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romantisme

Voyage en Allemagne – Nuremberg – Dürer 2

Publié le par Perceval

Nurnberg - um 1510-20, von Hans Wurm

Nurnberg - um 1510-20, von Hans Wurm

''Melencolia I'', est une gravure au burin sur cuivre d’Albrecht Dürer (1471-1528), qui représente un personnage (un ange) ailé au visage soucieux de femme, avec un coude replié appuyé sur la joue.  Pensif, le regard tourné vers le lointain, elle tient, sur ses genoux un livre, avec un compas à la main, une bourse et des clés pendent de sa ceinture. 

Le carré est magique parce que l’addition des nombres de chaque ligne, chaque colonne et chaque diagonale donne le même résultat qui est 34.

La date 1514 qui apparaît à côte du monogramme de Dürer, figure aussi dans le carré magique. Elle n'est probablement pas anodine... Dürer aurait été membre d'une de ces nombreuses confréries d'hermétisme chrétien, ramifiées en un nombre indéterminé de sociétés secrètes, reliées aux ''Fidèles d'Amour ''dont Dante aurait fait partie, à la suite de la destruction de l'Ordre du Temple; destruction qui se produisit, en 1314, c'est-à-dire 200 ans avant la date de réalisation de la gravure.

 Melencolia I , est peut-être un autoportrait spirituel de Dürer; celui d’un artiste adepte, disciple ou du moins fortement contaminé par l’air du temps... De plus, à l'époque de Dürer, certains dénoncent l'Alchimie, comme un retour au paganisme...

Paul Einbringung_1883

 

Mélancolie est dans un état d'inaction découragée ; dans son environnement, un désordre hétéroclite, des objets-symboles expriment que la Nature répond à des lois mathématiques... Cet être ailé, réunit ici la puissance intellectuelle et les techniques de l'Art; sa bourse ( les richesses) traîne à terre, et les clés ( le pouvoir) pendent emmêlées... La comète et l'arc en ciel annoncent des temps difficiles...

La Mélancolie est une forme aggravée de l'acédie ( apathie spirituelle) ; une sorte de maladie de l'âme … Cette passivité la rend vulnérable au diable...

Cette figure ailée, n'est pas dans un état de somnolence mais bien en éveil. Son visage sombre et son regard fixe expriment une quête intellectuelle, intense mais stérile. Mélancolie, ne renonce t-elle pas à ce qu’elle pourrait atteindre, parce qu’elle (Dürer) ne peut atteindre ce à quoi il aspire ?

A l'époque de Anne-Laure, beaucoup pensent que cette Mélancolie, pourrait être l’essence même d’une grave maladie culturelle dont souffre encore le monde: le romantisme. !

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Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden

Publié le par Perceval

Pont de l'Europe - le Rhin - Strasbourg-

A l'occasion de mon propre voyage en Allemagne cette année 2019 ; je suis accompagné des commentaires de voyageurs plus anciens, de cette deuxième moitié du XIXe siècle... Il y a de cela, donc, près de 150 années … !

 

Les aïeux d'Anne-Laure de Sallembier, ont très souvent été attirés par l'Allemagne ( beaucoup par le Royaume Uni, aussi), précisément par la littérature et la philosophie allemandes. Anne-Laure, veuve un brin fortunée a profité de l'accueil et du confort germanique, ainsi que des nouvelles commodités pour voyager ; et visiter des lieux cités dans les documents que lui avaient laissé Charles-Louis de Chateauneuf, son grand-père, et Jean-Léonard de la Bermondie, le grand-père de son grand-père …

 

Ce qui anime Anne-Laure avant de partir, c'est le fameux ''Sturm und Drang'', la tempête et le transport passionné du mouvement pré-romantique... Se mettre dans les pas de Hector Berlioz, quand il écrit dans le pays de Goethe : « J'essayai donc, tout en roulant dans ma vielle chaise de poste allemande, de faire des vers destinés à ma musique (…) Je l'écrivais quand je pouvais et où je pouvais ; en voiture, en chemin de fer, sur les bateaux à vapeur ; et même dans les villes, malgré les s oins divers auxquels m'obligeaient les concerts que j'avais à y donner... »

 

Pour Anne-Laure, comme pour son grand-père Charles-Louis, il s'agit de mettre ses pas sur les chemins des romantiques ( les voyageurs de l'obscur), empruntés eux-même jadis par les Minnesänger, ménestrels et chevaliers errants comme Parsifal, Tristan ou Tannhäuser, par les Meistersinger, voyageurs de commerce des villes hanséatiques et maîtres chanteurs comme ceux de Nuremberg, tirés de l'histoire par les littérateurs d'Iéna, de Heidelberg et de Berlin, par le romantique comme Novalis, Heine ou par Richard Wagner.

Le virus est contagieux, les récits de voyage en Allemagne en témoignent ; quinze ouvrages de Guides paraissent pour la seule année 1842...

Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden
Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden
La Frontière :

Nous sommes là, avant 1870, avant que l'Alsace soit annexée par l'Allemagne...

Kehl, sur la rive allemande du Rhin en face de Strasbourg: pour s’y rendre ils traversent le pont du Rhin nouvellement construit en 1861.

« Le Rhin ne coule pas à Strasbourg : c'est dommage; il ferait un beau miroir à cette grande cité. Il en est éloigné d'environ quatre kilomètres. (…) C'est un fleuve large et sévère, roulant des eaux profondes dans des rives plates et de verdoyantes prairies. Ce n'est pas là que le poète ira cueillir la fleur enchantée des ballades, ni prêter l'oreille aux chansons de Lorely, la fée des eaux. »

 

« Cette rive, c'est l'Allemagne, l'Allemagne de Goethe, de Mozart, de Leibnitz et d'Albert Durer. C'est la terre de la musique, de la rêverie, de l'amour naïf, de l'idylle, des vertus et du bonheur domestiques. Cette terre a vu naître et le vieux Faust et la jeune Marguerite, et Louise et Dorothée, et tant d'êtres mélancoliques et charmants créés par la poésie.»

 

« Un magnifique pont de fer relie aujourd'hui les deux rives. Dieu sait ce qu'il en a coûté à la diplomatie pour poser ce trait d'union : jalousies commerciales, jalousies politiques, que d'obstacles s'élevèrent! On finit pourtant, par s'entendre. Nos ingénieurs reçurent la tâche là plus difficile ; c'est eux qui établirent dans ce vaste lit les piles qui supportent toute la masse. Le reste fut confié aux ingénieurs badois. Ils en ont fait un très-bel ouvrage. Chaque extrémité du pont est ornée d'un portique monumental en style gothique, chaque arche de clochetons et de tourelles. Cette porte de l'Allemagne est solennelle comme elle, et comme elle un peu pesante. L'aigle impériale regarde fièrement la rive française, dont elle semble garder l'approche. A l'autre bout, le griffon badois, d'un air moins belliqueux, fait avec bonhomie la même faction, et, comme dit Commines, « tous deux, se tournant le dos, ne risquent pas de se mordre. »

Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden
Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden
Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden
Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden

La guerre franco-allemande de 1870 va opposer, du 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871, la France et une coalition d'États allemands dirigée par la Prusse et comprenant les vingt-et-un autres États membres de la confédération de l'Allemagne du Nord ainsi que le royaume de Bavière, celui de Wurtemberg et le grand-duché de Bade. Cette guerre est considérée par Otto von Bismarck, qui a tout fait pour qu'elle advienne, comme une conséquence de la défaite prussienne lors de la bataille d'Iéna de 1806 contre l'Empire français. Il dira d'ailleurs, après la proclamation de l'Empire allemand à Versailles en 1871 : « Sans Iéna, pas de Versailles » : par là, il parvinet à ses fins, unifier la nation allemande.

Voyage en Allemagne 1 - Baden-Baden

Selon le traité de Francfort ( 10 mai 1871) ; l’Alsace et une partie de la Lorraine sont cédées, et deviennent une terre d’Empire (Reichsland), propriété commune de tous les Etats allemands de l’Empire.

 

Entre 1871 et 1914, la chaîne des Vosges constitue pour les Alsaciens - dont le territoire est alors annexé à l’Allemagne - une limite à la fois distinctive, dans la mesure où elle permet aux populations de revendiquer une singularité culturelle, et intégrative, parce qu’elle est aussi ce qui lie l’Alsace à la France et préserve donc la région d’un point de vue symbolique face aux tentatives d’assimilation au Reich. 

