l’Église, (…) parce que , l’homme tout entier appartient à l’Eglise  ».

Bien-sûr, on peut tenter de corriger la formule, en expliquant que le pape Pie XI (de 1922 à 1939) exprimait ainsi son opposition à l'idée politique de totalitarisme, en évoquant la seule acception du terme s'il se rapportait à la conduite des âmes par l'Eglise catholique. Et d'ailleurs, à la racine de cette affirmation, l'Eglise affirme que les ''droits fondamentaux'' sont inhérents à la ''loi naturelle'' ?

Thomas d'Aquin (1225-1274) est un religieux italien de l'ordre dominicain, célèbre pour son œuvre théologique et philosophique.

 

Qu'est-ce que la ''loi naturelle'' ? Dans la ''Somme théologique'' Thomas d'Aquin s'interroge sur ce que contient la loi naturelle, après l'avoir définie comme : « la participation de la loi éternelle dans la créature raisonnable » ou rationnelle qu'est l'homme ( soumis et participant à la providence divine.. (cf .. Ia IIae, q. 91, art. 2)

Cette loi naturelle contient le précepte premier de faire le bien, et d'éviter le mal ; avec les lois de conservation de son être, de reproduction, et de vivre en raison.

 

Ainsi pour l’Église, absolutiser la race, ou la classe est un danger à l'autonomie de la personne qu'assure la loi naturelle. Et, l’Église apparaît comme la gardienne de la ''loi naturelle'' et présente une doctrine qui peut combattre la violence des idéologies totalitaires, comme les fascismes ou le communisme. Cependant, on peut regretter la prudence diplomatique du Vatican, au point que le pape Pie XI a signé pas moins d'une quinzaine d'accords ( concordats) durant son pontificat avec des régimes qu'il désapprouvait; il reconnaissait être prêt à signer avec le diable en personne, s'il s'agissait de « sauver des âmes, de prévenir de grands maux capables de les perdre... »

Après la deuxième guerre , Pie XII se dit qu'il reste un ultime combat pour sauver la civilisation chrétienne, c'est la lutte contre l'idéologie soviétique. Il appelle à un « nouvel ordre mondial, qui pour maintenir la paix, devra s'imprégner de la richesse de la civilisation chrétienne ».

Et, tournant majeur, le pape décrit « la démocratie comme la forme de gouvernement la plus compatible avec la dignité et la liberté des citoyens. ».

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Années 50 – Un parti chrétien a t-il du sens ?

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot a accepté l'opportunité de loger au Séminaire français de Rome, comme Maurice Maillard. Cela lui donne l'occasion de rencontres intéressantes.

L'ambassade au Vatican, est occupée par le comte Wladimir d’Ormesson ( oncle de l'écrivain et journaliste Jean d’Ormesson.) de 1948 à 1956, après l'avoir été par le philosophe Jacques Maritain.

De la fin de la guerre à 1968, Joseph Delos dominicain, à Rome, est le conseiller ecclésiastique de l’ambassadeur de France près le Saint-Siège.

Thomas-Joseph Delos, « l’homme du bon conseil » est à la droite de l’ambassadeur, Wladimir d’Ormesson

Lancelot sera en contact régulier avec le père Delos très soucieux des liens entre l’Eglise de Rome et les catholiques de France. Le dominicain est un spécialiste de droit international, professeur la Faculté libre de droit de Lille de 1924 à 1940.

Il développe une thèse intéressante sur la distinction entre l'Etat et la Nation. L'un est une organisation politique, la seconde est une communauté culturelle.

Il est intéressant, de lire dans les contacts de Lancelot avec le père Delos, des développements sur un programme politique. Ainsi, cette proposition d'un état fédéral afin d'associer les diverses minorités nationales, basée sur le '' Bien Commun'' notion avancée par Thomas d'Aquin ( reprise d'Aristote), qui se formaliserait dans les institutions.

Si la politique internationale se fonde sur les nations, elle peut être « définitivement, complètement perturbée et menacée par le nationalisme » ; la nation n'étant qu'un prétexte au totalitarisme. Les nations – selon le principe thomiste de la « sociabilité naturelle » entre les hommes – doivent être protégées et régulées, afin d'établir entre elles des relations de « libre commerce ». Le ''commerce '' comprend les échanges économiques, culturels et de solidarité. Ceci, serait la base « d’une communauté internationale, protectrice de la civilisation, et du développement humain »

Lancelot et le père Maillard discutent de la question, en politique : un parti chrétien a t-il du sens ?

