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Le Secret du Monde.

Publié le par Régis Vétillard

Anne-Laure a reçu de la part de Rober Denoël : ''Mille regrets'' d' Elsa Triolet, ces ''nouvelles'' espèrent un prix ( les Deux Magots?) ; également une invitation pour une réception qui clôt la ''Semaine Arno Breker'' ; elle y a croisé M. de Brinon, le Dr Epting et sa femme, Pierre Benoît, Denoël...

Lancelot eut la surprise d'une visite de Drieu la Rochelle, qui avait appris la nouvelle de son ''accident''. Ecrasé par le souci de la NRF, il trouve son réconfort dans la philosophie, la religion... Surprenant, son discours sur Saint-Paul. L'essentiel du christianisme, dit-il est là, dans ses écrits. - Un juif ? - « Un juif de la diaspora, trempé dans un milieu aryen. ».

Cependant, il préfère le védantisme : - L'être, le Monde … ces concepts y sont dépassés, abolis. La mystique chrétienne est trop encombrée de l'idée morale de l'amour. Il repassera, dit-il ; pour parler ''religion''.

 

Le ''Secret du monde'', est la traduction du titre de '' Mysterium Cosmographicum '' (1596) de Johannes Kepler (1571-1630)·qui a vécu dans le saint empire romain germanique. Dans cette traduction, Mysterium est rendu par 'Secret', ce qui laisse tomber la nuance religieuse du « Mystère » et cosmographicum par 'du Monde', ce qui ne retient pas la nuance d'architecture cosmique impliquée par le terme latin... Mais enfin... Pour évaluer la teneur de ce secret : Reprenons les choses ( essentielles ) depuis le début...

 

Si je lâche cette pierre, elle tombe. Je ne lui procure aucune force, pourtant, elle file vers le sol. De quelle force s'agit-il ici ? La Gravitation : voilà une force qui nous semble bien familière. N'hésitons-pas à être un peu plus curieux...

D'où vient cette force ? Comment a t-elle atteint l'objet ?

Pour Aristote (384-322 av. J.-C.) , l'état de la pierre est d'être un corps pesant, son état propre est d'être en bas, vers le centre de l'univers ( la Terre).

Le soleil apparaît vite comme bien plus gros, plus lumineux que la Terre. Le soleil n'aurait-il pas la place centrale, et la Terre serait une planète en rotation sur elle-même et en révolution autour du soleil : Nicolas Copernic (1473-1543) tente de comprendre ce nouveau modèle du Monde. La gravité serait la tendance à ce qui est de la Terre tend vers la Terre...

Johannes Kepler (1571-1630) propose, plutôt que des orbites circulaires, une orbite elliptique autour du soleil qui est l'un des foyers. La gravité n'est pas une caractéristique du corps, mais elle s'explique par l’attraction d'un autre corps apparenté, un peu comme l'action d'un aimant...

Kepler reste dans la perspective d'un monde aux divines proportions, il reprend la théorie des polyèdres réguliers, de Platon, dont l’emboîtement permet la construction d'un modèle de l'Univers. Il attribue au soleil une ''force'' motrice qui induit le mouvement des planètes. Et, découvre les relations mathématiques (dites Lois de Kepler) qui régissent les mouvements des planètes sur leur orbite.

 

Galilée (1564-1642), avec sa lunette astronomique découvre les satellites de Jupiter et démontre que tout ne tourne pas autour de la Terre. Il s'oppose à l'idée de Kepler selon laquelle la lune aurait une action sur la terre ; '' ce serait une idée occulte irrecevable pour un esprit rationnel ! ''

Il étudie la chute des corps, et conclut – par ''expérience de pensée'' que tous les corps tombent dans le vide à la même vitesse ; ils subissent la même accélération. ( et met en évidence les forces de frottement...). Au passage, il est bien étrange d'entendre Galilée parle du ''vide'' ( à quoi pensait-il?).

 

René Descartes (1596–1650) décrit un monde infini, sans vide ( mais avec des tourbillons..). La gravité est un effet mécanique des tourbillons, les mouvements de la matière subtile.

Christiaan Huygens (La Haye 1629-1695) pense que l'espace est rempli d'éther, dans lequel la lumière se diffuse comme une onde.