Baden-Baden

« Vous arrivez, non par une route pavée et boueuse, mais par les chemins sablés d’un jardin anglais. A droite, des bosquets, des grottes taillées, des ermitages, et même une petite pièce d’eau, ornement sans prix, vu la rareté de ce liquide, qui se vend au verre dans tout le pays de Baden […] Une longue allée de peupliers d’Italie ferme, ainsi qu’un rideau de théâtre, cette décoration merveilleuse qui semble être la scène arrangée d’une pastorale d’opéra. »

« Je doute qu’on puisse trouver un pays plus charmant, il n’a que l’inconvénient de laisser douter si l’on n’est pas sur les planches de l’opéra, et si les montagnes et les maisons ne sont pas des décorations […] car, à vrai dire, et c’est là l’impression dont on est saisi tout d’abord, toute cette nature a l’air artificiel. Ces arbres sont découpés, ces maisons sont peintes, ces montagnes sont de vastes toiles tendues de châssis (…)

« La nuit est tombée: des groupes mystérieux errent sous les ombrages et parcourent furtivement les pentes de gazon des collines. Au milieu d’un vaste parterre entouré d’orangers, la maison de Conversation s’illumine, et ses blanches galeries se détachent sur le fond splendide de ses salons. À gauche est le café, à droite est le théâtre, au centre l’immense salle de bal dont le principal lustre est grand comme celui de notre opéra. […] L’orchestre exécute des valses et des symphonies allemandes, auxquelles la voix des croupiers ne craint pas de mêler quelques notes discordantes. […]

Cette retraite romanesque, cette chartreuse riante est, dit-on, l’hospice des cœurs souffrants. On y vient guérir des grandes amours […] 

La rivière de Baden coule au pied des murs, mais n’offre nulle part assez de profondeur pour devenir le tombeau d’un désespoir tragique: son éternelle voix se plaint dans les rochers rougeâtres, mais une fois dans la plaine unie, ce n’est plus qu’un ruisseau du Lignon, un paisible ruisseau de la carte du tendre, le long duquel s’en vont errer les moutons du village, bien peignés et enrubannés dans le goût de Watteau. Vous comprenez que les troupeaux font partie du matériel du pays et sont entretenus par le gouvernement comme les colombes de Saint-Marc à Venise. Toute cette prairie qui compose la moitié du paysage ressemble à la Petite-Suisse de Trianon. Comme en effet le pays entier de Bade est l’image de la Suisse en petit. La Suisse moins ses glaciers et ses lacs, moins ses froids, ses brouillards et ses rudes montées. Il faut aller voir la Suisse, mais il faut aller vivre à Baden […]

On revient à Baden en suivant le cours de la rivière, et quelle rivière ! Elle n’est guerre navigable que pour les canards; les oies y ont presque pied partout. Pourtant des ponts orgueilleux la traversent de tous côtés, des ponts de pierre, des ponts de bois et jusqu’à des ponts suspendus en fil de fer. Vous ne vous imaginez pas à quel point on tourmente ce pauvre filet d’eau limpide qui ne demanderait pas mieux que d’être un simple ruisseau. »

Gérard de Nerval - '' Lorely – Souvenirs d’Allemagne ''

 À l’été 1838, Gérard de Nerval entreprend un voyage en Allemagne. Fervent admirateur de littérature et de poésie allemande, Il a déjà traduit Klopstock, Goethe, Schiller, Burger et publié quelques années plus tôt une anthologie de la poésie allemande.

Baden-Baden

A l'hôtel :

« Nous sommes réveillés dès le point du jour; de tous côtés les portes s'ouvrent et se ferment avec fracas : l'un, affublé de sa robe de chambre, descend pour prendre son bain ; l'autre va, la canne à la main, parcourir les montagnes voisines ; celui-ci crie après les domestiques pour avoir ses habits ; celui-là à peine éveillé, sonne à coups redoublés pour qu'on lui apporte du thé ; les ordres donnés dans toutes les langues se croisent et se confondent. »

Baden — est la perle de la forêt Noire; nul autre lieu ne rime plus naturellement avec Eden.

Baden-Baden 2019
Baden-Baden 2019
Baden-Baden 2019
Baden-Baden 2019
Baden-Baden 2019

Baden-Baden 2019

Le site est charmant. On dirait que tout y fut combiné par une main savante dans l'art de plaire.

Les_Climats de la Comtesse Anna_de_[...]Noailles * Les Nuits de Baden

Figurez-vous une jolie ville, mi-partie sur la montagne , mi-partie dans le vallon ; des collines dont le cercle riant l'entoure; sur les pentes et sur les hauteurs, des forêts de sapins égayées par de sinueux sentiers et de lointaines perspectives; un ruisseau d'idylle où se mirent des maisons blanches comme des villas, riches comme des palais; aux environs, des ruines, des rochers, des châteaux, où conduisent de charmantes promenades; partout des chemins plantés d'arbres, des routes entretenues comme des allées; en un mot, une nature de vignette et d'album, pleine de gentillesse et de coquetterie, au sein de laquelle on se sent plus amolli qu'ému, plus disposé à jouir qu'à penser, dans d'excellentes dispositions pour passer quelques jours d'insouciance et de farniente.

Là vous n'aurez que d'agréables idées incapables d'agiter, le cœur et d'absorber l'esprit. Poète, vous ferez des sonnets ou des madrigaux; musicien, des romances; peintre, des aquarelles. Le pays tout:entier n'est qu'une grande aquarelle aux contours adoucis, aux couleurs demi-voilées , quelque chose d'indécis et de flottant, dont l'attrait est infini.

Baden - son nom l'indique - est un lieu de bains. Cent mille étrangers y viennent chaque année prendre les eaux.

« D'eau, je n'en ai point vu lorsque j'y suis allé, Mais qu'on n'en puisse voir je n'en mets rien en gage. Je crois même entre nous que l'eau du voisinage A, quand on l'examine, un petit goût salé. »

Un grand portique de marbre est élevé pour lés baigneurs; la maison de Conversation est voisine : c'est le nom allemand du casino. Un parc princier l'entoure. Tout le jour un excellent orchestre fait entendre sous les fenêtres une délicieuse musique. Mais il s'agit bien de musique ! ..

Entendez-vous d'ici le cliquetis des pièces d'or et la voix nasillarde des croupiers? Il n'y a pas pour les joueurs d'harmonie comparable, et Bade est le rendez-vous des joueurs. Ici la roulette est souveraine; elle tient toute la journée sa cour. Les courtisans sont nombreux. Il y en a de toutes les nations, de tous les âges, de toutes les humeurs. L'Europe et l'Amérique sont représentées autour de ces grands tapis verts jonchés d'or. L'observateur peut surprendre comme en un miroir le caractère de chaque peuple. L'esprit national perce jusque dans nos vices. L'Anglais joue avec une prudence habile et un coeur maître de soi. Dépouillé, il se retire les dents serrées, et déguise son dépit sous une morgue hautaine. Le Russe témoigne au jeu l'emportement sauvage qui paraît dans toutes ses passions. L'Allemand n'y perd rien de son flegme : il semble croire, avec le proverbe, que la fortune vient en dormant. L'Italien, l'Espagnol, tous les Méridionaux ont de bruyants transports de joie ou de désespoir. Le Français joue avec une étourderie babillarde et une aisance impertinente. Sur cent joueurs de pays différents, s'il en est un qui dans la perte ou le gain garde le même sourire, déploie la même verve, et se venge du destin par un bon mot, dites hardiment : C'est un Français. La comédie du Joueur n'était possible qu'en France. Partout ailleurs le jeu tourne au drame. »

source  : ''Le Danube allemand et l'Allemagne du Sud...'' - par Hippolyte Durand (1833-1917). ...

1821-1853_Maison-de-Conversation - Casino Baden-Baden

Réalisation néoclassique (1821 à 1824) due à Friedrich Weinbrenner, elle était la « maison de conversation », le lieu de rendez-vous de la haute société qui organisait là bals et concerts. Le casino occupe l'aile droite. Les quatre salles de jeu furent aménagées dans l'esprit des salles d'apparat des châteaux français.

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Romantisme allemand et Moyen-âge... Les Nibelungen

Publié le par Perceval

Nous sommes au milieu du XIXe siècle... L'Allemagne n'existe pas... L'idée romantique des nations, renvoient les états allemands à '' l'Europe '' du Moyen-âge...

