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André Gide, le communisme et l'antifascisme.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot, et il n'est pas le seul, est étonné de la conviction communiste qui semble animer André Gide depuis quelques temps ; sa notoriété est telle que '' l'Union pour la Vérité '' organise un débat sous le titre '' André Gide et notre temps '' avec divers contradicteurs. C'est un 26 mars 1935, rue Racine, qu'André Gide se plie à l'exercice accompagné par la NRF au complet.

Le communisme est au centre de l'affrontement orchestré par Henri Massis. Lancelot regrette la contradiction de Daniel Halévy hostile et personnelle, basée sur la dimension religieuse que Gide était censé rejeter parce que dogmatique, pour finalement se convertir à la religion communiste... !

Guilloux, Aragon, Gide - 1935

Gide explique, avec sincérité son attachement plus sentimental que intellectuel, au communisme qu'accompagne une sorte de culpabilité, et comme il le dit : « En face de certains riches, comment ne pas se sentir une âme de communiste ? ». Il rapproche même le communisme d'un christianisme qui reviendrait aux sources ; ce que lui reproche fermement Maritain.

Henri Massis lui, tente de révéler les contradictions de l'auteur des '' Faux-Monnayeurs'' ; il termine : « Aussi est-ce le drame de notre civilisation qui se joue comme dans un microcosme, dans la personne d'André Gide, personne qui à son propre sujet, met en cause les valeurs humaines sur lesquelles cette civilisation est tout entière établie. »

Sur le plan strictement politique, Gide n’apparaît pas comme crédible... Lui-même reconnaît qu'au cours de la Grande Guerre, c'est '' L'Action Française'' qui lui paraissait le parti « le plus sûr et le plus solide ». Pourquoi ce besoin d'un parti ?,- la nécessité de se grouper : « Oui c'est un besoin d'adhérer pour lutter contre une dissolution, qui était au fond de tout cela »

Gillouin ironise un peu quand il décrit Gide, dupe d'une foi ingénue dans la vocation messianique du prolétariat exempt du péché originel d'exploitation... Mais alors, que penser du péché de tyrannie, du péché contre l'esprit, de la suppression des élites...etc ?

Lancelot remarque que Gide n'écrit plus... Le communisme aurait-il désarmé son angoisse ? Vivement, qu'il retourne à ses démons … !

Ce temps du milieu des années trente, est à rapprocher de celui de l'affaire Dreyfus ; avec de nouveaux enjeux pour des intellectuels de gauche, et de droite.

Le parti communiste exerce une attraction auprès des intellectuels soucieux de s'engager, alors que chacun ressent une montée de grands périls. Le 6 février 34, résonne encore...

La culture paraît alors le fer de lance d'un combat contre la barbarie, barbarie à laquelle on donne un nom : le fascisme.

Des communistes aux radicaux, chacun défend son modèle ; mais tous reconnaissent une culture nationale, voire une civilisation, en danger.

 

Lancelot, à la lumière du personnalisme de Rougemont, définit ainsi le fascisme :

- Le fascisme exige un état fort, dispensateur de tous les biens, méritant donc tous les sacrifices. L’État fasciste met fin aux luttes politiques : il supprime les partis et jugule la presse. Il s'en prend aux valeurs occidentales ; il subordonne à l'Etat divinisé, les libertés fondamentales de la personne et des églises, ainsi que toute espèce de création spirituelle.

Un mot allemand : Gleichschaltung - mise au pas - résume le fascisme et justifie les coups de force hitlériens.

La Mutualité - 1935

 

Dans l'engagement antifasciste, la prochaine étape est le Congrès international des écrivains pour la défense de la culture qui se tient à Paris du 21 au 25 juin 1935.

Il a lieu au moment même où les britanniques sont à Paris pour s'expliquer sur la signature de leur accord naval avec l'Allemagne, et qui autorisent  le Troisième Reich à disposer d'une flotte de guerre au tonnage limité ; et ceci, sans accord de leurs alliés !

En réaction, sans-doute, Pierre Laval, sera amené à consolider notre entente avec l’Italie de Mussolini. L’Allemagne se réarme, l'Angleterre s'y résigne et certainement surveille l'entente entre Paris et Rome...

Lancelot a pu échapper aux entretiens annexes à cette rencontre des ministres ; et beaucoup plus intéressé, a obtenu de participer à ce Congrès des écrivains... C'est près de deux cent cinquante écrivains, de trente-huit pays, qui ont été invités... !

En possession des tickets d'entrée nécessaires pour lui et Elaine, ils peuvent prendre place au parterre. Devraient être présents : Pasternak - qui remplace Gorki - Heinrich Mann, Bertolt Brecht, Robert Musil, Aldous Huxley, H. G. Wells, Giono, Barbusse, Dabit, Guéhenno, Mounier, Rolland, Vitrac, E. M. Forster, Max Brod, Paul Nizan, Julien Benda, Aragon, Roger Martin du Gard, Guilloux... James Joyce, Queneau, Prévert se sont abstenus... Deux, peut-être trois milliers de personnes sont attendus ; des hauts parleurs sont installés dans les couloirs du Palais de la Mutualité et à l’extérieur.

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1935 Xavier de Hauteclocque meurt empoisonné

Publié le par Régis Vétillard

Elaine L. est très souvent fatiguée. Des poussées de fièvre inexpliquées l'amènent à consulter, conseillée par son médecin, le professeur Roussy qui confirme le diagnostic d'un cancer. Il semble confiant, et met beaucoup d'espoir dans les nouveaux outils à disposition comme les  radiations ionisantes dans le traitement des tumeurs.

Nous entrons dans une période d'inquiétudes. Peu de nouvelles, qui ne nous enfoncent pas dans un climat d'incertitude.

Xavier de Hauteclocque

 

Xavier de Hauteclocque, rentré en France urgemment suite à des problèmes de santé; a été admis en clinique. Il décède le 3 avril 1935!

Lancelot l'avait rencontré avant son départ en Allemagne. Plusieurs personnes du ministère l'avaient mis en garde; en effet, ses derniers articles parus le mettaient en danger, et il avait lui-même reçu des menaces anonymes... Il avait réussi à pénétrer l'intérieur du NSDAP, observer et interroger des responsables locaux du parti nazi...