Huygens rejette, l'idée de Newton, d''' action à distance '' formulée pour décrire la gravitation.

Et, Isaac Newton (1642-1727) démontre que la force qui fait tomber au sol une pomme est la même qui maintient la Lune en orbite autour de la Terre. Il confirme l'intuition de Galilée.

Les lois de Newton présupposent un temps absolu '' vrai et mathématique '' et un espace absolu, '' sans relations aux choses externes ''...

Reste une question : Comment un corps peut-il agir à distance ? L'idée de fonder la physique sur des ''actions à distance '', c'est la rendre inintelligible, pour l'opinion de beaucoup. Newton affirme l'action continue de Dieu.

 

Émilie du Châtelet, maîtresse de Voltaire, traduit '' Principia Mathematica '' de Newton. Le ''Principes Mathématiques'' ne paraîtra qu'en 1759, dix ans après la mort d’Émilie, 72 ans après l'édition anglaise.

Voltaire (1694-1778) rédige avec humour les '' Lettres anglaises '' ( ou ''Lettres philosophiques''), qui seront condamnées à leur sortie en France (1734) :

« Un français qui arrive à Londres trouve les choses bien changées en philosophie comme dans tout le reste. Il a laissé le monde plein, il le trouve vide.

À Paris on voit l’univers composé de tourbillons de matière subtile ; à Londres on ne voit rien de cela.

Chez nous, c’est la pression de la Lune qui cause le flux de la mer ; chez les anglais, c’est la mer qui gravite vers la Lune, de façon que, quand vous croyez que la Lune devrait nous donner marée haute, ces messieurs croient qu’on doit avoir marée basse… »

« Chez vos cartésiens tout se fait par une impulsion qu’on ne comprend guère, chez M. Newton c’est par une attraction dont on ne connaît pas mieux la cause ; à Paris vous vous figurez la Terre faite comme un melon, à Londres, elle est aplatie des deux côtés…

La lumière pour un cartésien existe dans l’air ; pour un newtonien, elle vient du Soleil en six minutes et demie. »

 

L'anglais Michael Faraday, ouvrier relieur, autodidacte puis assistant d'un chimiste travaille la loi de gravitation de Newton. Il revient sur cette idée de force agissant à distance et instantanément, et elle lui apparaît comme incompréhensible et inacceptable...

Nous sommes autour de 1830, et Faraday s'affranchit des idées de son temps et pense un milieu continu, quand les savants voient des structures ponctuelles.

Il propose le concept de '' champ '', qui rend compte d'une modification de l'espace par un corps, et qui est ressenti par un autre corps sous la forme d'une force.

Ainsi, un champ permet de caractériser un phénomène par une grandeur définie en chaque point de l'espace.

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L'éther et la Relativité de Poincaré

Publié le par Régis Vétillard

Si Lancelot a rejoint son domicile, il doit continuer à être suivi régulièrement à l'hôpital Cochin.. Opéré plusieurs fois, et des greffes de peau ayant été nécessaires; l'un des grands risque est que la gangrène prospère... Ceci réglé, le chirurgien lui assure une possibilité de retrouver la station debout ; et la possibilité de marcher avec des cannes...

Lancelot reçoit la visite du chef du cabinet de Fernand de Brinon, qui lui assure le soutien de l'Ambassadeur, et le prie de lui indiquer ce dont il a besoin. Dans Le Matin et Le Petit Parisien du 9 mars 1942, est reproduit un « Manifeste des intellectuels français contre les crimes anglais », suivi de plusieurs dizaines de noms, dont Jacques Boulenger, Denoël...

 

Anne-Laure de Sallembier, germaniste, est sollicitée par le physicien Louis Dunoyer pour traduire des articles français scientifiques, pour leur publication dans des revues allemandes, comme le Jahrbuch et le Zentralblatt. Dunoyer lui assure que ses interlocuteurs allemands, tel Harald Geppert, scientifique allemand et nazi, s'engagent à faciliter les conditions de détention des mathématiciens français prisonniers de guerre, puis à favoriser leur libération.

