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1958 - Pierre Pflimlin – 1 -

Publié le par Régis Vétillard

Fin 1957 : Lancelot se désole, rattaché au cabinet de la présidence du Conseil, il assiste à la chute du gouvernement et à la nomination d'un nouveau président, qui ne tiendra pas plus longtemps que les autres. Renversé le 15 avril 1958, le gouvernement reste vacant pendant un mois... !

France-Soir - 6_Janvier_1957 - Alger

Précédemment, ce sont les événements du 8 février 1958 qui vont entraîner la chute du ministère. Des avions français sont entrés dans le territoire tunisien, bombardent Sakhiet Sidi Youcef, un jour de marché et causent la mort de 75 civils. Cette action dirigée contre le FLN, est réprouvée internationalement.

Le monde politique semble se défausser en démissionnant l'un des siens, devant chaque décision prise. Les partis : Radical, SFIO, et MRP à vocation gouvernementale s'affaiblissent ; chacun semble choisir la politique du pire, jusqu'à la déstabilisation d'un système qui n'en peut plus....

En ce mois de mai 1958, Lancelot craint même, une exploitation de cette crise de la part des milieux poujadistes, et de l'extrême droite.

Georges Bidault, partisan de l’Algérie française, n'est plus soutenu par son parti, le MRP, pour former un gouvernement. A son tour, René Pleven, qui prône une réforme de la Constitution, tente l'Union nationale et bute sur la question de l'Algérie, avec le refus du parti Radical.

Début mai 58, de Gaulle est satisfait que le chef de l'Etat - en toute discrétion - ''s'informe de ses intentions''. Il répond qu'il ne demande qu'à être officiellement sollicité.

Aussi, c'est une surprise d'apprendre, le 12 mai 1958, que le président Coty fasse appel au MRP Pierre Pflimlin (1907-2000) pour former le gouvernement.

Dès le lendemain, cet appel à un politique qui ne cachait pas qu'il était prêt à dialoguer avec le FLN, met le feu aux poudres parmi les partisans de l'Algérie française, et parmi les militaires.

Mardi 13 mai, Alger est appelé à manifester au prétexte de la mémoire de trois militaires du contingent tués par les fellaghas. Les gaullistes, les partisans de l'Algérie française, et même l'extrême droite, comptent profiter de cette occasion.

Alger 13 mai 1958

A Alger, dès 13heures l'activité de la ville s'interrompt. Des émeutiers prennent d'assaut le Gouvernement général ( CG), avec la complicité de l'armée. Un Comité de Salut public, formé d’officiers et présidé par le général Massu, exige la constitution à Paris d’un gouvernement de Salut public . Au balcon du CG, le général Massu lit le communiqué suivant :

« Nous apprenons à la population d’Alger que le gouvernement d’abandon de Pflimlin vient d’être investi (.. ) par suite de la complicité des voix communistes… Le comité supplie le général de Gaulle de vouloir bien rompre le silence en s’adressant au pays, en vue de la formation d’un gouvernement de Salut Public qui, seul, peut sauver l’Algérie de l’abandon » .

 

Le gouvernement Pflimlin est investi vers deux heures du matin du 14 mai avec 274 voix ( les communistes s'abstiennent) , et 129 contre (de la droite).

Pierre Pflimlin, se sachant le dernier recours de Coty, ne songe pas à se dérober. Sa préoccupation première n'est pas de mettre fin à la guerre d'Algérie, mais de réformer la Constitution. Il a partagé les vicissitudes de la IVe République, et souffert de cette instabilité gouvernementale.

Le nouveau président du conseil a réussi à convaincre Guy Mollet (SFIO) de l'accompagner, mais a tenté en vain d'obtenir le concours de M. Antoine Pinay.

Pierre Pflimlin (1907-2000)

Lancelot, écœuré par la politique songeait à démissionner d'un poste qu'il juge de plus en plus sans objectif, et sans intérêt. Seulement, quelques jours après l'installation du nouveau Président du Conseil, Lancelot est convoqué; ils se connaissent ' de vue' depuis longtemps, Pflimlin ne lui cache pas l'avoir reconnu, en effet, ils étaient tous deux à Vichy, tous deux travaillant alors au Secrétariat Général de la Jeunesse. Pierre Pflimlin y était, en1940-41 et pendant neuf mois, le chef de bureau de la propagande.

Sur ces expériences passées, va s'établir entre eux une connivence, pendant ces quelques mois. Le président demande à Lancelot de ne jamais évoquer avec d'autres personnes cet épisode passé, et il s'empresse d'affirmer que l'antisémitisme est depuis toujours, « un sentiment qui m'est étranger ».

