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Denoël – Valéry

Publié le par Régis Vétillard

Paul Valéry, mort.

En avril 1945 ; alors que la victoire engendre l'épuration  et que Jeanne L. cache Robert Denoël dans un petit appartement qu'elle loue; elle annonce à Valéry, son projet de mariage avec Denoël. Nous savons que Valéry est fou amoureux d'elle, alors qu'elle est plus jeune de 32 années.

 

« Ma Bien-Aimée, / Un jour si beau / Le malheur vint / D’entre tes lèvres… / (…) / Ma bien aimée / Ta bouche tendre / Fit un poison / De tout mon sang… / (…) / Ma bien aimée / Trois mots suffirent : / Ce fut pour dire : / Tu dois mourir…

La vie exige / Qu’un autre obtienne / Celle qui fut / La seule Tienne ; (…) »

L’absence habite l’ombre où je n’attends plus rien / Que l’ample effacement des choses par le mien. » 

Trahi, de plus malade, Paul Valéry meurt le 20 juillet. Son enterrement a lieu le jour de l'ouverture du procès du Maréchal Pétain.

 

Jeanne L. connaît Denoël depuis 1943, alors qu'elle prend - à la mort de son père - la tête des éditions d'ouvrages de droit ( les Editions Domat-Montchrestien ). Denoël ( 1902-1945) est fasciné, exalté par son amante ; il la seconde dans ses affaires.

Denoël qui a édité Rebatel, Céline, mais aussi Aragon et Elsa Triolet, est isolé par ses confrères; et plus gravement par ses auteurs sur qui, il comptait... Seule, Jeanne L. se démène pour le sortir d'embarras.

 

Avec le procès de Pétain ; on se contente de refaire l'histoire, celle de la IIIe république et de l'armistice. Blum évoque l'armistice comme « un énorme abus de confiance moral » ; mais surtout, on accuse le Maréchal d'intelligence avec l'ennemi. On parle de la traque et de la cruauté envers les résistants, et trop peu de la déportation des juifs.

 

 

Le 15 août. La sentence de mort rendue sera commuée en réclusion criminelle à perpétuité. Transféré à l'Ile d'Yeu, Pétain y mourra le 23 juillet 1951.

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6 août 1945 – La Bombe atomique

Publié le par Régis Vétillard

Depuis 1939, les découvreurs de la fission nucléaire sont en lice, pour le Nobel. Ainsi, le Nobel de chimie ( 1944) est décerné à Otto Hahn ( mais sans Lise Meitner...!) en novembre 1945. En effet, Otto Hahn identifie que sous l'action des neutrons, le noyau de l'uranium est capable de se scinder en plusieurs fragments, et Lise Meitner comprend et explique le processus physique en jeu, et notamment l’origine de l’énergie libérée lors d’une fission.

Ce prix Nobel venait d'être illustré quelques semaines précédemment par une nouvelle qui frappent de stupeur Anne-Laure de Sallembier, Lancelot et Geneviève. Cette bombe atomique a pris réalité ce 6 août 1945 à Hiroshima ; elle a rasé à 70% cette ville de 310.000 habitants.

Parmi les premières réactions, nous remarquons, la considération portée à '' la bombe '' comme une application scientifique majeure...

Dans un article de France-Soir du 10 août, le scientifique Louis de Broglie ( prix Nobel) écrit : «  Pour la première fois, l'homme a su utiliser au gré de sa volonté une part des énormes réserves d'énergie qui sommeillent au cœur des atomes. ( … ) Une grande étape se trouve ainsi franchie et rien n'empêche d'envisager que, dans un avenir plus ou moins prochain, les hommes ne puissent se servir à leur guise des immenses quantités d'énergie que la matière recèle. Les durs temps que nous vivons font que la première application de cette puissance nouvelle sert à l'augmentation des moyens de destruction, mais on peut espérer qu'une fois maître des énergies intra-atomiques l'homme saura en faire des applications plus bienfaisantes. ( … )

Tout nous fait présager qu'une ère nouvelle va s'ouvrir : l'ère de l'utilisation des énergies atomiques. »

 

Le 18 décembre 1945, Frédéric Joliot-Curie, devenu le nouveau directeur du CNRS et bientôt Haut-Commissaire au Commissariat à l’énergie atomique, exprime devant l’Académie nationale de Médecine, sa foi en la science, malgré l’horreur :

« Hélas ! C’est par le fracas de l’explosion de Hiroshima que cette nouvelle conquête de la science nous fut révélée. En dépit de cette apparition terrifiante, je suis convaincu que cette conquête apportera aux hommes plus de bien que de mal.»