Dunoyer est un fidèle de Charles Maurras, royaliste du cercle '' l’œillet Blanc''. Le 5 juin 1941, il devient président de la Société française de physique. Son allocution proclame l'allégeance de la Société au maréchal Pétain.

Aussi, durant cette longue convalescence, Anne-Laure tente de motiver son fils à l'étude, grâce aux nombreux ouvrages qu'ils possèdent, et d'autres qu'elles pourraient trouver, si nécessaire.

Son intérêt se porte ainsi sur la science, ce qui permet à sa mère de mieux comprendre les textes qu'elle traduit ; de plus la fille d'une connaissance mondaine, qui a perdu son fiancé lors de la déroute française, souhaiterait occuper son esprit par l'étude des grandes questions scientifiques.

Très vite s'organisent régulièrement des sortes d'exposés préparés par Lancelot, qui donne l'occasion d’approfondir, débattre, en petit cercle, de l'état de nos connaissances...

 

Je rappelle qu'en 1940, Lancelot était chargé de la liaison entre les secteurs de la Défense et les ministres ou leur cabinet. Lancelot établissait des rapports le plus souvent confidentiels, voire secrets sur des conclusions établies par nos Services de Renseignements et se devait de les annoter et les rendre abordables par des non-spécialistes.

Il dût accompagner administrativement l'exfiltration d'un stock d'oxyde d'uranium des sous-sols du Collège de France, à Clermont-Ferrand, puis Bordeaux et enfin Casablanca.

1940 - La guerre et l'énergie nucléaire ( l'eau lourde) - Les légendes du Graal

Le 16 juin, Lancelot faisait signer à Bichelonne directeur de cabinet du ministre Dautry, l'ordre de mission, qui permettait aux 26 bidons d' ''eau lourde '' que conserve F. Joliot-Curie, d'être transportés en Grande-Bretagne ; Joliot refusant de quitter le sol français.

Henri Poincaré, Mathématicien, physicien et philosophe

 

Lancelot et sa mère Anne-Laure, se sont toujours intéressés aux questions scientifiques, et leur résonance en philosophie... Je n'oublie pas que Jean-Baptiste de Vassy ( J.B.), tué en 1915 pendant la grande guerre, fut un père de substitution pour le jeune Lancelot. Il fut une grand érudit, proche du scientifique Poincaré; et avait obtenu auprès du ministre de l’Instruction publique une place d’employé surnuméraire à la bibliothèque du Collège de France... Ainsi, il avait préféré ce modeste poste et servir l'illustre savant Henri Poincaré (1854-1912).

Anne-Laure et Jean-Baptiste avaient fréquenté de près le cercle très philosophique des amis et parents Poincaré ; et en particulier Emile Boutroux, marié à Aline Poincaré, la sœur d'Henri...

En 1908 s'était tenu le Congrès de philosophie à Heidelberg. Anne-Laure et Jean-Baptiste, ont accompagné le couple Boutroux, à ce qui sera un grand événement mondain et intellectuel...

Le Congrès de philosophie d'Heidelberg - 1908 - 1 - Les légendes du Graal (over-blog.net)

Henri Poincaré parlait déjà de ''relativité", pour plusieurs raisons. Relativité, parce que si, un système est connu par l'observation du scientifique, cette observation donne lieu à un modèle, qui n'est qu'une convention... Les principes de la mécanique, les axiomes géométriques... sont des conventions... La science ne dit pas le ''vrai'', elle dit ce qui est commode pour notre raison...

Ce modèle est rationnel, et interdépendant de celui qui l'observe et d'autres systèmes ... Tout est interdépendant, et non pas soumis au hasard...

Dans son ouvrage, publié en 1902 '' La science et l'hypothèse '' Poincaré affirme qu'il n'y a pas d'espace absolu, ni de temps absolu... Non seulement nous n'avons pas l'intuition directe de l'égalité de deux durées, mais nous n'avons même pas celle de la simultanéité de deux événements se produisant sur des théâtres différents. Cependant, il continue d'utiliser le concept d'éther... Il pense que les conventions classiques de l'espace et du temps sont plus pratiques...

Il ajoute que tout mouvement, est relatif à l'éther, considéré comme fixe. Il estime qu'un objet en mouvement dans l'éther se déforme en fonction de sa vitesse relativement à l'éther.