''L'Europe'' au XIIIe s

« Le Saint-Empire qui s'était étendu de l'Oder à la Meuse, de la Baltique à la Méditerranée, est demeuré dans l'esprit allemand à l'état de permanente hantise, de chimère endormie, comme cet empereur Frédéric Barberousse qui l'avait porté au plus haut éclat » (1)

Des romantiques allemands, comme Novalis (1772-1801), nourrissent une immense nostalgie de ce temps médiéval, interprété comme le moment privilégié de l'unité de la chrétienté. Henri d’Ofterdingen (1799-1801) est un roman initiatique dont le héros est un ménestrel légendaire qui participe à une joute poétique dont l’enjeu est la vie

L'Allemagne des Hohenstaufen ( famille qui a donné plusieurs empereurs germaniques) voit l'éclosion d'une première littérature allemande, aristocratique, courtoise et chevaleresque... Nous avons en mémoire les Minnesänger, ces trouvères germaniques rassemblés lors de festivités de la Wartburg...

« La poésie est le réel absolu.Tel est le noyau de ma philosophie. Plus il y a de poésie, plus il y a de vérité ; » « La philosophie n’est que la théorie de la poésie, elle nous montre ce que doit être cette dernière, c'est-à-dire l’un et le tout » Novalis

La Chanson des Nibelungen ( XIIIe s.), est alors la plus célèbre des épopées …

Les Nibelungen, dont le nom signifie « Ceux de la brume » ou « Ceux du monde d'en bas », sont les nains des légendes germaniques. Ils possédaient de grandes richesses qu'ils tiraient de leurs mines en dessous des montagnes, là où ils habitaient. (wiki)

Je rappelle le thème de cette légende : Le héros en est le valeureux chevalier Siegfried, fils du roi de Néerlande, tueur de dragons, libérateur de princesses captives, et détenteur du fabuleux trésor des Nibelungen...

Il aide le roi burgonde Gunther à conquérir la main de Brunehilde ( une guerrière et walkyrie de la mythologie nordique) ; puis Siegfried épouse la soeur de Gunther, Kriemhild, réputée pour sa beauté au-delà de son pays natal...

Suite à des malentendus d'adultère … Siegfried est assassiné par Hagen, vassal de Gunther, qui va dérober et dissimuler le trésor... Kriemhild élabore une longue vengeance, dont l'issue est le massacre des Burgondes sur les rives du Danube. Kriemhild va épouser Attila, qu'elle n'aime pas. ; et invite alors à sa cour le meurtrier de Siegfried et le fait périr avec tous ceux des Burgondes qui ont pris sa défense, c'est-à-dire ses propres frères et bon nombre de guerriers. Après cette scène de carnage, elle reçoit le châtiment de sa démesure.

Kriemhild est hanté par son remords, 1805 de Henry Fuseli

Siegfried va prendre l'image de la force et de la volonté. Il est une image solaire ; mais va devenir aussi la figure du ''surhomme'', et une figure (wagnérienne) dot on va se méfier ( germes du fascisme...)

A cette écriture d'épopée, je rajoute le long et touffu poème du chevalier bavarois Wolfram von Eschenbach : Parzival où apparaissent les thèmes connus de l'occasion manquée et des épreuves accompagnant la quête de la relique du Graal.

La figure de Parsifal, est plus poétique et liée à la métaphysique... Elle sera reprise pour illustrer la crise de la spiritualité européenne, la désertion du sacré... jusqu'à la déclaration de la mort de Dieu...

La tradition de la mystique allemande du Moyen Âge se retrouve dans la philosophie idéaliste allemande... Maître Eckhart mène à Fichte, Schelling et Hegel.

« La renaissance du mysticisme allemand du haut Moyen Âge de Maître Eckhart, la théosophie de Jacob Boehme, la spéculation visionnaire de Swedenborg, les traces de la tradition cabbalistique chez Friedrich Christoph Oetinger, la découverte de la mystique indienne, sont présentés comme autant d’inspirations qui se manifesteront dans la philosophie de l’histoire et de la nature de Hegel et Schelling. » Ernst Benz : 'Les sources mystiques de la philosophie romantique allemande'.

 

Malheureusement, comme nous l'avons suggéré, le mythe va devenir une matière trouble avec le pangermanisme nationaliste et guerrier … et bien sûr le nazisme ; au risque de rejeter en bloc toute cette intuition métaphysique ( et géniale) du Romantisme ...

A suivre …

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Réflexion autour du Mythe ( et du Graal) , avec Schelling...

Publié le par Perceval

Réflexion autour du Mythe ( et du Graal) , avec Schelling...

Au XIXème siècle ( et déjà à la fin du XVIIIe s.) , des philosophes, des écrivains craignent que la '' Raison '' n'étouffe la sensibilité, l'imagination, la passion, le sentiment religieux... Revenir au ''moi'', au génie individuel ; c'est aussi se révolter contre le despotisme de l'état et de la religion, contre les conventions sociales... Ce mouvement se nomme '' Sturm und Drang '' …

Goethe et Schiller

Ces premiers philosophes du Sturm und Drang sont d'ailleurs des théologiens plus ou moins en rupture d'église... Hamann (1730-1788), Herder (1744-1803) …

Ce sera alors, Goethe... et Friedrich Schiller, qui a quinze ans l'année où paraît Werther...

Friedrich Höderlin (1770-1843) rencontre Hegel et Schelling, au célèbre séminaire de théologie de Tübingen... Poète de l'idéalisme allemand, admirateur de Kant... Dans un syncrétisme des mythes, il explore la cosmologie et l'histoire pour trouver un sens en ce monde incertain.

 

Un mysticisme de la nature : Chez Schelling, le Moi n'est plus la seule mesure de l'univers. Le monde qui nous entoure s'anime, révèle à l'initié ses mystères, son langage, son âme. La nature se dresse comme un temple...

En même temps certaines découvertes récentes de la physique et de la chimie, en particulier l'étude du magnétisme et du galvanisme, viennent alimenter l'imagination des romantiques : la Nature et l'Esprit deviennent les deux pôles de signes contraires qui s'attirent et aspirent à l'union, au mariage cosmique qui ramènera l'âge d'or dans le monde.

Die Frau mit dem Raben am Abgrund) , a c. 1803

Ludwig Tieck (1773-1853) redécouvre la poésie du Moyen Âge et s'en inspire dans une série de contes : Les Quatre Fils Aymon, Mélusine, Barbe-Bleue.

Le Conte : «  (…)  le réel, le temps (passé/présent), les lieux, les individualités (récurrence du thème du Double) ne sont plus garantis par des frontières sûres. Tieck applique ce même principe, participant d'un processus ironique théorisé au sein du Cercle d'Iéna par Freidrich Schlegel ou Novalis, à ses productions dramatiques du tournant du siècle. Il reste à ajouter que cette propension qu'a Tieck à brouiller la perception du lecteur préfigure l'Unheimlichkeit du Marchand de sable de E.T.A. Hoffmann, et que l'auteur d'Eckbert est généralement considéré comme le précurseur du conte fantastique allemand qu'incarnera en son plus haut point Hoffmann. » ( Wiki)


 

Pour Schelling, les dieux sont pour l'art, ce que les idées sont pour la philosophie... Tout art est mythologique.

Le Graal, représente une Idée... grandiose et trouble … Le Graal, comme œuvre d'art totale contient un désir d’immortalité et d’éternité... À travers lui, l’homme cherche à transcender sa contingence pour s’élever à l’égal de Dieu. De plus, le Graal unifie autour de lui : le moi, la collectivité et le monde.

Pour Schelling, la nature est l’Esprit encore inconscient de lui-même, et moi comme penseur, je me dois de la délivrer de sa gangue et de la faire parler comme si elle venait à la conscience … Fasciné par la beauté de la Nature, l’œuvre d'art n’est donc que la fascination de l’esprit pour sa propre vérité ensevelie dans le silence des choses :

« Ce que nous appelons Nature est un poème dont la merveilleuse et mystérieuse écriture reste pour nous indéchiffrable. Mais si l’on pouvait résoudre l’énigme, on y découvrirait l’Odyssée de l’esprit qui, victime d’une remarquable illusion, se fuit, tout en se cherchant, car il n’apparaît à travers le Monde que comme le sens à travers les mots » (Système de l’idéalisme transcendantal).