Cette fois-ci, un contact lui permettait de rencontrer à Sarrebruck, en Sarre - alors qu'à la demande d'Hitler un référendum vient de rattacher le territoire à l'Allemagne, alors sous mandat SDN, avec propriété des usines de charbon à la France - deux officiers nazis qui semblaient disposés à lui fournir d’intéressants renseignements... Cette rencontre permit son empoisonnement... Très vite, il s'en rend compte, reprend le train; et fiévreux retourne directement près de sa femme et de son fils de quatre ans, à Saveuse... Puis, il est hospitalisé à Paris; la septicémie entraîne une longue agonie et il meurt empoisonné selon son propre témoignage, à trente huit ans.

Hauteclocque partageait avec le journal Gringoire, une ligne anti-communiste. Il s’inquiétait d'un régime malade ( celui de la IIIe République), qui se laisse berner, sans s'effrayer, des parades militaires italiennes ou allemandes... L'hebdomadaire axe sa publicité sur les révélations d'Hauteclocque dans ses reportages: il décrit ce qu'il voit, entend, alors qu'il est reçu officiellement par les nazis, au siège du parti '' la maison brune'', il rencontre le chef de la police politique, et visite les camps de travail. Ses articles sont vivants, détaillés et laissent entrevoir la barbarie.

Hauteclocque avait montré à Lancelot, comment il travaillait à Berlin, en particulier son accointance avec la corporation des chauffeurs de taxi...! Il se présentait comme le « Graf von Hautecloque » et usait de sa proximité avec les grandes familles prussiennes.

Xavier de Hauteclocque 1935

Il avait publié ''A l'Ombre de la croix gammée'', ''La Tragédie brune'', en 1934. Il a suivi plusieurs discours d'Hitler : « Une voix lourde, rocailleuse, qui roule d’abord en flots pesants, puis tourbillonne comme un torrent avant le barrage, avec des métaphores, des interjections qui pétillent et explosent comme des balles. Là-dedans, des espèces de hurlements de fureur, quand il parle des “traîtres”. Si prévenu qu’on soit, cette éloquence sauvage vous prend aux entrailles. ». Il constate, inquiet, la totale adhésion d'une foule à un homme... Il frémit à la symbolique du salut martial nazi: « ce geste brutal de la paume rabattue violemment vers le sol comme pour écraser je ne sais quelle bête rampante et invisible.»

Il constate, petit à petit, alors qu'il questionne des allemands de toute catégorie sociale, une loi du silence qui dénote « l’effrayante emprise de l’hitlérisme, cette domination fondée sur un curieux mélange d’enthousiasme et de résignation terrifiée. »

Le chef de presse du Reich, le baron von Stumm, lui fait la leçon : « Est-ce que nous ne faisons pas preuve de grandeur d’âme en permettant à de tels journalistes de séjourner chez nous ? ». On commence à se méfier de lui, on perquisitionne sa chambre...

Hauteclocque confiait à Lancelot, sa crainte d'une nouvelle guerre, à laquelle nous devrions nous préparer. Il s'agace contre les communistes de salon, les pacifistes naïfs...

Un ancien combattant allemand avec qui il discute, et trinque avec une choppe de bière, lui avoue : « Et dire qu’un de ces jours je vous tuerai, mon cher camarade. Quel dommage ! Ou bien, c’est vous qui me tuerez et ce sera tout aussi regrettable. Mais il faudra pourtant qu’on recommence…»

 

Suite à l'assassinat de Xavier de Hauteclocque, le ministère annule toutes les missions que Lancelot effectuent en Allemagne. On lui demande de moins voyager;  et à l'intérieur de ce qu'on appelle '' le chiffre '', de participer à la coordination de nos agents en Allemagne...

De plus, l'actualité internationale amène la France à recevoir des événements politiques, culturels pendant lesquels Lancelot qui parle l'anglais et l'allemand peut tenter de comprendre les mouvements d'opinion et de régime au-delà de nos frontières.

Nos services sont au courant que l'Allemagne, avant même l'accession d'Hitler au pouvoir, se réarme avec l'aide de l'URSS, qui en échange reçoit des moteurs, et des instructeurs allemands sur les nouvelles technologies. Le 2ème bureau en informe régulièrement l'Etat-major, et le gouvernement... Nous arrivons à convaincre l'Union soviétique de changer de politique ; avec l'aide de la propagande nazie contre le communisme, il est vrai...

Le gouvernement français, avec Pierre Laval, signe en avril 1935, un traité avec l’Italie de Mussolini, pour effacer un contentieux colonial à propos de la Tunisie et éventuellement l'Ethiopie; et avec Moscou, le 2 mai, un traité d'assistance mutuelle...

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Esotérisme et nazisme

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot rencontre souvent Xavier de Hauteclocque. En plus de ses reportages qu'il distille dans les journaux, et avec beaucoup de détails dans ses livres ; le reporter fait passer à Lancelot des pistes vers des sujets qu'il n'explorera pas, avec des noms de contact, des articles de presse, parfois même des dossiers peu diffusés...

Je note un dossier, sur lequel Hauteclocque était plutôt sceptique, et qu'il considérait même comme assez farfelu ; cependant - connaissant l'intérêt de Lancelot pour les mythes, il lui a laissé assez de renseignements pour continuer la recherche...

 

Deux pistes intéressantes semblent se dessiner d'après les notes de Hauteclocque. L'une concerne l’intérêt de certains nazis pour l'ésotérisme, les mythes germaniques et même le Graal.

L'autre fait état d'un '' Deutsche Glaubensbewegung'' c'est à dire d'un mouvement de la foi allemande, religieux, mais, non chrétien. Ce mouvement qui soutient la concordance entre un peuple et sa foi : une foi ''aryenne nordique'', s'efforce de créer une Eglise aryenne.

 

A Munich, parmi les chefs nazis rencontrés, Hauteclocque a croisé, un officier Karl Maria Weisthor, promu colonel puis général par Himmler, il serait responsable d'un service sur la race et le peuplement (SS Rase und Siedlungsamt) et serait chargé d'édifier le socle traditionnel du nazisme.. !