 

Les grecs avaient imaginé l'existence de l'éther, et le concept avait voyagé jusqu'à Maxwell, Poincaré... C'était un milieu matériel qui remplissait tout l'espace, un cinquième élément appelé aussi ''quintessence''. Descartes imagine que les planètes tournent autour du soleil grâce aux tourbillons de l'éther. Newton pense l'éther comme le milieu qui permet à la lumière de se diffuser, ( L'éther luminifère).

Les ondes électromagnétiques, semblables aux ondes lumineuses consolident la confiance envers l'éther de Maxwell ( décrit en termes mécaniques).

Michelson et Morley, en 1887, tente de prouver son existence avec leur ''interféromètre'' ( en optique) qui devrait mesurer la vitesse de la lumière avec la loi d'addition des vitesses... Le résultat négatif, indiquerait cependant que la lumière bénéficierait d'une vitesse ''constante''.

« Peu nous importe que l'éther existe réellement, c'est l'affaire des métaphysiciens ; l'essentiel pour nous c'est que tout se passe comme s'il existait et que cette hypothèse est commode pour l'explication des phénomènes. » Poincaré ''La Science et l'hypothèse ''

La fin du XIXe s. est aussi l'époque où on se questionne sur l'atome et s'il ne serait pas lui-même composé de parties. Certaines matières émettent des ''rayonnements'' et des particules... En 1897, J.J. Thomson découvre l'électron : particule élémentaire nécessaire en électricité ; les électrons seraient chargés négativement, pris dans une ''soupe'' atomique électropositive.

Les deux éléments fondamentaux de l'univers seraient donc, l'éther et l'électron.

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Mardi 3 mars 1942 : bombardement Meudon – Lancelot blessé

Publié le par Régis Vétillard

Fernand Holweck

Un entrefilet du journal, nous apprend le suicide de Stefan Zweig et de sa femme, au Brésil !

Les mois de janvier et février 1942, ont représenté l'hiver le plus sombre, les mois les plus froids de la guerre ; difficile de chauffer les pièces de l’appartement à plus de 10,12°. Le journaliste André Arnyvelde, connu pour sa belle plume et sa curiosité qui mêle religion et sciences, est arrêté en décembre et meurt d'une pneumonie en février. Fernand Holweck (1890-1941), physicien, lui aussi arrêté par la Gestapo en décembre, meurt sous la torture dix jours plus tard. Holweck avait rejoint le laboratoire des Curie, en 1910. Il a réalisé une pompe à vide moléculaire qui porte son nom ; et a travaillé à améliorer la puissance des émetteurs TSF.

La difficulté était de réaliser de tubes électroniques de forte puissance en conservant le vide intérieur malgré la sublimation du métal des électrodes. Les électrons qui circulent dans une lampe de radio supportent mal de se heurter aux molécules de gaz, et c'est pourquoi un vide excellent est nécessaire dans les ampoules.

Une lampe Holweck est mis en place en 1923, sur l'émetteur de la Tour Eiffel. Il s’intéresse au microscope électronique, aux amplificateurs de lumière, aux compteurs de photons. Il fait également des recherches en astrophysique, et en radioastronomie. En 1940, près de Saint-Dizier, avec le groupe du pilote Antoine de Saint-Exupéry, il travaille à améliorer les bimoteurs Potez 63. Il refuse de quitter la France, et s'engage à aider les aviateurs britanniques sur le territoire occupé.

Musée de l'Air - Meudon

Lancelot, toujours passionné par le progrès technique, et les avions, était impatient de visiter les hangars du Musée de l'Air, installé à Meudon depuis 1921... Cette soirée du 3 mars 1942, bénéficiait d'un chaleureux clair de lune. Une autorisation spéciale l'autorisait à découvrir d'immenses hangars où « s’enchevêtrent dans un affreux désordre des avions entiers, d’autres démontés, des nacelles d’osier au curieux dessin, et , suspendus au plafond, d’étranges cerfs-volants, tandis que, sur le sol, reposent quelques quatre cent moteurs mal protégés de la rouille. »

 

Il devait passer ensuite une soirée agréable dans une proche auberge de la forêt de Meudon. C'était oublier la guerre ; et ce à quoi on ne pouvait croire ici, des bombardements de la RAF, sur des civils... On ne se méfiait pas du ronronnement lointain des avions que n’accompagnait aucun tir de D.C.A. Ce qui semblait confirmer leur itinéraire habituel : l’Allemagne.