 

La Critique de la faculté de juger est publiée en 1790. Kant évoque lui aussi « le langage chiffré » de la Nature... Schelling s'interroge sur la véritable énigme, la présence de la réalité finie ; et non pas la présence de l'Absolu qui ne peut jamais, par définition, devenir objet de mon savoir...

Pourtant …. L'efficacité du mythe, est bien de réduire la distance entre les deux … ?

 

«Tu vois, mon fils, ici (dans le temple du Graal) le temps devient espace». Parsifal de Wagner ; cet espace sauve du temps et de la mort …

Claude Lévi-Strauss a entendu cette formule comme « la définition la plus profonde qu on ait jamais donnée du mythe»... »

 

N'oublions pas que c'est avec Schelling, que nous commençons à prendre les mythes au sérieux ; et admettre que l'homme s'est servi beaucoup plus de la pensée mythique que de la raison. Le mythe est né bien avant la philosophie ; il a fourni à l'homme une manière de penser le monde ; et, il est un élément de la Vérité …

La mythologie, s'est engendrée « dans la vie elle-même, et il a bien fallu qu’elle fût quelque chose de vécu et d’éprouvé» Schelling.

 

Le thème du Graal, s'est lui-même inscrit dans la Légende arthurienne. Il s'inscrit d'abord dans le mythe celtique puis nourrit la notion chrétienne de la misère de l'homme... De la ''Bretagne'' – avec le retour attendu du Roi Arthur - , à l'humanité – avec le Christ - ...

Aussi, le mythe d'Arthur illustre un christianisme fort teinté de paganisme …

Dans la Philosophie de la Révélation, Schelling considère le christianisme de la même façon qu'il a considéré la mythologie...

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Caroline Schlegel-Schelling, et le romantisme allemand. -3/3-

Publié le par Perceval

Dolor ( Détail)  (1898) de Oskar Zwintscher (1870-1916)

Dolor ( Détail) (1898) de Oskar Zwintscher (1870-1916)

Schelling et Clara : le monde des esprits.

Auguste, fille de Caroline

Clara, ou 'Du lien de la nature au monde des esprits', est le roman posthume de Schelling (1775-1854). Il l’a probablement écrit en 1810-1811, à la suite du décès subit de sa femme Caroline, survenu le 7 septembre 1809. Le roman est un dialogue philosophique sur l’immortalité de l’âme, composé sans doute pour faire face au deuil de Caroline.

Caroline, elle-même avait perdu trois enfants... D'ailleurs Schelling aurit d’abord été amoureux de l’aînée de ces enfants, Auguste Böhmer, morte à 15 ans en 1800, et qu’il aima aussi la fille dans la mère, avec laquelle il l’avait pleurée ; tout comme il pleura Caroline avec son amie Pauline Gotter, qui devint plus tard sa deuxième épouse.

 

Bien sûr, la mort est une limite radicale, mais la littérature sait se nourrir de la fiction des spectres... Schelling écrit une fiction où il rêve de saisir la pensée des morts...

Pour Schelling, la raison peut s'accomplir dans la poésie... La question est ici : l’immortalité de l'âme'.

Caroline, gravure de J.C. Wilhelm Aarland(1871)

Clara est Caroline Schlegel-Schilling (1763-1809), déjà devenue personnage littéraire de son vivant avec : Amalia dans l’Entretien sur la poésie de Friedrich Schlegel (Schelling y fut Ludovico), Lucinde (ou Juliane) dans la Lucinde de Friedrich Schlegel, et Louise dans les Tableaux d’August-Wilhelm Schlegel, ainsi que Amalia dans les Quatre lettres sur la poésie, la métrique et la langue d’August-Wilhelm Schlegel. Sans doute, la vraie Caroline était-elle une sorte de Diotima du cercle de Iéna ; mais par là elle était déjà une répétition littéraire d’une figure mythique.

 

Le roman se construit sur le deuil que Clara porte pour son mari récemment décédé, Albert. 

Et, dans le roman : c’est le Médecin, le naturaliste, qui est le plus enclin à admettre l’existence de ces phénomènes mystiques, alors que le Religieux nie toute connaissance et même tout questionnement sur le monde des esprits. 

Schilling convoque les esprits au pluriel, et ne les résorbe pas dans un sujet absolu (ni Dieu ni le moi pur de Kant ou de Fichte). (…) Pour Schelling, les esprits sont les âmes des humains, habitants d’un monde voisin du nôtre et communiquant avec lui.

Le mort, poursuit Schelling, n’est pas l’esprit mais un esprit, un être non pas purement spirituel mais démonique, non pas détaché du corps-de-chair mais conservant la quintessence de son corps...

John_Martin_-_Manfred_and_the_Alpine_Witch

Selon Schelling comme selon Platon, l’au-delà est un monde habité par des esprits (…) les âmes immortelles sont des êtres moraux et donc libres. Selon lui, même après la mort, « ces esprits sont donc capables eux aussi de liberté, donc du bien et du mal ».

A la différence de Platon ( avec la transmigration...) Chez Schelling, la vie terrestre est unique, et après elle l’âme poursuit son chemin dans l’au-delà jusqu’à un « jugement dernier », qui sera « un procès véritablement alchimique » par lequel « le bien sera scindé du mal », le mal étant rejeté « sous la nature » et les morts éprouveront leur résurrection, par quoi « le monde des esprits entre dans le monde effectif », en sorte que la nature et l’homme seront désormais universellement divinisés.

Ary Scheffer - La Mort de Malvina

Libérés des limitations de la société mécanique, les esprits sont les hommes transfigurés en leur liberté pure. Leur communauté est le paradoxal lien libre entre des êtres libres, et non pas le lien mécanique d’un assemblage des rouages ; la communauté des esprits manifeste les affinités véritables des cœurs, le pur affect social sans médiateur ; amour et haine, amitié et inimitié comme tels. C’est pourquoi c’est la communauté des morts qui est véritablement libre et vivante, et pas la nôtre. C’est notre société qui est un champ de ruines habitées par les spectres, et le prix d’une société libre est la mort…

 

- Clara demande comment les morts sentent et pensent, et comment nous pourrions communiquer avec eux. ?

Porte-parole de Schelling, le pasteur du roman croit fermement que les morts connaissent une sorte de jour nocturne ou de sommeil éveillé : « un peu comme s’ils avaient, dans le sommeil, échappé au sommeil et accédé à l’état de veille, endormis pourtant plutôt qu’éveillés ».

Ensemble, le pasteur, le médecin et Clara croient savoir que la pensée des morts est une sorte « d’intuition dépourvue d’images  » ; la « vision la plus haute » ; la « conscience la plus intériorisée, [dans laquelle] tout se passe comme si leur être entier parvenait à un point d’incandescence qui réunirait en lui le passé, le présent et l’avenir». 

William Blake - Pity

D’après le pasteur et le médecin, nous connaissons, ou plutôt devinons la pensée des esprits par analogie avec le sommeil magnétique, qu’on étudiait à l’époque par des expériences de mesmérisme, hypnotisme et magnétisme. Ce sommeil serait comparable à « l’état qui suit la mort […] une clairvoyance supérieure que n’interrompra aucun réveil », et dont « les approches ont la plus grande ressemblance avec les approches de la mort ».

Celui qui dort d’un sommeil magnétique doit sa clairvoyance à sa soumission totale au médecin magnétiseur. Privé de sa subjectivité – du sentiment corporel et de la volonté spirituelle dans la mesure où ceux-ci relèvent de son individualité – le dormeur a alors accès à la plus haute intériorité, qui coïncide avec un devenir-un avec le dieu.

(…) cette idée de la suppression du moi pour que l’idée puisse se déployer est analogique à la conception schellingienne de la philosophie.

Pour Schelling, du moins dans sa maturité, la philosophie est extase de la raison requérant l’abandon du soi de celui qui pense, afin que la raison – l’absolu, le dieu – puisse se penser en lui.

 

Extraits de ''Les hantises de Clara'' par Susanna Lindberg, dans la Revue Germanique Internationale

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Caroline Schlegel-Schelling, et le romantisme allemand. -2/3-

Publié le par Perceval

Le premier romantisme allemand : 1796-1802.

Portrait de Caroline, par Tischbein (1871)

1796 - Le couple Caroline – A. Schlegel s’installe à Iéna, et elle commence à contribuer substantiellement aux productions littéraires du cercle romantique de Iéna, notamment des traductions de l’anglais.