Pierre Pflimlin est républicain,'' démocrate chrétien'' (MRP), ancien partisan de la CED, européen convaincu. Avec '' ses yeux d'acier '' il semble bien rigide, il n'est pas homme à faire paraître ses émotions.

Pour beaucoup, le Comité de salut public de Massu ( couvert par Salan) est qualifié de ''factieux '' ; pourtant, Pfimlin, confirme les pleins pouvoirs de Salan.

Le nouveau président du conseil, n'ignore pas que les partisans du Général, tentent le coup de force. De Gaulle, reste ambigu et souffle le chaud et le froid.

Mauriac réagit : « Nous espérons toujours en de Gaulle, mais non en un de Gaulle qui répondrait à l’appel d’un Massu. Puisse-t-il ne pas dire un mot, ne pas faire un geste qui le lierait à des généraux de coup d’État. »

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1957- Camus – l'Algérie

Publié le par Régis Vétillard

Le contingent pour l'Algérie

L'actualité de 1957, pour un métropolitain comme Lancelot, porte son attention, le plus souvent, de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, un prolongement de la France que connaît bien peu de français. De jour en jour, Lancelot observe que les français comprennent qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de maintien de l'ordre public. De plus, l'envoi d'appelés du contingent en Algérie ne transforme t-il pas ces ''événements'' en ''guerre'' ?

Enfin, le 8 janvier 1957, 8000 paras investissent Alger pour ''rétablir l'ordre'' ; le gouvernement français Guy Mollet ( SFIO) vient de confier au général Jacques Massu les pleins pouvoirs de police.

 

En ce mois d'Octobre 1957, alors que l'on pressentait Malraux ( ou Boris Pasternak, ou Saint-John Perse ou Samuel Beckett...  ) accéder au Nobel ; c'est un homme de 44ans, Albert Camus (1913-1960), qui reçoit le prix le plus prestigieux des prix littéraires.

Camus est né et a vécu en Algérie dans un quartier populaire, sa mère est illettrée ; il s'est engagé jeune (1935) au Parti communiste. Avant la guerre, il dénonce le sort réservé aux musulmans. Il réfléchit à la notion de ''fédéralisme'' des cultures qu'il oppose au ''nationalisme'' d'un pays.

Il constatait dans le journal ''Alger républicain'' du 6 octobre 1938 « (...) nous comptons lutter contre le conservatisme social qui entend maintenir nos amis indigènes sur un plan d’infériorité ». En juin 1939, déjà, il publiait un reportage « Misère de la Kabylie », et en mai 1945, il écrivait une série d’articles, sous le nom de « Crise en Algérie ».

Albert Camus - 17 octobre 1957

En 1955, dans l'Express, au regard des ''événements'', il précise sa pensée : « Il faut choisir son camp”, crient les repus de la haine. Ah ! je l’ai choisi ! J’ai choisi mon pays, j’ai choisi l’Algérie de la justice, où Français et Arabes s’associeront librement ! »

 

Ensuite, Camus semble ne plus choisir, les intellectuels dénoncent son silence.

Puis, à l'occasion de la remise de son Nobel, Lancelot lit le compte-rendu dans le Monde (14 dec 1957) d'un exposé d'Albert Camus fait aux étudiants suédois sur son attitude devant le problème algérien. 

Une phrase lui est alors attribuée et choque beaucoup d'entre nous : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère »...

Camus choisirait sa famille, c'est à dire sa communauté, celle des français d'Algérie plutôt que la justice, c'est à dire la lutte contre le colonialisme...

Pourtant, il ne s'agissait pas de cela : plus tard, le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l'échange, rapportera une version différente, et reconnue par d'autres témoins :
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément.. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »

Camus dénonce le terrorisme.

Voici un extrait du discours du banquet Nobel, qui exprime l'état d'esprit d'Albert Camus, en cette fin d'année 1957 :« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui nous détruire mais ne savent plus convaincre… »

 

Le 1er janvier 1958, entre en vigueur, le Traité de Rome signé, le 25 mars 1957, par six pays : la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne de l'Ouest. Il instaure la Communauté Economique Européenne (CEE). Après l'échec de la CED ( sur la Défense, donc) , se met en place une coopération économique.

Ce 1er jour d'an est également diffusé, sur la seule chaîne de télévision de RTF, le premier épisode des ''Cinq dernières minutes'', une série d'émissions policières de Claude Loursais, avec Raymond Souplex dans le rôle de l’inspecteur Bourrel. En radio, France IV, laisse la place à France / Paris-Inter.