Tout a commencé vers 21 heures 15, au-dessus du bois de Boulogne. Précédées par des nombreuses lumière rouges, les premières bombes tombèrent sur Billancourt dans un bruit épouvantable, atteignant les usines Salmson.

Lancelot voulait revenir sur ses pas, s'éloigner et se mettre à couvert vers des bâtiments de l'aérostation ; trois projectiles sont tombées non loin, il a perdu connaissance. Protégé par un mur, seuls ses deux pieds sont écrasés, par les décombres de l'explosion.

Des ambulances, des camionnettes vont et viennent. Sur des brancards recouverts de couvertures, on amène des morts atrocement mutilés.

Lancelot se réveille alors qu'il est amené vers une clinique parisienne de la rue Boileau.

Ce soir-là, donc, les avions de la Royal Air Force (RAF) étaient venus pilonner plusieurs positions stratégiques des Allemands en Ile-de-France, dont les usines Renault de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Mais pas seulement....

On dit que les pilotes de la RAF auraient confondu la boucle de Seine avec le méandre de Boulogne-Billancourt ; à moins que la véritable cible était l'état-major allemand installé à Saint-Germain... ?

Le raid du 3 mars 1942, aurait fait plus de 370 victimes.

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1942 – Valéry – L'analogie et la science.

Publié le par Régis Vétillard

Anne-Laure de Sallembier et son fils, sont conviés à une après-midi chez les Valéry, au 40 rue de Villejust.

Sur une table près de l'entrée, plusieurs paquets qui contiennent des ouvrages, que des lectrices en particulier, ont demandé au maître de leur dédicacer. Sur l'un, Anne-Laure reconnaît le nom de Hélène Berr, cette jeune fille qu'elle a reçue pour un dossier que lui a soumis le service social d'aide aux émigrants ; et qu'elle a défendu auprès de l'administration allemande.

Paul Valéry et Jean(ne) Voilier

Lancelot observe l'illustre écrivain vieillissant épris d'une femme beaucoup plus jeune, et qui lui rend la poésie de sa jeunesse. Gide s'était plaint à lui de cette relation qui commença en 1938, alors qu'il avait 67ans et elle, 35ans. ( 1938 – André Gide - Les légendes du Graal (over-blog.net) )

Cette femme, Lancelot la connaît bien, Jeanne L. que lui-même - alors étudiant comme elle - avait aimé. - 1921 – Lancelot– Jeanne L. - Les légendes du Graal (over-blog.net) - 1921 – André Gide. - Les légendes du Graal (over-blog.net) -

Mais qu'a t-elle de commun - cette Jeanne passionnée de littérature - avec Jean Voilier plus attachée aujourd'hui aux hommes influents qu'à leurs écrits ? Avec Frondaie, elle devient une femme du monde, directrice de théâtre, et commence à publier sous le nom de Jean Voilier.

 

Anne-Laure de Sallembier admire Paul Valéry (1871-1945), non pour son charme et ses yeux « eau bleue et verte, regard marin », mais pour la finesse de sa pensée. S'il est un badineur impénitent ; il est surtout le poète qui écrit en vers, non pour embrumer son propos, mais pour le clarifier.

En 1941, Vichy a destitué Valéry de son poste d'administrateur au Centre Universitaire méditerranéen de Nice, en représailles de son discours - en sa qualité de secrétaire de l'Académie française - et éloge funèbre du « juif Henri Bergson ».

Valéry, grand consommateur de tabac et de café, travaille le matin et s'adonne aux mondanités en soirée. Lancelot a remarqué son goût pour les sciences, et les mathématiques en particulier.

