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Caroline Schlegel-Schelling, et le romantisme allemand. -2/3-

Publié le par Perceval

Le premier romantisme allemand : 1796-1802.

Portrait de Caroline, par Tischbein (1871)

1796 - Le couple Caroline – A. Schlegel s’installe à Iéna, et elle commence à contribuer substantiellement aux productions littéraires du cercle romantique de Iéna, notamment des traductions de l’anglais.

En 1798, le philosophe Schelling et le dramaturge Tieck (1773-1853) viennent eux aussi s’installer à Iéna. Les frères Schlegel, Novalis (1772-1801) et Tieck s’unissent dans une activité littéraire très féconde ; Schelling et Fichte leur rendent visite après leurs journées de travail à l’université...

 

Parmi les femmes, il y a donc Caroline Schlegel, qui joue un rôle social essentiel dans la cohésion de ce petit groupe, Dorothée Veit, qui a épousé Friedrich Schlegel, la femme de Ludwig Tieck, Amalia, la fille de Caroline Schlegel, Auguste, et la toute jeune fille de Tieck, elle aussi appelée Dorothea, qui deviendra 20 ans plus tard la plus grande traductrice de Shakespeare du XIXème siècle sans jamais rien publier sous son nom.

Les bustes de Caroline Schlegel-Schelling, August Wilhelm Schlegel und Karl Wilhelm Friedrich Schlegel
Iéna - 1748

Le groupe d’Iéna, premier pôle significatif du mouvement de 1798 à 1806 est animé par Wilhem et Friedrich Schlegel, entourés de Tieck (1773-1853) connu pour son ironie et ses contes médiévaux et fantastiques qui ont influencé Nodier et Balzac, de Wackenroder (1773-1798) théoricien pour qui l’art est de nature divine, et enfin Novalis (1772-1801) le grand poète des hymnes à la nuit (1799) et d’Henri d’Ofterdingen (1799-1801) roman initiatique dont le héros est un ménestrel légendaire qui participe à une joute poétique dont l’enjeu est la vie!

Ce premier romantisme est nourri d’idéalisme philosophique (Fichte, Schelling), imprégné de pensée religieuse et centré sur l’expérience intérieure, sur une sorte d’ascèse morale visant une réalisation personnelle la plus pleine et la plus authentique.

griesbach-house à Iena

Mme De Staël dans De l’Allemagne (1810-1814) précise : « Le nom de romantique a été introduit nouvellement en Allemagne pour désigner la poésie dont les chants des troubadours ont été l’origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme ».

Germaine de Staël pendant son voyage en Allemagne, fait la conquête définitive de W. Schlegel qui devient le précepteur de ses enfants . Il la suit à Coppet et lui sera fidèle jusqu'à sa mort en 1817.

 

Le ''premier romantisme'' est inextricablement lié au nom de Caroline Schlegel. Sa maison est devenue le centre d'intérêt des écrivains allemands. Avec sa franchise et sa critique, elle oriente et approfondit les opinions de son cercle d'amis. Elle travaille sur la revue nouvellement fondée Athenaum, elle écrit des critiques, aide Schlegel à traduire Shakespeare et s'est fait un nom avec son travail sur Goethe.

Auguste Böhmer, buste par Friedrich Tieck, 1804

 

La mort de sa fille surdouée, frappe durement Caroline. Auguste affaiblie par une fièvre ''nerveuse'' prolongée, décède le 12 Août 1800. Sa fille est ce qu'elle a de plus cher sur la terre. Cette perte inattendue a profondément pesé sur Caroline. Elle ne se rétablit que lentement au cours de l'automne et de l'hiver suivants à Bamberg, puis à Braunschweig (d'octobre à mars) et finalement à Harburg (en avril). 

La mort d'Auguste renforce intimement l'amitié de Caroline avec Schelling, et des sentiments qui les unissaient déjà …. Schelling reproche à son ami Schlegel, d’avoir abandonné sa femme … !

Schlegel reste la plupart du temps loin de Caroline, à Berlin, où il donne des conférences publiques sur la littérature et l'art.

Au printemps 1802, elle lui rend visite à Berlin. C'est à cette époque qu'ils décident de divorcer; ce n'est que le 17 mai 1803 qu'il est légalement appliqué. Caroline se sépare de Schlegel avec un sentiment d'amitié reconnaissante et de respect cordial... Dans la conscience de la liberté retrouvée, elle se sent enfin apaisée et "presque heureuse" après tant d'excitations et de souffrances.

1800 Friedrich Wilhelm Schelling par C.F. Tieck

Caroline épouse le philosophe Schelling, de douze ans plus jeune qu’elle, en juin 1803. Ils s'installèrent à Würzburg, où Schelling est nommé professeur.

 

Schelling (1775-1854) est déjà à vingt-ans, 'le' philosophe de son époque … Pour lui nature et esprit coexistent au sein de l'Absolu... Plus tard, l'Absolu se personnalise et devient transcendant. Dieu est à l'origine, la création est autre et l'humain est l'être où s'opère l'unité de la puissance divine et créatrice … Schelling, au contraire de Hegel, fait une place à la Révélation du Christ.

 

En 1804, Schlegel et Germaine de Staël, rencontrent Caroline ( puis à Munich en 1808). Les deux maris de Caroline se réconcilient, après que Schlegel soit parvenu à faire entendre à Schelling que c'est par un acte d'amour et non de faiblesse qu'il a consenti à renoncer à son lien marital au profit du bonheur de Caroline.

Schelling obtient un poste de professeur à Munich en 1806, où ils déménagent. En 1809, lors d'un voyage à Maulbronn, Caroline meurt soudainement d'une épidémie : Fièvre nerveuse avec dysenterie.

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CAROLINE SCHLEGEL-SCHELLING, ET LE ROMANTISME ALLEMAND. -1/3-

Publié le par Perceval

Friedrich Wilhelm Schelling

Schelling avait rejoint les critiques de Kant ( Träume eines Geistersehers) contre Swedenborg... Lui même avait alors écrit que les anges devaient être « les créatures les plus ennuyeuses de toutes»...

Puis, il eut ce choc émotionnel terrible: la mort prématurée de son épouse bien-aimée, Caroline - une intellectuelle de renom - en 1809, à l'âge de 46 ans.

L'intérêt de Schelling pour Swedenborg coïncide avec son travail de deuil. Sa curiosité pour l’autre monde est sans doute née principalement de son intense désir d’être avec l'être cher... Cependant Schelling cherche une philosophie étayée par des preuves expérimentales.

Schelling croit fermement en la communication avec le monde spirituel... L'éloge du mariage selon Swedenborg, lui parle … Si, à ses débuts, Schelling était assez éloigné de la notion d'immortalité individuelle ; Schelling envisage la notion de corporalité dans deux directions, matérielle et spirituelle. La mort est une transformation alchimique, un processus de purification, le passage d’un esprit incorporel à un corps spirituel... La mort est un processus naturel... La ''vraie mort'', la mort qui est la conséquence du péché, est la mort spirituelle, asservissement à la vie des sens physiques. 

Morgen_im_Riesengebirge - C.D. Friedrich - détail

''Clara'', ou ''Sur la liaison de la nature avec le monde des esprits'' traite de la question de la survivance de l’homme après la mort et, à travers celle-ci, celle de la relation entre le monde d’ici (ou celui de la nature) et le monde outretombe (ou celui des esprits) –, c’est aussi un ouvrage qui raconte une histoire, celle d’une âme endeuillée. Schelling vient de perdre son épouse Caroline (le 7 septembre 1809).

Je vous propose de faire connaissance avec une femme qui mérite notre intérêt : Caroline Schlegel -Schelling (1763-1809)...

 

Vu de l'Allemagne ( au XVIIIe s. elle n'existe pas, et signifie: même appartenance linguistique : l'allemand), le XVIIIe siècle, fut pour les femmes, une époque pleine de promesses : les '' Lumières '', et ce que l'on a appelé la '' république des lettres '' , sur un fond de révolution française, laissent poindre un nouvel espace de liberté; et avec le Romantisme de nouvelles relations entre homme et femme...

La maison Michaelis à Göttingen

Nous pouvons vivre les espoirs de cette époque avec Caroline Michaelis - Böhmer - Schlegel - Schelling (1763-1809)

 

Caroline est la fille du professeur Michaelis, spécialisé en théologie et orientaliste reconnu, à Göttingen. Elle reçoit une éducation intellectuelle, et très tôt elle fréquente des familles d'intellectuels ( GE Lessing, GC Lichtenberg et JW Goethe.) et se lie d'amitié avec Thérèse Heyne et son futur mari, Georg Forster.

Silhouette de Caroline: jeune femme

Le 15 juin 1784, elle épouse son ami d'enfance, le docteur Bergarzt Wilhelm Böhmer, elle déménage avec lui à Clausthal et donne naissance à trois enfants. Le 28 avril 1785, nait son premier enfant, une fille : Auguste (Gustel) Böhmer. Des trois enfants qu'elle accouche, seule la fille aînée survit. Après seulement quatre ans de mariage, son mari meurt (1788).

Elle revient à Göttingen, et décide de ne pas se marier à nouveau et vivre seule avec sa fille.

À Göttingen, elle rencontre Georg Ernst Tatter (1757-1805), et tombe amoureuse de lui. 

Tatter a étudié la théologie de 1776 à 1778 à Göttingen. ( comme plus tard : Hegel, Holderlin, Schelling : 1788-1793). Secrétaire de l'ambassadeur britannique, il accompagne – dans leurs études - à Göttingen, les trois fils du Roi George III...

Elle laisse encore Göttingen et vit pendant un certain temps avec son frère à Marburg, puis retour à l'automne 1791 à Göttingen où elle revoit Tatter. Après la mort de son père en 1791, et la maison familiale vendue, Caroline déménage à Mayence, où la visite Tatter en Septembre 1792.

Marburg du sud, 1842, avec une belle vue sur la vallée dont parlent Caroline et d'autres

A Göttingen, Caroline se lie d’amitié avec le poète Gottfried August Burger et le critique August Wilhelm Schlegel.

Georg Forster (vers 1785)

A Mayence, Caroline y retrouve son amie d'enfance, Thérèse Forster; et a une liaison tumultueuse avec Georg Forster...

Georg Adam Forster (1754 - mort le 10 janvier 1794 à Paris) est un naturaliste allemand qui fut également ethnologue, écrivain voyageur, journaliste et révolutionnaire. Il participe à la deuxième expédition autour du monde de James Cook...

Thérèse Forster avait donc épousé Georg Forster en 1785, l'avait suivi à Mayence en 1788. Elle tombe amoureuse de Ferdinand Huber, et selon les vœux de son mari, font ménage à trois... A la mort de son mari, elle épousera Huber qu'elle suivra à Stuttgart en 1798. Elle publiera plusieurs romans

Anne-Louis Girodet - détail (poèmes d'Ossian)

L'armée révolutionnaire française du Général Custine (1740-1793) entre dans Mayence le 21 octobre 1792.

Caroline Schelling par Tischbein (1798)

La ville, demande son rattachement à la France sous le nom de ''République de Mayence''. Caroline fréquente les milieux révolutionnaires...

Mais, après la reddition de la ville obtenue par les troupes prussiennes (1793), Caroline tente de s'échapper en voiture avec sa fille, mais elles sont arrêtées et conduites à la forteresse de Königstein. Elle se rend compte qu'elle est enceinte d'un jeune officier français de Custine : le lieutenant Jean-Baptiste Dubois-Crancé, neveu du général François-Ignace Ervoil d'Oyré, stationné à Mayence au début de 1793.. Après avoir refusé de donner l'enfant au père qui la réclame, elle reçoit l'aide de A. W. Schlegel qu'elle épousera en 1796, plus par reconnaissance que par amour... L'enfant, lui, meurt en bas-âge

 

Après sa libération, Caroline, se retrouve déclarée ''persona non grata'' dans toute une série de villes où elle ne peut donc plus séjourner.

August_Wilhelm_von_Schlegel

Elle épouse finalement August Wilhelm Schlegel (1767-1845) en 1796.

Schlegel, est un écrivain, poète, philosophe, critique, orientaliste et traducteur allemand et l'un des principaux théoriciens du mouvement romantique.

Schlegel a étudié à Hanovre, puis à Göttingen en 1786, où il a pour professeur, le père de Caroline.

 

En 1798, à Iéna, (Thuringe), où il est nommé professeur extraordinaire, il fait la connaissance de Goethe et de Schiller et fonde en mai avec son frère Friedrich une revue intitulée Athenäum.

Quand il sera séparé de sa femme en mai 1803, il deviendra, l'année suivante, l'amant de Germaine de Staël, séparée de Benjamin Constant...                                            A suivre ...

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Découverte de la philosophie de Schelling

Publié le par Perceval

La découverte grâce à Monsieur de Balzac, des théories de Swedenborg, semble autoriser Charles-Louis de Chateauneuf, à imaginer le monde du Graal, et de la Légende arthurienne, comme un ensemble d'arcanes et de correspondances avec le monde naturel … Cet univers serait-il parallèle au notre, comme peuvent l'être d'autres univers mythologiques … ?

Mme Félix Ravaisson-Mollien

L'époque étant au rationalisme, comment donner raison à tout cela … ?

Avec Mme J., Charles-Louis de Chateauneuf partage ces discussions et les querelles philosophiques du moment avec un jeune couple Marie Françoise Aglaé et Félix Ravaisson, jeunes mariés et assidus de divers salons mondains...

Ami d'E. Quinet, Félix Ravaisson (1813-1900), est agrégé de philosophie, et inspecteur général des bibliothèques... Ses goûts sont éclectiques, et ce choix lui valut sans-doute sa place à l'université en philosophie ; il est passionné d'archéologie et les recherches du Graal de Ch.-L. l'interroge … Son oncle, qui l'a beaucoup marqué disait de lui à huit ans : « Félix est un Mathématicien complet, un antiquaire, un historien, tout enfin.. »

« M. Ravaisson aimait le monde. Tout jeu­ne, peu connu encore, il voyait, grâce à sa parenté avec l'ancien ministre Mollien, s'ouvrir devant lui bien des portes. Nous savons qu'il fréquenta chez la princesse Belgiojoso, où il dut rencontrer Mignet, Thiers, et surtout Alfred de Musset ; chez Mme Récamier, déjà âgée alors, mais gracieuse toujours, et groupant autour d'elle des hommes tels que Villemain, Ampère, Balzac, Lamartine : c'est dans le salon de Mme Récamier, sans doute, qu'il fit la con­naissance de Chateaubriand. Un contact fréquent avec tant d'hommes supérieurs devait agir sur l'intelligence comme un stimulant. » Bergson

Portrait de Jean Gaspard Félix Larcher Ravaisson-Mollien par Théodore Chassériau (1846)

 

Félix Ravaisson avait étudié le violon avec Alard, la peinture avec Broc, élève de David ; il peint, à plusieurs reprises il expose au Salon, sous le nom de Laché... Il admire Léonard de Vinci... Il pense que l'art ou la métaphysique ont la même intuition …

Eugene-Delacroix

D'abord disciple de M. Cousin qui règne sur la philosophie, il reste rebelle à l'autorité d'autrui ; il s'éloigne du maître, et de la chaire de philosophie … !

 

Le couple Ravaisson rejoint le cercle des admirateurs de madame de Staël ; germanophile il se dit élève de Schelling qu'il a rencontré en Allemagne …

Avec les conseils et les appuis d'E. Quinet, Ravaisson s'est rendu à Munich à la fin de 1839. Il a découvert dans les cours de Schelling « les éléments d’une philosophie libre et substantielle et, comme il l’appelle, véritablement positive », une philosophie nouvelle et prometteuse...

Ravaisson, admirateur de la philosophie allemande, félicite Schelling de l'avoir réorientée à partir « de la réalité vivante et de l’énergie spirituelle »

 

Pour nous, la nature est un spectacle, nous l'admirons de l'extérieur … Pourtant, dans la contemplation, nous reconnaissons un moment où « l’acte et la vision de l’acte ne font qu’un. ». Schelling dit qu'alors l'intuition intellectuelle est cette « faculté de voir l’universel dans le particulier, l’infini dans le fini.. » Schelling relève le contraste entre l’intuition, qui voit la continuité, et la réflexion, qui marque les césures...

Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling

 

Découvrons Schelling :

Alors que Kant différencie le ''moi connaissant'' et la nature ; puisque qu'il ne nous serait pas possible de connaître la nature ''en soi ''… Fr. W. Schelling (1775-1854) exprime que la nature n'est que l'expression de '' l'Esprit du monde'', elle est de l'esprit visible, un esprit qui ordonne et structure... Et cet esprit est à l’œuvre dans la conscience de l'homme...

Charles-Louis, en écoutant exposer Revaisson, se disait alors qu'en entrant à l'intérieur de soi-même l'homme pourrait ressentir le mystère du monde … Et, cela semblait vibrer avec le mystère du Graal ...

De plus, toutes ces légendes que nous affectionnons – sans nous expliquer pourquoi elles nous fascinent – imagent l'âme d'un peuple... C'est '' l'esprit du monde '' qui est présent, dans la mythe, dans l'art, dans la nature …

 

Pour Schelling, le monde est « en Dieu » ; pour Hegel (1770-1831) '' l'esprit du monde '' est la somme des manifestations humaines ; seul l'homme a un esprit, et cet esprit du monde progresse à travers l'histoire...

Intéressant de voir que Schelling a pris la suite de Hegel à l'université de Berlin... Et, en 1841, voir Kierkegaard (1813- et Karl Marx, ensemble, suivre les cours de Schelling … ! Même si Marx, lui, se dit que « les philosophes se bornent à interpréter le monde alors qu'il s'agit de le transformer. »

William Blake - The Ancient of Days

 

Revenons aux idées de Schelling, mises en notes par Ch.-L. de Chateauneuf, enthousiasmé :

Au commencement … était «  l'Un originel », la pure indifférenciation … Il n'existe pas encore de séparation entre Dieu et ''le Monde'', la nécessité et la liberté, le conscient et l'ombre, le sujet et l'objet, ici et là, avant et après …

Ensuite... La nature est empreinte d'une volonté originelle de différenciation... Y a t-il '' quelque chose qui veut ?... C'est vrai que... Hegel se moque … « Cet ''Originel '' serait « la nuit où tous les chats sont gris, un manque de connaissance et une grande naïveté... »

Schelling tente d'expliquer que cet ''Un originel'' ne peut être objet de la pensée, avant précisément qu'il existe de la différenciation .. 

L'art est l'« organon de la vérité » : en se reconnaissant dans l’œuvre, l'homme accède à sa subjectivité, sa conscience de soi et sa liberté.

Questions : Alors que dans l'univers tout a sa raison d'être, comment le mal peut-il exister ? Et quand tout dépend de tout et que chaque être et chaque fait sont liés aux autres, comme le veut chaque système, comment peut-il être question de liberté ?

Les Mythes :

par Carola-Eleonore Thiele

Pour Schelling, le mythe n'est pas le résultat de l'imagination de l'homme, c'est au contraire la conscience de l'homme qui est le résultat des mythes. Les mythes ne sont ni des vérités cachées, encore moins des allégories ou des métaphores.

Les mythes sont des tautégories: ils ne disent rien d'autre que ce qu’ils disent. La question n'est pas de savoir s'ils sont vrais ou faux. Ils existent et ne signifient que ce qu'ils sont. « Pour elle, les dieux sont des êtres qui existent réellement, qui ne sont rien d’autre, ne signifient rien d’autre, mais signifient seulement ce qu’ils sont. »

Il faut reconnaître au mythe la capacité de véhiculer une vérité qui lui est propre, c'est à dire encore – pour être bien compris – « tout dans le mythe doit être compris comme il l'énonce, , et non pas comme si une chose était pensée, une autre dite. » Schelling... Malheureusement... - si l'on peut dire - nous ne croyons plus aux dieux … !

Et '' en même temps '' Le mythe est à la fois porteur d’un sens, d’une « vérité » plus ou moins haute, et investi d’une fonction sociale qui en double l’importance.

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Lire Swedenborg, au XIXe siècle... Balzac

Publié le par Perceval

Pour Swedenborg, au-dessus du monde matériel décrit par la science, se trouve un monde spirituel qui n’est pas moins substantiel, ni moins réel, que celui que nous observons.

Comment Balzac, et avec lui – l'un de ses lecteurs – Charles-Louis de Chateauneuf, appréhendent-ils les thèmes développés.. ? Je viens de lire, précisément, ''Louis Lambert'' , '' La Peau de chagrin'' et ''Séraphita''...

A cette époque, la mère de Balzac, et Balzac, s'étaient intéressé au ''magnétisme'' qu'ils considéraient comme une expérience religieuse … Dans chaque humain, se présentent une part de l’être tournée vers l’intérieur et une qui est tournée vers l’extérieur...

Dans La Peau de chagrin, Raphaël de Valentin, est au bord du suicide, par perte en particulier de son objet d'amour... Chez un antiquaire il se retrouve hésiter entre le portrait du Christ et une peau, qui ne reflète aucune image, mais une lumière floue et qui lui promet le pouvoir absolu au prix d’une restriction de sa vie à chaque vœu. Cela rejoindrait-il, cette théorie du ''fluide vital '' ( les désirs, les émotions …) chez Swedenborg qui dissolverait l'âme... ?

Séraphita a une apparence indécise mi-homme mi-jeune fille; Minna, la jeune fille qui l’aime, le considère comme un jeune homme ; Wilfrid la considère comme une jeune femme. Mais le personnage refuse les deux identités, et l’amour terrestre sous toutes ses formes... Séraphita est un ange ; et elle exhorte Minna et Wilfrid à se tourner l'un vers l'autre...

« Son entendement, son âme, son corps, tout en elle est vierge comme la neige des montagnes. (...) Quand elle eut 9 ans, son père et sa mère expirèrent ensemble, sans douleur, sans maladie visible, après avoir dit l’heure à laquelle ils cesseraient d’être. Debout à leurs pieds, elle les regardait d’un œil calme, sans témoigner ni tristesse ni douleur, ni joie ni curiosité ; son père et sa mère lui souriaient. Quand nous vînmes prendre les deux corps, elle dit : “Emportez !” “Séraphita, lui dis-je, car nous l’avons appelée ainsi, n’êtes-vous donc pas affectée de la mort de votre père et de votre mère ? ils vous aimaient tant !

– Morts ? dit-elle ? Non, ils sont en moi pour toujours. Cela n’est rien”, ajouta-t-elle en montrant sans aucune émotion les corps que l’on enlevait. »

Être un ange, c’est être « tout » avec Dieu...

« Wilfrid et Minna comprirent alors quelques-unes des paroles de Celui qui sur la terre leur était apparu à chacun d’eux sous la forme qui la leur rendait compréhensible, à l’un Séraphitüs, à l’autre Séraphita, quand ils virent que là tout était homogène. »

Dans La Peau de chagrin, l’emprise, le pouvoir de la peau échouent à constituer des satisfactions véritables et le monde interne s’étiole. Le désir même qu'il éprouve pour Pauline qui l'aime, fait diminuer la surface de la Peau...

S'ajoute une autre idée de Balzac attachée au '' Traité de la Volonté '' qu'il envisage et qu'il prête à Louis Lambert: Raphaël n'a jamais pu renoncer ni au ''vouloir'' ni au ''pouvoir'' que le vieil antiquaire présente comme les deux causes du malheur humain: «Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit »... Pour devenir heureux, en tirant profit de la Peau, il faudrait avoir l'âme assez forte pour ne pas craindre la mort...

Pour Swedenborg, l'amour conjugal permet seul de connaître l'autre sur le plan de la substance spirituelle, mais qu'à l'union des corps, il doit advenir une union des âme, qui''sexuellement'' ne va pas de soi, par ignorance des aspirations, des rêves, des désirs profonds de l’autre.

Le mysticisme de Swedenborg se fonde sur l’idée de la correspondance. Selon Swedenborg, la correspondance entre le spirituel et le naturel fonde et organise le réel. Cette voie intègre la science et la Révélation...

Cette correspondance mystérieuse entre cet univers - jusqu'au plus anodin de la nature - et la transcendance, va nourrir la naissance du romantisme anglais et allemand...

Swedenborg rationaliste, physicien, homme pratique et sociable était le familier des anges.

 

Aujourd'hui, beaucoup se disent persuadés que nos idées, nos sentiments, nos désirs, nos intuitions, notre volonté, notre conscience, nos rêves ne sont que des ''effets secondaires '', des épiphénomènes de la matière physique. L'Univers ( c'est à dire le ''Tout'' unique) n'est que matériel : réalité physique, continue, observable, régis par des règles ...etc On appelle cela le ''monisme matérialiste ''...

Swedenborg se situe à l’opposé de ce matérialisme.

Les '' Lumières '' conduisent des penseurs du XIXe siècle à s'opposer au rationalisme; en proposant cependant une pensée rationnelle tout en préservant l’essentiel des croyances en ''l’Autre monde''...

N'oublions pas qu'au siècle de Swedenborg, et au sein de l'Eglise chrétienne, Dieu était considéré comme sévère, jaloux et colérique … Le salut reposait plus sur une foi ''juste'' que sur une vie ''juste''... La damnation éternelle était promise aux païens, aux athées, aux hérétiques. Même les enfants non baptisés étaient exclus du ciel. … Le ciel était une demeure vague quelque part au-delà de l'étoile la plus éloignée....

The Angel of the Divine Presence clothing Adam and Eve with skins, by William Blake

Kant s'est beaucoup intéressé au cas ''Swedenborg''... Il s'est demandé s'il était rationnel de qualifier cette pensée de ''folle'' ? Cela le conduit à préciser l'objet de la philosophie, ou du moins les modalités de l’exercice de la raison.

The Marriage of Heaven and Hell (by William Blake)

Paul Valéry (1871-1945) juge ainsi son oeuvre : « J’y suis entré sans soupçonner que j’entrais dans une forêt enchantée où chaque pas fait lever des vols soudains d’idées, où se multiplient les carrefours à hypothèses rayonnantes, les embûches psychologiques et les échos ; où chaque regard entrevoit des perspectives tout embroussaillées d’énigmes, où le veneur intellectuel s’excite, s’égare, perd, retrouve et reprend la piste. Mais ce n’est point du tout perdre son temps. [Il] est peu de chasses plus prenantes et plus diverses que la chasse au Mystère Swedenborg. »

Balzac, influencé par Swedenborg, nous expose ses idées :

* « Dieu est une magnifique Unité qui n’a rien de commun avec ses créations, et qui néanmoins les engendre ! » Seraphita

** Louis Lambert explique tout « par son système sur les anges » et a un ardent désir de rencontrer un ange-femme... Ce pressentiment de l’existence des anges, cette aspiration vers le monde céleste sont développés dans Seraphita...

** ''L'homme intérieur '' se perfectionne par l'amour ( la charité), et la foi …

**** La science des Correspondances intéresse Balzac, particulièrement dans la Parole qui contient « des Arcanes innombrables dans le sens interne ou spirituel » que les anges seuls comprennent dans toute son étendue. Le terme « Arcane » retient aussi son attention comme la clef du « lien mystérieux entre les moindres parcelles de la matière et les cieux »
 

Dans Séraphita , le pasteur Becker, expose l'histoire de Séraphîtüs-Séraphîta, ainsi que les théories de Swedenborg :

Extrait « (…) Pour les hommes, dit-il, le Naturel passe dans le Spirituel, ils considèrent le monde sous ces formes visibles et le perçoivent dans une réalité propre à leurs sens.

Mais pour l’Esprit Angélique, le Spirituel passe dans le Naturel, il considère le monde dans son esprit intime, et non dans sa forme. 

Ainsi, nos sciences humaines ne sont que l’analyse des formes. Le savant selon le monde est purement extérieur comme son savoir, son intérieur ne lui sert qu’à conserver son aptitude à l’intelligence de la vérité. 

L’Esprit angélique va bien au delà, son savoir est la pensée dont la science humaine n’est que la parole ; il puise la connaissance des choses dans le Verbe, en apprenant les correspondances par lesquelles les mondes concordent avec les cieux. 

LA PAROLE de Dieu fut entièrement écrite par pures Correspondances, elle couvre un sens interne ou spirituel qui, sans la science des Correspondances, ne peut être compris. Il existe, dit Swedenborg (Doctrine céleste, 26), des Arcanes innombrables dans le sens interne des Correspondances. Aussi les hommes qui se sont moqués des livres où les prophètes ont recueilli la Parole étaient-ils dans l’état d’ignorance où sont ici-bas les hommes qui ne savent rien d’une science, et se moquent des vérités de cette science. Savoir les Correspondances de la Parole avec les cieux, savoir les Correspondances qui existent entre les choses visibles et pondérables du monde terrestre et les choses invisibles et impondérables du monde spirituel, c’est avoir les cieux dans son entendement. Tous les objets des diverses créations étant émanés de Dieu comportent nécessairement un sens caché, comme le disent ces grandes paroles d’Isaïe : La terre est un vêtement (Isaïe, 5, 6). Ce lien mystérieux entre les moindres parcelles de la matière et les cieux constitue ce que Swedenborg appelle un Arcane Céleste. Aussi son traité des Arcanes Célestes, où sont expliquées les Correspondances ou signifiances du Naturel au Spirituel, devant donner, suivant l’expression de Jacob Boehm, la signature de toute chose, n’a-t-il pas moins de seize volumes et de treize mille propositions. « Cette connaissance merveilleuse des Correspondances, que la bonté de Dieu permit à Swedenborg d’avoir, dit un de ses disciples, est le secret de l’intérêt qu’inspirent ses ouvrages. Selon ce commentateur, là tout dérive du ciel, tout rappelle au ciel."

Séraphita d'Honoré de Balzac.

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Balzac et Swedenborg (philosophe et mystique suédois, 1688-1772)

Publié le par Perceval

Alkis Boutlis. Le rêve de Louis Lambert ( Balzac ).2017.

Balzac s’intéressait à la mystique, en 1830 il avait déjà lu sainte Thérèse d’Ávila, Antoinette Bourignon, Mme Guyon, Jacob Boehme, Swedenborg et Saint-Martin. Dans Seraphita il condense l’essence de la pensée de ces auteurs mystiques, surtout de Swedenborg.

 

« le swedenborgisme, qui n’est qu’une répétition dans le sens chrétien d’anciennes idées, est ma religion, avec l’augmentation que j’y fais de l’incompréhensibilité de Dieu » Une lettre de Balzac datée du 31 mai 1837.

Balzac pense pouvoir faire confiance à Swedenborg, parce que celui-ci n’est pas seulement un ''voyant'', mais un homme de science et de raison qui sait adopter un système mathématique et philosophique dans toute sa doctrine.

Emmanuel Swedenborg, né le 29 janvier 1688 à Stockholm en Suède, est très célèbre dans son pays et de son vivant... Sorte de '' Léonard de Vinci'', il est un inventeur et savant ; En 1719, le roi l'anoblit ; il siège ainsi à la chambre haute du Parlement suédois.

Emanuel Swedenborg

Swedenborg introduit en Suède le calcul différentiel et intégral mais refuse la chaire de mathématiques de l’Université d’Uppsala en 1725, préférant consacrer les douze années suivantes à son oeuvre monumentale, les Principia. Il y élabore une théorie de l’atome, une théorie de l’origine solaire de la terre et des autres planètes, une théorie ondulatoire de la lumière, une théorie nébulaire de l’origine du système solaire (chapitre 4 des Principia), et une théorie cinétique de la chaleur. Il publie une méthode pour calculer les longitudes d’après l’observation de la lune ; il se passionne pour la formation des sols et le phénomène des marées ; il contribue aux sciences naissantes de la cristallographie et de la métallurgie. Il identifie, dix-neuf ans avant Franklin, la nature des phénomènes électriques et s’intéresse bien avant Faraday au magnétisme. Il découvre que la position de l’équateur magnétique est différente de l’équateur géographique, et que le pôle magnétique Sud a un axe plus distant de l’équateur magnétique que le pôle Nord....etc

Il voyage beaucoup ; il se forme en Angleterre, en Hollande, en France...

En 1743, suite à plusieurs expériences mystiques, il abandonne ses recherches scientifiques pour se consacrer entièrement à la recherche théologique et philosophique...

Il demande à être relevé de toutes ses fonctions...

Swedenborg rédige une nouvelle œuvre colossale dont la pièce maîtresse est le Arcana Celestia, en douze gros volumes...

Le 19 juillet 1759, Emmanuel Swedenborg voit de Göteborg un incendie à Stockholm. Ce phénomène de vision à distance, ses entretiens avec les esprits, la tranquille assurance avec laquelle il se meut dans le merveilleux, le rendent bientôt célèbre dans toute l'Europe.

Il meurt à Londres le 29 mars 1772, à la date exacte qu’il avait lui-même prédite...

Sa pensée va influencer fortement la seconde moitié du XVIIIe siècle et tout le début du XIXe siècle.

Swedenborg's place of birth is commemorated at Hornsgatan 43, in Stockholm, Sweden.

Emanuel Swedenborg’s Tomb in the Uppsala Cathedral, Sweden.

Jorge Luis Borges (1899, 1996), admire Swedenborg et affirme qu'il est « l’homme le plus extraordinaire qu’ait mentionné l’Histoire […] est peut-être le plus mystérieux de ses sujets : Emmanuel Swedenborg ».

Paul Valéry, écrit : « Comment un Swedenborg est-il possible ? Que faut-il supposer pour considérer la coexistence des qualités d’un savant ingénieur, d’un fonctionnaire éminent, d’un homme à la fois si sage dans la pratique et si instruit de toute choses, avec les caractéristiques d’un illuminé qui n’hésite pas à rédiger, à publier ses visions, à se laisser passer pour visité par les habitants d’un autre monde, pour informé par eux et vivant une part de sa vie dans leur mystérieuse compagnie ? »

Balzac à sa table de travail

Balzac fut aussi passionné de sciences, attiré en particulier par la chimie dont il se fit expliquer par son ami François Arago les bases. Il lut avec passion les Éléments de philosophie chimique d’Humphrey Davy (1812) et les huit volumes du Traité de chimie de Berzélius (1829) pour pouvoir écrire un roman qui mettrait en scène un chimiste : La Recherche de l’Absolu (1834). Balzac était mu par la conviction qu’il devait exister derrière l’éclatement en divers éléments officiellement prêché, une chimie capable de tout expliquer par monisme.

Balzac a assisté aux cours du philosophe Victor Cousin; et en matière de philosophie, c'est Leibniz avec qui il a semblé partager quelque affinité : la constitution de la monade, avec ses plis multiples, les rapports corps-âme, etc… ( nous en reparlerons ...)

En ce XIXe siècle, Balzac juge que les systèmes philosophiques, en cours sont trop théoriques et rationnels, le mysticisme proprement dit ne l’est en revanche pas assez....

 

Mme de Staël, dans De l’Allemagne (1810), distingue les « théosophes » et les « simples mystiques ». Selon elle, les « théosophes » sont « ceux qui s’occupent de la théologie philosophique, tels que Jacob Boehme, Saint-Martin », avec l’ambition de « pénétrer le secret de la création », et les « simples mystiques » sont ceux qui « s’en tiennent à leur propre coeur », tels « plusieurs pères de l’Église, Thomas A-Kempis, Fénelon, saint François de Sales ». dans De l’Allemagne, 4e partie, chap. V : « De la disposition religieuse appelée mysticité »..

 

A suivre : … Lire Swedenborg, au XIXe siècle...

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La mort de Balzac

Publié le par Perceval

Balzac sur son lit de mort par Emile Giraud

Le lendemain du dimanche 18 août 1850, la nouvelle courrait que Monsieur de Balzac était mort.... Bien vite Charles-Louis de Chateauneuf en eut la confirmation !

 

Charles-Louis avait rencontré l’écrivain dans divers salons. Il se souvenait avec beaucoup de reconnaissance de ses échanges sur la philosophie, la science ; et il l'avait écouté très sérieusement et avec intérêt, quand Charles-Louis avait évoqué le Graal...

 

Au premier regard, Balzac n'était pas beau, un homme petit, avec une grosse taille qu'un vêtement peut-être mal fait rendait grossier. Une grosse tête, un grand front et des yeux … Un regard foncé qui exprimait tant de choses... Un gros nez carré et une bouche énorme qui riait toujours... Sa bonne humeur devenait vite contagieuse

Portrait de Balzac 1842

« Il y avait dans tout son ensemble, dans ses gestes, dans sa manière de parler, de se tenir, tant de confiance, tant de bonté, tant de naïveté, tant de franchise, qu'il était impossible de le connaître sans l'aimer... » Sidonie de Pommereul épouse du général François de Pommereul

 

Son ''épaisseur'' semblait lui donner de la force, et non lui en retirer... Il agitait ses grosses mains, et chacun restait captif de son regard... Il charmait, il fascinait, entrait en confidence... Il ne pouvait être que bon ; on se sentait en confiance, comme s'il était de la famille...

 

En 1836, une jeune fille proche des Visconti, Sophie Koslowska, écrivait à son père, diplomate russe : « M. de Balzac qui est aussi un homme supérieur, goûte la conversation de Madame Visconti, et, comme il a beaucoup écrit et écrit encore, il lui emprunte souvent de ces idées originales qui sont si fréquentes chez elle, et leur conversation est toujours excessivement intéressante et amusante. Voilà la belle passion expliquée. M. de Balzac ne peut pas être appelé un bel homme, parce qu'il est petit, gras, rond, trapu ; de larges épaules bien carrées, une grosse tête, un nez comme de la gomme élastique, carré au bout, une très jolie bouche, mais presque sans dents, les cheveux noirs de jais, raides et mêlés de blanc. Mais, il y a, dans ses yeux bruns, un feu, une expression si fort que, sans le vouloir, vous êtes obligé de convenir qu'il y a peu de têtes aussi belles. Il est bon, bon à mâcher pour ceux qu'il aime, terrible pour ceux qu'il n'aime pas et sans pitié pour les grands ridicules.[...] Il a une volonté et un courage de fer ; il s'oublie lui-même pour ses amis. [...] Il joint à la grandeur et à la noblesse du lion la douceur d'un enfant. »

Balzac - Modeste-Mignon - Gravure de P. Vidal

 

Charles-Louis de Chateauneuf a rencontré Monsieur de Balzac dans le salon de la duchesse d'A.... Il eut la chance de pouvoir converser avec passion de science et de philosophie... Ensuite, alors qu'il le croisait de nouveau; il avait remarqué – avec délice – alors qu'il était entouré et en conversation – qu'il lui jeta un regard vif, pressé, gracieux, d'une extrême bienveillance. Il s'est alors approché de lui pour lui serrer la main ; et tout fut dit, sans phrase... Balzac n'avait pas le temps de s'arrêter de parler, mais c'était comme si la présence de Charles-Louis l'eût ranimé au lieu de l'interrompre...

 

En 1843, le comte Hanski, mari d'Eve Hanska meurt... Balzac fait alors plusieurs séjours à Saint-Petersbourg avec sa bien-aimée...

Balzac a de gros soucis financiers.. Il emprunte beaucoup … Balzac dépense beaucoup pour l’aménagement de la Rue Fortunée ; en proportion égale de son amour pour la belle Eve, c’est-à-dire énormément...

En 1848, Balzac est prêt à repartir. Il prend le train à la Gare du Nord le 19 septembre.. On va maintenant de Paris à Cracovie en 60 heures...

1849 : il avoue à sa sœur, en décembre « A 50 ans avoir encore 100 000 francs de dettes, et ne pas être fixé sur une question qui est toute ma vie et mon bonheur, voilà la thèse de l’année 1849. »

1850 : Balzac est terriblement épuisé par des crises cardiaques successives, des étouffements et des bronchites...

 

L'administration du tsar refuse à Mme Hanska de conserver ses terres en cas de mariage avec un étranger... L’état de santé de Balzac n'est pas bon ; finalement elle franchit ce pas tant espéré par Balzac depuis des années : en février 1850, elle prend la décision de donner ses terres et son domaine à sa fille, afin de pouvoir l’épouser et l’accompagner en France...

Le mariage est enfin célébré le 2 mars 1850, à l’église Sainte-Barbe de Berditchev en toute intimité.

Eve Hanska, épouse de Balzac

 

M. et Mme Honoré de Balzac quittent Wierzchownia le 24 avril 1850 et reprennent le chemin de Paris, à petites étapes, parce que la santé de l'écrivain exige des précautions.

Balzac se préoccupe auprès de sa mère de l’état de la maison qui doit être prête pour accueillir sa femme. Il lui écrit de Dresde, « j’espère être rue Fortunée le 20 ou au plus tard le 21, je t’en prie donc instamment, fais que tout sois prêt pour le 19 et que nous trouvions à déjeuner ou à dîner, quand bien même les provisions seraient perdues car j’ignore à quelle heure nous arriverons l’un de ces trois jours là. »

Le couple arrive enfin à Paris dans la soirée du 21 mai. Balzac voit l'un de ses rêves se réaliser : l’arrivée de sa femme dans leur demeure conjugale, 12 rue Fortunée, l'ancien hôtel de M. de Beaujon que Balzac avait acheté ( en sept. 1846) et tout fait préparer ... Mais, le domestique devant les accueillir n’est pas là ; et il faut appeler un serrurier en pleine nuit et forcer la porte…

À peine arrivé, la santé de Balzac se détériore encore. Mais, il reçoit encore... Charles-Louis de Chateauneuf a la grande opportunité d'accompagner le romancier et poète, Auguste Vacquerie (1819-1895), qui décrit ainsi sa visite : «  Puis nous passâmes tous dans le salon principal, nous vîmes Balzac assis ou plutôt à demi couché dans un grand fauteuil placé près d’une fenêtre; il était enveloppé d’une longue robe de chambre; sa tête reposait sur un oreiller, sou ses pieds s’étalait un cousin. Ah quelle lamentable métamorphose le temps la maladie avenir opéré en lui ! Tombée cette belle vitalité ; éteint cette vaillante exubérance qui rendait sa personne si originale si attractive. Le romancier n’était plus que l’ombre de lui-même ».

Ce jour là, Balzac, tient absolument à faire présent à Charles-Louis, d'un manuscrit de jeunesse... Il lui assure que ces quelques pages pourraient l'intéresser dans ses recherches « au sujet de ce Graal, dont vous m'avez parlé... (…) Et, vous reconnaîtrez quelques idées de notre cher Swedenborg (*)... »

Charles-Louis reste surpris de l'intensité de son regard où semble se réfugier toute la vie. 

***
 

En juillet, ses souffrances deviennent atroces. Au début d'août, les étouffements commencent. Balzac entre en agonie le 18. Ce jour-là, Victor Hugo est venu le voir, il a raconté cette dernière visite dans 'Choses vues'. « Une autre femme vint qui pleurait aussi et me dit : «Il se meurt. Madame est rentrée chez elle. Les médecins l'ont abandonné depuis hier. Il a une plaie à la jambe gauche. La gangrène y est.... (…) La nuit a été mauvaise. Ce matin, à neuf heures, monsieur ne parlait plus. Madame a fait chercher un prêtre. Le prêtre est venu et a donné à Monsieur l'extrême- onction. Monsieur a fait signe qu'il comprenait. Une heure après, il a serré la main à sa soeur, Mme de Surville. Depuis onze heures il râle et ne voit plus rien. Il ne passera pas la nuit. Si vous voulez, monsieur, je vais aller chercher M. de Surville, qui n'est pas encore couché. »»

(…) « J'entendis un râlement haut et sinistre. J'étais dans la chambre de Balzac.
Un lit était au milieu de cette chambre. Un lit d'acajou ayant au pied et à la tête des traverses et des courroies qui indiquaient un appareil de suspension destiné à mouvoir le malade. M. de Balzac était dans ce lit, la tête appuyée sur un monceau d'oreillers auxquels on avait ajouté des coussins de damas rouge empruntés au canapé de la chambre. Il avait la face violette, presque noire, inclinée à droite, la barbe non faite, les cheveux gris et coupés courts, l’œil ouvert et fixe. Je le voyais de profil, et il ressemblait ainsi à l'Empereur.
 »

Balzac meurt pendant la nuit du 18 août 1850. L'enterrement eut lieu le 21 août, après un office à l'église Saint-Philippe-du-Roule, au cimetière du Père Lachaise, ce haut-lieu de l’œuvre balzacienne, d'où le jeune Rastignac avait jeté son défi à Paris: "À nous deux maintenant", où gisaient Esther Gobseck, Lucien de Rubempré, tant d'autres personnages. Victor Hugo prononça l'éloge funèbre du romancier.

(*) E. Swedenborg, dans le prochain article ... A suivre ….

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Avertissement au sujet de ce Blog:

Publié le par Perceval

A la demande de quelques lectrices et lecteurs de ce blog, je précise l’objectif de ce blog :...

La Quête de Perceval, est ici centrée bien sûr autour du Graal... Le Moyen-âge, la Légende arthurienne et donc le Graal ont alimenté les représentations de cette quête tout au long de notre histoire...

 

Selon les époques, les représentations du Graal ont évolué, même si le corpus symbolique est resté le même...

Selon les époques, la Quête s'est nourrie de philosophie et de théologie, de science et d'alchimie. Avec l'Histoire et la religion, elle a cherché à s'adapter, et traverser les crises sans transiger sur le fond, l'essentiel... représenté par le Graal ….

 

 

 

Mes articles concernent la Quête d'un personnage, projeté à différentes époques... Avec Roger de Laron au XIIIe et XIVe siècles, Louis-Léonard de la Bermondie au XVIIIe siècle, et avec Charles-Louis de Chateauneuf, dans la 1ère moitié du XIXe siècle … Ils sont tous les trois issus d'une même lignée de seigneurs limousins... Sur ce blog, je raconte dans le contexte culturel qui leur est propre, et chacun nourri de la légende arthurienne ( sur laquelle je reviens régulièrement...) leur histoire très singulière …

Bonne Quête, à vous ...

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Madame J.

Publié le par Perceval

Suite de: AU XIXE S. : UNE VIE INTELLECTUELLE ET MONDAINE...

Mme J. a profité de sa liberté, que lui donne un mari volage, pour parcourir l'Allemagne, mais aussi la Russie et la Pologne ...

Femme ravissante, blonde, le regard bleu plein de gaieté, aux manières simples et élégantes. Elle n’a pas froid aux yeux, c’est une femme libre. Elle est très liée à Marie d'Agoult (1805-1876). Elle est dit-on la maîtresse de Sainte-Beuve...

 

Alors qu'elle écrit à l'un de ses amants, pour lui évoquer des soucis d'argent ; on lui prêterait cette déclaration « Ce n'est pas mon mariage qui m'a gênée, mon mari n'a pas pris un sou de mon argent, il m'a même offert du sien mais comme il veut me ravoir je crains tout ce qui pourrait nous lier. C'est ce qu'on craint d'un mari, d'un maître. Ce n'est pas ce que je crains de toi, O mon amant, je te demanderais toute ta fortune sans craindre que tu ne me demandes, moi, à la fin »

Balzac-Massimilla Doni 1837

 

Ne serait-ce pas pour elle que Sainte-Beuve (1804-1869) entremêle agréablement, le latin, la philosophie et l'amour; et lui écrit quelques vers...?

 

Au lieu du frais chapeau, parure des bergères,

Au lieu d'un ruban bleu nouant vos cheveux blonds,

Vous voyez Hypatie, et la terre et les sphères,

Et vous courez aux plus grands noms.

 

Jamais de Charlemagne et de nos vieilles lois,

De certain Gondebaud, le Numa de nos bois,

Jamais du droit salique et du rang de la femme,

De cent, objets divers et de tous avec flamme,

Je ne me suis vu tant causer

Qu'auprès de vous, ce jour, lendemain du baiser !

 

Il est doux, quoi qu'on dise, avec celle qui charme,

D'échanger plus d'un mot, de croiser plus d'une arme,

De parler gloire et Grèce et Rome, et cœtera,

Pourvu qu'en tous propos la grâce insinuante

Mêle je ne sais quoi de Ninon souriante,

Que Dacier toujours ignora.

 

On écoute, on s'enflamme. A vous, sur toute chose,

La politique plaît, et pour vous plaire, on ose ;

Sur un fond de désir, je m'y sens animer ;

Pitt ou Thiers, peu importe, et ma verve est rapide...

Tout d'un coup, un regard humide

Avertit tendrement qu'il est temps de s'aimer.

Sainte-Beuve

Balzac- Dinah de la Baudraye - La Muse dép. 1837

A Paris, Mme J. s'est essayé au commerce des modes, sans réel succès; puis au roman, avec un récit qui traite fort mal le sexe fort, et qui fit scandale.

Elle est également connue pour ses récits de voyage et son intérêt pour le spiritisme.

Elle collaborera à la Revue cosmopolite...

Elle soutient, et aime chanter les chansons, aux idées libérales, de Béranger.

 

Mme J. s'intéresse à la plupart des " nouvelles " sciences en ce siècle bouillonnant : l'économie politique, l'anthropologie, l'astronomie et la philosophie. Elle lit en anglais, L'Origine des espèces de Charles Darwin (1859) , souhaite développer la philosophie populaire, et milite pour l'instruction des femmes...

 

Bien que tout ceci paraisse bien mondain; la fréquentation de cercles plus restreints, comme cette ''académie'' secrète, va permettre à Ch.-L de Chateauneuf de parfaire son chemin sur la quête du Graal …

 

Ces textes ci-dessus sont tirés, en particulier, des bio. De  : Hortense Allart ( et Sainte-Beuve) ; Olympe Audouard,

 

A suivre...

 

En notes, j'ai envie d'insister sur un ce féminisme romantique qui a pu s'imposer lors de ce XIXe siècle si misogyne …

Ariane Charton qui s’est spécialisée dans l’étude de l’époque romantique, l'a très bien décrit, avec :

- ''le Roman d'Hortense'' (2010) :

Hortense Allart (1801-1879), quitte son mari et en Italie, devient la dernière maîtresse de Chateaubriand... Puis à Londres, elle rencontre Henry Bulwer-Lytton avec qui elle vivra une histoire passionnelle, malgré des amours contingentes … Elle rencontrera Sainte-Beuve, puis se mariera en 1843, avec M. de Meritens dont elle se sépare bien vite... « c’était une femme fort galante. Intelligente d’ailleurs et très agréable ; très écriveuse aussi, et qui avait la rage d’être la maîtresse ou l’amie des hommes célèbres ». Jules Lemaître, critique.

 

et - '' Marie d'Agoult '' - grande aristocrate, mère de deux enfants qui s'éprend d'un musicien et quitte tout pour lui, et donc maîtresse de Franz Liszt – et selon les mots de A. Charton : « Marie d’Agoult représente un peu  pour Liszt la muse divine et elle, elle rêve une solitude à deux qui rendrait leur amour unique et divin. » ,

 

- Marie Dorval, la tragédienne la plus adulée du XIXe siècle, rencontre en 1829, Alfred de Vigny, le poète renommé...  Le poète installe sa muse dans un appartement de la rue Montaigne, où ils se retrouvent avec passion. Vigny est extrêmement jaloux, au point de faire suivre sa «vieille maîtresse» par l'inspecteur Vidocq lui-même, ne supportant pas sa liaison avec un poète plus jeune, Jules Sandeau. 

«Tout était passion chez elle, la maternité, l'art, l'amitié, le dévouement, l'indignation, l'aspiration religieuse ; et comme elle ne savait et ne voulait rien modérer, rien refouler, son existence était d'une plénitude effrayante, d'une agitation au-dessus des forces humaines...», écrit à propos de Marie Dorval son amie George Sand. Ariane Charton a établi l’édition de la correspondance entre Marie Dorval et Vigny intitulée Lettres pour lire au lit, correspondance amoureuse entre Marie Dorval et Alfred de Vigny (Mercure de France, Le Temps retrouvé, 2009)

 

Olympe Audouard (1832-1890), fut une « femme de lettres » comme elle se nommait, et un « bas-bleu » comme la pointait l'inamical Barbey d’Aurevilly... Une journaliste et une grande voyageuse... Elle fit de nombreuses conférences pour réclamer l’égalité complète pour les femmes, y compris le droit de voter et de se présenter aux élections.

Maîtresse d'Alexandre Dumas, Victor Hugo, dans ses carnets la soupçonne de concevoir pour les vieillards, pourvu qu'ils soient célèbres, d'étranges complaisances ... !

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Au XIXe s. : Une vie intellectuelle et mondaine...

Publié le par Perceval

Pour se rendre compte que , dans le cours de ce XIXe siècle, le fil suivi – dans cette histoire - s'attache à un personnage ; je me permets de revenir sur quelques faits de l'histoire de Charles-Louis de Chateauneuf, né en 1816 à Limoges...

Au Collège Royal, son professeur de mathématiques, Monsieur Gouré, l'avait initié à ce qui pourrait être à la source d'immenses progrès, l'appréhension de l'infiniment petit, pour de grandioses calculs ...!!! M. Gouré nomme cela: les "Mathématiques transcendantes", c'est à dire le calcul différentiel et intégral...

Dandy sur un sofa

 

Charles-Louis fait partie de cette génération, aux prises avec la mélancolie propre à la Restauration. En 1832, il soutient la rébellion légitimiste, de la duchesse de Berry... Et à Paris, tout en préparant le concours d'entrée au concours de l'École polytechnique, il rejoint les errements des ''enfants du siècle; puis derrière Victor Hugo et les habitués du ''Cénacle'' , il découvre la fièvre romantique...

 

La route de Ch.-L. De Chateauneuf, est bordée d'étonnants personnages qui vont le conduire dans sa Quête : des femmes d'abord qui lui ouvrent des espaces du possible : la sensibilité, avec ce que l'on nomme à l'époque par ''les sentiments'' et un chemin de connaissance avec toujours les mathématiques ( Wronski, Sarrazin de Montferrier) et l'ésotérisme ( en opposition parfois à la doctrine catholique de ce XIXe siècle) avec A. Constant ( le futur Eliphas Lévi) et la résurgence templière …

Entre 1836 ( Ch. L. a 20ans) et 1848 ( 32ans ); Chales-Louis de Chateauneuf; tout en fréquentant les salons, et continuant ses recherches, s'est engagé dans une carrière scientifique qui aurait pu être édifiante s'il ne s'était pas ''dispersé''...

Son intérêt pour l'astronomie initiée par les cours public d’« astronomie populaire », qui remporte un immense succès, de François Arago (1786-1853)...

Charles-Louis – en suivant les méthodes mathématiques développées par Legendre - va travailler au sein d'équipes de l'observatoire de Paris... Un travail fastidieux, pas très valorisant; sur lequel il va peu s'investir, et lui permettre de pouvoir continuer ses propres recherches ...

Lors de rencontres plus mondaines, et aussi par intérêt pour l'art, Charles-Louis rencontre le fils d'Arago, Alfred Arago (1815-1892) peintre et l'un des plus joyeux compagnons du cénacle de la rue Grange-Batelière...

 

Ses recherches, en Loge, lui permettent de croiser et même de se lier avec des personnalités comme Edgar Quinet (1803-1875), Augustin Thierry (1795-1856) ou le philosophe Victor Cousin (1792-1867), le peintre Horace Vernet (1789-1863); reconnus ...

 

Accompagné de Charles de L'Escalopier, conservateur de la Bibliothèque de l'Arsenal, et les ami(e)s de Madame d'A. qui tient un salon du faubourg Saint-Germain.. Ch.-L. De Chateauneuf ne délaisse rien de ce qui – de près ou de loin – s'attache à la connaissance du Graal...

L'idéal féminin romantique

Le vent nouveau, littéraire et scientifique, agite les proches et Madame d'A. ils ne craignent pas certaines excentricités ; ainsi elle attire autour d'elle quelques romantiques : Sainte-Beuve, Eugène Sue, Liszt, etc. et aussi des artistes de la Bohème...

Elle met à la mode la fiction de l’amour platonique ( l'amour courtois...) , qui accommode agréablement les plaisirs de la coquetterie avec les avantages de la vertu. Des étrangères viennent beaucoup chez elle, la comtesse Delphine Potocka, la baronne de Meyendorff, madame Apponyi …

La coquetterie et la galanterie y règnent dans les relations des deux sexes... En amour comme en amitié, les liens sont souples, légers et durables …

 

L'esprit de Charles-Louis était – depuis un certain temps déjà - occupé par une femme qu'il avait rencontré dans le salon de la duchesse d'A.... Mme J. est belle, fine ; et il la tient pour délicate, vertueuse ; et considère que son amour naissant est sans espoir, puisqu'elle est mariée.. ! Tout juste se convainc t-il de lui faire une cour digne d'un chevalier qui aime sa Dame d'un amour courtois...

Cette Dame, germanophile et dans la lignée de Madame de Staël, pratique la conversation en petit cercle d'intimes...

Et, également, dans un cadre beaucoup plus discret, voire secret, une sorte de société secrète comme l'on disait ; où hommes et femmes se réunissaient en ''cour d'amour'' sur des sujets littéraires, philosophiques et même théologiques...

On peut y croiser des femmes comme Cristina de Belgiojoso ( 1808-1871); ou, Olympe Audouard (1830-1890) qui fut interdite de présentation de conférences par le ministre de l'intérieur considérant que «  ces conférences ne sont qu'un prétexte pour un rassemblement de femmes surémancipées. Les théories de Mme Olympe Audouard sont subversives, dangereuses et immorales. »

Ces ''sociétés'' ou ''académies'' fonctionnent pour la plupart encore jusqu’à la fin du XIXe siècle, sur le modèle maçonnique, avec ses rituels stricts, et des valeurs qui s'appuient sur un déisme de plus en plus en rejet explicite de la « religion révélée », en particulier du catholicisme.

 

Cette pratique en ''sociétés'' n'est pas nouvelle... Je rappelle, l'Ordre des Fidèles d'Amour, était une société secrète de gens de lettres à laquelle appartenait Dante, et qui aimait se référer à la longue lignée des troubadours et trouvères...

La ''Société Angélique'' était un groupe d’écrivains et d’érudits formée autour de l’imprimeur éditeur Sebastian Gryphius, puis de Nicolas de Langes, à Lyon au milieu du XVIe siècle...

Plus anecdotique, et relevant d'une tradition qui remonte au XVIIIe siècle, l'Ordre de la Félicité, regroupait hommes et femmes, dans un cadre libertin ...

 

Il semble, selon les documents laissés par Ch.-L. De Chateauneuf, que la ''société'' ou ''l'académie'' qu'il évoque, se considère avec moins de sérieux dans la forme ; mais avec le réel intérêt pour tout ce qui aliment les passions des humains : l'amour, et les questions existentielles, bien sûr ; et ceci en marge de la société bourgeoise et religieuse de l'époque …

 

Je rappelle que Balzac lui-même créa une ''société secrète'' appelée '' Le Cheval Rouge'' … Voici ce qu'en dit Théophile Gautier : « L’association, qui comptait parmi ses membres, G. de C, L. G., L. D., J. S., Merle, qu’on appelait le beau Merle, nous et quelques autres qu’il est inutile de désigner, s’appelait le Cheval rouge. Lorsqu’il fallait concerter quelque projet, convenir de certaines démarches, Balzac, élu par acclamation grand maître de l’ordre, envoyait par un affidé à chaque cheval (c’était le nom argotique que prenaient les membres entre eux) une lettre dans laquelle était dessiné un petit cheval rouge avec ces mots ; «  Écurie, tel jour, tel endroit ; » le lieu changeait chaque fois, de peur d’éveiller la curiosité ou le soupçon. Dans le monde, quoique nous nous connussions tous et de longue main pour la plupart, nous devions éviter de nous parler ou ne nous aborder que froidement, pour écarter toute idée de connivence.

Après quatre ou cinq réunions, le Cheval rouge cessa d’exister, la plupart des chevaux n’avaient pas de quoi payer leur avoine à la mangeoire symbolique ; et l’association qui devait s’emparer de tout fut dissoute, parce que ses membres manquaient souvent de quinze francs, prix de l’écot.... »

A suivre ....

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