Et, le journal Le Monde, rajoute, le 20 décembre 1945 :« Que le monde fasse confiance aux physiciens, l’ère atomique commence seulement. »

Dans '' France-Soir'' du 4 novembre 45, Albert Einstein s'inquiète du ''pouvoir destructeur de la guerre" ; il considère la bombe atomique comme un danger pour l’humanité, aussi Einstein fait une proposition révolutionnaire: « Je ne crois pas que le secret de la bombe doive être donné à l'Organisation des Nations Unies. Je ne crois pas qu'il doive être donné à l'Union soviétique. (…) Le secret de la bombe doit être confié à un '' gouvernement du monde''(…). Un tel gouvernement doit être fondé par les Etats-Unis, l'Union soviétique et la Grande-Bretagne, les seules trois grandes puissances disposant d'une grande force militaire. ».

Einstein ne pense pas que l'ONU puisse être efficace. De plus, il ajoute que : « on doit en finir avec ce concept de non-intervention » , ce doit même, être « une des conditions de la sauvegarde de la paix ».

« Dois-je craindre la tyrannie d'un gouvernement du monde? Évidemment. Mais je crains encore davantage l'éclatement d'une ou de plusieurs nouvelles guerres », écrit-il dans France-Soir.

Albert Camus, dans son éditorial du 08 août 1945, réagit dans Combat : « le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »

 

L'opération Epsilon, que Lancelot a suivi pour le gouvernement français, s'est conclue en Angleterre, dans un manoir de la campagne anglaise, Farm Hall, lieu de séjour des 10 physiciens nucléaires allemands soupçonnés d’être impliqués dans un programme d’armes atomiques nazi – dont Werner Heisenberg, Max von Laue, Otto Hahn et Carl Friedrich von Weizsäcker. Les conversations des ''invités'' ont été secrètement enregistrées. Le 6 août 1945, ils ont du mal à accepter la nouvelle. Otto Hahn culpabilise, Heisenberg n'imaginait pas que les américains puissent être si avancés; il s'enferme dans sa chambre, comment ont-ils fait ?

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Le 8 mai 1945.

Publié le par Régis Vétillard

Dans l'après-midi, les sirènes retentissent et les cloches sonnent. A 15 heures, l’annonce officielle de la capitulation allemande est faite à la radio par le général de Gaulle. Cette annonce, c'est avant tout celle de ''ne plus avoir peur''. Peur d'être arrêté, peur d'être torturé, peur d'être trahi ou dénoncé...

La veille, l'Amiral Donitz, désigné par Hitler pour lui succéder attend près de la frontière danoise, pour négocier avec les anglais et les américains, une paix séparée d'avec l'URSS. Les alliés refusent.

Une reddition allemande est signée à Reims le 7 mai. Staline réclame qu'elle soit organisée à Berlin et le choix du signataire allemand est très discuté.

La capitulation est donc signée le 8 mai, au quartier général du maréchal Joukov en présence du maréchal Arthur Tedder pour le Royaume-Uni, du général Carl Andrew Spaatz pour les États-Unis et du maréchal Jean de Lattre de Tassigny pour la France.

Finalement, c'est Wilhelm Keitel qui signe l'acte de capitulation sans condition à 1h ... le 9 mai. ( Mais les signatures avaient commencé à 23h00 le 8 mai...)

Le maréchal Keitel - surnommé ''Lakaitel ( petit laquais) agent servile d’Hitler – s'était exclamé : « Ach ! Il y a aussi les Français? Il ne manquait plus que cela… ».

 

Cette réaction allemande entraîne Lancelot sur une réflexion à propos des relations malsaines qui se sont tissées entre les allemands et les français, depuis le 21 juin 1940. Keitel était au côté d'Hitler, dans le wagon du train arrêté à Rethondes en forêt de Compiègne, rappel de 1918. En 1940, nous perdions notre souveraineté ; et le général Huntziger ne représentait alors que le maréchal Pétain et le régime de Vichy. En 1940, de Gaulle, appelant à refuser la défaite, était condamné à mort pour trahison.

Aujourd'hui, 8 mai 1945, c'est le maréchal de Lattre de Tassigny qui représente le Général de Gaulle et s'impose, lors de la signature de l'acte final de la capitulation allemande. La France s'affirme du côté des vainqueurs.

La victoire arrogante de l'Allemagne sur le peuple français, nous a contraint soit à la soumission complète, déshonorante, soit à résistance armée. Les allemands ont du faire avec l'une et l'autre attitude. Nous avons signé une armistice et nous avons continué la guerre.

Keitel, a conduit l'armée allemande dans la folie nazie ; il a ordonné une guerre d'extermination, en particulier à l'Est. Il sera condamné à mort au procès de Nuremberg, et pendu.

 

Jean Cavaillès (1903-1944)

30 juin 1945 – Le corps de Jean Cavaillès a été retrouvé dans un charnier, à la citadelle d'Arras. Il y a été fusillé, le17 février 44. Il est l'un des fondateurs des mouvements ''Libération '' nord et sud.

Le jeudi 12 juillet, Lancelot tient à communier au souvenir de Cavaillès, lors d'une célébration au domicile du dominicain Jean-Augustin Maydieu, 29 boulevard de La Tour-Maubourg. Maydieu a fait partie du CNE ( ''le Céné'', créé par Jacques Decour), il y a rencontré J. Paulhan, Cl. Morgan, Edith Thomas, J. Guéhenno, Aragon, Éluard et un an plus tard, de Mauriac, Camus, Marcel et Sartre . Maydieu a été arrêté le 19 mars 1944, à Annecy, alors qu'il devait rejoindre Béguin en Suisse. Il a été libéré par le maquis le 18 août 1944.

Lancelot y rencontre Dominique Dubarle ( autre dominicain) , résistant avec Maydieu, ami de Gabrielle Ferrières la sœur de Jean Cavaillès dont il est le légataire. Esprit étonnant que Lancelot regrette de ne pas avoir connu plus tôt, ses questions sur les sciences sont fascinantes parce que porteuses d'immenses possibilités qui questionnent l'humain dans son essence. De plus Lancelot ressent l'impression que Dubarle a précisément déjà réfléchi en profondeur aux questions que lui-même se pose ; comme celui du regard que nous posons sur le Monde, Dieu, nos responsabilités en fonction de la nouvelle vision scientifique.

Le père Dubarle, excellent connaisseur de la logique mathématique, collabora occasionnellement avec Louis Leprince-Ringuet sur des problèmes de physique nucléaire. Il contribua à faire connaître la cybernétique en France dès 1948 et écrivit un essai sur Norbert Wiener.  

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1945 - Sigmaringen

Publié le par Régis Vétillard

Le printemps 1945 ; c'est la ''campagne'' d'Allemagne jusqu'à la chute de Berlin ; c'est la fin des ''marches vers la mort'' durant lesquelles les nazis évacuent les camps de concentration, sauvegardant une main-d’œuvre pour leurs usines militaires. C'est « le crépuscule des dieux du Reich, et l'aurore des captifs... »

Lancelot avait rencontré Jean Luchaire en 1921... et par son intermédiaire Otto Abetz à Pâques 1930 au cours des rencontres franco-allemandes de Sohlberg. Devenu le directeur de '' Notre Temps '' il était favorable pour négocier avec Hitler, éviter la guerre à tout prix. Sa fille Corinne Luchaire avait obtenu un contrat avec l'Universum Film AG, après la visite de Ribbentrop à Paris en décembre 38. Il affirme encore qu'Hitler ne veut pas la guerre; pourtant elle le surprend alors qu'il est au sanatorium d'Assy.

A Vichy, Luchaire expliquait à Lancelot, qu'il a mission de sonder les intentions de l'occupant et renseigner le gouvernement français. Luchaire se voyait faire le lien entre Laval et Abetz.

A Paris, il s'est mis au service des exigences allemandes en matière de presse ; presse en zone occupée qu'il contrôlait. Il est devenu rédacteur en chef du Matin et fonda le journal collaborationniste Les Nouveaux Temps.

Il a quitté Paris avant sa libération pour rejoindre, avec Déat et de Brinon, Pétain à Sigmaringen.

Château de Sigmaringen

Von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, imagine encore opposer un « gouvernement légal » à celui de de Gaulle. Il place à sa tête Fernand de Brinon, chef de cette ''Commission gouvernementale '', il est assisté de Joseph Darnand, secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Marcel Déat, ministre du Travail, Eugène Bridoux, commissaire aux prisonniers de guerre, et Jean Luchaire, commissaire à l’Information.

Hitler ordonne « d’opérer le transfert du chef de l’Etat ( Pétain), même contre sa volonté. » en Allemagne, dans le château de Sigmaringen, dans le Bade-Wurtemberg. Il y arrive, avec sa femme, le 8 septembre 1944. Il feint d'y être prisonnier, et ignore la commission gouvernementale. Laval le rejoint le lendemain. Vont le suivre, des milliers de miliciens, des collabos de tout genre avec leur famille.

De Brinon, prend très au sérieux, son rôle de chef d'une sorte de gouvernement en exil. Il projette de créer des maquis et de former des agents de renseignement. Chacun se pense investi d'une autorité, alors qu'ils n'ont plus aucun pouvoir !

Libération__18 décembre 1944

Jean Luchaire est arrivé avec sa femme, sa maîtresse et sa fille. Il dispose de beaucoup de moyens ( fournis par Otto Abetz) et de personnels pour animer sa radio et son journal '' La France ''.

Les dignitaires hôtes du Château savent qu'ils seront jugés. Le 9 novembre 1944, ils apprennent la condamnation à mort de la mort de Georges Suarez, qui dirigeait le journal pro-allemand ''Aujourd’hui''. Pourtant, on espère la division entre gaullistes et communistes, on rêve d'une coalition avec les nazis contre les soviétiques. On imagine une nouvelle arme du Reich. Et, on apprend, le 16 décembre 44, que les allemands ont lancé une grande contre-offensive dans les Ardennes.

Mais, début 45, les panzers subissent de lourdes pertes.

Le 22 février, Doriot, près de Sigmaringen est mitraillé dans sa voiture, par deux avions.

Pétain craint d'être accusé, dit-il, d'avoir « cherché refuge en terre étrangère pour me soustraire à mes responsabilités. » comme il l'écrit à Hitler. Darnand, le 11 avril, rejoint une poignée de miliciens dans les Alpes. Le 18, à la suite de responsables allemands un millier de Français quittent précipitamment la ville. La gestapo évacue Pétain le 21 avril vers Wagen puis le château de Zeil. Pétain refuse de fuir encore, et souhaite attendre les alliés. Le 24 avril, excédés, les allemands le remettent, lui et son entourage, aux autorités suisses. Le 26, Philippe Pétain se livre aux autorités françaises à Vallorbe.

Jean Luchaire, a gagné Merano où il sera arrêté, le 22 mai 45, par la police alliée en Italie. Sa fille, Corinne Luchaire, est arrêtée le lendemain ... Jugé à partir de janvier 46, il sera condamné à mort, et sera exécuté au fort de Châtillon le 22 février 1946, au côté de Jean Sablé-Teychène, un policier de la Gestapo française, tortionnaire de résistants.

 

L'issue de la guerre, sera t-elle conditionnée par la mise au point, de la part d'un belligérant, d'une bombe atomique ?

De sources russes, on parle d'essais nucléaires sur l’île de Rügen dans la mer Baltique, de la part des allemands ( mars 1945).. Il faut espérer que l’Allemagne soit limité par sa quantité de matériaux fissibles, comme l'uranium enrichi.

De 1939 à 1944, les alliés ont mené plusieurs opérations secrètes pour empêcher Hitler de mettre la main sur les stocks d’eau lourde en Norvège.

On sait, que des physiciens allemands ont réussi dès 1941, à construire ( à titre expérimental) des piles atomiques capable de produire de l'énergie

 

Lancelot après de gros efforts de rééducation a récupéré plus que prévu. Il marche aidé d'une canne, et doit lutter constamment contre la douleur ; avec Geneviève et Elaine, ils rentrent dans leur appartement à Paris. Anne-Laure de Sallembier reste à Fléchigné, qu'elle ne quittera pratiquement plus. 

En 1945, après avoir rencontré le ministre André Diethelm, Lancelot retrouve un poste au 5e bureau de l'état-major des armées du Ministère de la Guerre ; en charge plus particulièrement de la politique française d'occupation en Allemagne.

De Paris, Lancelot est mis dans le secret de l'opération Epsilon, pour assurer le suivi avec le ministère, qui consistait au rapatriement, sous responsabilité américaine, de dix physiciens allemands vers l'Angleterre. Ils devaient être emmenés en bus de Heidelberg en France, via Metz, Reims. De Reims, ils sont transportés en avion à Paris, puis Versailles et le 9 mai 1945 au château du Grand Chesnay. Parmi eux se trouvent, un personnage clé : Heisenberg, directeur de l’Institut Kaiser Wilhelm de physique de 1942 à 1945.

Patriae Impendere Vitam - Insigne des troupes d'occupation en Allemagne ( TOA) - L'épée fracasse la croix gammée nazie.

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La Complainte du Partisan

Publié le par Régis Vétillard

Évoquer ( précédemment) Emmanuel d'Astier, c'est alors l'occasion de se tourner vers une autre personnalité, à l'antipode de son parcours : Gaston Bergery ( 1892-1974). Leur point commun est une femme, Lioubov Krassine (1908-1991) citoyenne soviétique, qui épousa Bergery en 1927, et d'Astier en 1947.

Lancelot connaît assez bien Bergery, licencié en droit. Il habite, 29 rue de Bourgogne, (7e). Dandy, ambitieux, plutôt froid, souvent ironique ; il fréquente les mêmes milieux que Berl et Drieu la Rochelle qui s'en inspire pour décrire le personnage de Clérences.

Après le parti radical, il est à la recherche politique d'une troisième voie.

Louba Krassine - fille du premier ambassadeur en France de la nouvelle URSS - avait seize ans quand elle rencontra le jeune avocat. Son père, l'ambassadeur des soviets à Paris, était un grand bourgeois, ingénieur, rallié à la cause de la Révolution, qui recevait la société parisienne avec faste. L'une de ses ravissantes filles, Louba, devint la femme de Gaston Bergery, en 1927, très fier de pouvoir la présenter à son entourage de gauche. Ils divorcèrent l'année suivante.

Dans les années trente, Lancelot se souvient que Jean Hugo était vraisemblablement très amoureux de Louba Krassine, alors même qu'elle était la meilleure amie de Frosca Munster, son grand amour...

Gaston Bergery soutient Léon Blum, en 1936. Il est pacifiste, munichois ; et après la défaite promeut un « ordre nouveau, autoritaire, national, social, anticommuniste et antiploutocratique ». Acteur de la collaboration, il souhaitait établir un parti unique, ce que refusait les allemands. Il est l'ambassadeur de Vichy à Moscou ( avril 41), puis à Ankara (juin 1942).

Anna Marly

Pendant ce temps, Louba Krassine rencontre à Londres, Anna Marly exilée russe, chanteuse et guitariste.

En 1943, un soir, Louba, devenue la maitresse d'Emmanuel d'Astier, réunit dans son appartement Anna Marly et Joseph Kessel. Anna propose une chanson qu’elle destine aux combattants russes assiégés dans Stalingrad et qu’elle a titré Guérilla Song. Kessel et Druon en feront l'inoubliable Chant des partisans.

Parallèlement, Emmanuel d’Astier écrit les paroles de La Complainte du Partisan dont Anna Marly compose la musique et qui sera reprise par Leonard Cohen en 1969.

En désaccord avec De Gaulle, Emmanuel d'Astier quitte le gouvernement ; il est alors proche des communistes et fonde Libération, comme quotidien. Le 19 août 1944, Libération s'était installé dans les locaux de Paris-Soir rue du Louvre, avec une rédaction en majorité communiste.

D'Astier, va divorcer de l'américaine France Temple qu'il a épousé à Paris en 1931. Et, le 9 août 1947, il se remariera avec Louba Krassine.

 

Avant que Drieu ne tire sa révérence, le 15 mars. Il apprend le 19 janvier, la condamnation à mort de Robert Brasillach, fusillé le 6 février 1945 au fort de Montrouge.

«  Vous avez beau dire : ce qu'il y a de meilleur en France ne se console pas de la destruction d'une tête pensante – aussi mal qu'elle ait pensé. N'existe-t-il donc aucune autre peine que la mort ? » ( Mauriac, le Figaro du 24 janvier 45).

La question de la responsabilité de l'écrivain est médiatisée, et taraude Drieu.

Difficile, se questionne Lancelot, de ne pas prendre extrêmement sérieusement l'engagement de ces intellectuels qui allaient jusqu'à réclamer eux-mêmes, la peine de mort pour des millions de morts parce qu'ils étaient juifs.

Lancelot se souvient de ces dernières conversations, avec Drieu, à propos de Judas, l'apôtre condamné pour son rôle essentiel, mais conduit, dit-on, par l'argent. Pour Camus, la situation de l'homme absurde peut être présentée au travers de Don Juan, ou Hamlet. Pour Drieu en août 44, c'est par Judas.

Il se souvenait du livre de Claudel, auteur qu'il admirait, '' Mort de Judas '' publié en 1933. Dans ce texte, Claudel livre un plaidoyer en faveur du pêcheur Judas. La faute de Judas serait de rester dans l’orgueil et dans le péché d’Adam. L’arbre de la pendaison rappelle l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Maurras après sa condamnation, s'en prend à Claudel qui qualifiait Judas de maurassien. Maurras tente de lui montrer que ce sont les autres apôtres qui le sont ; et que Judas c'est Claudel !

Judas, disait Drieu la Rochelle, a trahi - nous le savons bien, fondamentalement - non pour de l'argent, mais pour révéler la nature divine du Christ. Et bien, lui, Drieu, aurait trahi pour annoncer la dimension européenne du patriotisme ; et cette dimension pouvait s'élaborer dans le cadre de la collaboration avec l’Allemagne nazie. « J’ai toujours été nationaliste et internationaliste en même temps, (...) mais dans le cadre de l’Europe. »

Drieu appréciait beaucoup d'échanger sur la spiritualité. Il disait encore : « je veux surtout me délivrer de cette trivialité de la politique dont je me suis affublé. »

Charles Maurras, a été condamné à la réclusion perpétuelle.

Rentré en France, Gaston Bergery est arrêté le 25 octobre 1945 et aussitôt inculpé d’intelligence avec l’ennemi. En février 49, Gaston Bergery bénéficiera d’une relaxe pure et simple.

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1945 - Suicide de Drieu la Rochelle.

Publié le par Régis Vétillard

Vendredi16 mars : Drieu la Rochelle a été trouvé mort dans la matinée, au 23 rue Ferdinand, dans un appartement de Colette Jéramec. Il a succombé à une dose massive de somnifères et une asphyxie au gaz d'éclairage. Une instruction venait d'être ouverte contre lui, et le considérait comme en fuite. il meurt dans les bras d'une juive, Colette prévenue par Gabrielle, sa cuisinière-gouvernante..

Mauriac ne pouvait pas ne pas réagir à la mort de celui pour qui, il avait une certaine considération. Il le considérait comme un « enfant perdu que nous n’avons pas été dignes de sauver ». Mauriac avait célébré '' Blèche'' de Drieu (1928), beaucoup aimé – comme Lancelot d'ailleurs - '' Gilles '' : un livre « essentiel, vraiment chargé d’un terrible poids de souffrance et d’erreur ».

Drieu est passé de sa recherche d'un néo-socialisme à poigne, à l'engagement dans la collaboration. Mauriac dans le Figaro écrit que Drieu ne pardonnait pas à la France, sa faiblesse. Et comment, alors, lui-même a t-il pu céder « au vertige du vaincu que grise l'odeur de son vainqueur. » ? Puis, « il découvrit que ce vainqueur bien-aimé était lui aussi un faible, que le Grand Reich n'était pas si grand devant la Russie soviétique. »

Cependant, Lancelot fait partie de ces quelques uns qui gardent un certain respect et même un peu d'amitié pour celui qui rêvait d’être un Viking. Lui-même, nous exhortait : « Soyez fidèles à l'orgueil de la résistance comme je suis fidèle à l'orgueil de la collaboration. Ne trichez pas plus que je ne triche. Condamnez moi à la peine capitale. Nous avons joué. J'ai perdu. Je réclame la mort. » ( Drieu la Rochelle - Récit secret (1944, rendu public en 1961) )

C'est insuffisant, bien sûr, mais Drieu a aidé André Malraux, et précisément Clara sa femme d’origine juive, il a sauvé Jean Paulhan arrêté par la Gestapo en 1941, alors que l'on venait de trouver chez lui, la ronéo servant à l'édition clandestine des ''Lettres Française''.

Août 1944 : Emmanuel d'Astier, un ami de Drieu, devenu ministre de l'intérieur dans le GRPF est venu lui proposer de le faire passer en Suisse. Voyage sûr, dans une voiture du ministère. Il a refusé.

Je profite de le nommer, pour évoquer Emmanuel d'Astier de La Vigerie ( 1900-1969). Il a partagé avec Drieu, beaucoup de ses errements de l'entre-deux-guerres, et cependant, dès 1940, il s'est refusé à entériner la défaite, il a dénoncé l'accord entre Pétain et les nazis, pour se retrouver finalement du côté de la résistance.

D'Astier après avoir démissionné de la marine, s'était essayé dans une carrière littéraire, avant de devenir journaliste, soutenu par Drieu, d'abord dans l'Action Française, puis à l’hebdomadaire Marianne sous la direction E Berl. Il rejoint la gauche, admire Doriot, dans les années trente.

Je m'interroge sur les causes d'un tel engagement dans la résistance ; aussi remarquable, qu'il est précoce, immédiat. En général, l'antériorité du combat politique l'explique, pourtant ce n'est pas suffisant. Peut-être, observe t-on, dans une telle occasion, une modification brusque de l'environnement social de la personne ; une réaction émotive forte, la sensation d'un écart trop important entre le nouvel ordre du monde imposé et ses propres valeurs, et enfin le désir, de passer à l'action directe ? Tout ceci était réuni pour Emmanuel d'Astier.

Après plusieurs autres mouvements, il crée avec Jean Cavaillès le mouvement ''Libération-Sud''. Dans la clandestinité, il est 'Bernard', puis 'Merlin'. ... !

''Libération'' est l'un des premiers mouvements de résistance, c'est aussi un journal : 53 numéros paraissent dans la clandestinité, pour condamner le régime de Vichy qui a trahi. En quoi... ? Le premier point de rupture a été l'armistice ; ensuite il a collaboré politiquement, militairement, économiquement, Vichy a parié sur une victoire allemande, et accepté la domination hitlérienne. ''Libération '' a critiqué également l'idéologie de la ''Révolution Nationale'' et lui attache la persécution des juifs, des francs-maçons, la censure, la suppression des libertés...

Emmanuel d'Astier, très grand, le visage droit, le profil rectiligne, en impose ; il a du charme et du charisme. Il écoute, essaie de comprendre son interlocuteur. Il attire la confiance, et devient le chef respecté par la pratique des responsabilités au jour le jour.

En novembre 43, il part pour Alger, réclamer, à de Gaulle, des armes pour la résistance. Cadre de la résistance, il fait partie du Gouvernement Provisoire de la République (GRPF) .

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