On dit la France en plein essor : le PIB, la natalité, les ''vedettes'' du cinéma avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau, Lino Ventura et Gérard Philippe

Lancelot tient beaucoup à sa Traction Avant de Citroën, seule la future DS pourrait lui donner envie de changer de voiture.

La SNCF est aimée des français ; l'image des cheminots est bonne ( célébrée avec un film la Bataille du Rail (1946) ), on annonce de nouveaux records de vitesse, et le slogan « Une gare dans chaque commune » permet d'envisager d'échapper aux embouteillages ( Nous avons très peu d'autoroutes). Lancelot admire la Caravelle, un biréacteur qui peut atteindre 770km/h. qui va effectuer son premier vol vers New-York.

Le point noir reste le téléphone : '' la moitié de la France attend le téléphone, tandis que l'autre attend la tonalité. '' : bien trop souvent, il faut encore passer par l'intermédiaire d'une opératrice. ; on s'amuse d'entendre Fernand Raynaud, avec le ''22 à Asnières''. Les gens veulent le téléphone chez eux ; mais les listes d'attente s'allongent d'année en année.

A la surprise du monde, le 4 octobre 1957, l’URSS met en orbite Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de l’Histoire. Nous en reparlerons. Nous déplorons, en France, en 1957, seulement 9500 nouveaux bacheliers scientifiques; 30.000 seraient nécessaires.

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1956 – L'Algérie

Publié le par Régis Vétillard

Alors que Lancelot, retrouvait un poste au Ministère des affaires Étrangères, en 1950 ; il suivait avec intérêt la fondation du Congrès international pour la liberté de la culture (CILC) à Berlin-Ouest le 26 juin 1950. Étaient notamment présents Denis de Rougemont, Jaspers, John Dewey, Bertrand Russell, Raymond Aron, Jacques Maritain, Arthur Koestler..etc

Il se souvient aussi du « Manifeste Russell-Einstein », publié en 1955, signé de neuf prix Nobel , qui tentait de mettre en garde l’humanité contre les dangers des armes atomiques et nucléaires.

Connaissant quelques éminents membres, Lancelot se désole que le CILC soit confronté à présent à une dispute en haut rang : alors que Russell avait condamné les crimes de la CIA, après l'exécution des Rosenberg. Rougemont s'en prenait à présent aux communistes ( Figaro du 10 nov.): « Serrer la main d’un communiste occidental, qui approuve “librement” son parti, c’est saluer un complice du crime de Budapest. » Russell alors déplore que ce texte ne soit pas « contre-balancé » par une dénonciation de l’intervention anglo-française en Égypte... Chacun pense démissionner !

Marguerite Duras ( Jacques Haillot)

A Paris, dans une petite salle de la rue de Grenelle, mais pleine ; sont présents André Breton, Maurice Nadeau... Ce meeting est organisé par Edgar Morin, Dionys et Marguerite Duras, et le Comité contre la Guerre d'Algérie. Ils tiennent à dénoncer à la fois, la guerre en Algérie, la répression soviétique en Hongrie et l'intervention anglo-française à Suez. Le Comité va se disloquer, et le meeting sans suite.

Marguerite Duras, est désespérée par l'actualité, et lui prend beaucoup de temps, qu'elle ne consacre pas à l'écriture.

Elle vient de publier un étrange roman, ''Le Square'' qui n'est constitué que d'un dialogue entre une jeune fille, gardienne d'un enfant, et un voyageur de commerce. Chacun veut tromper son ennui. Lancelot évite de lui dire que sa lecture l'a déconcerté, pourtant le charme a opéré. Il ne sait pas l'expliquer. Ce n'est pas réaliste, peut-être poétique.

L'importance du dialogue ? - C'est plus fort qu'elle, dit-elle. Le langage, c'est universel. Elle tente d'écrire un roman sur l'amour fou d'une mère pour son enfant ; et les personnages parlent, parlent...

Elle confirme que Barrage contre le Pacifique va donner un film, de René Clément. Elle appréhende le résultat, d'autant qu'on ne la consulte pas pour le scénario...

Fin 1956, Lancelot s'irrite du manque de vision politique de Guy Mollet ( SFIO), pendant que Robert Lacoste ; ministre résident en Algérie donne tous les pouvoirs à l'armée. La position de la France à l'Internationale devient très embarrassante pour justifier de cette ''guerre'' ( qualifiée pudiquement d’événements).

A partir de mars 1956, suite aux ''pouvoirs spéciaux'' votés, 400 000 appelés vont rejoindre l’Algérie ; c'est la société française qui à présent se sent concernée.