L’homme et le macrocosme  planche tirée du De utriusque cosmi maioris et minoris historia de Robert Fludd (1619)

Lancelot reprend une phrase des ''Regards sur le monde actuel'' de 1931 : « Les événements sont l’écume des choses. Mais c’est la mer qui m’intéresse ». En effet, commente t-il : Nous vivons chaque instant ce décalage entre l’événement, l'accident, le discontinu associé à ce qui est éphémère et l'unité, le continu associé à la permanence. Ainsi en physique, Einstein nous propose au niveau macroscopique, à une échelle interstellaire la figure ondulée de l'espace temps, à l'image d'une mer agitée vue de haut... Alors qu'en physique quantique, et au niveau microscopique, telle l'écume de cette mer agitée, la science nous propose la turbulence des particules, un univers fragmenté, discontinu.

Valéry s'étonne que l'on tienne le plus souvent la science en opposition de la poésie ; alors que la représentation scientifique ne peut se passer de recourir à l'analogie. De même, sans la religion, notre cerveau n'aurait pas été habitué « à s'écarter de l'apparence immédiate et constante qui lui définit la réalité. » ( Analecta 1935 )

L'analogie ouvre un espace de pensée, c'est ce qui permet à Léonard de Vinci de percevoir les forces invisibles à l’œuvre dans la nature.

Ainsi vers 1900, c’est la thermodynamique qui a permis d'offrir des modèles à l'aide de cycles régis par les lois de la conservation de l’énergie et de l’entropie.

Faraday - avec la notion de champ - imaginait « un système de lignes unissant tous les corps, traversant, remplissant tout l’espace pour expliquer les phénomènes électriques et même la gravitation […] Faraday voyait par les yeux de son esprit des lignes de force traversant tout l’espace où les mathématiciens voyaient des centres de force s’attirant à distance ; Faraday voyait un milieu où ils ne voyaient que la distance. » ( Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci [1894] )

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1942 - Drieu la Rochelle – Jacques Decour

Publié le par Régis Vétillard

En mai 1940, Drieu avait décidé de ne plus travailler avec la NRF, une revue qui publiait le communiste Aragon. Il avait conservé un désir de vengeance envers elle, alors que Paulhan avait suspendu sa publication. Il s'engagea avec le soutien d'Abetz, de la republier ; Gallimard soucieux de ne pas tout perdre, a choisi le moindre mal. Paulhan, refusait la co-direction, mais gardait certaines responsabilités...

Drieu écrit dans ''Je suis Partout'', des articles antisémites, comme celui intitulé «  De Ludovic Halévy à André Maurois ou l'impuissance du juif en littérature. ». Le 23 juin 1941, « Ils n'ont rien oublié, ni rien appris. », il s'en prend à Mounier et à Esprit qui reparaît à Lyon.

« La Revue Esprit - qui représenta si parfaitement pendant les dernières années le culte de la confusion, le barbouillage des esprits sous prétexte de mesure et de scrupule et bref, qui sut maintenir par des moyens, tantôt inconscients, tantôt sournois, une partie de la jeunesse française dans l'esprit du plus vieux centre gauche - a reparu à Lyon cet hiver. Emmanuel Mounier persévère dans son libéralisme camouflé, dans sa méthode de pieux sabotage de tous les efforts français pour sortir de l'hésitation. (…) »

Goebbels Accueil Weimar

Drieu fréquente assidûment les réceptions de l'ambassade ( Abetz) et les manifestations organisées par l'Institut allemand. Il sympathise avec Karl Epting ( directeur de l'institut allemand), Ernst Jünger et le lieutenant Heller. En 1941, du 5 au 11 octobre , il est présent au congrès de Weimar, organisé par les services de Goebbels, il est accompagné de Robert Brasillach, Ramon Fernandez, et de Jacques Chardonne et Marcel Jouhandeau, grands stylistes qui se disent ''apolitiques''...

Weimar, ville culturelle emblématique empreinte d’une tradition de philosophie, d’art et de sciences éclairées. Cette jolie ville, vit dans la fumée des crématoires nazis, situés à proximité, à Buchenwald.

Ce camp de concentration, érigé en 1937 par les premiers détenus allemands qui déboisèrent la forêt de hêtres de l’Ettersberg. Sur l’esplanade du camp, un arbre a été conservé : celui où Goethe aurait conversé avec Eckermann.

A présent, ici, arrivent des centaines de personnes, entassées, une centaine de corps serrés, soudés, par wagon. Un voyage de plusieurs jours.