En 1798, le philosophe Schelling et le dramaturge Tieck (1773-1853) viennent eux aussi s’installer à Iéna. Les frères Schlegel, Novalis (1772-1801) et Tieck s’unissent dans une activité littéraire très féconde ; Schelling et Fichte leur rendent visite après leurs journées de travail à l’université...

 

Parmi les femmes, il y a donc Caroline Schlegel, qui joue un rôle social essentiel dans la cohésion de ce petit groupe, Dorothée Veit, qui a épousé Friedrich Schlegel, la femme de Ludwig Tieck, Amalia, la fille de Caroline Schlegel, Auguste, et la toute jeune fille de Tieck, elle aussi appelée Dorothea, qui deviendra 20 ans plus tard la plus grande traductrice de Shakespeare du XIXème siècle sans jamais rien publier sous son nom.

Les bustes de Caroline Schlegel-Schelling, August Wilhelm Schlegel und Karl Wilhelm Friedrich Schlegel
Iéna - 1748

Le groupe d’Iéna, premier pôle significatif du mouvement de 1798 à 1806 est animé par Wilhem et Friedrich Schlegel, entourés de Tieck (1773-1853) connu pour son ironie et ses contes médiévaux et fantastiques qui ont influencé Nodier et Balzac, de Wackenroder (1773-1798) théoricien pour qui l’art est de nature divine, et enfin Novalis (1772-1801) le grand poète des hymnes à la nuit (1799) et d’Henri d’Ofterdingen (1799-1801) roman initiatique dont le héros est un ménestrel légendaire qui participe à une joute poétique dont l’enjeu est la vie!

Ce premier romantisme est nourri d’idéalisme philosophique (Fichte, Schelling), imprégné de pensée religieuse et centré sur l’expérience intérieure, sur une sorte d’ascèse morale visant une réalisation personnelle la plus pleine et la plus authentique.

griesbach-house à Iena

Mme De Staël dans De l’Allemagne (1810-1814) précise : « Le nom de romantique a été introduit nouvellement en Allemagne pour désigner la poésie dont les chants des troubadours ont été l’origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme ».

Germaine de Staël pendant son voyage en Allemagne, fait la conquête définitive de W. Schlegel qui devient le précepteur de ses enfants . Il la suit à Coppet et lui sera fidèle jusqu'à sa mort en 1817.

 

Le ''premier romantisme'' est inextricablement lié au nom de Caroline Schlegel. Sa maison est devenue le centre d'intérêt des écrivains allemands. Avec sa franchise et sa critique, elle oriente et approfondit les opinions de son cercle d'amis. Elle travaille sur la revue nouvellement fondée Athenaum, elle écrit des critiques, aide Schlegel à traduire Shakespeare et s'est fait un nom avec son travail sur Goethe.

Auguste Böhmer, buste par Friedrich Tieck, 1804

 

La mort de sa fille surdouée, frappe durement Caroline. Auguste affaiblie par une fièvre ''nerveuse'' prolongée, décède le 12 Août 1800. Sa fille est ce qu'elle a de plus cher sur la terre. Cette perte inattendue a profondément pesé sur Caroline. Elle ne se rétablit que lentement au cours de l'automne et de l'hiver suivants à Bamberg, puis à Braunschweig (d'octobre à mars) et finalement à Harburg (en avril). 

La mort d'Auguste renforce intimement l'amitié de Caroline avec Schelling, et des sentiments qui les unissaient déjà …. Schelling reproche à son ami Schlegel, d’avoir abandonné sa femme … !

Schlegel reste la plupart du temps loin de Caroline, à Berlin, où il donne des conférences publiques sur la littérature et l'art.

Au printemps 1802, elle lui rend visite à Berlin. C'est à cette époque qu'ils décident de divorcer; ce n'est que le 17 mai 1803 qu'il est légalement appliqué. Caroline se sépare de Schlegel avec un sentiment d'amitié reconnaissante et de respect cordial... Dans la conscience de la liberté retrouvée, elle se sent enfin apaisée et "presque heureuse" après tant d'excitations et de souffrances.

1800 Friedrich Wilhelm Schelling par C.F. Tieck

Caroline épouse le philosophe Schelling, de douze ans plus jeune qu’elle, en juin 1803. Ils s'installèrent à Würzburg, où Schelling est nommé professeur.

 

Schelling (1775-1854) est déjà à vingt-ans, 'le' philosophe de son époque … Pour lui nature et esprit coexistent au sein de l'Absolu... Plus tard, l'Absolu se personnalise et devient transcendant. Dieu est à l'origine, la création est autre et l'humain est l'être où s'opère l'unité de la puissance divine et créatrice … Schelling, au contraire de Hegel, fait une place à la Révélation du Christ.

 

En 1804, Schlegel et Germaine de Staël, rencontrent Caroline ( puis à Munich en 1808). Les deux maris de Caroline se réconcilient, après que Schlegel soit parvenu à faire entendre à Schelling que c'est par un acte d'amour et non de faiblesse qu'il a consenti à renoncer à son lien marital au profit du bonheur de Caroline.

Schelling obtient un poste de professeur à Munich en 1806, où ils déménagent. En 1809, lors d'un voyage à Maulbronn, Caroline meurt soudainement d'une épidémie : Fièvre nerveuse avec dysenterie.

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CAROLINE SCHLEGEL-SCHELLING, ET LE ROMANTISME ALLEMAND. -1/3-

Publié le par Perceval

Friedrich Wilhelm Schelling

Schelling avait rejoint les critiques de Kant ( Träume eines Geistersehers) contre Swedenborg... Lui même avait alors écrit que les anges devaient être « les créatures les plus ennuyeuses de toutes»...

Puis, il eut ce choc émotionnel terrible: la mort prématurée de son épouse bien-aimée, Caroline - une intellectuelle de renom - en 1809, à l'âge de 46 ans.

L'intérêt de Schelling pour Swedenborg coïncide avec son travail de deuil. Sa curiosité pour l’autre monde est sans doute née principalement de son intense désir d’être avec l'être cher... Cependant Schelling cherche une philosophie étayée par des preuves expérimentales.

Schelling croit fermement en la communication avec le monde spirituel... L'éloge du mariage selon Swedenborg, lui parle … Si, à ses débuts, Schelling était assez éloigné de la notion d'immortalité individuelle ; Schelling envisage la notion de corporalité dans deux directions, matérielle et spirituelle. La mort est une transformation alchimique, un processus de purification, le passage d’un esprit incorporel à un corps spirituel... La mort est un processus naturel... La ''vraie mort'', la mort qui est la conséquence du péché, est la mort spirituelle, asservissement à la vie des sens physiques. 

Morgen_im_Riesengebirge - C.D. Friedrich - détail

''Clara'', ou ''Sur la liaison de la nature avec le monde des esprits'' traite de la question de la survivance de l’homme après la mort et, à travers celle-ci, celle de la relation entre le monde d’ici (ou celui de la nature) et le monde outretombe (ou celui des esprits) –, c’est aussi un ouvrage qui raconte une histoire, celle d’une âme endeuillée. Schelling vient de perdre son épouse Caroline (le 7 septembre 1809).

Je vous propose de faire connaissance avec une femme qui mérite notre intérêt : Caroline Schlegel -Schelling (1763-1809)...

 

Vu de l'Allemagne ( au XVIIIe s. elle n'existe pas, et signifie: même appartenance linguistique : l'allemand), le XVIIIe siècle, fut pour les femmes, une époque pleine de promesses : les '' Lumières '', et ce que l'on a appelé la '' république des lettres '' , sur un fond de révolution française, laissent poindre un nouvel espace de liberté; et avec le Romantisme de nouvelles relations entre homme et femme...

La maison Michaelis à Göttingen

Nous pouvons vivre les espoirs de cette époque avec Caroline Michaelis - Böhmer - Schlegel - Schelling (1763-1809)

 

Caroline est la fille du professeur Michaelis, spécialisé en théologie et orientaliste reconnu, à Göttingen. Elle reçoit une éducation intellectuelle, et très tôt elle fréquente des familles d'intellectuels ( GE Lessing, GC Lichtenberg et JW Goethe.) et se lie d'amitié avec Thérèse Heyne et son futur mari, Georg Forster.

Silhouette de Caroline: jeune femme

Le 15 juin 1784, elle épouse son ami d'enfance, le docteur Bergarzt Wilhelm Böhmer, elle déménage avec lui à Clausthal et donne naissance à trois enfants. Le 28 avril 1785, nait son premier enfant, une fille : Auguste (Gustel) Böhmer. Des trois enfants qu'elle accouche, seule la fille aînée survit. Après seulement quatre ans de mariage, son mari meurt (1788).

Elle revient à Göttingen, et décide de ne pas se marier à nouveau et vivre seule avec sa fille.

À Göttingen, elle rencontre Georg Ernst Tatter (1757-1805), et tombe amoureuse de lui. 

Tatter a étudié la théologie de 1776 à 1778 à Göttingen. ( comme plus tard : Hegel, Holderlin, Schelling : 1788-1793). Secrétaire de l'ambassadeur britannique, il accompagne – dans leurs études - à Göttingen, les trois fils du Roi George III...

Elle laisse encore Göttingen et vit pendant un certain temps avec son frère à Marburg, puis retour à l'automne 1791 à Göttingen où elle revoit Tatter. Après la mort de son père en 1791, et la maison familiale vendue, Caroline déménage à Mayence, où la visite Tatter en Septembre 1792.

Marburg du sud, 1842, avec une belle vue sur la vallée dont parlent Caroline et d'autres

A Göttingen, Caroline se lie d’amitié avec le poète Gottfried August Burger et le critique August Wilhelm Schlegel.

Georg Forster (vers 1785)

A Mayence, Caroline y retrouve son amie d'enfance, Thérèse Forster; et a une liaison tumultueuse avec Georg Forster...

Georg Adam Forster (1754 - mort le 10 janvier 1794 à Paris) est un naturaliste allemand qui fut également ethnologue, écrivain voyageur, journaliste et révolutionnaire. Il participe à la deuxième expédition autour du monde de James Cook...

Thérèse Forster avait donc épousé Georg Forster en 1785, l'avait suivi à Mayence en 1788. Elle tombe amoureuse de Ferdinand Huber, et selon les vœux de son mari, font ménage à trois... A la mort de son mari, elle épousera Huber qu'elle suivra à Stuttgart en 1798. Elle publiera plusieurs romans

Anne-Louis Girodet - détail (poèmes d'Ossian)

L'armée révolutionnaire française du Général Custine (1740-1793) entre dans Mayence le 21 octobre 1792.

Caroline Schelling par Tischbein (1798)

La ville, demande son rattachement à la France sous le nom de ''République de Mayence''. Caroline fréquente les milieux révolutionnaires...

Mais, après la reddition de la ville obtenue par les troupes prussiennes (1793), Caroline tente de s'échapper en voiture avec sa fille, mais elles sont arrêtées et conduites à la forteresse de Königstein. Elle se rend compte qu'elle est enceinte d'un jeune officier français de Custine : le lieutenant Jean-Baptiste Dubois-Crancé, neveu du général François-Ignace Ervoil d'Oyré, stationné à Mayence au début de 1793.. Après avoir refusé de donner l'enfant au père qui la réclame, elle reçoit l'aide de A. W. Schlegel qu'elle épousera en 1796, plus par reconnaissance que par amour... L'enfant, lui, meurt en bas-âge

 

Après sa libération, Caroline, se retrouve déclarée ''persona non grata'' dans toute une série de villes où elle ne peut donc plus séjourner.

August_Wilhelm_von_Schlegel

Elle épouse finalement August Wilhelm Schlegel (1767-1845) en 1796.

Schlegel, est un écrivain, poète, philosophe, critique, orientaliste et traducteur allemand et l'un des principaux théoriciens du mouvement romantique.

Schlegel a étudié à Hanovre, puis à Göttingen en 1786, où il a pour professeur, le père de Caroline.

 

En 1798, à Iéna, (Thuringe), où il est nommé professeur extraordinaire, il fait la connaissance de Goethe et de Schiller et fonde en mai avec son frère Friedrich une revue intitulée Athenäum.

Quand il sera séparé de sa femme en mai 1803, il deviendra, l'année suivante, l'amant de Germaine de Staël, séparée de Benjamin Constant...                                            A suivre ...

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Madame J.

Publié le par Perceval

Suite de: AU XIXE S. : UNE VIE INTELLECTUELLE ET MONDAINE...

Mme J. a profité de sa liberté, que lui donne un mari volage, pour parcourir l'Allemagne, mais aussi la Russie et la Pologne ...

Femme ravissante, blonde, le regard bleu plein de gaieté, aux manières simples et élégantes. Elle n’a pas froid aux yeux, c’est une femme libre. Elle est très liée à Marie d'Agoult (1805-1876). Elle est dit-on la maîtresse de Sainte-Beuve...

 

Alors qu'elle écrit à l'un de ses amants, pour lui évoquer des soucis d'argent ; on lui prêterait cette déclaration « Ce n'est pas mon mariage qui m'a gênée, mon mari n'a pas pris un sou de mon argent, il m'a même offert du sien mais comme il veut me ravoir je crains tout ce qui pourrait nous lier. C'est ce qu'on craint d'un mari, d'un maître. Ce n'est pas ce que je crains de toi, O mon amant, je te demanderais toute ta fortune sans craindre que tu ne me demandes, moi, à la fin »

Balzac-Massimilla Doni 1837

 

Ne serait-ce pas pour elle que Sainte-Beuve (1804-1869) entremêle agréablement, le latin, la philosophie et l'amour; et lui écrit quelques vers...?

 

Au lieu du frais chapeau, parure des bergères,

Au lieu d'un ruban bleu nouant vos cheveux blonds,

Vous voyez Hypatie, et la terre et les sphères,

Et vous courez aux plus grands noms.

 

Jamais de Charlemagne et de nos vieilles lois,

De certain Gondebaud, le Numa de nos bois,

Jamais du droit salique et du rang de la femme,

De cent, objets divers et de tous avec flamme,

Je ne me suis vu tant causer

Qu'auprès de vous, ce jour, lendemain du baiser !

 

Il est doux, quoi qu'on dise, avec celle qui charme,

D'échanger plus d'un mot, de croiser plus d'une arme,

De parler gloire et Grèce et Rome, et cœtera,

Pourvu qu'en tous propos la grâce insinuante

Mêle je ne sais quoi de Ninon souriante,

Que Dacier toujours ignora.

 

On écoute, on s'enflamme. A vous, sur toute chose,

La politique plaît, et pour vous plaire, on ose ;

Sur un fond de désir, je m'y sens animer ;

Pitt ou Thiers, peu importe, et ma verve est rapide...

Tout d'un coup, un regard humide

Avertit tendrement qu'il est temps de s'aimer.

Sainte-Beuve

Balzac- Dinah de la Baudraye - La Muse dép. 1837

A Paris, Mme J. s'est essayé au commerce des modes, sans réel succès; puis au roman, avec un récit qui traite fort mal le sexe fort, et qui fit scandale.

Elle est également connue pour ses récits de voyage et son intérêt pour le spiritisme.

Elle collaborera à la Revue cosmopolite...

Elle soutient, et aime chanter les chansons, aux idées libérales, de Béranger.

 

Mme J. s'intéresse à la plupart des " nouvelles " sciences en ce siècle bouillonnant : l'économie politique, l'anthropologie, l'astronomie et la philosophie. Elle lit en anglais, L'Origine des espèces de Charles Darwin (1859) , souhaite développer la philosophie populaire, et milite pour l'instruction des femmes...

 

Bien que tout ceci paraisse bien mondain; la fréquentation de cercles plus restreints, comme cette ''académie'' secrète, va permettre à Ch.-L de Chateauneuf de parfaire son chemin sur la quête du Graal …

 

Ces textes ci-dessus sont tirés, en particulier, des bio. De  : Hortense Allart ( et Sainte-Beuve) ; Olympe Audouard,

 

A suivre...

 

En notes, j'ai envie d'insister sur un ce féminisme romantique qui a pu s'imposer lors de ce XIXe siècle si misogyne …

Ariane Charton qui s’est spécialisée dans l’étude de l’époque romantique, l'a très bien décrit, avec :

- ''le Roman d'Hortense'' (2010) :

Hortense Allart (1801-1879), quitte son mari et en Italie, devient la dernière maîtresse de Chateaubriand... Puis à Londres, elle rencontre Henry Bulwer-Lytton avec qui elle vivra une histoire passionnelle, malgré des amours contingentes … Elle rencontrera Sainte-Beuve, puis se mariera en 1843, avec M. de Meritens dont elle se sépare bien vite... « c’était une femme fort galante. Intelligente d’ailleurs et très agréable ; très écriveuse aussi, et qui avait la rage d’être la maîtresse ou l’amie des hommes célèbres ». Jules Lemaître, critique.

 

et - '' Marie d'Agoult '' - grande aristocrate, mère de deux enfants qui s'éprend d'un musicien et quitte tout pour lui, et donc maîtresse de Franz Liszt – et selon les mots de A. Charton : « Marie d’Agoult représente un peu  pour Liszt la muse divine et elle, elle rêve une solitude à deux qui rendrait leur amour unique et divin. » ,

 

- Marie Dorval, la tragédienne la plus adulée du XIXe siècle, rencontre en 1829, Alfred de Vigny, le poète renommé...  Le poète installe sa muse dans un appartement de la rue Montaigne, où ils se retrouvent avec passion. Vigny est extrêmement jaloux, au point de faire suivre sa «vieille maîtresse» par l'inspecteur Vidocq lui-même, ne supportant pas sa liaison avec un poète plus jeune, Jules Sandeau. 

«Tout était passion chez elle, la maternité, l'art, l'amitié, le dévouement, l'indignation, l'aspiration religieuse ; et comme elle ne savait et ne voulait rien modérer, rien refouler, son existence était d'une plénitude effrayante, d'une agitation au-dessus des forces humaines...», écrit à propos de Marie Dorval son amie George Sand. Ariane Charton a établi l’édition de la correspondance entre Marie Dorval et Vigny intitulée Lettres pour lire au lit, correspondance amoureuse entre Marie Dorval et Alfred de Vigny (Mercure de France, Le Temps retrouvé, 2009)

 

Olympe Audouard (1832-1890), fut une « femme de lettres » comme elle se nommait, et un « bas-bleu » comme la pointait l'inamical Barbey d’Aurevilly... Une journaliste et une grande voyageuse... Elle fit de nombreuses conférences pour réclamer l’égalité complète pour les femmes, y compris le droit de voter et de se présenter aux élections.

Maîtresse d'Alexandre Dumas, Victor Hugo, dans ses carnets la soupçonne de concevoir pour les vieillards, pourvu qu'ils soient célèbres, d'étranges complaisances ... !

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Au XIXe s. : Une vie intellectuelle et mondaine...

Publié le par Perceval

Pour se rendre compte que , dans le cours de ce XIXe siècle, le fil suivi – dans cette histoire - s'attache à un personnage ; je me permets de revenir sur quelques faits de l'histoire de Charles-Louis de Chateauneuf, né en 1816 à Limoges...

Au Collège Royal, son professeur de mathématiques, Monsieur Gouré, l'avait initié à ce qui pourrait être à la source d'immenses progrès, l'appréhension de l'infiniment petit, pour de grandioses calculs ...!!! M. Gouré nomme cela: les "Mathématiques transcendantes", c'est à dire le calcul différentiel et intégral...

Dandy sur un sofa

 

Charles-Louis fait partie de cette génération, aux prises avec la mélancolie propre à la Restauration. En 1832, il soutient la rébellion légitimiste, de la duchesse de Berry... Et à Paris, tout en préparant le concours d'entrée au concours de l'École polytechnique, il rejoint les errements des ''enfants du siècle; puis derrière Victor Hugo et les habitués du ''Cénacle'' , il découvre la fièvre romantique...

 

La route de Ch.-L. De Chateauneuf, est bordée d'étonnants personnages qui vont le conduire dans sa Quête : des femmes d'abord qui lui ouvrent des espaces du possible : la sensibilité, avec ce que l'on nomme à l'époque par ''les sentiments'' et un chemin de connaissance avec toujours les mathématiques ( Wronski, Sarrazin de Montferrier) et l'ésotérisme ( en opposition parfois à la doctrine catholique de ce XIXe siècle) avec A. Constant ( le futur Eliphas Lévi) et la résurgence templière …

Entre 1836 ( Ch. L. a 20ans) et 1848 ( 32ans ); Chales-Louis de Chateauneuf; tout en fréquentant les salons, et continuant ses recherches, s'est engagé dans une carrière scientifique qui aurait pu être édifiante s'il ne s'était pas ''dispersé''...

Son intérêt pour l'astronomie initiée par les cours public d’« astronomie populaire », qui remporte un immense succès, de François Arago (1786-1853)...

Charles-Louis – en suivant les méthodes mathématiques développées par Legendre - va travailler au sein d'équipes de l'observatoire de Paris... Un travail fastidieux, pas très valorisant; sur lequel il va peu s'investir, et lui permettre de pouvoir continuer ses propres recherches ...

Lors de rencontres plus mondaines, et aussi par intérêt pour l'art, Charles-Louis rencontre le fils d'Arago, Alfred Arago (1815-1892) peintre et l'un des plus joyeux compagnons du cénacle de la rue Grange-Batelière...

 

Ses recherches, en Loge, lui permettent de croiser et même de se lier avec des personnalités comme Edgar Quinet (1803-1875), Augustin Thierry (1795-1856) ou le philosophe Victor Cousin (1792-1867), le peintre Horace Vernet (1789-1863); reconnus ...

 

Accompagné de Charles de L'Escalopier, conservateur de la Bibliothèque de l'Arsenal, et les ami(e)s de Madame d'A. qui tient un salon du faubourg Saint-Germain.. Ch.-L. De Chateauneuf ne délaisse rien de ce qui – de près ou de loin – s'attache à la connaissance du Graal...

L'idéal féminin romantique

Le vent nouveau, littéraire et scientifique, agite les proches et Madame d'A. ils ne craignent pas certaines excentricités ; ainsi elle attire autour d'elle quelques romantiques : Sainte-Beuve, Eugène Sue, Liszt, etc. et aussi des artistes de la Bohème...

Elle met à la mode la fiction de l’amour platonique ( l'amour courtois...) , qui accommode agréablement les plaisirs de la coquetterie avec les avantages de la vertu. Des étrangères viennent beaucoup chez elle, la comtesse Delphine Potocka, la baronne de Meyendorff, madame Apponyi …

La coquetterie et la galanterie y règnent dans les relations des deux sexes... En amour comme en amitié, les liens sont souples, légers et durables …

 

L'esprit de Charles-Louis était – depuis un certain temps déjà - occupé par une femme qu'il avait rencontré dans le salon de la duchesse d'A.... Mme J. est belle, fine ; et il la tient pour délicate, vertueuse ; et considère que son amour naissant est sans espoir, puisqu'elle est mariée.. ! Tout juste se convainc t-il de lui faire une cour digne d'un chevalier qui aime sa Dame d'un amour courtois...

Cette Dame, germanophile et dans la lignée de Madame de Staël, pratique la conversation en petit cercle d'intimes...

Et, également, dans un cadre beaucoup plus discret, voire secret, une sorte de société secrète comme l'on disait ; où hommes et femmes se réunissaient en ''cour d'amour'' sur des sujets littéraires, philosophiques et même théologiques...

On peut y croiser des femmes comme Cristina de Belgiojoso ( 1808-1871); ou, Olympe Audouard (1830-1890) qui fut interdite de présentation de conférences par le ministre de l'intérieur considérant que «  ces conférences ne sont qu'un prétexte pour un rassemblement de femmes surémancipées. Les théories de Mme Olympe Audouard sont subversives, dangereuses et immorales. »

Ces ''sociétés'' ou ''académies'' fonctionnent pour la plupart encore jusqu’à la fin du XIXe siècle, sur le modèle maçonnique, avec ses rituels stricts, et des valeurs qui s'appuient sur un déisme de plus en plus en rejet explicite de la « religion révélée », en particulier du catholicisme.

 

Cette pratique en ''sociétés'' n'est pas nouvelle... Je rappelle, l'Ordre des Fidèles d'Amour, était une société secrète de gens de lettres à laquelle appartenait Dante, et qui aimait se référer à la longue lignée des troubadours et trouvères...

La ''Société Angélique'' était un groupe d’écrivains et d’érudits formée autour de l’imprimeur éditeur Sebastian Gryphius, puis de Nicolas de Langes, à Lyon au milieu du XVIe siècle...

Plus anecdotique, et relevant d'une tradition qui remonte au XVIIIe siècle, l'Ordre de la Félicité, regroupait hommes et femmes, dans un cadre libertin ...

 

Il semble, selon les documents laissés par Ch.-L. De Chateauneuf, que la ''société'' ou ''l'académie'' qu'il évoque, se considère avec moins de sérieux dans la forme ; mais avec le réel intérêt pour tout ce qui aliment les passions des humains : l'amour, et les questions existentielles, bien sûr ; et ceci en marge de la société bourgeoise et religieuse de l'époque …

 

Je rappelle que Balzac lui-même créa une ''société secrète'' appelée '' Le Cheval Rouge'' … Voici ce qu'en dit Théophile Gautier : « L’association, qui comptait parmi ses membres, G. de C, L. G., L. D., J. S., Merle, qu’on appelait le beau Merle, nous et quelques autres qu’il est inutile de désigner, s’appelait le Cheval rouge. Lorsqu’il fallait concerter quelque projet, convenir de certaines démarches, Balzac, élu par acclamation grand maître de l’ordre, envoyait par un affidé à chaque cheval (c’était le nom argotique que prenaient les membres entre eux) une lettre dans laquelle était dessiné un petit cheval rouge avec ces mots ; «  Écurie, tel jour, tel endroit ; » le lieu changeait chaque fois, de peur d’éveiller la curiosité ou le soupçon. Dans le monde, quoique nous nous connussions tous et de longue main pour la plupart, nous devions éviter de nous parler ou ne nous aborder que froidement, pour écarter toute idée de connivence.

Après quatre ou cinq réunions, le Cheval rouge cessa d’exister, la plupart des chevaux n’avaient pas de quoi payer leur avoine à la mangeoire symbolique ; et l’association qui devait s’emparer de tout fut dissoute, parce que ses membres manquaient souvent de quinze francs, prix de l’écot.... »

A suivre ....

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Des muses, de l'astronomie et des poètes.... 2

Publié le par Perceval

Caspar David Friedrich -Deux hommes contemplant la lune (1819)

Caspar David Friedrich -Deux hommes contemplant la lune (1819)

 

''La Ballade à la lune'' de Musset.

 

« C'était, dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La lune,
Comme un point sur un i.

(...)

Es-tu l'œil du ciel borgne?
Quel chérubin cafard
Nous lorgne
Sous ton masque blafard?

(...)

''La lune offensée'' de Charles Baudelaire.

 

Ô Lune qu'adoraient discrètement nos pères, 
Du haut des pays bleus où, radieux sérail, 
Les astres vont se suivre en pimpant attirail, 
Ma vieille Cynthia, lampe de nos repaires,

Vois-tu les amoureux, sur leurs grabats prospères, 
De leur bouche en dormant montrer le frais émail ? 
Le poète buter du front sur son travail ? 
Ou sous les gazons secs s'accoupler les vipères ?

(...)

 

Dans la mythologie grecque, Érato est une des neuf Muses, elle est la patronne de la poésie lyrique et érotique. 

 

Lors de rencontres plus mondaines, et par intérêt pour l'art, Charles-Louis rencontre le fils d'Arago, Alfred Arago (1815-1892) peintre et l'un des plus joyeux compagnons du cénacle de la rue Grange-Batelière...

Alfred Arago est de toutes les fêtes, et proche de plusieurs membres de la famille Bonaparte; cela le conduira à devenir en 1851, lors du coup d'état, un fonctionnaire du nouveau gouvernement, et en 1851 inspecteur général des Beaux-Arts...

 

A cette époque Arago était l'ami d'Alfred de Musset: la princesse Mathilde brûlait de rencontrer Musset. Arago s'y entreprit, mais au jour convenu, Musset était à moitié gris, et à table s'arrange pour en sortir ivre... Finalement il vomit, s'endort sur une chaise longue; puis revient au salon, où il réussit à tenir tout le monde sous son charme ... Musset ne revint plus chez la princesse ...

Dessin représentant le « fieux » présentant ses hommages à Caroline Jaubert, sa « très petite marraine », au bas d’une lettre autographe de Musset (11 août 1835). -  Caroline l’appelle son « fieux » ou son « Prince phosphore de cœur-volant » car l’homme et l’œuvre incarnent à ses yeux la fantaisie et l’aristocratie des lettres. 

Delphine Marquet, actrice.

Ce groupe que forme cette jeunesse dorée, comprend Edmond d'Alton-Shée ( républicain socialiste), qui présentera sa soeur Caroline Jaubert, à Musset et deviendra '' vingt jours sa maîtresse et, vingt ans sa "marraine".'' ...; Alfred Mosselmann (homme d'affaires): sa soeur Fanny, comtesse Le Hon est la maitresse de Charles de Morny , Horace de Viel-Castel, le baron Loève-Veimars ( critique du Temps, et traducteur d'Hoffmann), Jules de Saint-Félix neveu par alliance de Marie d'Agoult qui avec Ch.-L.  s'est interessé au personnage de Cagliostro et en a écrit une biographie amusée ... , Nestor Roqueplan, qui s'occupe de théâtre est un dandy et amant de la comédienne Joséphine-Victoire-Delphine Marquet -, Félix Arvers et bien sûr Alfred de Musset...

E.-Louis-Lami - Alfred-de-Musset et Rachel

Charles-Louis se souvient d'une anecdote sur Musset: «Un soir, en 1846, dans un souper dont il était, on admirait une jolie bague que Rachel avait au doigt. « Puisqu’elle vous plaît, dit-elle, je la mets aux enchères ». Chacun aussitôt de surenchérir, et la bague en un instant est poussée à 3.000 fr. – « Et vous, mon poète, dit-elle à Musset, que me donnez-vous ? – Je vous donne mon cœur. – La bague est à vous » dit Rachel en la lui jetant gracieusement. »

Alfred ne consentit à la prendre qu’à titre de gage pour le rôle que Rachel lui demandait d’écrire pour elle. Il commença deux pièces à son intention : Faustine et la Servante du Roi, mais elles ne furent pas achevées ; ils se brouillèrent et Alfred rendit la bague à Rachel qui la reprit sans hésiter ( sources : Etude et Récits sur Alfred de Musset, Alix de Janzé, Paris, Librairie Plon, 1891. )

Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)
Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)
Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)
Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)
Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)
Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)
Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)

Apollonie Sabatier, pseudonyme de Joséphine-Aglaé Sabatier (1822-1890)

Auguste Clésinger, Femme piquée par un serpent, Orsay.

Un autre point commun à ce groupe d'amis, est la belle et célébrée Aglaé Sabatier (1822-1890), qui devient Apollonie à la faveur des charmes qu'elle offre à Alfred Mosselman... Aglaé rencontra toute l'équipe qui prenait l’air au balcon de Beauvoir (l’hôtel Pimodan), alors qu'elle s'en revenait de l'école de natation aux bains Lambert avec deux amies … Le peintre Boissard, ami d'Alfred Mosselman (qui était marié) va jouer l'amant en titre ; son atelier tient portes ouvertes et Mme Sabatier rencontre tout un peuple d'artistes ... Entre1840 et 1850, elle est l'égérie des artistes et poètes modernes sous le surnom de « la Présidente » ( présidente de la réunion des artistes...)...

Alfred Mosselman désire que ses amis mesurent son bonheur, tant sa muse est séduisante ; il la fait mouler sur nature, puis sculpter par Auguste Clésinger, qui crée sa célèbre statue, objet de scandale au Salon de 1847... L'oeuvre, ne pouvait se nommer 'corps de femme saisi en plein orgasme', est appelée'' La femme piquée par un serpent '' ...

Entre le 9 décembre 1852 et le 8 mai 1854, Baudelaire écrit sept poèmes qu’il lui envoie de façon anonyme. .. Baudelaire la célèbre en silence cinq ans durant, il l'idéalise... Elle est l'inspiratrice d'un certain nombre de poèmes des Fleurs du Mal ...

Ce n’est que le 18 août 1857 qu’il lui avouera qu’il en était l’auteur, pour lui demander d’intervenir auprès des juges dans le procès intenté contre Les Fleurs du Mal.

BAUDELAIRE Charles (1821-1867).  Autoportrait et croquis, entre 1844.. -->

Après le procès, Madame Sabatier, se donne charnellement à l’auteur du recueil maudit... Pourtant, Baudelaire, va se détourner de son « ange plein de gaîté » : «  Il y a quelques jours, tu étais une divinité, ce qui est si commode, ce qui est si beau, si inviolable. Te voilà femme maintenant... », lui écrira t-il dans une lettre de rupture...!

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