Des personnalités tentent de convaincre l'opinion publique de l'importance de garder l'Algérie française : pour Debré ce serait la fin de notre régime, pour le Maréchal Juin, l'Algérie représente la vitalité française. Jacques Soustelle, ethnologue et prédécesseur de R Lacoste affirme :« L'Algérie perdue, la France cesserait d'être une puissance » et Jean Berthoin, ministre, sénateur : « C'est toute une civilisation qui est aujourd'hui menacée »

L'indépendance du Maroc, puis de la Tunisie, sont reconnues depuis le mois de mars 56. Beaucoup de français espèrent que l'intervention franco-anglaise à Suez, calme l'influence néfaste de l’Égypte sur la rébellion en Algérie.

A partir de 1957, l'opinion envisage l'abandon des départements algériens.

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Dès 1956, des intellectuels catholiques s'engagent et dénoncent le recours à la torture par l'armée.

Dans le Monde en avril 56, Henri-Irénée Marrou, écrit en titre « France ma patrie » et rappelle les méthodes de la Gestapo : « partout en Algérie, la chose n'est niée par personne, ont été installés de véritables laboratoires de torture, avec baignoire électrique et tout ce qu'il faut, et cela est une honte pour le pays de la Révolution française et de l'affaire Dreyfus ». il dénonce également les ''ratissages'' : «  l’opération consiste toujours à frapper indistinctement innocents et coupables, combattants et désarmés. ». Lancelot remarque qu'il évite de prendre position dans le conflit, par contre, Marrou souligne qu’« on ne défend pas une noble cause par des moyens infects » ; cependant cette tribune sera suivie d'une perquisition de la DST, le 10 avril, dans son bureau de Châtenay-Malabry.

Pierre-Henri Simon publie Contre la torture en 1957, qu'il dédie « aux Françaises et aux Français qui ont résisté à Hitler, à celles et ceux qui ont affronté les périls, défié la mort et subi la torture afin que cette ombre recule au ciel de l’histoire »

 

Le CCIF ( cf 1953 – le Maroc) , préfère ne pas trop évoquer les événements d'Algérie. Cependant, le 2 décembre 1957, Raymond Aron lors d'une présentation de son ouvrage '' La Tragédie algérienne '' est reçue par les sifflets des partisans de l'Algérie française, il est accusé de défaitisme.

Seuls Mauriac et Marrou le soutiennent. En effet, Aron affirme que l’indépendance de l’Algérie est inéluctable.

Il soutient qu'il n'y a pas de relations entre 'perte des colonies' et 'déclin économique' ; il s'appuie sur la prospérité économique des Pays-Bas, après la perte de l'Indonésie. Aron tente de convaincre que la fin de l'empire colonial n'est pas un signe de décadence.

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1956 – La Crise du canal de Suez – Intervention soviétique en Hongrie

Publié le par Régis Vétillard

Le président égyptien Gamal Abdel Nasser annonce le 26 juillet 1956 la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez. Il refuse la négociation et une administration internationale du canal de Suez.

Une opération militaire anglo-française est mise sur pied.

La France en outre reproche à l’Égypte de soutenir le mouvement de libération nationale algérien.

La surprise vient d'Israël, qui, le 29 octobre, envahit la bande de Gaza et le Sinaï égyptien. Cet accord secret avec Israël, tenait à renforcer la sécurité d'Israël, contre des attaques incessantes égyptiennes.

La France et le Royaume-Uni bombardent Port-Saïd le 31 octobre. Le 5 novembre anglais et français sont parachutés, et le soir l'URSS envoie l'ultimatum de leur intervention. Washington avec l'accord de Tel-Aviv, appellent à '' mettre fin à l’agression '' pour empêcher la guerre.

Sous la pression des Nations unies, des États-Unis et de la Russie, le cessez-le-feu est fixé pour le soir du 6 novembre à minuit.

Pour la France - leurrés par ses alliés - l'opération est considérée comme une défaite diplomatique imputable à Guy Mollet.

Nasser gagne en prestige auprès des Etats arabes.

Le 23 novembre 1956 une proclamation du ministère des Affaires religieuses égyptien lue dans toutes les mosquées affirme que : “ Tous les Juifs sont des sionistes et des ennemis de l’Etat” et promet leur expulsion prochaine d’Egypte. Ils sont 60 000 environ et sont alors forcés de quitter le pays et se réfugieront en grande partie en Israël, en France ainsi qu’au Brésil, en Argentine et aux Etats-Unis.

Nasser ordonne l'expulsion de tous les européens présents dans le pays.

Seuls – grâce à l'activité diplomatique du Vatican – les ecclésiastiques européens échappent à l'expulsion.

La présence française et son rayonnement dans l'élite égyptienne, est balayée. De nombreux français d’Égypte ( dont 300 instituteurs), mais aussi des Grecs, des Libanais et des coptes, arrivent en France.

1500 chars soviétiques s'emparent de Budapest

Octobre 56, dans les rues de Budapest, des manifestations contre la tutelle soviétique demandent l'abolition du parti unique. Un nouveau gouvernement, sous la direction d'Imre Nagy, prend fait et cause pour les insurgés. Il proclame le retrait du pacte de Varsovie et promet d'organiser des élections libres.

Le 2 novembre, Etienne Fajon (directeur de l'Humanité) écrit qu'en Hongrie se déploie « un mouvement contre-révolutionnaire illégal aidé de l'extérieur, puissamment armé, préparé par des cadres expérimentés de l'ancienne armée fasciste. ».

Nikita Khrouchtchev charge l’Armée rouge de liquider l'insurrection hongroise par la force.

Le 4 novembre, une importante armée soviétique envahit Budapest et les autres régions du pays. La résistance hongroise continue jusqu'au 10 novembre. 2500 hongrois sont tués, et 200 000 fuient et se réfugient a l'Ouest. Un nouveau gouvernement a la solde de Moscou est retabli, et referme toutes les frontières.

6 Nov 1956 - Hongrie - Egypte

Le 4 novembre l'Humanité célèbre « l'échec final de la contre-révolution. »

 

A Rome, Pie XII relève la différence entre le traitement que l'O.N.U. a réservé à la France et à la Grande-Bretagne pour l'affaire de Suez, et à l'Union Soviétique pour l'affaire de Hongrie ; en effet la lettre d'Imre Nagy, demandant le 2 novembre 1956 que l'O.N.U. garantisse la neutralité hongroise, est restée sans effet.

 

Lancelot indique que nos ''renseignements'' sont clairs : pendant que la France et la Grande Bretagne sont occupés par Suez, et que les américains – en retrait- craignent un embrasement mondial ; Khrouchtchev nous montre son vrai visage. N'oublions pas que le début de l'année 1956, avait été marqué par le rapport Khrouchtchev qui dénonçait le culte de la personnalité de Staline.

A propos duquel, Sartre considérait que cette dénonciation de « tous les crimes d’un personnage sacré, qui a représenté si longtemps le régime, est une folie... » !

 

 

La revue Esprit accueille de nombreux intellectuels hongrois, Domenach écrit : « Grâce à eux, il devint évident que l’oppression n’était plus le fait d’un seul camp, et qu’il n’existait pas seulement l’impérialisme américain, mais aussi – ô scandale ! – un impérialisme soviétique. »

Sartre récemment converti au communisme réplique : « Les gens qui n’ont pas protesté contre les tortures en Algérie et contre Suez sont aussi totalement dénués du droit de protester contre les événements de Hongrie . »

Lancelot remarque que nombreux sont les intellectuels qui craignaient de passer pour des anti-communistes ; mais actuellement, l'intervention soviétique en Hongrie rend leur position difficile...

Rougemont lance un appel à mettre le communisme soviétique « au ban de l’humanité », et interroge Sartre sur ce qu'il a cru dire sur Suez...

 

En réaction à l'actualité Lancelot rencontre Edgar Morin, qui souhaite créer une nouvelle revue ''Arguments'' pour aider à « passer d'une critique de la pensée établie d’origine marxiste à une révision critique de toutes les idées.. ! »

Ce qui désarçonne Lancelot, c'est son idée de ''pensée planétaire'' qui lui fait dire que l'Europe lui semble une cause beaucoup trop « étriquée ». Rougemont considère là une contradiction d'affirmer en même temps que « c'est l’humanisme européen qui m’entraîne au-delà de ma province européenne au nom de l’universel. ».

Rougemont critique ce choix des intellectuels à dénoncer « des scandales lointains, d’appeler au soutien de causes lointaines (...). Ils abandonnent les problèmes prochains (et du prochain) aux soins – tournés en dérision – des technocrates ». Il pense aux technocrates européens qui font l'impasse d'une grande Idée européenne, pour créer le ''Marché Commun''

Depuis la mort de sa grand-mère, Elaine de Sallembier ( 12 ans) , a retrouvé la vie parisienne et sa mère, Geneviève beaucoup plus présente au domicile, avenue Victor-Hugo.

Elaine fréquente le lycée Jean de la Fontaine, grand bâtiment des années 30, avec ses grandes portes en fer forgé.

 

Lancelot constate avec intérêt, l'évolution qui s'est opérée chez sa femme. L'entrée des chars russes dans Budapest, semble avoir été un point de non-retour. Son mentor, Dominique Desanti rend sa carte du PC. Geneviève veut même reconnaître son trouble, lors des exclusions de Marty et Tillon.

Les camarades, dit-elle, semblent ignorer le contenu du rapport Khrouchtchev, que nous avions découvert dès le mois de mars. Même l'historienne Annie Kriegel exprime publiquement sa déception. Étrangement, la scientifique Eugénie Cotton dit pleurer « sur la mort de milliers d’êtres humains en Algérie, en Égypte et en Hongrie », mais ne condamne pas la répression soviétique ; elle ajoute : « il ne faut pas que, ce que nous considérons actuellement comme des erreurs, puisse ébranler notre confiance dans les forces du progrès ».

Emmanuel Leroy-Ladurie (1929- ), quitte le parti, le jour même de l'intervention soviétique. Son père avait été ministre vichyste, puis résistant. Jeune catholique provincial ; en 1950-51, à Normale Sup, comme un bon quart des élèves, il prend la carte du PCF. Il écrit : « Nous représentions la violence symbolique mise au service de la raison historique. » ; elle s'accompagne d'une soumission tout aussi étonnante à "l'autorité du Parti". Sa rupture en 1956, va se poursuivre par un retour progressif au catholicisme de sa jeunesse.

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1956 – Egypte - Maurice Zundel

Publié le par Régis Vétillard

Port Saïd

Visite à Port-Saïd, la pensée de Lancelot s'évade de l'actualité et, fort de certains souvenirs, imaginent ici la princesse Bibesco émue de visiter la chambre où vécut Ferdinand de Lesseps, qui relit les lettres du Caire de Napoléon. Elle décrivait l'Egypte comme une quête, et pensait la rencontre franco-égyptienne comme nécessaire et éternelle.

De cette ville où personne ne s'arrête jamais, elle écrivait : « L'eau lourde, l'eau noire, l'eau artificielle que soulève le bateau à moteur. Les grands lampadaires tristes, parce qu'ils sont fixes, et très hauts, et très espacés... La rue qui s'anime quand passe la malle des Indes, la malle de Chine, la malle d'Australie... »

 

la Chapelle de la sainte-Famille de Matarieh

Au Caire, la délégation vaticane est reçue au palais Zaafarane par des dignitaires, puis au Ministère des affaires étrangères. Les discussions des plus sérieuses continuent alors qu'ils visitent rapidement les pyramides et le Sphinx.

Finalement c'est son séjour à Matarieh qui semble avoir le plus marqué Lancelot.

Je note que Matarieh est le lieu supposé du séjour de la Sainte Famille, lors de la fuite en Égypte. On y voit une fontaine du jardin où la Vierge aurait lavé les langes de l’enfant Jésus ; et surtout le sycomore à l'ombre duquel la Sainte Famille aurait pris du repos.

 

Devant les multiples questions que lui posent l'actualité internationale, Zundel – qui réside à Matarieh - relève celle qui lui paraît essentielle, la question de la Liberté. Le vrai problème de notre vie - dit-il - c'est la liberté. C'est de cela que chacun de nous rêve de réaliser.

Lancelot évoque les pays totalitaires : Zundel répond : « vous entendez la question que le peuple hongrois nous pose : “Et vous, que faites-vous de vos libertés ?”... Notre choix n'est-il pas entre la vie de parasite et celle de créateur, entre la vie de l’homme qui sauve sa peau et de devenir un héros et d’atteindre la sainteté. »

Maurice Zundel

Un pays veut être libre d'exister, et donc de se défendre ?

- « Nous sentons bien que la liberté est un bien immense, mais toute la difficulté est de la situer !... Une liberté anarchique, la liberté de la brute qui obéit à toutes les impulsions et qui est esclave de tous ses instincts n’est pas la liberté !... C’est la bombe atomique ! ... La bombe atomique, c’est une liberté anarchique, c’est la liberté de la brute qui ne connaît plus aucune limite, qui détruit toutes les valeurs et qui saccage toute la dignité humaine. »

 

Nous n'avons pas choisi d'être là, d'être né dans cette époque, dans ce pays..

«  ...nous sommes dans le même cas que tous les animaux, végétaux, minéraux, tous les éléments de l’univers. Mais ces éléments subissent leur vie. Ils sont prisonniers de leur biologie.

L’homme prend un jour conscience de son existence et peut s’interroger sur sa vie, la mettre en question, la poser, la refuser, la juger… Ce qui fait le mystère de l’homme, sa condition unique, c’est qu’il ne peut pas se contenter de sa vie préfabriquée qui lui est donnée. Sa biologie est ouverte : il ne peut rester irresponsable. Préfabriqué, l’homme a pourtant un choix à faire, une responsabilité à assumer. Il doit ajouter à ce qu’il est de par sa naissance quelque chose qu’il n’est pas encore et que sa naissance ne peut pas lui donner. Il doit devenir un autre homme que celui qu’il est.

L’homme se définit à partir de ce qu’il ne tient pas par sa naissance. Il doit créer tout ce qui fait de lui un homme. La spiritualité se définit, se constate, s’expérimente à partir du point où nous découvrons que nous ne pouvons pas en rester à l’état que nous tenons de notre naissance, mais que nous avons à passer la nouvelle naissance dont parlait Jésus à Nicodème. »

« L'homme naît, au moment où il prend conscience de devoir assumer des choix libres. Il est dès lors possible de parler de sa nouvelle naissance en ce qu’il est un créateur : devenir un homme libre, selon l’appel de Dieu (qu’il faut donc entendre). »

 

Bien sûr, être libre n'est pas affirmer qu’on est lié par rien » et laisser cours à «  toutes les fantaisies et toutes les perversions charnelles, toutes les fumées de l’inconscient et toutes les extravagances, d’une imagination débridée... »

Les hommes naissent-ils libres, ou doivent-ils conquérir leur liberté ? Sont-ils égaux, reçoivent-ils des dons différents ?

« La seule égalité, c’est que tous se trouvent devant la même exigence, à savoir qu’ils ont à devenir homme et à refuser de se subir pour faire de leur vie un espace illimité de lumière et d’amour où la valeur infinie qui leur est confiée pourra s’exprimer, se révéler et se communiquer.

Tous les débats sur la justice sont empoisonnés par cette équivoque et toutes les Déclarations des droits de l’homme flottent en l’air et sont chimériques parce qu’elles supposent réalisé ce qui ne l’est pas. Elles supposent que l’homme existe alors qu’il n’existe pas encore. »

 

« Ce qui rend tragique la situation humaine, c’est que l’homme sent très bien ce qu’il n’est pas, mais se rend compte très difficilement de ce qu’il doit être. Chacun demande à faire croire à l’importance de sa vie, mais la majorité des hommes ne sait pas en quoi consiste cette dignité qu’ils veulent défendre. »

 

Comment peut-on avoir idée de la dignité de l'homme ?

« Le croyant n’est pas celui qui cherche à se mettre dans la tête ce qu’il faut croire; mais croire, c’est donner son coeur à une certaine lumière, parce qu’on a découvert que c’est elle qui donne une solution au problème humain. »

La dignité de l'homme ne se fonde point sur lui. Elle a quelque chose d’infini qui le dépasse et dont sa nature ne peut rendre raison.

Ce nom d’humanité, qui est si beau, doit le respect qu’il suscite en nous aux résonances spirituelles dont il est chargé. Aussi bien ne désigne-t-il pas d’abord l’ensemble des hommes qui peuplent la terre, mais la qualité qui révèle en chacun la personne : l’être-source. »

Lancelot revient à Rome, quelques jours avant Maurice Zundel qui rentre en France, fin août 1956.

 

Sources : Maurice Zundel, retraite à La Rochette

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1956 – L'Unité arabe – Suez

Publié le par Régis Vétillard

A sa grande surprise, fin juillet 56, Lancelot apprend qu'il fait partie du voyage en Egypte, avec Mgr Silvio Oddi diplomate du Saint-Siège. Sous le couvert de l'archevêque italien, il doit s'inquiéter des ressortissants français, et particulièrement des religieux français.

Maurice Zundel

A cœur de cette brûlante actualité, Lancelot va être marqué par la rencontre avec le père Maurice Zundel. Il vient de Beyrouth où il a prêché une retraite, et il est très attaché à la communauté, ici, du carmel de Matarieh, où les sœurs vénèrent ce petit homme humble et à la foi saisissante. Zundel avait déjà fait un long séjour, de décembre 1939 jusqu'à l'été 1946, au Caire. Il y avait déployé une activité intense : conférences, catéchisme, aumônerie, contacts avec les Coptes et les Melkites, étude de l'arabe et du Coran, accompagnement spirituel, aide aux plus démunis.

Zundel souffre véritablement de la situation politique que ses amis lui décrivent d'Algérie, et de tout le Moyen-Orient.

Il va rester à Matarieh jusqu'à la fin août et Lancelot va profiter au maximum de son enseignement ; obligé également de suivre Mgr dans ses efforts pour éviter l'expulsion des ecclésiastiques européens.

 

Le père Silvio Oddi connaît bien le contexte politique du Moyen-Orient.

- Après la Grande Guerre, en 1920, la Société Des Nations attribue à la France le mandat de conduire vers l'indépendance la Syrie et le Liban ; et à la Grande Bretagne, la Palestine et l’Irak.

Déjà les violences d’août 1929 autour du Mur des lamentations, à Jérusalem, se mêlent religion et "affrontement entre sionistes et arabes", en plus d'un soulèvement anticolonial du monde musulman.

Au Congrès islamique de 1931, à Jérusalem, naît un projet unificateur du mouvement national arabe, du Golfe persique au Maroc.

En 1936, les Arabes palestiniens lance une grève générale pour la fin du transfert de terres des Arabes aux Juifs, et le non-paiement d'impôts à l'administration britannique. Suivent une dure répression des Britanniques et un engrenage de représailles et contre-représailles entre Arabes et juifs.

La Grande révolte arabe 1930s, en Palestine - Hélène Aldeguer

On notait alors : « L’impossibilité de faire émerger une identité commune entre Juifs et Arabes. En fonction des différents scénarios d’immigration, les Juifs deviendraient majoritaires entre 1947 et 1960. » ( selon l'historien Henry Laurens )

Les nationalistes arabes votent lors d'un congrès en Syrie ( sept 1937) des résolutions qui insistent sur l’identité arabe de la Palestine, le refus du partage et de l’État juif, l’abolition du mandat et l’arrêt de l’immigration juive.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne est engagée dans la ''bataille du désert'', et l'Allemagne joue la carte de de la libération des Arabes du ''joug britannique''.

Après le coup d'état en Irak, avant l'intervention britannique a lieu un pogrom contre les juifs de Bagdad ( juin 1941), ils sont 90.000, et fait 180 victimes.

En 1941, la ''Charte de l'Atlantique'' ( Royaume-Uni et Etats-Unis) - elle regroupe une série de principes devant servir au maintien de la paix et de la sécurité internationale - est nettement anti-colonialiste.

Immigration juive dès 1872, 1914, 1930...

En résultent, des tensions entre Français et Britanniques au Proche-Orient. Le 8 novembre 1942 débarquent les Alliés en Afrique du Nord.

Les questions de l’unité arabe et du partage de la Palestine, agitent le Moyen-Orient. Les Etats Unis soutiennent l'indépendance de la Syrie et du Liban par rapport au mandat français, et en 1945, font de l'Arabie Saoudite, un atout stratégique américain ( L’Arab American Oil Company, ARAMCO )

La rancœur française va durer au moins jusqu'à la crise de Suez

Les américains craignent pendant la guerre froide, l'influence soviétique en Iran, et en Turquie. Ils procurent de l'aide à la Grèce et à la Turquie, pour ensuite les intégrer à l'OTAN.

Les américains et les britanniques s'affrontent en Palestine, alors que ces derniers vivent dans la hantise d'un soulèvement arabe ; les premiers en reviennent alors à la déclaration Balfour de 1917, quand la SDN confiait aux britanniques le mandat de créer un « foyer national juif » en Palestine.

Le dossier palestinien est confié à l'ONU, en 1947. Vous connaissez la suite...

Le Canal de Suez 1869

Et, pour en arriver au Canal de Suez, qui était géré par une Compagnie franco-britannique ?

- L'affaire commence en 1854, quand le gouverneur d’Égypte accorde le 1er acte de concession du terrain pour les travaux au français Ferdinand de Lesseps.

Le 17 novembre 1869, le canal entre la mer Rouge et la Méditerranée, est ouvert financé par des petits porteurs français et à moitié par l'Egypte, endettée, elle vendra ses parts aux britanniques. Suite à un coup d'état raté, des émeutes, l'Angleterre occupe l'Egypte. Après la Grande Guerre, l'Egypte indépendante doit laisser aux britanniques la protection du Canal, qui continuent d'affronter des troubles; jusqu'au 26 juillet 1956, quand le gouvernement égyptien saisit le canal de Suez et le nationalise.

 

Le canal est une voie commerciale essentielle et un lien vital avec le Commonwealth, il était détenu en majorité par des capitaux franco-britanniques. Comment ces deux pays vont-ils réagir ? De plus, la tension monte entre l'Egypte et Israël...

La monarchie en Egypte avait été renversée par des militaires ( 1952). A présent, le colonel Gamal Abdel Nasser, au pouvoir, exprime son intention d’anéantir Israël ; il ferme le canal aux navires israéliens, conduit de nombreux raids égyptiens en Israël. La France lui reproche de soutenir la rébellion algérienne.

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