- Effectivement, Maritain, parle de ''nouvelle chrétienté''

- Un concept critiqué par Mounier, rappelle Lancelot, il relevait l'illusion d'une '' domination parfaite de la société par l’organisme chrétien '' ( conférence de 1949 : '' Foi chrétienne et civilisation ''). Il ne s'agit pas aux chrétiens de reconquérir mais de témoigner... Mounier ( mort en mars 1950) récusait l'idée que l'on puisse se dire « monarchiste parce que chrétien » ou « de gauche parce que chrétien ».

- Il y a chez le chrétien, cette image du ''Royaume'' : il n'est pas la fin de l'histoire, il a déjà commencé en nous, puis par nous...

- Lancelot reprend aussi cet optimisme teilhardien du sens de l'histoire. Et dans ce sens, Mounier, pense que  l’histoire et les civilisations sont « dans notre condition, des médiations nécessaires ».

- L’Église, travaille à l’avènement du Royaume. Mounier ajoute aussi, que la société ne doit pas rejeter, exclure ce qu'il nomme le ''surnaturel'' : L’ouverture au surnaturel « est la condition radicale de la sauvegarde des personnes et, par elles, de la civilisation tout entière »

 

En France, même, on s'interroge sur l'opportunité d'un parti '' Démocratie Chrétienne'' ( D.C.). Seulement, les français peuvent-ils accepter qu'un parti politique puisse s'affirmer lié à une Église ?

- Le MRP, le Mouvement républicain populaire créé en 1944, se situe dans cette tradition du catholicisme social, et renvoie dos à dos le libéralisme et le socialisme. Toujours cette recherche d'une ''troisième voie'', qui semble se pervertir devant la réalité de l'économie.

Hors de France, la D.C. ne veut pas être le ''bras politique'' des Eglises ; elle peut soutenir d'ailleurs, la séparation de l’Etat et de l’Eglise ; tout en reconnaissant partager les même valeurs.

- Qu'elles sont-elles ?

- La liberté, la justice et la solidarité ; basées sur une conception chrétienne de l'homme, ''personnaliste'', c'est à dire reconnaissant dans chaque humain la dignité inaliénable de l'être, unique, perfectible ( pour exprimer l'avènement d'un homme nouveau). Ces valeurs, aujourd'hui, ne peuvent développer que dans une démocratie, qui promeut une économie sociale de marché ( selon la doctrine sociale des Églises chrétiennes) et un état protecteur.

Dans l’éthique sociale chrétienne une notion est primordiale : la subsidiarité. Du latin 'subsidium' qui signifie, recours, appui ; ainsi l'Etat ne rentre en jeu que lorsque les plus petites unités n’arrivent plus à mener une vie autonome et responsable. Ce qui se traduit par la préférence d'une décentralisation administrative assez poussée.

Ensuite, certains thèmes sont privilégiés : - la primauté de la famille comme cellule de base de la société et premier lieu d'éducation, de responsabilité et de solidarité. - Un souci de l'environnement, très bien représenté par le mouvement scout, prisé dans ces années 50.

 

Pourtant, l’Église elle-même, a du mal à se réformer. Elle semble figée par la peur du modernisme et par la crainte d’une recherche intellectuelle qui ne conduirait qu'à l'éloignement de la foi. Un enseignement classique, fondé sur le thomisme traditionnel, s'oppose à l’approfondissent des grandes philosophies contemporaines.

Pour les conservateurs, un parti catholique devrait être le parti - en conformité avec les enseignements pontificaux - qui réagit au libéralisme accusé de désorganiser la société, et au socialisme qui la trompe.

Un parti catholique se confondrait donc avec le conservatisme ; il serait le garant de la survivance du passé dans un monde qui change et de plus, assurerait la sécurité de la patrie.

Ce parti serait celui de tous les chrétiens qui souhaitent mieux défendre l’Eglise dans une société libérale, contre le communisme.

 

Lancelot et Maurice, s'accordent à constater que la société se modernise et se déchristianise. Le Vatican, dans sa tour d'ivoire, ne voit pas la crise arriver, avec la baisse des vocations et des laïcs en mal de pouvoir se situer.

Des prêtres dénoncent l'écart entre la vie catholique et le monde ouvrier. La Mission de France, voulue par le cardinal Suhard ( archevêque de Paris) a donné naissance entre 1943 et 1947, aux ''prêtres-ouvriers''. Ils vont apporter la contradiction dans l'Eglise ; contradiction entre un ordre social chrétien et conservateur, opposé à la modernité et un catholicisme social progressiste fondé sur la JOC, et - il est vrai - proche du PC parfois.