Un train pour Weimar

C'est un autre type de train, qui a été affrété par le Ministère du Reich à l’éducation du Peuple et à la Propagande, de Joseph Goebbels, aux représentants des intellectuels français avec de nombreux autres venus de toute l'Europe. Ces écrivains traversent le Reich et visitent les ''hauts-lieux'' de culture. Jacques Chardonne, est séduit : « Les Allemands d’aujourd’hui ne sont pas un peuple de guerriers. C’est un peuple de constructeurs » (La Gerbe, Paris, 13 novembre 1941). il applaudit Goebbels, à son initiative de créer à Weimar « l’Association des écrivains européens ».

Le message de cette invitation, est de faire entendre à toute l'Europe, la voix de l'Allemagne : il s'agit de de « convaincre l’Europe de la force spirituelle de la nouvelle Allemagne pour intervenir elle-même spirituellement dans l’histoire du monde, ce qui se réaliserait avec une ampleur inimaginable après le victoire » Rudolf Erckmann.

Dans le hall du bâtiment du NSDAP se trouve un stand présentant des livres and-bolcheviques. Les organisateurs veulent ainsi, comme l’a dit Rudolf Erckmann, « montrer combien il faut garder à l’esprit, même pendant ces journées de Weimar, la signification profonde de la guerre en Russie ».

Et il poursuit : « Ce n’est pas le culte du passé qui motive une telle action. Elle ne peut trouver son origine que dans la force interne et externe du Reich et l’autorité du Führer. Le miracle de Weimar dans la construction d’une nouvelle Europe réside peut-être dans ce que l’Allemagne, à la confiance qui règne parmi les peuples européens, ajoute maintenant aussi une base culturelle ».

 

Tous les hôtes étrangers sont invités à s'incliner devant les tombes des grands de Weimar , dans le palais Wittum éclairé par des centaines de bougies. C’était la résidence baroque où Anna Amalia veuve, passa les trente dernières années de sa vie (1775-1807), et reçut les grands noms de la culture allemande, tels que Wieland, Goethe, Herder et Schiller.

Jacques Decour

 

Au même moment, Jacques Decour (1910-1942) - que Lancelot ne connaît pas – jeune professeur d'allemand au lycée Rollin, professe que le germanisme était un humanisme et fait partager son amour de Heine, Hölderlin, Nietzsche. Il fait lire Lessing, dont le ''Nathan le Sage'' condamnait par avance les persécutions hitlériennes, il rappelle le «Guillaume Tell» de Schiller, et que Goethe reste le champion de la diffusion des Lumières. Il travaille à faire connaître ''l'Homme sans qualités'', de l'Autrichien Musil. Résister au fascisme, pour lui, c'est faire lire les auteurs allemands condamnés par le IIIe Reich, parmi lesquels le juif Heine. C'est encore , par des tracts en allemand, rappeler aux forces d'occupation qu'en servant Hitler, elles trahissent Kant, Hegel, Bach, Beethoven ou Dürer, et c'est imprimer en allemand, à la une de ''la Pensée libre'', l'épitaphe de Goethe: '' Mehr Licht'' (''Plus de lumière'').

<-  Jacques Decour au Lycée Rollin

Jacques Delcour, est aussi communiste. Grand, le visage fin et la bouche moqueuse ; il est devenu en 1932, le plus jeune agrégé d'allemand de France. « Il ne faut pas oublier que c'est à toute la littérature allemande qu'Hitler a déclaré la guerre. » dit-il.

Il fait avec Georges Politzer et Jacques Solomon, ''la Pensée libre'' qui paraît au début de 1941.

Avec Paulhan - alors qu'il cède sa place à Drieu la Rochelle - Jacques Delcour, épaulé par Aragon, ont le projet des Lettres Françaises, c'est-à-dire du journal du Comité National des Écrivains (C.N.E) naissant.

 

Un mois après le retour à Paris de Drieu la Rochelle et ses collègues de ce voyage à Weimar, Jacques Decour les accuse dans "Une lettre ouverte à MM. Bonnard, Fernandez, Chardonne, etc., anciens écrivains français" : « Vous revenez d'Allemagne. Tandis qu'à Paris, la Gestapo emprisonnait cinq membres de l'Institut de France, vous alliez, "invité" par l'Institut allemand, prendre à Weimar et à Berlin les consignes de M. Goebbels (...) Honneur, fidélité, patrie: pourquoi faire sonner à vos oreilles des mots dont le sens vous échappe? (…) Vous avez choisi l’abdication, la trahison, le suicide. Nous, écrivains français libres, avons choisi la dignité, la fidélité, la lutte pour l’existence et la gloire de nos lettres françaises. ».

Jacques Decour sera arrêté et exécuté deux mois plus tard.

Le 17 février 1942, Decour ( il a 32 ans) est arrêté, avec ses camarades, par la police française. C'est cent seize militants communistes, qui seront arrêtés et transférés en tant que terroristes à la Gestapo, et dont le tiers va être fusillé comme otages au Mont Valérien.

Jacques Decour est fusillé le 30 mai 1942 à 14 h, une semaine après Georges Politzer et Jacques Solomon.

Dans sa dernière lettre à ses parents, il écrit: «  (…) Vous savez que je m’attendais depuis deux mois à ce qui m’arrive ce matin, aussi ai-je eu le temps de m’y préparer, mais comme je n’ai pas de religion, je n'ai pas sombré dans la méditation de la mort : je me considère un peu comme une feuille qui tombe de l’arbre pour faire du terreau. La qualité du terreau dépendra de celle des feuilles. Je veux parler de la jeunesse française, en qui je mets tout mon. Espoir... »

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1942 – Bertrand de Jouvenel

Publié le par Régis Vétillard

Dans les années vingt, Lancelot croisait chez les époux Luchaire, Jouvenel et bien d'autres auteurs. C'était un même soir, qu'il avait rencontré Elaine de L.

Je rappelle que Bertrand de Jouvenel (1903-1987) , avait eu – avant guerre - comme beaucoup, la tentation de ''l'homme nouveau''. Il s'était – avec Drieu la Rochelle – engagé au sein du PPF de Jacques Doriot, avec qui il rompt dès 1938.

En 1941, il publie Après la défaite, qui fait de la victoire allemande celle de l’esprit qu'anime précisément, pense t-il, cet ''homme nouveau''.

Jouvenel dénonce les intellectuels qui se veulent être de purs artistes à l'image de Cocteau ou Guéhenno, qui se disent ''antifascistes'' mais qui, ont abandonné leur qualité de « vrai français ». Jouvenel ressent un vrai sentiment d'humiliation, nous aurions perdu le sens de la discipline, de l'ordre, de l'organisation, de la rigueur, dont fait preuve l'occupant... D'un côté, l'effondrement de la France, de l'autre l'émergence victorieuse de l'Allemagne !

 

Dans ''Après la défaite'' Jouvenel ne s'en prend pas seulement aux élites françaises qu'ils considèrent plutôt comme médiocres ; mais regrette qu'ils ne soient pas menés par une pensée directrice, « une même philosophie de la nation. ». Il fait le procès d'une démocratie parlementaire et d'une politique à courte-vue ; qui avait mis « le pouvoir aux classes les plus ignorantes de la société. » ; il y regrette l'absence d'une aristocratie, qui voyage, cosmopolite, cultivée.

Bertrand de Jouvenel, souhaite articuler ses propositions en politique intérieure, par trois axes : la ''biopolitique'', la géopolitique et les « sciences neuves ».

Le premier axe, se centre sur une approche qualitative des questions de population, hygiéniste, aristocratique, souhaitant arracher les jeunes d'une certaine tiédeur familiale...

La géopolitique comprend que « l'histoire est écrite sur le sol. », un peu dans l'esprit de Richelieu.

Jouvenel reconnaît actuellement la supériorité de la nation germanique et sa maîtrise à façonner l'Europe à sa guise ; et il pense que Vichy lutte pied à pied contre l'occupant, et il s'oppose à une collaboration poussée avec l'Allemagne ( seulement pour atténuer les souffrances des français...); et reste anglophile.

 

Parmi les notes de Lancelot concernant Jouvenel ; il fait état d'échanges sur l'économie, un sujet qui le passionne. