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graal

1950 - Henri-Irénée Marrou (1904-1977)

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot passe beaucoup plus de temps dans les couloirs et les bureaux des ministères à Paris, qu'au Vatican. L'année 1956 est assez particulière, en ce que la fébrilité qui s'empare des politiques amène Lancelot à répondre à de multiples sollicitations.

Henri-I Marrou avec Danielou

La présence intellectuelle d'Henri Marrou va beaucoup l'aider. J'ai déjà fait état de la rencontre de Lancelot avec Henri-Irénée Marrou (1904-1977), à Lyon en 1942, proche de Mounier et de ''Témoignage Chrétien''. J'ai cité l'une d'entre nombreuses discussions sur l'histoire et le christianisme dans l'antiquité tardive... En 1955, Lancelot et Henri Marrou se croisent dans le cadre de la revue ''Esprit'', et Lancelot sollicite souvent son avis sur l'actualité.

 

Henri Marrou occupe la chaire d'histoire du christianisme à la Sorbonne depuis 1945. Emmanuel Mounier lui a proposé de le rejoindre aux ''Murs blancs'' dans la banlieue sud de Paris. Il s'agit de deux maisons bourgeoises divisées en appartements à Chatenay-Malabry, dans un grand parc, où vont se côtoyer les familles Mounier, Marrou, Baboulène ; les Domenach, les Fraisse et les Ricoeur ( le derniers en 1957). Chacun est indépendant, mais participe à une vie communautaire.

Simone Fraisse est agrégée de lettres et spécialiste des œuvres de Simone Weil ; Jean-­Marie Domenach, est un intellectuel et journaliste engagé, et sa femme, Nicole, professeure à l’école d’arts appliqués Estienne ; Jean Baboulène est à ''Esprit'' comme tous, et secrétaire général de la Jec, directeur de Témoignage chrétien jusqu’en 1949.

 

Lancelot apprécie beaucoup de passer aux 'Murs Blancs ', en particulier pour y rencontrer Henri Marrou, sa femme Jeanne, et parce qu'il est très intéressé par sa réflexion sur l'Histoire; elle est une constante question, il la nomme « l'histoire-questions » ; et l'Histoire est une rencontre, elle est dit-il « une rencontre d'autrui » et, même « un mixte indissoluble du sujet et de l'objet ».

Lumière du Graal - Cahiers du Sud -1950

 

Pour Marrou, le sujet du Graal est « l'un des plus beaux que présente le moyen âge occidental. ». Il le rapproche volontiers d'une réflexion sur l'histoire des religions, en commençant par l'exploration des vieilles croyances celtiques, jusqu'à l'eucharistie chrétienne. Nous sommes confronté également, dit-il, à la transmission de la légende : par quels moyens est-elle parvenue à la connaissance des auteurs médiévaux ? Comment a travaillé Chrétien de Troyes, sur quels documents ? Cette '' Matière de Bretagne'' est bien originale, dans sa '' Merveille '' qui n'est ni grecque, ni romaine, ni slave...

- Ne trouve t-elle pas ses origines « dans le sol même de la Bretagne, de la vieille Bretagne celtique. » ?

- Oui, sans-doute ; mais il faudrait faire le ménage de beaucoup d'hypothèses fantaisistes... et je pense à celle du catharisme.

Un livre récent de Jean Marx, sur ce thème, est assez éclairant. Bien sûr, il privilégie l'arrière-plan celtique pour expliquer l'ossature de la légende.

Si Lancelot ne nie pas l'origine celtique de la Légende, il estime fondamental de ne pas occulter la transcription catholique de la légende et sa perpétuation à partir d'un environnement médiéval. Car enfin, pour nous, le Graal prend corps à cette période de notre histoire !

S'amusant un peu ; de l'identification de Lancelot à la quête de son personnage emblématique ; Henri Marrou pointe dans la recherche historique une fonction libératrice, aussi bien pour la société que pour l'individu.

- Vous ne croyez-donc pas à la l'objectivité et l’exhaustivité des historiens ?

- Non... L'historien n’appréhende pas le passé directement, mais à travers lui-même et son propre présent.

- On ne peut pas parler de ''vérité historique'' ?

- Cette vérité se cherche et se construit, avec à mon sens, d'autant plus de justesse que nous connaissons ce qui fait la spécificité d'une époque et « ce principe de la différence des temps », pour éviter l'anachronisme.

Pour se faire comprendre du plus grand nombre, l'historien ne craint pas d'utiliser ce que Augustin Thierry nommait au XIXe s. « la puissance de l'analogie », avec ses limites... Attention à l'anachronisme !

Carte Lancelot - 1950

 

Lancelot ne manque pas d'évoquer son arrière grand-père Charles-Louis de Chateauneuf qui connaissait bien Augustin Thierry (1795-1856), et il notait combien cet historien s'était nourri des romans de Walter Scott. Dans son travail, il faisait la place aux légendes, à l'imaginaire...

Bien sûr, Thierry revenait aux sources, aux textes originaux et aussi aux poésies populaires ; il aimait retrouvait le vieux langage français. Il disait s'intéresser plus aux vaincus qu'aux vainqueurs, à la différence du XVIIIe s. pendant lequel l'historien était au service du ''Prince''. Il pensait qu'il revenait à l'historien de faire revivre par son style les individus et les peuples disparus : « II faut pénétrer jusqu'aux hommes, à travers la distance des siècles, il faut se les représenter vivants et agissants sur le pays où la poussière de leurs os ne se retrouverait pas même aujourd'hui... (…) Que l'imagination du lecteur s'y attache ; qu'elle repeuple la vieille Angleterre de ses envahisseurs et de ses vaincus du XIe siècle ; qu'elle se figure leurs situations, leurs intérêts, leur langage divers, la joie et l'insolence des uns, la misère et la terreur des autres, tout le mouvement qui accompagne la guerre à mort de deux grandes masses d'hommes. »

 

Henri-Marrou ( ancien ''tala'' de l'Ecole Normale) se définit comme catholique, spécialiste de Saint-Augustin, lecteur de Cassien ( IVe s.) et du frère carme Laurent de la Résurrection ( XVIIe s.) ; et passionné par l’œuvre de Teilhard de Chardin, qu'il avait rencontré étudiant, lors de réunions du groupe « tala » de la rue de Grenelle.

Marrou dit qu'il prie, depuis, avec une vision christocentrique du monde : « Aidez-moi Seigneur à me dégager par ascèse de la gangue inerte de mon cœur et que je puisse travailler avec vous, Christ, à réconcilier toutes choses avec le Père » (...). « sentir avec l’Église, mais aussi sentir avec le monde. »

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1954 – Fin de la vie d'Anne-Laure de Sallembier

Publié le par Régis Vétillard

De façon très inhabituelle, Anne-Laure de Sallembier s'est couchée avant le repas du soir ; elle avait simplement demandé à Madeleine de faire manger Elaine, et de la coucher. Elle se sentait fatiguée, et avait besoin de récupérer. Le lendemain, Madeleine appelait Lancelot à Paris, pour lui faire part de son inquiétude sur la santé de sa mère. La comtesse de Sallembier n'a plus quitté son lit ; et Lancelot vécut les semaines les plus intenses et douloureuses de sa vie.

 

à Fléchigné

Après la visite du médecin, et quelques analyses effectuées dans une clinique aux alentours de Paris. La mère de Lancelot exprime son impérieux souhait de revenir à Fléchigné, et de mourir nulle part ailleurs !

Pourquoi Fléchigné ? Parce que une part de soi est ici, parce que cette maison a toujours été un refuge, ce dont elle a besoin à présent. « Ici, je continue à vivre, dit-elle, ailleurs je commencerai à mourir. »

« Si je meurs, dans mon logis, ma présence continuera à vous accompagner ».

 

Lancelot fit déménager la plupart des meubles de sa chambre dans un petit salon du rez-de-chaussée. Ainsi, pendant la journée, Anne-Laure restait proche de chacun ; et pour la nuit il a été aménagé un coin nuit dans le grand salon pour la personne qui la veillait.

Une infirmière a secondé Madeleine pour les soins, le médecin venait régulièrement, et n'hésitait pas à proposer de la morphine pour atténuer les douleurs.

 

Lancelot est resté présent, le plus possible proche, frappé par l'abandon progressif de sa mère pour les soucis matériels, et la confiance qu'elle faisait à Madeleine en lui abandonnant tout.

Anne-Laure ne fut jamais irritée envers quiconque, elle semblait plutôt désolée du souci qu'elle donnait à chacun.

C'est à Elaine ( dix ans), qu'elle semblait vouloir raconter encore beaucoup de souvenirs ; la dernière semaine, elle n'en avait plus la force et priait Lancelot de continuer sur l'idée qui lui venait.

Alors, elle fermait les yeux et écoutait Lancelot évoquer certains personnages qu'elle avait connus, sa main acquiesçait ou s’agitait pour réfuter...

 

Lancelot savait que sa mère était rassurée de partir, entourée de ses proches, en particulier de son fils et de sa petite fille.

Tarot - le Mat et la Mort

« Vous serez mes passeurs » leur avait-elle dit, alors qu'elle feuilletait, comme souvent, les cartes du Tarot. Elle avait devant les yeux l'arcane XIII.

« Il ne faut pas craindre cette image, disait-elle, elle peut apparaître comme la ''lavandière du gué'' annonciatrice d'un malheur, alors qu'elle n'est que l'annonce d'un passage, donc l'instructrice d'une connaissance. Dans notre tradition du Graal, la carte représente aussi la Jérusalem céleste. Elle est le but ultime du pèlerin, le terme de la croisade du templier.

Durant l'existence de nos ancêtres, le Graal avait quitté la Terre sainte pour l'Occident ; pour que la société arthurienne puisse donner à notre monde la dimension sacrée et spirituelle à laquelle nous aspirons. Aujourd'hui, ce Graal que nous cherchons, nous reconduit, par la Foi et la Raison, jusqu'à Jérusalem. »

 

Elle rappelait souvent, à la petite Elaine, que son grand-père Charles-Louis lui racontait des histoires de l'Autre Monde, tous deux savaient que nous utilisons les images de ce monde, pour évoquer le Vrai Monde ; celui où elle se rendait...

« Si nous parlons en légendes, c'est qu'elles sont bien plus que ce que la plupart des gens se représentent. »

Elle confiait à sa petite fille comment Lancelot, fut le plus beau cadeau que la vie lui avait fait, et comment sa bonne fortune lui a permis de vivre intensément la fin d'une époque aristocratique mais réservée, il est vrai, à une petite partie de la population.

Anne-Laure avait raconté comment elle avait découvert ce monde avec Elisabeth de Gramont en particulier. Elaine se souvenait comment cette jolie demoiselle avait choisi un beau jeune homme, Philibert de Clermont-Tonnerre (1871-1940) comme époux. Elle s'installe alors en Bourgogne, a une petite fille Béatrix ; et elle s'ennuie, revient à Paris avenue Kléber... Anne-Laure et Elisabeth courent les salons, celui de madame Strauss, de Madeleine Lemaire où on pouvait voir Proust, de Robert de Montesquiou ; mais, Philibert est jaloux, violent, elle perd sous ses coups son deuxième bébé !

Anne-Laure a déjà raconté la comtesse Greffulhe, magnifiée par Proust, mais qu'elle ne reçut que vers 1904, quand sa fille épousa Armand de Gramont, ami de Proust. Sa fille, c'est Elaine Greffulhe.

Lancelot rappelle aussi qu'il y avait Anna de Noailles..

 

Anne-Laure a rencontré la théosophie, a fait tourner les tables. Elle s'est passionnée pour l'étude de la nature, elle fréquentait Camille Flammarion: elle se persuadait que l'idée de Nature, englobe le divin, l'humanité et l'univers... Tout le visible est le miroir de l'invisible ; et l'invisible devient simplement ''naturel''.

D'autres expériences vont enrichir sa représentation du réel, son passage au Figaro, puis au 'Mercure de France'.

Jean-Baptiste de Vassy ( J.B) disciple du mathématicien Henri Poincaré, et admirateur d'Henri Bergson, était passionné d’aviation. Il fut le compagnon de sa mère et une figure paternelle pour Lancelot, il a accompagné Anne-Laure jusqu'à sa disparition au début de la grande guerre ; avec lui elle a rencontré Bertrand Russell, et indirectement Bernanos.

 

L'esprit, chez les officiers comme J.B, est à la communion dans des valeurs traditionnelles, ils se considèrent comme les lointains héritiers de la chevalerie ; ce que J.B. n'avait pas manqué de développer avec Lancelot ...

Anne-Laure a beaucoup voyagé, en Allemagne, en Italie, en Angleterre et en Ecosse; sur son chemin... le Graal. Sur le chemin, également, une rencontre essentielle, celle du couple Maritain et de tous ceux qu'ils fréquentaient.

L'Italie, c'était avec Edith Wharton, en 1908.. Mais surtout, beaucoup l'Allemagne, et la passion des auteurs allemands.

On a parlé de Vanessa Bell, et du groupe de Bloomsbury, de son ami Paul Painlevé. Puis il y eut la Guerre et ses interventions auprès des allemands, jusqu'au retour à Fléchigné; l'accueil de réfugiés. La visite de Félix, était attendue, et ''ses fruits'', inattendus... !

 

A sa naissance Lancelot reçoit, par sa mère, une mission : le Graal. La légende arthurienne fournit dans sa version chrétienne, un ensemble d'images qui balisent une voie, en correspondance avec le message du Christ, qui traverse les siècles. L'origine de ces images s'inscrit dans la symbolique médiévale et se confronte, parfois avec difficulté, à la modernité. Pourtant, au XXIè siècle, le Graal reste toujours le chemin et l'objectif.

Avant toute chose, avant même le Graal ; Lancelot a reçu de sa mère et de ceux qui l'entouraient, une Tradition.

Et c'est cet héritage, d'abord reçu, puis fructifié, qu'Anne-Laure espère avoir laissé à son fils.

Effectivement, pour Lancelot, ce qui caractérise le chemin emprunté par sa mère, c'est son attachement à la Tradition.

La comtesse de Sallembier avait en horreur l’idée de Révolution ; elle impose la destruction d'une structure, d'un squelette élaboré au cours des siècles, à partir de la vie des gens.

La question du vrai et du bien, ne peut être résolu par un seul personnage qui ferait table rase du passé.

Pour Anne-Laure :

La Tradition est une somme de ''références'' vécues.

Une Tradition se transmet, se reçoit. C'est une caractéristique de notre humanité.

Une Tradition se vit, au présent. Elle est communautaire, et ne se comprend qu'en ''disputatio''.

Une Tradition ne dépend pas forcément du même référentiel que la connaissance du moment. Il y a malentendu quand elle se confronte à elle, sans ce discernement, comme par exemple lors du procès de Galilée. La raison seule, ne suffit pas à vivre la Tradition.

La Tradition n'est pas une opinion ; elle les nourrit mais ne la fige pas.

On pourrait se demander, s'il y a des traditions erronées ? - Il y aurait plutôt des pratiques erronées.

 

La dernière semaine, Lancelot est revenu avec Geneviève. Il a fait une surprise à sa mère, en apportant à Fléchigné un combiné radio-tourne-disques ; une boite en bois plaqué acajou, et la façade en plastique et tissu. Le son est impeccable sur toutes les gammes, et a remplacé avantageusement le vieux poste. Quelques disques 33 tours-minutes de musique classique l'accompagnent.

Anne-Laure souhaite écouter des chants grégoriens de l’abbaye de Solesmes.

Un soir, ils écoutent le Miserere mei Deus (Psaume 50), ils pleurent ensemble ; ils se regardent et rient. Anne-Laure dit qu'elle n'a jamais été plus heureuse.

Ces deux derniers jours, Anne-Laure n'était déjà plus là ; pourtant cette dernière nuit, elle et Lancelot ont partagé comme ils ne l'avaient plus fait depuis longtemps. Au matin, Lancelot qui la veillait, s'est réveillé, elle le regardait. Il s'est approché, elle a fermé les yeux et nous a quitté.

Elle lui avait dit : « Et si la mort, était un accomplissement.. ? » et «  De quoi, de qui pourrais-je avoir peur ? »

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Le Graal, une réponse à Prométhée

Publié le par Régis Vétillard

A la suite de cette discussion autour de Prométhée, Lancelot revient, comme bien souvent, à ce que pourrait en dire l'esprit du Conte du Graal.

D'ailleurs, Maurice, curieux du mythe et de la figure que représente Lancelot, demande à son ami ce qui le relie finalement à ce héros médiéval ?

- Géographiquement le chevalier est né au Passais entre Mayenne et Normandie. Il est de la lignée de Joseph d'Arimathie qui porta le Graal en Grande-Bretagne. Après la fin du royaume d'Arthur, et alors que le Graal à jamais est à jamais dérobé aux hommes, Lancelot se retire dans un monastère où il mourra. On trouve non loin de Fléchigné, une autre figure qui reprend les mêmes éléments symboliques, à Saint-Fraimbault-de-Lassay - l’ermite Fraimbault, un modèle du personnage de Lancelot - où il a terminé sa vie, reconnu comme un saint célébré par les rois de France à partir de Clovis. ( Cf ici ''L'Histoire de Lancelot, du pays de Passais'')

Saint-Fraimbault

Lancelot représente le chrétien imparfait. Il a du mal à choisir entre Guenièvre et le Graal, entre l'amour et la foi. Lancelot, est nommé parfois, le ''chevalier pensif'', il a du mal à voir le monde tel qu'il est, et ne sait plus qui il est ( à lire dans le Chevalier de la Charette ). Pour faire court, on dit que c'est le ''péché'' qui l'empêche de conquérir le Graal.... Mais, et c'est important, le Graal n'est pas l'histoire d'une personne, il est l'histoire d'une lignée. Et, il y a Elaine ; elle le relie au Graal, par le fils qu'elle lui donne, Galaad.

Maurice s'étonne de la présence du ''péché'' ..- Tu peux m'en dire plus...

- Connais-tu la figure du ''Roi Pêcheur'' ( ou Amfortas dans la version de Wagner) ? Il souffre d'une blessure mystérieuse, certainement liée à cette ''faute'' autour de laquelle nous tournons...

Qui est ce roi ?

- Dans la Queste del Saint-Graal, le roi méhaigné ( mutilé) appelé Pellehan ( ou Pellam, ou Pellès...) a été frappé par le chevalier Balain ( Balin) avec la lance qui avait transpercé le côté de Jésus. Le roi est blessé entre les hanches, ce qui cause la désolation de tout le royaume.

Cette blessure, est le signe d'une agression, tout à la fois, contre la souveraineté, contre la Nature, le principe féminin, et contre le Graal.

Parallèlement, alors que le roi Arthur, lui-même, est défaillant et devient un roi blessé, Lancelot, par amour, devient le protecteur de la reine Guenièvre agressée et captive de Méléagant ; mais alors, l'unité du royaume est brisée.

Lancelot rappelle que c'est la révélation de l'amour transgressif de Lancelot pour Guenièvre, qui va précipiter la fin du royaume d'Arthur et la fin de la chevalerie terrestre, alors que la chevalerie céleste aboutit au Graal par son fils Galaad.

L'écrivain de la Queste, pénétré de la théologie mystique de saint Bernard, voulait avertir ses contemporains du courroux de Dieu s'ils s'obstinent dans le péché.

- C'est plus difficile aujourd'hui de parler du péché. Pourtant, l'image du Royaume brisé, de la Terre Gaste, renvoie à une sorte de fatalité qui s'abat sur le monde médiéval. La ''Queste du Graal'', nous représente un monde violent fait de guerres et même en paix, de tournois. Le monde païen évoque des puissances maléfiques. « L’existence humaine y reste enténébrée par le Mal, en dépit de l’avènement de la morale courtoise et de l’influence toujours plus forte de l’Église. » ( Perdita Formentelli, universitaire)

Aujourd'hui beaucoup craignent que la guerre nucléaire soit le destin apocalyptique de l'humain.

Ceux qui partaient à la quête des ''secrets du monde'', privilégiait dans leur jugement les causes des désastres, et réveillait une culpabilité primitive de la personne sur qui s'abattait la colère divine.

- Et que penser de la présence constante de Satan ?

- Pour en revenir à Prométhée ; en cause était un ''feu'', une connaissance qui lui était liée et qui a pu apparaître comme diabolique. La première connaissance coupable du Bien et du Mal n'a t-elle pas été imputée au Diable ?

Prométhée pourrait être rapproché de Lucifer ( l'ange de la lumière, mais ange déchu) qui en échange d'une damnation éternelle transmet des connaissances magiques...

- Attention... Ce qui est important c'est la Présence de la Grâce.. C'est le rôle du Graal.

Avec le roi blessé, la Terre Gaste n'est plus fécondée par l'eau du ciel. Du silence de Perceval, naît Galaad et la Parole rédemptrice. Daniel Poirion, nous dit que pour Saint Bernard : « le Verbe est le non-dit de la parole humaine comme s'il était fondé sur un oubli » ( « ce qui est invariable est incompréhensible et doit donc être ineffable » ( Sermons de St Bernard. Tome 2 p 88).

- Justement ; que dire du Graal ?

- Le Graal est un objet complexe, et ambigu, il témoigne de rites anciens et donc de la nature vivante de ceux-ci. Le Graal chrétien est la coupe qui contient une hostie. Elle représente '' la transcendance divine eucharistique'' qui donne la Grâce.

- Comment conquérir le Graal ?

- Perceval n'a pas su poser la bonne question ; peut-être parce qu'il a causé la mort de sa mère, parce qu'il n'a pas su considérer autrui... ? Lancelot non plus ; parce qu'une autre passion que celle du Graal, le passionne... Pourtant, au cours de la Quête il exprime son repentir ; mais seule la virginité de Galaad semblait permettre d'être entièrement rempli de la Grâce divine.

Ici le destin individuel du héros, exprime un idéal collectif. Ce qui est en cause, c'est le destin de la Nature.

Si la régénération de la Nature, fait partie de la quête ; elle s'en tient à l'accession au Château de Graal, à l'espérance de pouvoir guérir le Roi; mais la contemplation du Graal reste l'objet d'une chevalerie céleste.

Friedrich_Heinrich Fuger Prometheus 1817

Maurice, pour en revenir encore à Prométhée, se remémore quelques page des ''Cahiers'' de Simone Weil qui viennent d'être publiés. Elle écrit : « Le Christ a indiqué son affinité avec Prométhée, quand il dit « je suis venu jeter un feu sur terre ». elle relève les analogies, ou concordances entre la pensée grecque, et le christianisme. Elle relève les notions de salut, chez Platon, Pindare, Hérodote, et Sophocle est, à ses yeux, « le poète grec où la qualité chrétienne de l’inspiration est la plus visible et peut-être la plus pure. Il est beaucoup plus chrétien que n’importe quel poète tragique des vingt derniers siècles, à ma connaissance. »

Dans la même idée, Lancelot se souvient d'un ouvrage d'Edgar Quinet (historien) ( transmis par Charles-Louis de Chateauneuf ), dans sa préface, il explique ses raisons de réécrire la légende de Prométhée : cette figure est l'une parmi d'autres ( Orphée, Sisyphe, Némésis...) que le christianisme va récapituler en faisant du Christ, le rédempteur. Pour Quinet, chaque peuple, écrit une page de ''l'Ancien Testament ''. Il écrit : « Il n’y a plus ni Grecs ni Barbares, ni gentils ni chrétiens, ni anciens ni modernes, mais une même société d’hommes réunis autour d’un même abîme, et qui se font les uns aux autres la même question, presque dans les mêmes termes. » 

On peut noter aussi :

André Gide, dans ''Le Prométhée mal enchaîné'',(1899) le voyait comme ''homme de lettres'', Sartre le voit plutôt comme un ingénieur, un technicien qui asservit l'humanité, dans sa pièce Épiméthée (1929). Camus ( Prométhée aux Enfers, dans L’Été ) écrit que ce révolté dressé contre les dieux est le modèle de l’homme contemporain qui choisit de se libérer de toute aliénation... Mais … « Mais au lieu de s’asservir le réel, il consent tous les jours un peu plus à en être l’esclave. C’est ici qu’il trahit Prométhée, ce fils « aux pensers hardis et au cœur léger ». C’est ici qu’il retourne à la misère des hommes que Prométhée voulut sauver. »

Cependant d'autres distinguent plutôt un '' Prométhée déchaîné '', dans ce que Camus a résumé dans une phrase : une « civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. », c'était dans Combat, le 8 août 1945, après Hiroshima.

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1952 – Eranos – 3 Le Graal et Jung

Publié le par Régis Vétillard

Emma Jung consacre plusieurs heures à Lancelot, sur le travail d'individuation et sur le Graal.

A la lecture des notes de Lancelot, je peux retranscrire quelques notions originales, importantes ou supplémentaires sur le Graal ( beaucoup ont déjà été dites...).

Emma Jung propose une image ''atomique'' de la personne, avec en surface, le moi et la persona ( masque social), la part consciente ; et en profondeur, le noyau : le Soi, la part inconsciente.

Emma Jung nous invite à une lecture subjective de la légende, sorte de rencontre avec le soi... Ainsi, quand elle parle du jeune Perceval, dans sa forêt qui renvoie à la mère ; Lancelot pense à son rapport à Fléchigné.

La quête de Perceval commence avec la rencontre d'un Roi blessé, et d'un affront au féminin : la coupe renversée sur la Reine Guenièvre. Précisément, Perceval est engagé, mais il ne sait pas encore ce qu'il cherche. Comme lui, sans préjugé, avec naïveté, il s'agit d'affronter les ténèbres; et commencer par se rendre compte de ce qui ne va pas en soi.

Emma Jung, parle de la prise de conscience de l'ombre. ''L'orgueilleux de la lande'' est une figure d'ombre qui incarne l'orgueil de la chevalerie.

 

Chez l'homme, l'inconscient peut se personnifier par une figure féminine ( l'anima). Son monde est celui de l'âme. L'anima devient une médiatrice des contenus de l'inconscient : par exemple, la porteuse du Graal ; à différencier de Blanchefleur qui représente plutôt la femme réelle ( entremêlée avec l'anima, sans doute).

 

Le château du Graal, est dans l'autre-monde, l'un des signes est la rivière à franchir. Cet épisode agit, pour Perceval, comme un rêve d'initiation. Les personnages sont de la lignée de Perceval ( nous le saurons plus tard), avec plusieurs figures de père.

La porteuse du Graal transmet l'épée ; comme l'anima révèle certaines fonctions du moi, à partir du fond maternel de l'inconscient. A noter, le fil tranchant de l'épée qui renvoie aux facultés intellectuelles de l'esprit.

L'épée, la Lance, le Graal et la Pierre, édifient une structure quaternaire, expression de la réalisation de la conscience et renvoie au processus d'individuation. Comme, les quatre figures du tarot.

Si l'épée tranche, la lance atteint sa cible ( avec sa fonction guérissante). Cette même lance qui fit couler le sang du Christ sur la croix, et fut recueilli dans le Calice. ( Eucharistie). Le sang contient le principe de vie. La lance de Longin, reprend le motif de la ''Flèche d'amour'' – comme on disait au Moyen-âge – qui vise le cœur du Christ, et nous ouvre à son amour.

la Dame et le Graal

 

La figure de Perceval se transforme en symbole du fait de la lignée d'ancêtres, qu'il récapitule. Il est confronté au problème du Mal, à la question de la relation de l'homme avec la femme, entre autres questions...

Pour Perceval, sa faute est liée à sa mère ( il lui ai reproché de ne pas s'être soucié de sa mère...) ; elle est à rapprocher peut-être de l'offense de la coupe renversée, faite à la reine Guenièvre. Cette faute s'exprime par son silence lors de la procession du Graal ; et auparavant sur le principe féminin, avec la jeune femme à qui il dérobe un anneau, et lors du souvenir ( taches de sang dans la neige) de Blanchefleur qu'il a abandonnée.

 

« La mission de Perceval consiste à chercher la signification du vase qui contient le sang du crucifié et à découvrir la forme sous laquelle la vie intérieure essentielle de la figure du Christ continue à vivre, ainsi que le message qu'elle contient. » (cf La Légende du Graal (p86) – Emma Jung).

Ce message , ce trésor caché, comme un Graal, concerne aussi des contenus inconscients à découvrir ; ils ont à voir avec le soi. Il ne suffit pas que le soi se manifeste, en apparaissant sous forme symbolique ; il ne suffit pas de ''savoir'' ; il s'agit de s'interroger, quelle utilisation en faisons-nous ?

M-L von Franz

 

Lancelot, rencontre également, une collaboratrice de Jung, qui travaille sur l'Alchimie et la légende du Graal. Il s'agit de Marie-Louise von Franz qui lui propose de poursuivre ces discussions par un travail psychanalytique.

 

Le 25 août, après que Karl Löwith ( 1897-1973) ait donné une conférence sur "La dynamique de l'histoire et de l'historicisme", que Scholem a trouvé "très bien", il raconte autour de lui que Jung était furieux et qu'il partit après la première heure.

S'en suit, une conversation avec Jane Untermeyer et Erich von Kahler, et avec Corbin et sa femme.

Peut-on « imposer à l’histoire un ordre raisonné ou d’y saisir l’œuvre de Dieu. », se demande Löwith ? Du moins, cet ordre peut-il être le début d'une philosophie de l'Histoire ?

Lowith pense que l'histoire ne possède aucune logique immanente, il ajoute que la philosophie de Hegel et de Marx conduisent au nihilisme. Sa recherche le conduit plutôt - selon Lancelot – à inscrire l'homme dans une nature immuable, englobant tous les étants. Il reconnaît un « univers dépourvu de fin et sans Dieu », à partir duquel « l'homme aussi » n'est « qu'une modification sans fin ».

Lowith choisirait entre ces deux symboles, le Cercle à la Croix ; l'Antiquité au Christianisme. L'Occident tente désespérément de concilier deux visions : '' - l’antique théorie de l’éternité du monde avec la foi chrétienne en la création ; le cycle avec l’eschaton '' ; - '' l’acceptation païenne du destin avec le devoir chrétien de l’espérance.''

Ce fameux ''sens de l'Histoire'' serait une illusion qui fait croire à l'Homme qu'il est le maître du Monde, alors qu'il est de ce monde, à dimension naturelle, hors ''progrès humain''...

Lancelot, défend la proposition chrétienne de Teilhard de Chardin, pour qui l'Histoire permet de lire la convergence entre Cosmos, Vie et Esprit, qu'il appelle '' Phénomène Humain ''. L'Histoire exprime donc ''la complexification croissante de la matière et la montée en conscience de l’humanité''. Cette conception est une affirmation du monde spirituel et une voie d’épanouissement pour l’homme.

 

Karl Löwith reproche à Jung de ''psychologiser'' l'histoire, en cherchant un sens caché aux événements historiques et culturels. Cette démarche lui semble irrationnelle et ambiguë... On pense, que Lowith qui a quitté l'Allemagne en 1933, reproche à Jung sa position pendant le nazisme : Jung semblait se contenter de psychologiser le peuple allemand, sans condamner explicitement l’idéologie nazie ? Jung reconnaît avoir tenté de comprendre le phénomène nazi comme une manifestation de l’inconscient collectif allemand, mais sans pour autant l’approuver !

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La Quête du Graal - 2– Béguin

Publié le par Régis Vétillard

Nos héros chevaliers, tentent de retrouver Galaad qui les précède, loin devant eux sur le chemin de la perfection; même lorsqu'il vient à leur secours et les délivre de l'ennemi, il les quitte aussitôt. La Quête s'attache aux seuls chevaliers qui conservent pendant celle-ci, leur parfaite chasteté, des trois chevaliers qui achèveront les aventures du Graal, deux sont vierges: Galaad et Perceval ; le troisième est le chaste Bohort.

Perceval, Bohort et Galaad, et le Graal

Perceval, finalement, a vaincu l'Ennemi ; et depuis ce moment il devient véritablement le chevalier du Christ. Une dernière et profonde transformation s'opère dans l'âme de notre héros naissant à la vie spirituelle. Sur la nef blanche, la nef de Salomon, il rencontre avec ses amis élus, sa soeur, devenue la vierge sainte, vouée au martyre. Pendant des années il accompagnera partout Galaad,

dont il sera le bras droit, l'aidant à abolir les « mauvaises coutumes » du royaume de Logres, à en achever les hautes aventures. Il ceindra l'épée merveilleuse que le « bon chevalier » a retiré du perron flottant le jour de la Pentecôte à Camelot et que ce dernier lui cède, une fois armé lui-même de l'épée du roi David. Ensemble, avec Bohort, ils entreront au château de Corbenic, ensemble ils participeront au banquet de la Cène ; ensemble ils emporteront le Graal et la lance qui saigne dans la Jérusalem céleste, à Sarras. Si les trois compagnons sont admis à la liturgie secrète du Graal , seul Galaad pourra contempler ce qu'il y a dans le Graal.

Là Perceval, témoin fidèle de la disparition des reliques ravies au ciel avec l'âme de Galaad, meurt ermite, en odeur de sainteté, pour reposer aux côtés de sa soeur et du Rédempteur au Palais spirituel.

Seul Galaad, le pur, le parfait, accédera à la vision du Graal, à Sarras qu'ils ont enfin abordé avec le navire construit jadis par le roi Salomon : c’est là que se perpétue la liturgie du Graal. Mais on ne survit pas à une telle vision : Galaad demande à Dieu de quitter cette terre. Perceval à son tour mourra. Bohort reviendra à la cour du roi Arthur, c’est lui qui racontera à un clerc chargé de les mettre par écrit les aventures de la quête du saint Graal.

Le Graal et la Lance, ont disparu dans les airs définitivement ; comme à la fin de l'épopée arthurienne, l'épée d'Arthur disparaîtra dans les eaux.

Nos héros, recherchent un mystère plus élevé, et reçoivent souvent le « corpus domini » ( l'Eucharistie) ; cette connaissance est selon les mots de Galaad : « voir ouvertement ce que l'esprit ne peut concevoir ni langue décrire »

Mais... Saint-Bernard ne condamnait-il pas, que : « apprendre pour savoir est vaine curiosité.... » ?

Madame Lot-Borodine ( cahiers du Sud ) nous enseigne qu'il y avait chez les cisterciens deux courants différents de pensée : celui qui se réclame de Saint-Bernard et celui qui dérivait de Guillaume de Saint-Thierry. Ce denier inspiré par les pères grecs, en particulier les Cappadociens, n'avait pas condamné la connaissance. Il y voyait un moyen d'aimer Dieu. C'est de lui que dériverait la Queste.

Gautier_Map: Aliénor_d'Aquitaine,_Henri_II_Plantagenêt

 

La fin du roman, tient à nous renseigner sur l'origine du texte de la Quête : il serait écrit par Gautier Map à partir des notes prises par les clercs d’Arthur lors du récit fait par Bohort à son retour de la Queste. Gautier Map (1130/1135-1210) a réellement existé. C’était un ecclésiastique et écrivain anglais qui a vécu à la cour du roi Henri II Plantagenêt (1133-1189), qui régna de 1154 à 1189.

La ''Queste '' n'est qu'un élément d'un grand ensemble ( un avant-dernier chapitre) , et suppose la lecture de l’œuvre complète.

Lancelot, père de l'élu Galaad, représente la Fin'amors et le passé du temps du Graal.

La Quête – qui se passe dans une forêt magique propice aux aventures – est une recherche dans une forêt de symboles, ou d'allégories.

Albert Béguin, dit à propos du Graal, qu'il s'est servi des travaux de Myrrha Lot-Borodine (1882-1957), pour lui servir de guide.

Lancelot ne manqua pas d’aller la voir lors de sa dernière maladie, à Fontenay-aux-Roses, dans la maison-pension de Melle Blanc au 1 rue Jean Jaurès. S'y croisèrent également, Jean Daniélou qui découvrit avec elle la théologie mystique de l'Orient, et le théologien Vladimir Lossky.

 

A Fléchigné, visites fréquente de Robert Buron, un homme politique avec qui on a plaisir à débattre. Démocrate-chrétien, ses années de jeunesse parlent beaucoup à Lancelot. Fondateur et député MRP, il est très sensible à l'urgence sociale qui se manifeste dans ces années, il soutient son ami l'abbé Pierre. Maire en 1953, il va beaucoup faire pour ouvrir Villaines-la-Juhel à la modernité.

'' L'autre personnalité que nous avons en haute estime est le libraire de la ville.

La boutique paraît intimidante aux gens du bourg, elle fait aussi papeterie et vend les livres scolaires ; mais elle est le lieu de passage de l'élite lettrée et cultivée du pays. Si nous sommes accueillis par un jeune homme en blouse grise, que l'on appelle le grouillot, celui-ci en nous reconnaissant, appelle aussitôt son patron. En blouse blanche, celui-ci, après une conversation polie, prend connaissance de la liste que nous lui proposons. Il nous installe alors dans un petit salon ouvert ; et nous rejoint avec une pile d'ouvrages disponibles. Parmi ceux-là, il y a quelques propositions de sa part.'' Ce jour-là Lancelot revient avec la traduction française, d'un ouvrage de Stefan Zweig, Trois Maîtres, Balzac, Dickens, Dostoïevski.

Honoré de Balzac

Pour nous, La Comédie Humaine de Balzac, tient une place de choix dans notre bibliothèque ; c'est à dire que la série d'ouvrages est régulièrement feuilletée, jusqu'à l'envie de reprendre l'un des vingt-quatre volumes.

Le dernier repris était '' le Colonel Chabert'' qui, précisément, fait référence à un point que Zweig souligne : Balzac naît au commencement de l'Empire ; son enfance coïncide avec l'époque héroïque de l'Empire, il en fait son mythe. L'exemple de Napoléon « fait naître en lui le désir de n 'aspirer toujours qu'à l'ensemble, de chercher avidement à saisir non pas quelque richesse isolée mais toute la plénitude de l'univers... », « il comprime l'univers qu'il a ainsi dompté dans le grandiose carcan de la Comédie humaine. ». Balzac veut être le Napoléon de la plume ! Et, il montre que le pouvoir suprême est à la merci de l'homme de la plus humble extraction.

Les héros de Balzac, sont, comme lui, des ''hommes à passion'', des ''monomanes'' . Lui est créateur d'univers, un forcené du travail. « Avec chacun de ses nouveaux livres, avec chaque désir qu'il mettait ainsi en œuvre, sa vie se rétrécissait comme la magique peau de chagrin de son roman mystique. » Zweig estime que Balzac, ne pouvait pas avoir de philosophie à lui ; il épousait chacune de ses personnages. Son principe de vie était la Volonté. Une autre idée forte, source de réalité est la valeur de l'Argent. L'argent, force agissante de la vie sociale.

Anne -Laure de Sallembier, ponctue les conversations à propos de Balzac, par des anecdotes qu'elle destine à la petite Elaine. Notre aïeul Charles-Louis de Chateauneuf, fréquentait le salon de Delphine Girardin, et pouvait croiser Balzac avec d'autres grands écrivains comme Musset, ou Hugo. Chateauneuf va s'approcher, pour une femme, d'une société secrète, dont s'inspire Balzac dans Ferragus ; et c'est chez la duchesse d'A. qu'il eut la chance de pouvoir, avec lui, converser avec passion de science et de philosophie ( Swedenborg, l'alchime et Catherine de Médicis, etc..).

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La Quête du Graal - 1– Béguin

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot, avec le désir de se remettre à l'équitation, fait une chute et se retrouve contraint à l'immobilisation et au port du corset. Dès ce mois passé plutôt douloureux; Lancelot est à présent poursuivi par une fièvre incessante, sans symptôme particulier, sinon un état maladif qui le renvoie à la maladie, la mort, et la réflexion.

Lancelot a donc profité de ce congé, pour se réfugier plusieurs semaines à Fléchigné ; un livre l’accompagne : La Quête du Graal, transcription de Béghin, qu'il lui a lui-même offert ( voir précédemment : La Quête du Graal, par A. Béguin ) .

Anne-Laure lui propose d'en faire lecture, en soirée. Ainsi, Elaine entend l'intégralité d'un texte, si important pour nous. Elaine connaît déjà de nombreux personnages de la légende ; Lancelot s'étonne d'ailleurs de la fréquence à laquelle, elle trouve, dans ses jeux ou dans la vie quotidienne, des analogies pour en faire référence.

 

L'entrée dans la Quête du Graal, par la porte de Béguin ; arrive au bon moment pour Anne-Laure et Lancelot. De lecture aisée, nous entrons de plain pied dans la spiritualité de la Quête ; il s'agit d'un ouvrage que certains qualifieraient de religieux, déçus de n'y pas trouver les récits courtois et chevaleresques qu'a préféré retenir quelqu'un comme Jacques Boulenger dont nous avons déjà parlé, et que Lancelot avait rencontré.

Béguin, s'il est parti des manuscrits qu'avait rapportés Albert Pauphilet (1884-1948), a tenté d'offrir une traduction, plutôt qu'une adaptation de ce texte : la '' Queste del Saint-Graal'', qui date des environs de 1220.

Etienne Gilson (1884-1978)

Etienne Gilson ( 1925 dans Romania) explique que cette oeuvre exprime une conception chrétienne sous influence cistercienne, avec un Graal qui représente la Grâce.

La morale courtoise y est jugée et condamnée, à l'image de la relation entre Lancelot et Guenièvre.

L'idéal, écrit-il, « ne saurait être la connaissance de Dieu par l'intelligence, mais la vie de Dieu dans l'âme par sa charité, qui est la grâce ; d'un mot La Queste serait principalement organisée, non autour de la connaissance, mais autour du sentiment. »

 

Lecture :

Apparaît à la cour du Roi Arthur, le chevalier seul digne d'occuper le '' Siège Périlleux'' de la Table Ronde : Galaad (fils de Lancelot, et de la fille du Roi Pêcheur ). Le jour de Pentecôte, « le Saint-Graal parait, couvert d'une soie blanche », personne ne le voit, et qui le porte ; il garnit chacun de mets qu'il désire ; et chacun remercie Notre Seigneur, de les nourrir de la grâce du Saint-Graal. Chaque chevalier, fait vœu de retrouver le Graal.

E. Gilson, note que le jour de Pentecôte est l'anniversaire de la descente de la grâce du Saint-Esprit sur les Apôtres : « Le Graal, c'est la grâce du Saint-Esprit, source inépuisable et délicieuse à laquelle s'abreuve l'âme chrétienne. »

Si le Roi Arthur se désole de voir partir ses meilleurs chevaliers, nombreux sont ceux qui veulent s'engager dans la Quête. C'est Galaad qui formule le serment repris par tous : « en loyal chevalier, il maintiendra la Quête un an et un jour et plus encore s'il le fallait, et que jamais il ne reviendrait à la cour qu'il n'eût appris la vérité du Saint-Graal, s'il pouvait l'apprendre. »

Ensuite, c'est séparé, chacun son chemin, qu'ils se dispersent dans la forêt, pénétrant là où elle était la plus épaisse.

Commencent les aventures de Galaad.

Chaque aventure de la Quête , n'est en rien semblable de celle d'un chevalier qui n'y serait pas inscrit. Sur le chemin, un sage prud'homme se charge d'en expliquer le sens.

Galaad est comparé ( par la semblance) au Christ ; et les moines rappellent que les aventures du royaume de Logres ne disparaîtront qu'avec la venue de Galaad et l'issue de la Quête. La Quête ici n'est pas présenté comme la recherche de la Sainte Coupe ; mais comme un chemin aux diverses épreuves.

A la suite de la faute du jeune chevalier adoubé par Galaad, Mélyant, le péché d'orgueil, qui lui valut d'être blessé lors de la joute ; le moine qui lui explique le sens de l'aventure ; ajoute qu'il a confondu '' chevalerie célestielle'' et '' chevalerie du siècle ''.

L'écoute de la messe fait partie du quotidien du chevalier.

Le château des pucelles, que délivre Galaad de la mauvaise ''coutume'', était sous la coupe de sept chevaliers ( qui représentent les sept péchés capitaux). Il délivre les pucelles ( c'est à dire les âmes pures), à l'image du Christ.

La présence du diable constante. Les aventures ''terriennes'' , devenues des symboles de la lutte de Dieu et de l'Ennemi ...

A la différence de Galaad, qui se bat mais ne tue pas ; Gauvain est qualifié de mauvais chevalier ; de plus, il ne répond pas aux sollicitations du prud'homme et prêtre, de se confesser.

Les aventures de Lancelot, le conduisent d'une chapelle devant laquelle, alors que le Graal lui apparaît, il reste ''endormi'' ; jusqu'à un ermitage, où il se accepte le discours de l'ermite qui l'enjoint de croire en la miséricorde de Dieu, et de se confesser. Lancelot finit pas avouer sa faute avec la Reine Guenièvre.

Les aventures de Perceval, mettent le chevalier aux prises de l'Ennemi, qui prend la forme d'un cheval noir, d'un serpent ou d'une belle demoiselle... Perceval, perd son cheval, et s'épuise à pied à rattraper Galaad.

« Ah ! Perceval ! Dit le prud'homme, tu seras toujours aussi candide ! » ; mais, il est sauvé par la grâce.

 

Les aventures et les échecs de Gauvain et d'Hector : Gauvain est trop sensible à la gloire et aux amours d’ici-bas. Il est le pécheur endurci ; ses actions, belles en soi, vont à rebours de celles des saints ; elles sont donc condamnables et le héros tue à son insu son ami Yvain et devient un réprouvé.

Les aventures de Bohort – un saint laborieux - et l'échec de Lionel.

Les aventures de Galaad, avec l'Arbre de vie qui servit le bois dont est fait le navire de Salomon , les retrouvailles avec Bohort et Perceval ; arrivée de la sœur de Perceval. Si la femme de Salomon représente « l'ancienne loi », la sœur de Perceval représente la « nouvelle loi ».

Aventure et histoire de la ''nef de Salomon" ( le Temple, ou l’Église) et des objets merveilleux qu'elle abrite. Les trois compagnons prennent la mer avec la sœur de Perceval, qui mourra après avoir donné son sang à la châtelaine du château de la lépreuse.

On retrouve les aventures de Lancelot – le pécheur repentant - qui l'amènent à retrouver Galaad, quelques jours, avant d'errer de nouveau ; et parvenir au château du Graal. Il combat des lions fantasmagoriques, et trouve un château vide. Cependant, il s'approche d'une salle où se passe un rituel, mais l'entrée lui est interdite. Il est écarté du bénéfice de la grâce, Lancelot préférerait-il Guenièvre au Graal … ?

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1941- la Pierre du Graal -2

Publié le par Régis Vétillard

Himmler - Ahnenerbe - la tapisserie de Bayeux

Hans F. a rencontré Herbert Jankuhn (1905 – 1990), un archéologue allemand spécialisé dans l’archéologie des peuples germaniques, qui travaille dans le cadre de l'Ahnenerbe, pour Himmler. En France, son intérêt se porte en particulier sur la tapisserie de Bayeux, que les allemands considèrent comme un « chef-d’œuvre aryen ». Jankuhn, était présent à Nuremberg quand Hitler et Himmler ont reçu les Regalia, il a raconté combien Himmler fut déçu d'apprendre que la fameuse pierre ''noire'' nommée Orphanus n'ornait plus la couronne impériale...

Il est étonnant que si Himmler savait que cette pierre était censée être une pierre taillée dans la ''lapsit exillis'', tout comme la coupe du Graal ; il ne savait pas que cette pierre connue sous le nom de Orphanus était manquante ; à moins que cette déception exprimait sa volonté impérieuse de la retrouver, la couronne étant ''privée de'' ( sens du latin orphanus), privée de ses pouvoirs.

 

La ''Lapis Exilis'' aurait servi à façonner le Graal; et un gros éclat taillé aurait ainsi orné la couronne de l'Empereur. Cette pierre noire est parfois présentée comme une pierre de météorite, ou une pierre précieuse de couleur vin, ou rouge, ou noire, et qui peut briller dans l'obscurité; cette pierre était plus que l'honneur de l'Empire; elle signifiait certains pouvoirs, particulièrement en présence de la Sainte-Lance. Il n'est donc pas étonnant, que Himmler, fasciné par les objets magiques, ait voulu accaparer la Sainte-Lance et la Pierre du Graal au profit du nazisme.

Pour Hitler le Saint-Empire est le modèle de la suprématie allemande et, lui, se présente comme celui qui restaurerait l'Empire... Si Hitler ne s’intéresse que peu à l'ésotérisme, et même s'en méfie ; il est très sensible à la symbolique que lui développe Heinrich Himmler, pour asseoir sa légitimité et le succès d'un troisième Reich, promis à durer mille ans.

Couronne du Saint-Empire

 

Que sait-on de cette pierre, l'Orphanus ? Nous avons un témoignage d'Albert le Grand ( 1200-1280), dominicain, théologien, naturaliste, chimiste... « L'Orphanus est une pierre précieuse de la couronne de l'empereur des Romains. On l'appelle ainsi car on n'en a jamais vu de semblable. Elle est couleur de vin, d'un vin rouge clair comme si l'éclat de la neige l’imprégnait, mais où pourtant le rouge reste dominant. Cette gemme brille vivement et l'on dit qu'elle aurait même naguère brillé dans l'obscurité ; cependant elle ne le fait plus aujourd'hui. Mais on affirme qu'elle concentre en elle l'honneur de l'Empire. » Albert le Grand, De mineralibus. (1262)

Elle est mentionnée pour la dernière fois dans l'inventaire de succession de l'empereur Charles IV qu'il reçut en 1350. Elle fut ensuite remplacée sur la plaque frontale, par un étroit saphir.

 

Actuellement, où se trouve l'Orphanus?

D'après Hans F., Jankuhn et le duc de Windsor sont persuadés que cette pierre fait partie du trésor britannique, après avoir été en possession de la maison de Hanovre.

En effet, en 1796, les troupes françaises traversent le Rhin,  les insignes impériaux, joyaux de la couronne du Saint-Empire romain germanique, conservés à Nuremberg depuis 1424 sont transportés à Ratisbonne, puis à Vienne : là est constaté que des parties du trésor sont manquantes. Le roi de la Grande-Bretagne, depuis Georges 1er, est de la Maison de Hanovre. Sous Georges III, également prince-électeur de Hanovre au sein du Saint-Empire romain germanique, en 1806, le Saint-Empire romain disparaît face à la Confédération du Rhin supervisée par Napoléon. Ce serait dans ces circonstances que le joyau principal de la Couronne impériale aurait été mis en sécurité en Angleterre, puis en Ecosse.

les Windsor- (Edouard-VIII) et Hitler

 

Le duc de Windsor n'est rien de moins que l'ancien Roi britannique Edouard VIII, qui a abdiqué en 1936, un souverain qui aurait pu trahir son propre pays s'il était demeuré sur le trône; en effet, le monarque avait beaucoup de sympathie pour l’Allemagne nazie. Wallis Simpson qui était devenue sa maîtresse alors qu'il était l'héritier de la Couronne, avait noué d'étroites relations avec de nombreux hauts dignitaires nazis alors qu'ils arrivaient au pouvoir, en 1933.

La famille royale anglaise est d'ascendance allemande. Le roi George V ( né de Saxe-Cobourg et Gotha) prit la décision de renoncer au nom germanique de sa famille pour le remplacer par celui de Windsor. L'oncle d'Edward VIII est le Kaiser Guillaume. La peur du bolchévisme, les progrès de l'Italie mussolinienne, pousse Edouard à admirer les nazis et souhaiter que les élites politiques, reconnaissent et valident la popularité des dictatures. Alfred Rosenberg, ami personnel d’Hitler, est reçu en 1931 par de nombreuses personnalités britanniques comme Lord Hailsham (secrétaire d’Etat à la guerre), Lord Lloyd, Sir Henry Deterding et Montague Norman, gouverneur de la Banque d’Angleterre

Les services secrets britanniques disent posséder un dossier sur Mrs Wallis Simpson, ses liens personnels avec Von Ribbentrop (ambassadeur d’Hitler à Londres), son passé dans des bordels chinois, ses deux mariages, son goût pour les pierres précieuses...

Oswald Mosley and Diana Mitford

Le 10 décembre 1936, après en avoir discuté avec ses proches, Edward abdique, et se marie avec Wallis le 3 juin 1937, au château de l'homme d'affaires Charles Bedaux, lui-même en forte sympathie avec le Troisième Reich. ( Il possède une maison, voisine du Berghof, la résidence d'Hitler.)

Sir Oswald Mosley, fasciste, se marie à Berlin avec sa maîtresse Diana Mitford, dans la résidence de Goebbels en présence d’Hitler (1936). Mrs Wallis envoie ses félicitations. Pendant la guerre, il se veut pacifiste, mais sert les renseignements allemands.

 

Lancelot conclue que cette Pierre, que Lithargoël décrit comme en danger, pourrait être cet ''Orphanus ''. Elle fait le lien entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne.

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1941 – Fléchigné – la Sainte-Lance

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot et sa mère rejoignent Fléchigné. Trajet en train par Laval, puis Mayenne.

Ils apprennent que la Feldkommandantur de Laval a exigé du préfet « la création et la tenue d’un fichier des juifs en Mayenne ». « 147 fiches cartonnées sont établies, elles mêlent Français et étrangers »

Revenir à Fléchigné, entrer dans la cour, franchir le seuil de la maison, sentir l'odeur caractéristique qu'accompagne la respiration de l'horloge qui accueillaient déjà l'enfant qu'il était; c'est - davantage aujourd'hui - revenir à l'espoir d'un peu de sécurité. Par ici, on n'a encore vu aucun allemand ; par contre le village, à côté, s'est mis à l'heure du nouveau régime ; il faut rester prudent.

 

Anne-Laure et Lancelot prennent le temps de parler. La bibliothèque, les ''trésors'' familiaux pieusement rangés mais disponibles, permettent à leur contact, d'approfondir un ''retour sur soi'' et de l'inscrire dans l'histoire familiale, Anne-Laure y tient beaucoup.

Que de rencontres riches d'hommes et de femmes, que d'idéaux passionnants et d'engagements contradictoires !

 

Lancelot pose les deux cartes de Tarot qui ne le quittent plus : le Fou et l'Empereur.

Anne-Laure les examine.

- C'est naturel de commencer avec le Fou. C'est le chercheur ; celui auquel il faut s'identifier. Il doit questionner et expérimenter. C'est le chevalier au départ de la Quête...

- L'empereur, c'est le pouvoir. L'apparence est importante ; en témoignent la valeur des symboles de pouvoir. Comme le roi Arthur, il tire son énergie créatrice du contact avec '' L'autre Monde''

Lancelot revient à cet homme, qui semble t-il, s'était présenté sous le nom de Lithargoël ( pierre brillante...). Que cherchait-il et pourquoi s'est-il volatilisé ?

Son souci était une pierre ; et la solution concernait une rose....

Anne-Laure continue : - Et cette pierre promise par l'ange Lithargoël, est du même ordre que la pierre du Graal de Wolfram von Eschenbach

- Wolfram, qui fait dire à Trevrizent pour Parcival « si lebent von einem steine :.» (…) « er heizet lapsit exillis... ( « ils vivent par la vertu d'une pierre :.. » « elle s'appelle lapsit exillîs... » : Il s'agit du Graal selon Wolfram, reprend Lancelot.

Lancelot s'interroge sur les liens de la '' lapsit exillîs'' avec la tradition du Graal qui lui semble plus celtique que germanique ?

Sa mère, Anne-Laure de Sallembier, connaît bien ce sujet et c'est toujours avec beaucoup de plaisir qu'elle reprend pour son fils le cadre des histoires qu'il a bien souvent entendues.

Elle fait état des légendes allemandes, rapportées par les plus illustres poètes, lors du ''Tournoi de la Wartburg'' ( vers 1200). On évoque alors qu'une pierre aurait sauté de la couronne de Lucifer lorsque Dieu le précipita du ciel.

- D'accord, pour la pierre du Graal, pour Parsival.... mais qu'en est-il de Merlin, du roi Arthur ?

- Merlin est représenté dans les Chroniques de Nuremberg, de Hartmann (1493), ainsi que « Arturus rex » (Roi Arthur). Cette œuvre - une histoire du monde illustrée – depuis la création, reprend une compilation d’histoires anciennes et de chroniques médiévales. Albrecht Dürer a fait son apprentissage auprès de l'illustrateur de la '' Chronique ''.

On y trouve le roi Arthur et Merlin, auprès de personnages comme Attila le Hun ou diverses têtes couronnées européennes, ou la papesse Jeanne ( on affirmait qu’une femme déguisée en homme avait été élue pape de l’Église catholique au IXe siècle ).

 

La Sainte-Lance, la relique chrétienne de la lance du romain Longinus qui transperça les flancs du Christ, est évoquée lors de la procession du Graal, décrite par Chrétien de Troyes. On la retrouve en Bavière en 955, tendue par Otton Ier pour donner confiance à ses soldats et lui donner la victoire. Charlemagne l’aurait reçue du pape Léon III. En 1938, c'est le chancelier du Reich qui la tient dans ses mains ; il l'avait déjà aperçue en 1912, derrière une vitre à la Hofburg.

 

Lancelot ne peut pas s'empêcher de faire la relation entre sa carte l'Empereur, et le souverain du Saint-Empire romain Germanique, et pourquoi pas Hitler, comme Führer du Troisième Reich?

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La Question de la ''Quête du Graal'' – S. Weil.

Publié le par Régis Vétillard

Lorsque Lancelot lui parle de son intérêt pour la littérature et la spiritualité médiévale ; Simone Weil montre alors un enthousiasme rare chez les intellectuels du moment : elle parle même du « génie de la civilisation d'Oc », qui a su mêler « la chevalerie venue du Nord et les idées arabes, et qui ressemble à une petite réplique de la Grèce Antique »

Pour Simone Weil, le Christianisme a redonné vie à l'héritage grec ( contre Rome). Ensuite, la renaissance carolingienne s'ouvrait à une civilisation de liberté spirituelle, la seule tradition chrétienne vivante et libre... Puis, l'Europe a fait le choix de la force, contre l’esprit, de « l’alliance du trône et de l’autel ». Alliance impossible, puisque ce n'est pas la même logique !

Le catharisme s'opposait à cela, en pays d'Oc « Les richesses spirituelles affluaient de toutes parts sans obstacle. La marque nordique est assez visible dans une société avant tout chevaleresque ; l’influence arabe pénétrait facilement dans des pays étroitement liés à l’Aragon ; un prodige incompréhensible fit que le génie de la Perse prit racine dans cette terre et y fleurit, au temps même où il semble avoir pénétré jusqu’en Chine. »

La « civilisation chevaleresque » de l’Occitanie médiévale s'opposait à la centralisation ; elle estimait que, ce que les seigneurs « désignaient par patrie ; ils l’appelaient langage » : un langage commun.

Le roman et les gothique représentent deux options religieuses antithétiques au sein du monde chrétien.

L'art roman, comme l'amour courtois est inspiré par l'amour surnaturel, qui est attente et nécessite le consentement. Les troubadours appelaient cet amour : Merci.

L'art roman, n’a aucun souci de la puissance ni de la force, mais uniquement de l’équilibre ».

A l'inverse, « Le Moyen Âge gothique, qui apparut après la destruction de la patrie occitanienne, fut un essai de spiritualité totalitaire » 

Lancelot, aborde le conte du Graal ''Perceval '' de Chrétien de Troyes. Simone Weil semble mieux connaître le Parsifal de Wagner. Il parle de La Coupe, et elle voit plutôt une Pierre.

Je rappelle qu'au château du Graal, Munsalvaesche, le roi du Graal, Anfortas, souffre d’une blessure faite par une lance empoisonnée, et dépérit. Parzival observe dans le château maintes choses merveilleuses, avec le Graal ( pas défini), qui pourvoit toute la compagnie abondamment de mets et de boissons. Parzival se garde de poser quelque question que ce soit... Le lendemain matin, le château est vide.

Au livre XV, Parzival retourne au château du Graal et par la question salvatrice : « Mon oncle, quel est ton tourment ? », délivre Anfortas de son supplice. 

 

Pour Simone Weil, le sujet de cette histoire c'est la découverte de l'attention à l'autre, la charité.

« La plénitude de l’amour du prochain, c’est simplement d’être capable de lui demander « Quel est ton tourment ? ». C’est savoir que le malheureux existe, non pas comme unité dans une collection, non pas comme un exemplaire de la catégorie sociale étiquetée « malheureux », mais en tant qu’homme, exactement semblable à nous, qui a été un jour frappé et marqué d’une marque inimitable par le malheur. Pour cela il est suffisant, mais indispensable, de savoir poser sur lui un certain regard. »

Anfortas

 

Le Conte du Graal, met en question une énigme à deux niveaux... Il ne s'agit pas seulement, de trouver une réponse à une question... Il s'agit d'abord de trouver la Question. Et la question n'est pas forcément la même pour chacun...

Pour Simone Weil, sans-doute, sa question concerne le mal, le malheur précisément.

Pour Perceval, j'y vois une question en lien avec la culpabilité ( la mort de sa mère) ; et la réponse en lien avec la Grâce...

Lancelot, cherchait encore sa question : elle commence à résonner ( raisonner) en lui : '' Qu'est-ce que l'homme '' ( l'homme que je suis...) ?

Il faut préciser que '' La Question '' n'est pas Le Graal.

 

Simone Weil, prévient Lancelot :«  La quête du Graal, peut être un détournement, ou un dévoiement, de l’attention. Vouloir trouver le Graal, c’est privilégier la volonté au détriment de l’attention. » ( M.Zinc) L'exemple type, dans le conte, en est Gauvain.

Au début de la Quête, « Perceval ne sait pas que les êtres existent... », insiste Simone Weil.

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Esotérisme et nazisme

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot rencontre souvent Xavier de Hauteclocque. En plus de ses reportages qu'il distille dans les journaux, et avec beaucoup de détails dans ses livres ; le reporter fait passer à Lancelot des pistes vers des sujets qu'il n'explorera pas, avec des noms de contact, des articles de presse, parfois même des dossiers peu diffusés...

Je note un dossier, sur lequel Hauteclocque était plutôt sceptique, et qu'il considérait même comme assez farfelu ; cependant - connaissant l'intérêt de Lancelot pour les mythes, il lui a laissé assez de renseignements pour continuer la recherche...

 

Deux pistes intéressantes semblent se dessiner d'après les notes de Hauteclocque. L'une concerne l’intérêt de certains nazis pour l'ésotérisme, les mythes germaniques et même le Graal.

L'autre fait état d'un '' Deutsche Glaubensbewegung'' c'est à dire d'un mouvement de la foi allemande, religieux, mais, non chrétien. Ce mouvement qui soutient la concordance entre un peuple et sa foi : une foi ''aryenne nordique'', s'efforce de créer une Eglise aryenne.

 

A Munich, parmi les chefs nazis rencontrés, Hauteclocque a croisé, un officier Karl Maria Weisthor, promu colonel puis général par Himmler, il serait responsable d'un service sur la race et le peuplement (SS Rase und Siedlungsamt) et serait chargé d'édifier le socle traditionnel du nazisme.. !

Lancelot, s'arrange, en Allemagne, pour aller le visiter...

L'homme a soixante-sept ans et il n'est pas attaché à un emploi du temps rigoureux. Il dirige des conférences, des ateliers sur des questions ésotériques. Il a rencontré Himmler en septembre 1933 à Detmold lors d’une conférence de la Nordische Gesellschaft (« Société nordique ») ; il avait été amené et présenté au SS-Reichsfuhrer, par Frieda Dorenberg, membre du parti nazi ( l'une des premières, avant même Hitler...) et de la Société Edda.

Tout cela semble un peu mystérieux... Pourquoi lui, et pour faire quoi ?

- Karl Maria Weisthor ( de son vrai nom : Wiligut ) est un ésotériste distingué, né à Vienne et initié à la « tradition runique » par son grand-père Karl. Il entre dans l’armée austro-hongroise à l’âge de 14 ans et occupe une série de commandements pendant 40 ans de service.

En Allemagne, Weisthor ( qui signifie ''Thor, le guerrier sage'') fréquente des groupes völkisch, se fait connaître...

La Société de l'Edda produit une revue, Hagal, dans laquelle Weisthor écrit, elle met l'accent sur - l'aspect ésotérique des ''runes'', ces inscriptions d'origine germaniques du IIe s. après J.C., censées être conductrices d'une énergie subtile, qui anime l'univers entier, et porteurs d'une ancienne religion, antérieure au christianisme, que l'on pourrait qualifier de ''altantéenne-aryenne''.

En 1933, un ami officier SS, le présente à Heinrich Himmler, lui-même fasciné par les traditions occultes de la vieille Europe... Impressionné par le vieil homme, Himmler l'installe à la tête d’un département nouvellement dédié à l'étude d'une préhistoire des peuples germaniques. Il est chargé d'officialiser une nouvelle religion, néo-païenne, et de décrire ses outils, ses rituels, ses fondements théologiques, historiques....

Lancelot évoque le Graal et le texte de Wolfram von Eschenbach.

- Weisthor se dit très intéressé par le sujet, d'autant que pour lui, l'objet qu'il soit une coupe ou une pierre taillée, appartient à la mythologie germanique, et indûment récupérée par le christianisme … !

Enfin, Weisthor renvoie Lancelot aux travaux en cours d'un jeune homme spécialiste du Graal, Otto Rahn, et au livre qu'il a écrit tout récemment : ''Kreuzzug gegen den Gral'' (1933). Ce qui donne à Lancelot, un nouvel objectif : rencontrer Otto Rahn. La traduction en français par M. Robert Pitrou, professeur à l'Université de Bordeaux, est parue en 1934 : La Croisade contre le Graal. Grandeur et chute des Albigeois.

 

Édouard Daladier (1884-1970) député radical-socialiste du Vaucluse, avait du démissionner après l’émeute du 6 février 1934, et il est en vacance de ministère. Ministre de la Guerre en 1932, Daladier s'est spécialisé dans les questions de défense. Il a dirigé la politique militaire de la France de 1932 à 1934 ; et actuellement tente de rallier les radicaux à la politique antifasciste ; il milite pour un front populaire et un programme commun...

Je rappelle que Lancelot, est employé du Ministère de la Guerre. Daladier demande à Lancelot d'accompagner Melle Edith Bicron en Allemagne ; elle fait partie de son entourage et, grand reporter, écrit dans différents journaux.

Pendant ce court séjour en Allemagne pendant l'été 1935, Lancelot et Edith, réserve un long moment pour une rencontre avec Otto Rahn, à Bad Homberg, flatté de recevoir des journaliste français qui s'intéressent à ses travaux...

Otto Rahn (1904-1939) se définit comme archéologue et philologue.

Enfant, il était fasciné par les histoires de héros germaniques, en particulier par le poème épique Parzival de Wolfram von Eschenbach. Il prenait cela comme de simples contes ; mais en étudiant la philologie à l’Université de Giessen ; il apprit les découvertes de l’archéologue allemand Heinrich Schliemann, qui 60 ans plus tôt avait suivi les indices de l’Iliade d’Homère pour trouver les ruines de l’ancienne Troie, jusqu'à présent considérée comme un mythe.

Otto connaît en profondeur l'œuvre du minnesœnger allemand du moyen âge, Wolfram d'Eschenbach, Parsifal et Lohengrin. 1215, époque où fut écrit Parsifal, est celle des troubadours, comme l'était le « provençal Kyot », inspirateur d’Eschenbach.

Grâce à une étude approfondie de l’œuvre de Wolfram von Eschenbach, couplée à un raisonnement très sélectif, il a conclu que les Cathares ont été les véritables gardiens du Graal. Il identifie à Montségur, à Montsalvatge, le château du Graal chez le poète allemand...

Otto Rhan, parle à la fois le français et la langue d’oc. De 1930 à 1932, à partir d'Ornolac-Ussat-les-Bains, il va explorer le Languedoc, accompagné en particulier du directeur de l’Office de tourisme local, l’enseignant Antonin Gadal. Il a rencontré également la comtesse de Pujol-Murat, qui lui confie être la descendante ( et la réincarnation) de la châtelaine de Montségur, Esclarmonde de Foix, un personnage historique que Rahn assimile dans son livre au gardien du Graal. La comtesse l'autorise à profiter de sa bibliothèque privée, et d’utiliser sa voiture et son chauffeur lors de sa visite.

Rahn se rend à Montségur pour explorer les ruines de l’un des derniers bastions cathares, lors d'un des événements les plus brutaux de la croisade des Albigeois. En 1244, le château a été capturé par les forces catholiques après un siège prolongé, et 200 Cathares impénitents ont été brûlés vifs ensemble dans ce qui est connu comme le « champ des brûlés ». Cependant, la légende locale veut que quatre chevaliers cathares aient réussi à quitter secrètement le château et à s’échapper avec le trésor de l'église cathare, y compris le Graal.

Rahn a trouvé quelques excavations cachées sur le site, mais rien d’autre.

- Vous dites, je crois, que le catharisme est un mouvement germanique dualiste aux racines aryennes ancestrales ; mais, que serait Graal … ?

- Le Graal, selon Wolfram d'Eschenbach est une pierre... Ce pourrait être une pierre gravée, à l'image de nos pierres qui contiennent un message en écriture pré-runique.

- Le Graal ne serait pas une coupe, celle qui recueillit le sang du Christ.. ?

Parsifal 1933

- Jésus de Nazareth ne venait pas instituer une nouvelle religion. L'image du Graal a été prise et déformée par les chrétiens, leur Eglise - après que les peuples germaniques aient renversés Rome, poursuivent de leur haine les chevaliers protecteurs du Graal, qualifiés d'hérétiques...

Lancelot n'est pas convaincu.. ! Otto Rahn reste vague sur ce qu'il aurait découvert, aux alentours du château... Il affirme avoir pu suivre le trajet des quatre chevaliers fuyards, avoir découvert leur cachette... Par exemple, la grotte de Fontanet- on y voit encore un autel – qui a servi de lieu de cérémonie pour les cathares...

Quelques aspects d'Otto, rendent sympathiques ce jeune homme à Lancelot, qui comme lui-même s'est senti interpellé par le Graal... Il en vient à se comparer à ce passionné qui se voue, beaucoup plus que lui-même, à cet objet mythique. Que signifie cela ?

Edith semble avoir été séduite par l'enthousiasme qui habite ce croyant, d'une tradition hermétique dont il est persuadé pouvoir découvrir son secret... !

Depuis mai 1935, Otto Rahn fait partie de l’état-major personnel de Wiligut-Weisthor et travaille comme conférencier au ''Rasse und Siedlungshauptamt '' des SS, sans fonction bien définie.

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