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1953 - Le parti communiste et les Rosenberg.

Publié le par Régis Vétillard

Julius Rosenberg et sa femme, Ethel, mars 1951 - procès

Le 19 juin 1953, un homme et son épouse se sont succédé sur la chaise électrique, dans l'état de New-York, le couple Rosenberg.

Ils avaient été arrêtés au cours de l'été 1950, et jugés coupable le 5 avril 1951. Ils auraient divulgué à l'URSS, les secrets de la bombe atomique.

On n'a pas manqué de s'interroger, quand quatre années seulement après les Etats-Unis, le 29 août 1949,  l'Union soviétique procédait à son tour à l'essai d'une bombe de 22 kilotonnes sur le territoire du Kazakhstan, à la puissance à peu près comparable à celle utilisée par les Américains à Nagasaki en août 1945.

 

Le PC est le fer de lance du combat contre la condamnation du couple Rosenberg.

Pour Geneviève, Julius et Ethel Rosenberg « ont été les victimes innocentes, d'une machination policière montée par le FBI et le gouvernement américain en vue d'intimider le mouvement progressiste. » ( Le Monde, Déc 1952)

 

Un ancien du service des écoutes et du décryptage des SR devenu le SDECE en 45; ne craint pas de dévoiler à Lancelot, que dès 1943, nous savions qu'un programme américain de contre-espionnage visant à décrypter les communications avec les soviétiques, avait pris de l’ampleur avec la guerre froide. Il contribuait à découvrir les espions soviétiques parmi des scientifiques américains.

« Attention, l’Amérique a la rage (…) » Jean-Paul Sartre (« Les animaux malades de la rage », Libération, 22 juin 1953

 

Cependant, Lancelot doute du bien fondé de cette exécution ; cette décision judiciaire n'a t-elle pas été dicté par des considérations politiques ?

On mentionne que les accusés étaient communistes. Pour certains, puisqu'ils sont juifs, le tribunal est soupçonné d'antisémitisme...

Lancelot, comme beaucoup qui pensaient les Rosenberg, coupables ; comptaient sur la grâce du président Eisenhower. Le Monde écrivait le 11 décembre 1952 : « Aucune condamnation à mort n’a jusqu’à présent été prononcée aux États-Unis pour crime d’espionnage, même en temps de guerre. ».

L'ambassadeur américain en France, est incité à soumettre un rapport qui insiste sur le piège d'une manipulation communiste, et la sévérité de la peine serait en défaveur de l'image de l'Amérique.

Par deux fois - fin décembre et le 13 février - Pie XII intervient en faveur des époux Rosenberg.

Albert Béguin, Jean-Marie Domenach, François Mauriac, Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau, Gaston Gallimard, Jean Cocteau, Albert Camus, Jacques Prévert, Marguerite Duras, Michel Leiris, Gérard Philippe... s'associent aux communistes, pour demander la grâce.

 

Que fait-on à l'Est ? - Lancelot, rappelle que lors du procès Slansky (Nov 1952), à Prague, onze dirigeants de Tchécoslovaquie ont été exécutés, dont huit étaient juifs.

L’exécution des Rosenberg, permet en outre, d'occulter les événements du 17 juin 1953 à Berlin Est. Au cours desquels, les communistes écrasent une révolte ouvrière, présentée comme l’œuvre de provocateurs fascistes...

 

Lancelot interroge à la revue Esprit, Jean-Marie Domenach, sur ce que lui inspire cette affaire : - Les américains, lui répond-il, comparent les Rosenberg – qui ne pèse pas lourd – à tous ceux qui meurent en Corée. Pour nous européens, avec le risque de guerre, ce couple devient les premiers qui pourraient mourir de la bombe atomique. « Nous nous imaginions que si leur vie était sauvée, celle de millions pourrait être sauvée du même coup. ». Nous voyons, nous, dans l'exécution du couple, « l'image d'une terreur mondiale et y avons opposé une incroyable mobilisation de la pitié. » ( Esprit, juil 53).

 

Aujourd'hui, nous savons que Julius Rosenberg était réellement coupable de trahison. Les plus hautes instances américaines le savaient sans vouloir le révéler ; les preuves de culpabilité, ayant été apporté par la cryptographie entrepris lors du projet Verona ( archives ouvertes en 1995).

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