Lancelot, s'arrange, en Allemagne, pour aller le visiter...

L'homme a soixante-sept ans et il n'est pas attaché à un emploi du temps rigoureux. Il dirige des conférences, des ateliers sur des questions ésotériques. Il a rencontré Himmler en septembre 1933 à Detmold lors d’une conférence de la Nordische Gesellschaft (« Société nordique ») ; il avait été amené et présenté au SS-Reichsfuhrer, par Frieda Dorenberg, membre du parti nazi ( l'une des premières, avant même Hitler...) et de la Société Edda.

Tout cela semble un peu mystérieux... Pourquoi lui, et pour faire quoi ?

- Karl Maria Weisthor ( de son vrai nom : Wiligut ) est un ésotériste distingué, né à Vienne et initié à la « tradition runique » par son grand-père Karl. Il entre dans l’armée austro-hongroise à l’âge de 14 ans et occupe une série de commandements pendant 40 ans de service.

En Allemagne, Weisthor ( qui signifie ''Thor, le guerrier sage'') fréquente des groupes völkisch, se fait connaître...

La Société de l'Edda produit une revue, Hagal, dans laquelle Weisthor écrit, elle met l'accent sur - l'aspect ésotérique des ''runes'', ces inscriptions d'origine germaniques du IIe s. après J.C., censées être conductrices d'une énergie subtile, qui anime l'univers entier, et porteurs d'une ancienne religion, antérieure au christianisme, que l'on pourrait qualifier de ''altantéenne-aryenne''.

En 1933, un ami officier SS, le présente à Heinrich Himmler, lui-même fasciné par les traditions occultes de la vieille Europe... Impressionné par le vieil homme, Himmler l'installe à la tête d’un département nouvellement dédié à l'étude d'une préhistoire des peuples germaniques. Il est chargé d'officialiser une nouvelle religion, néo-païenne, et de décrire ses outils, ses rituels, ses fondements théologiques, historiques....

Lancelot évoque le Graal et le texte de Wolfram von Eschenbach.

- Weisthor se dit très intéressé par le sujet, d'autant que pour lui, l'objet qu'il soit une coupe ou une pierre taillée, appartient à la mythologie germanique, et indûment récupérée par le christianisme … !

Enfin, Weisthor renvoie Lancelot aux travaux en cours d'un jeune homme spécialiste du Graal, Otto Rahn, et au livre qu'il a écrit tout récemment : ''Kreuzzug gegen den Gral'' (1933). Ce qui donne à Lancelot, un nouvel objectif : rencontrer Otto Rahn. La traduction en français par M. Robert Pitrou, professeur à l'Université de Bordeaux, est parue en 1934 : La Croisade contre le Graal. Grandeur et chute des Albigeois.

 

Édouard Daladier (1884-1970) député radical-socialiste du Vaucluse, avait du démissionner après l’émeute du 6 février 1934, et il est en vacance de ministère. Ministre de la Guerre en 1932, Daladier s'est spécialisé dans les questions de défense. Il a dirigé la politique militaire de la France de 1932 à 1934 ; et actuellement tente de rallier les radicaux à la politique antifasciste ; il milite pour un front populaire et un programme commun...

Je rappelle que Lancelot, est employé du Ministère de la Guerre. Daladier demande à Lancelot d'accompagner Melle Edith Bicron en Allemagne ; elle fait partie de son entourage et, grand reporter, écrit dans différents journaux.

Pendant ce court séjour en Allemagne pendant l'été 1935, Lancelot et Edith, réserve un long moment pour une rencontre avec Otto Rahn, à Bad Homberg, flatté de recevoir des journaliste français qui s'intéressent à ses travaux...

Otto Rahn (1904-1939) se définit comme archéologue et philologue.

Enfant, il était fasciné par les histoires de héros germaniques, en particulier par le poème épique Parzival de Wolfram von Eschenbach. Il prenait cela comme de simples contes ; mais en étudiant la philologie à l’Université de Giessen ; il apprit les découvertes de l’archéologue allemand Heinrich Schliemann, qui 60 ans plus tôt avait suivi les indices de l’Iliade d’Homère pour trouver les ruines de l’ancienne Troie, jusqu'à présent considérée comme un mythe.

Otto connaît en profondeur l'œuvre du minnesœnger allemand du moyen âge, Wolfram d'Eschenbach, Parsifal et Lohengrin. 1215, époque où fut écrit Parsifal, est celle des troubadours, comme l'était le « provençal Kyot », inspirateur d’Eschenbach.

Grâce à une étude approfondie de l’œuvre de Wolfram von Eschenbach, couplée à un raisonnement très sélectif, il a conclu que les Cathares ont été les véritables gardiens du Graal. Il identifie à Montségur, à Montsalvatge, le château du Graal chez le poète allemand...

Otto Rhan, parle à la fois le français et la langue d’oc. De 1930 à 1932, à partir d'Ornolac-Ussat-les-Bains, il va explorer le Languedoc, accompagné en particulier du directeur de l’Office de tourisme local, l’enseignant Antonin Gadal. Il a rencontré également la comtesse de Pujol-Murat, qui lui confie être la descendante ( et la réincarnation) de la châtelaine de Montségur, Esclarmonde de Foix, un personnage historique que Rahn assimile dans son livre au gardien du Graal. La comtesse l'autorise à profiter de sa bibliothèque privée, et d’utiliser sa voiture et son chauffeur lors de sa visite.

Rahn se rend à Montségur pour explorer les ruines de l’un des derniers bastions cathares, lors d'un des événements les plus brutaux de la croisade des Albigeois. En 1244, le château a été capturé par les forces catholiques après un siège prolongé, et 200 Cathares impénitents ont été brûlés vifs ensemble dans ce qui est connu comme le « champ des brûlés ». Cependant, la légende locale veut que quatre chevaliers cathares aient réussi à quitter secrètement le château et à s’échapper avec le trésor de l'église cathare, y compris le Graal.

Rahn a trouvé quelques excavations cachées sur le site, mais rien d’autre.

- Vous dites, je crois, que le catharisme est un mouvement germanique dualiste aux racines aryennes ancestrales ; mais, que serait Graal … ?

- Le Graal, selon Wolfram d'Eschenbach est une pierre... Ce pourrait être une pierre gravée, à l'image de nos pierres qui contiennent un message en écriture pré-runique.

- Le Graal ne serait pas une coupe, celle qui recueillit le sang du Christ.. ?

Parsifal 1933

- Jésus de Nazareth ne venait pas instituer une nouvelle religion. L'image du Graal a été prise et déformée par les chrétiens, leur Eglise - après que les peuples germaniques aient renversés Rome, poursuivent de leur haine les chevaliers protecteurs du Graal, qualifiés d'hérétiques...

Lancelot n'est pas convaincu.. ! Otto Rahn reste vague sur ce qu'il aurait découvert, aux alentours du château... Il affirme avoir pu suivre le trajet des quatre chevaliers fuyards, avoir découvert leur cachette... Par exemple, la grotte de Fontanet- on y voit encore un autel – qui a servi de lieu de cérémonie pour les cathares...

Quelques aspects d'Otto, rendent sympathiques ce jeune homme à Lancelot, qui comme lui-même s'est senti interpellé par le Graal... Il en vient à se comparer à ce passionné qui se voue, beaucoup plus que lui-même, à cet objet mythique. Que signifie cela ?

Edith semble avoir été séduite par l'enthousiasme qui habite ce croyant, d'une tradition hermétique dont il est persuadé pouvoir découvrir son secret... !

Depuis mai 1935, Otto Rahn fait partie de l’état-major personnel de Wiligut-Weisthor et travaille comme conférencier au ''Rasse und Siedlungshauptamt '' des SS, sans fonction bien définie.

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Fascisme et Moyen-âge

Publié le par Régis Vétillard

En cette période trouble de ces années trente, Lancelot est tiraillé entre l'objet de la Quête qui l’habite et qui est porté par le mythe arthurien, et ce que l'on nomme un '' Médiévalisme '' fasciste ( note : l'historien italien Tommaso di Carpegna Falconieri le décrit comme la « projection dans le présent d’un ou plusieurs Moyen Âge idéalisés »), qui serait la référence d'une vision du monde, un temps où se fonde un mythe politique ...

N'oublions pas que : - nous sortons d'une guerre effroyable, moderne et technique... - Nous entrons dans une crise économique, et nous nous interrogeons si le capitalisme, si le parlementarisme ne sont pas au bout de leurs possibilités... - Nous sentons le danger à nos portes; et s'il vient de l'étranger, il est peut-être aussi à l'intérieur... ! - Nous imaginons un monde plus unitaire, plus ordonné... Pour certains l'unité viendrait d'un homme providentiel, et l'ordre, d'un régime totalitaire.

Puisque les partis, les élections ne garantissent pas que nous ayons de bons politiciens ; que pouvons nous imaginer, comme nouvelle manière de faire de la politique ? Nous sommes à l'âge idéologique...

L'idéologie semble le bon véhicule pour éduquer les masses, l'idéologie est cet ensemble d'idées et de croyances, qui donne au peuple une ligne de conduite.

Une idéologie politique peut prendre un caractère religieux, jusqu'à prendre la place de la religion. Ce totalitarisme imagine ainsi pouvoir contrôler les consciences...

Daniel Halévy, lors de sa visite à Rome, en 1933, à l'exposition fasciste, remarque le vocabulaire utilisé par le fascisme, emprunté à l’Église ; ainsi cette formule de la « mystique fasciste » enseignée aux enfants : ''Credere, obbedire, combattere '' (croire, obéir, combattre) ( Note : Daniel Halévy, Le Courrier d’Europe, Paris, Grasset, 1933, p. 282. )

« Qu’est-ce que le christianisme aujourd’hui pour nous ? Le national-socialisme est une religion. Il ne lui manque que le génie religieux qui fasse exploser les antiques formules ayant fait leur temps. Il nous manque le rite. / Il faut que le national-socialisme devienne un jour la religion d’État des Allemands. Mon Parti est mon Église, et je crois servir le Seigneur au mieux quand j’accomplis la volonté et que je libère mon peuple opprimé des chaînes de l’esclavage. / Tel est mon Évangile. Et là où je rencontre de la résistance, peu importe quand et où, j’essaie de la briser. / J’y vois maintenant parfaitement clair […]. » (Joseph Goebbels, Journal, 1923-1933, Paris, Tallandier, 2009, p. 291, 16 octobre 1928)

Revenons à cette nostalgie médiévale ; au temps du Saint Empire Romain Germanique. On note le caractère sacré de l'Empire (« il rappelait ensuite qu’il était l’héritier de l’Empire romain et que Rome était sa capitale ; et, enfin, il soulignait le rôle éminent tenu par les Germains dans l’institution » Jacques Le Goff). L'Empire, de plus englobe les nationalismes, il unifie en une communauté de destins, et théoriquement sans les détruire : L'Empire, comme une Europe fédéraliste sous contrôle...

L'armée allemande avait repris la croix noire des chevaliers teutoniques, ces chevaliers qui après avoir été un ordre hospitalier, devinrent une armée au service d'une idéologie chrétienne, une croisade pour conquérir la Pologne, la Lituanie, la Russie... De la suite de leur déclin, il en restera le berceau de l'état prussien : et les nazis utilisent à présent leur image de « conquérant des peuples slaves ».

 

Nous avons déjà évoqué, ces derniers chevaliers errants que sont les aviateurs. Beaucoup, jeunes et moins jeunes ont lu '' Le Chevalier de l'air '' la Vie héroïque de Guynemer par Henry Bordeaux , célébré aussi d'ailleurs par Benito Mussolini... !

Le biographe célèbre en Guynemer : « Le nouveau Roland, le chevalier téméraire et prodigieux » qui s'est fait remarqué au cours de cette « Période héroïque et resplendissante, où nos aviateurs surgissaient dans le ciel, semant la panique et l'effroi, pareils aux chevaliers errants de la Légende des siècles ». Henri Bordeaux, fait référence à un texte médiéval, et à une figure dans Gaydon ( le chevalier au geai) appelé Guinemer, « et qui raconte le triste retour de Charlemagne à Aix-la-Chapelle après le drame de (...) » ; et aussi à un traité de Guérande (11 avril 1365), qui termine la guerre de succession de Bretagne et donne le duché à Jean de Montfort, mais sous la suzeraineté du roi de France, porte la signature de trente chevaliers bretons, parmi lesquels un Geoffroy Guynemer.

Le chevalier représente cette figure héroïque qui engage sa vie pour sa terre et sa foi... Il prêche la croisade pour sauver notre civilisation... En effet le temps présent est un temps de crise ; et nous éprouvons le besoin de nous relier à une chaîne traditionnelle, qui comprend des initiés cathares, des templiers, des sorcier(e)s, des alchimistes, … etc. Ce patrimoine traditionnel pourrait nous donner accès à une vérité, à retrouver notre identité, et à la sacralité de puissances perdues comme celle du pouvoir ...

 

En Allemagne, le succès d'une gravure de Dûrer, ''Le Chevalier, la Mort et le Diable '' symbolise ce que l'on appelle le ''völkisch'' et qui renvoie aux racines rurales, le sang et la terre (''Blut und Bode''). Ce mouvement a imprégné toute la droite allemande. Le chevalier, se présente comme un surhomme selon un certain détournement de la pensée de Nietzsche. La pensée völkisch est violemment antisémite, le juif y est désigné comme l'ennemi intérieur.

Beaucoup de jeunes bourgeois se passionnent pour les rites germaniques. Les Wandervögel renforcent la camaraderie virile, ils rêvent d'action et de changement de société. Des ligues s'organisent et seront ensuite récupérées par les nazis.

Le Thulé Bund est en 1918, une société férue d''histoire et de traditions allemandes, et « traite de pangermanisme, d’anti-matérialisme, de pensée médiévale et alchimique.. » dès 1918. Thulé évoque le lieu mythique d'où proviendrait la race aryenne, et elle adopte la croix gammée pour symbole.

En septembre 1919, Adolf Hitler participe à une réunion du Deutsche Arbeiterpartei (DAP). Ce Parti des travailleurs allemands émane de la société Thulé, et vient d'être fondé à Munich par Anton Drexler, membre de la Thule-Gesellschaft . Le 8 août 1920, le DAP est rebaptisé Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP).

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Nicolas Berdiaeff

Publié le par Régis Vétillard

Elaine, bien que souvent fatiguée, continue ses occupations de critique littéraire, et avec plus d'assiduité que Lancelot à fréquenter le cercle des Maritain ; elle les ressent plus libres depuis qu'il se sont écartés de l'Action Française. Elles leur est aussi reconnaissante de ne pas la juger, lors des pénibles démarches de son divorce...

Jacques Maritain rejoint souvent les propos de Mounier dans Esprit ; ainsi quand il défend la primauté du spirituel, en ajoutant la personne humaine comme valeur centrale. Le groupe social doit se mettre au service de la personne et non l'inverse. Le chrétien doit retrouver le sens de l'Incarnation, et s'engager dans l'humain, dans l'universel...

Ces chrétiens, en concordance avec ceux qui entourent Henri Daniel-Rops, par exemple, ou Berdiaeff, et même ceux de l'Ordre Nouveau ; tous dans leur critique du matérialisme, imaginent une ''troisième voie''. Ne pourrait-on pas l'imaginer chrétienne, puisque l'humain n'y ai pas qu'un citoyen, ou qu'un producteur... ? L'Humain d'abord, face aux monstres que sont l'Etat, la Race ou la Masse.. !

Nicolas Berdiaeff, connu pour son ouvrage '' Pour un nouveau Moyen Âge'', y rappelait que la Renaissance à supplanté l'homme spirituel, par l'homme naturel sans Dieu... Aujourd'hui l'homme économique ne rêve que de l'égalité qu'il trouve dans la masse du collectif ; le fascisme ne propose plus comme légitimité que la force...

Lancelot reprend une discussion déjà initiée, pour mieux comprendre sa vision si peu en accord avec notre République laïque...

Berdiaeff constate que la Bourse a remplacé l'Eglise, et propose un corporatisme en remplacement du capitalisme : - « le nouveau Moyen-âge sera démotique. »

- C'est à dire... ?

- Quand vous imaginez la place du peuple, dans une perspective de pouvoir, c'est la démocratie...

J'imagine d'abord une société qui satisfait les besoins spirituels et matériels du peuple. Quand au pouvoir, il ne peut pas appartenir au grand nombre... Dans la République, le pouvoir appartient à une poignée de bourgeois désignés par les partis...

- Et si ce n'est pas la République, c'est … ?

- Une monarchie, pourquoi pas... ; non pas « environnée de castes, mais d'organes professionnels et culturels, unis dans une structure hiérarchique. »

- « Il n’est pas nécessaire d'idéaliser le Moyen âge, comme l'ont fait les romantiques. Nous savons très bien quels sont les aspects négatifs et vraiment ténébreux du Moyen âge : la-barbarie, la grossièreté, la cruauté, la violence, le servage, l’ignorance dans le domaine des sciences positives de la nature, une terreur religieuse rythmée sur l’horreur des souffrances infernales. Mais nous savons aussi que les temps médiévaux furent éminemment religieux, qu’ils allaient entraînés par la nostalgie du ciel, que celle-ci rendait les peuples comme possédés d'une folie sacrée; nous savons que toute la culture du Moyen âge était dirigée vers le transcendant et l'au delà et quelle devait à une haute tension de l’esprit - son orientation vers la scolastique et la mystique, à qui elle demandait de résoudre les problèmes suprêmes de l'être; les temps médiévaux ne prodiguaient pas leur énergie à l’extérieur, mais ils préféraient la concentrer à l’intérieur : : ils ont forgé la personnalité sous l'aspect du moine et du chevalier. »

 

- Le catholicisme a eu la prétention d'imprégner toute la culture de son esprit religieux et il a lamentablement échoué. N'est-ce pas parce qu'il a échoué que le monde s’est détourné du Christ et de sa loi ?

- Est-ce le christianisme qui a échoué, ou l’homme qui a manqué à « sa tâche, à la haute mission que le Christ lui avait confiée. C’est l’élément humain dans l’Eglise qui a trahi la Vérité chrétienne. Contre la décadence de cet élément humain , l’indignation eut été permise et juste. Mais on est allé plus loin. On s'en est pris à l’Eglise et à toutes les choses authentiquement saintes qu’elle contient : au Christ et à sa loi. »

- De toute manière, le Royaume de Dieu, ne concerne t-il pas l'après-vie ?

- Le christianisme concerne également notre vie d'ici-bas... Et ce n'est pas seulement l’affaire du Christ, c'est aussi l'affaire de l’homme. Il s’offre à l'homme une immense liberté, et un combat dans lequel il doit engager les forces de son esprit. Dieu lui-même, si l’on peut dire, attend de l’homme son apport créateur. « Mais, au lieu de se tourner vers Dieu et de lui consacrer, la libre surabondance de ses forces, l'homme a dépensé et détruit son énergie vitale dans l’affirmation de soi-même, en gravitant sur la périphérie des choses. Aujourd’hui il n’y a pas de salut, sinon par un retour vers Dieu. Toute la culture - la philosophie, la science, l’art, la morale, l'économie, la politique - doit redevenir religieuse et sacrée. Dans le Nouveau Moyen âge, l’Eglise redeviendra le centre spirituel de l’univers. Car l’Eglise ce n’est pas seulement l'humanité christianisée. Elle est cosmique par sa nature et en elle, rentre toute la plénitude de l’Être ; l’Eglise c’est le cosmos christianisé. Ceci doit cesser d’être une vérité théorique et abstraite pour devenir une vérité vivante et agissante. Au lieu de confiner la religion dans les temples et les sacristies, d’en faire, comme on dit : une chose privée, il faut au contraire lui donner accès au large monde, pour qu’elle vivifie et transforme tout le créé. La religion des temps modernes était devenue une partie distincte de la culture, une sorte de spécialité comme l’économie politique, où l’élevage des vers à soie. On lui avait réservé une place séparée et assez mesquine dans l'encyclopédie du savoir. A nouveau, elle doit devenir tout - une force illuminatrice et transfiguratrice de toute la vie par l’intérieur - elle doit, force spirituelle libérée, transfigurer la vie totale. »

- Le communisme n'a t-il pas aussi ce projet de société future idéale ?

- Le communisme n’y croit plus. Il saccage tous ces idéaux humanitaires. Il est hiérarchique à sa manière et autoritaire; il est d'essence religieuse. C’est une croyance, une foi, une religion, mais une religion satanique, dans laquelle toutes les vérités chrétiennes sont bafouées... D'ailleurs, toutes les fleurs et tous les fruits de la Renaissance humaniste sont également foulés et détruits.

Sources : '' Un Nouveau Moyen-âge'' de Nicolas Berdiaeff

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Après le 6 février 1934 - Le choix... 2

Publié le par Régis Vétillard

Gaston and Bettina Bergery 1930s

Gaston Bergery (1892-1974), est pour Lancelot, de ces personnes, qu'il connaît de vue, puis qu'il salue après s'être croisés plusieurs fois; enfin qu'il rencontre avec plaisir et avec qui la discussion sur certains sujets s'engage facilement, avec intérêt parce que les divergences exprimées n'entament pas cette franche relation qui s'installe finalement entre Lancelot et ce radical un peu plus âgé. Froid, sûr de lui, il a tendance à faire la leçon ; et Lancelot se montre réceptif à ses avis qui tranchent des positions officielles....

Bergery fréquente les salons ; plutôt dandy et en concurrence de Drieu la Rochelle ; déjà marié deux fois ; il va épouser le 5 août 1934 Mlle Elisabeth-Charlotte Shaw-Jones, assistante de la créatrice de mode Elsa Schiaparelli.

On le craint, comme si on attendait de lui quelque grande surprise... Pour Drieu, c'est un ambitieux et un modèle pour son personnage Clérences ( Gilles)

Bergery était vers 1925, directeur du cabinet d'Édouard Herriot au ministère des Affaires étrangères. Ensuite il retrouve sa profession d'avocat, et sa spécialité en droit privé international l'amène à voyager. Devenu député radical en 1928 ; il est favorable à un rapprochement avec la SFIO. Il s'alarme du racisme et de la montée des idées fascistes. Le ''6 février'' est très grave et exprime à son avis l'inquiétude des classes moyennes ; cela plaide pour une réponse ferme en particulier des radicaux pour une unité de la gauche, parti de qui il s'est senti de plus en plus en décalage, au point de voter la défiance d'une majorité à laquelle il appartient, et finalement de quitter le parti Radical en 1933.... La SFIO de Léon Blum, lui semble tout aussi archaïque.

Il souhaiterait pouvoir refonder la république, revenir aux fondements de la Révolution française ; il rejoint en cela les ''non-conformistes'' des années trente.

Il tente de créer un mouvement qui promeut la justice sociale et s'oppose au fascisme. Il rejoint en novembre 34, George Izard et constituent ensemble le Parti frontiste.

 

Des universitaires ont été aussi fortement secoués par les émeutes du 6 février 34, Paul Langevin scientifique, enseignant et militant humaniste ; fonde avec Paul Rivet ethnologue militant et le philosophe Alain, pacifiste : Le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes ( CVIA).

Alain, lycée Henri-IV, en 1932

 

Emile Chartier ( Alain est l'un de ses pseudos), est ce ''grand professeur'' du lycée Henri IV, dont on se dit fier d'avoir été son élève.

Tels, Guillaume Guindey , Raymond Aron, André Maurois, Simone Weil, ou Georges Canguilhem, un ami de Jean Cavaillès, pacifiste, qui adhère au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.

Et, aussi, René Château, un ami de Bergery, dont on reparlera...

Après le 6 février 1934, Jeanne Alexandre et son mari, Michel Alexandre un ancien élève d'Alain, adhèrent au CVIA. Michel Alexandre est juif, ce qui dans ce contexte serait sans importance, la suite démontrera le contraire...

 

En 1934, Alain est proche de la retraite, il souffre de rhumatismes très douloureux. Pour l'heure, sa vision humaniste lui permet de défendre en même temps le pacifisme et l'anti-fascisme.

Pourquoi pacifiste ?

Chacun a en horreur ce qu'il connaît de la Grande Guerre. Préparer la guerre, ne peut qu’entraîner la fascisation des esprits, nécessaire pour soumettre l'individu aux exigences du combat.

Alain, persuadé de la force qui émane de la France, parie contre la fermeté vis à vis de l'Allemagne, contre la militarisation...

 

On dit que c'est après le 6 février 1934 que Drieu passa définitivement au fascisme.

Pour Lancelot, aussi, la soirée du 6 février 34, est un électrochoc : ce qui se passe en Allemagne, peut avoir lieu en France. Face aux difficultés financières, le slogan '' L'Allemagne paiera '' n'est plus crédible... et malgré l'antiparlementarisme ambiant ; la République n'est-elle pas en ce moment la seule garante de la démocratie... ?

 

L'interrogation de Lancelot, s'appuie sur la prégnance du discours fasciste en France, la montée des régimes totalitaires en Europe, la technicisation des réponses politiques qui feraient que le choix reviendrait à ceux qui savent ; en rejet si nécessaire des raisons d'un argumentaire humaniste.

Le communisme qui semble t-il, offre le cadre d'un engagement anti-fasciste, n'attire pas Lancelot. Première raison : le collectivisme qui asservit l'individu, et lui apparaît comme opposé aux valeurs humanistes. Le marxisme pose en valeurs : la production, le travail, le machinisme, supports d'une dictature techniciste.

Il ne s'agit pas de choisir entre une oppression de la part de quelques uns, ou une oppression de la part de la collectivité. Fascisme et communisme se rejoignent.

D'autre part, comme beaucoup de français, la peur du communisme provient de ce qui est appelé '' la cinquième colonne '' qui fait référence à une offensive guerrière où se rajoute aux colonnes attaquantes, celle - qui tel un cheval de Troie - attaque de l'intérieur : ce serait le rôle que l'on prêterait au PCF, inféodé au Komintern. L'URSS a deux objectifs, faire triompher la révolution en France, envenimer les relations entre la France et ses voisins jusqu'à la guerre, d'où son sa tentative d'exploiter la guerre civile en Espagne pour en faire un conflit européen...

 

B de Jouvenel 1938

Bertrand de Jouvenel, impressionné par cette révolte portée par les Ligues, se convainc de l'inefficacité des partis traditionnels. Il quitte le parti radical... Il propose, pour l'heure, un hebdomadaire La Lutte des jeunes, pour dénoncer la corruption du régime et servir les idées des ''non-conformistes'' ( de gauche ou de droite) vers un Etat à refonder... Vont y collaborer Jean Prévost, Henri De Man, Emmanuel Mounier, Robert Lacoste ou Pierre Drieu la Rochelle.

On y échange sur la planification et la régionalisation, le renforcement du pouvoir exécutif et un Conseil d’État en charge de la rédaction des lois... On imagine une Constituante puis un référendum. Ce serait une troisième voie entre les Ligues et le Front commun de gauche.

 

Lancelot est un peu dans l'état d'esprit exprimé par Emmanuel Mounier quand il dit qu'en créant la revue Esprit (1932) , il recherchait « un lieu où camper entre Bergson et Péguy, Maritain et Berdiaeff, Proudhon et de Man »

Chacun pensait que nous étions à la veille d'une révolution, ou du moins à l'entrée d'un monde nouveau ; et qu'il fallait conserver ce que Péguy avait défendu ; l'âme chrétienne, contre les puissances et « les violences d'argent ». Une révolution, pourrait-elle concilier le spirituel et le temporel ?

Déjà, la revue ' Esprit ' ( de E. Mounier), en janvier 34, rejette l'idéologie du parti national-socialiste d'Hitler, une doctrine irrecevable, raciste, une révolution où « le sang est le seul ferment de l'histoire », où la liberté et le ''destin personnel'' n'y ont pas leur place...

En avril 1934, Emmanuel Mounier écrit dans Esprit ; que s'il avait effectivement écrit '' ni droite - ni gauche '' ; il constate que des membres d'Ordre Nouveau qui partagent ce slogan, dérivent vers la Droite. Il constate aussi que à Gauche est le peuple qui vit ''les valeurs que nous défendons''.

 

Le Komintern puis le Parti communiste prennent conscience que le danger est, avant la social-démocratie, le nazisme. Aussi en juin 1934, le PC propose aux socialistes l'unité d'action, unité ouverte aux anti-fascistes et dons au parti radical... Maurice Thorez parle de Front populaire.

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Après le 6 février 1934 - Le choix... 1

Publié le par Régis Vétillard

Comment ne pas s'interroger ? Comment ne pas douter, même de la République ?

La vie politique est un champ de manœuvres pour les professionnels de la politique ; leur carrière passe bien avant la défense du bien public... Les cabinets se suivent et les radicaux se succèdent à eux-mêmes... !

 

Mauriac espère en l'homme providentiel ; aussi est-il séduit par André Tardieu ou Philippe Henriot. Après les événements de ce 6 février, la politique semble se crisper sur des positions plus radicales de gauche ou de droite. Faut-il choisir ? Le 7 février Mauriac s'en prend '' au président du Conseil maçonnique ''.

 

La Franc-maçonnerie est compromise ; elle annonce publiquement une épuration dans ses rangs.

« La grande part de cette crise est due à nous-mêmes. Nous avons oublié la véritable tradition maçonnique, l’observation stricte de notre Constitution, le but moral et l’idéal admirable de la vraie Maçonnerie ». Georges Voronoff

« La Franc-maçonnerie est attachée plus que jamais à des formes supérieures de la vie sociale qu’elle pensait définitivement acquise par la civilisation : la liberté d’opinion et d’expression, le respect de la pensée et de la civilisation humaines, la souveraineté du peuple et l’élimination de la force dans les rapports entre les hommes et les nations. Or, la valeur de ces principes est remise en cause par l’institution de régimes qui prétendent justement les éliminer de la vie sociale. » 

« Le 6 février, une foule fut lancée à l’assaut des institutions et la lutte contre le parlementarisme se transforma en lutte contre la démocratie. » Louis Doignon, Grand Maître de la Grande Loge de France

 

Si Lancelot, ne croit pas vraiment que ce 6 février pouvait être un complot contre la République…. Il prend conscience de la fragilité de cette République si décriée…

Denis de Rougemont  avec  Alexandre Marc et  Karl Barth, Juvisy, 1934.

Une discussion avec Denis de Rougemont, lui permet d'avancer :

- Ce sont les événements qui nous réveillent – dit-il – à présent, il faut choisir. Penser, c'est aussi prendre des risques, ce n'est pas qu'un refuge, un refuge idéal. Tant mieux, le ''risque '' c'est la santé de la pensée !

Certains nous disent, et il peuvent être tout autant marxistes, ou fascistes, que la loi ( historique) seule nous conduira à la liberté... Ce serait même le déterminisme de l'Histoire : abandonnez votre petit moi, et fondez votre destin dans la collectivité ; vos inquiétudes s'apaiseront...

Soyons vigilant, ne confondons pas sacrifice... et suicide !

- C'est un peu, comme si des nouveaux dieux, ou d'anciens dieux, ou de nouveaux mythes, nous menaçaient de leur puissance ; et que nous ne pourrions échapper à l’un qu'en nous jetant dans les griffes d'un autre... ?

- Oui, ils sont là. Ont-ils une raison d'être ? « Dénoncer leurs méfaits, ce n’est pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. »

- Qui sont-ils... ?

L’État, la nation, la classe, la race, l’argent, l’opinion... Il sont ''Légion...'' !

- Ce serait le ''destin du siècle'' .. ?

- Non .. «  En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes. »

Chacun de nous a un destin...Peut-être s'agit-il de commencer par rechercher - dans nos pensées – les origines de ces grands faits qui bouleversent le monde

- Ce retour à soi, c'est le retour à l'individu ?

- Attention, l'individualisme conduit aux mythes collectifs.

« La société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte de l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. »

« Les mythes collectifs n’expriment rien de plus qu’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite devant son destin. (…) la personne à son tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, effectivement. »

« La personne, au contraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse. Elle vit dans le risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masses vit dans l’attente, la révolte et l’impuissance. » Denis de Rougemont « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, février 1934.

 

Beaucoup ont institué la date du 6 février 1934, comme une de celles qui ont infléchi un ''destin personnel''. Ainsi Philippe Henriot ( qui deviendra sous Vichy, secrétaire d’état à l’Information et à la Propagande.). Ce jour lui permet l'appui d'un argumentaire antiparlementarisme opposant '' la masse des « honnêtes gens » à une poignée de « fripouilles » '', et qui va jusqu’au complot judéo-maçonnique. Il intervient passionnément à la Chambre sur ce thème, écrit un livre '' Le 6 février'', et multiplie les conférences en province.

 

Le 9 février, avec le PC, Jacques Doriot manifeste contre les fascistes. A l'opposé de Thorez et du Komintern, il prône une nouvelle ligne et le rapprochement avec la SFIO. Isolé, il sera exclu en juin 1934 et créera en 1936 le PPF.

Robert Brasillach

 

Robert Brasillach (1909−1945) est un passionné de littérature, il dispose d'une chronique littéraire au quotidien l’Action Française, il est plutôt éloigné de la politique. Ce 6 février, il assiste à une pièce de théâtre ; et à la sortie il est pris par les événements : il écrira plus tard :

« Un escroc juif d’Odessa, Alexandre Stavisky, paraissait au centre d’une redoutable combinaison dont faisait partie les plus grands noms. On allait l’arrêter, il fuyait en Savoie, on le trouvait mort dans une villa de Chamonix, dans les premiers jours de 1934. Suicide ? On le dit. Assassinat, c’était plus probable. Désormais, il était impossible d’arrêter l’affaire. (...)

Tant de mensonges, tant de piètres hypocrisies révoltaient la ville. Dès le début de janvier, la fièvre monta, on arracha les grilles d’arbres boulevard Saint-Germain, on conspua les parlementaires et les gardes mobiles. Ainsi se préparait-on à l’émeute – ou à la révolution. (...)

À onze heures et demie, en sortant du théâtre, un spectacle singulier nous arrêta soudain : à l’horizon, quelque chose de lumineux dansait, au-dessus des têtes, semblait-il. Nous regardions sans comprendre ce feu balancé et noir : c’était un autobus, au Rond-Point, que l’on renversait. Et soudain, comme nous avancions, une foule énorme reflua soudain sur nous, des automobiles chargées de grappes d’hommes et de femmes roulèrent à grands sons de trompe, de vieilles dames se mirent à courir, les jambes à leur cou. Nous comprîmes que ce n’était pas une manifestation, mais une émeute.

( …) Une immense espérance naissait dans le sang, l’espérance de la Révolution Nationale (...)

Pour nous, nous n’avons pas à renier le 6 février. Chaque année nous allons porter des violettes place de la Concorde, devant cette fontaine devenue cénotaphe (un cénotaphe de plus en plus vide), en souvenir de vingt-deux morts. (...)

Mais si le 6 fut un mauvais complot, ce fut une instinctive et magnifique révolte,  (…) avec (…) (...) son espérance invincible d’une Révolution nationale, la naissance exacte du nationalisme social de notre pays. » Robert Brasillach - Notre avant-guerre, Paris, Plon, 1941

La condisciple de Brasillach, Simone Weil, en 1934 suspend sa carrière de professeur de philosophie, pour faire l'expérience de la condition ouvrière à la chaîne. Parallèlement, elle s'intéresse à la spiritualité chrétienne. Elle écrit alors : elle écrit : « la civilisation la plus pleinement humaine serait celle qui aurait le travail manuel pour centre, celle où le travail manuel constituerait la suprême valeur »

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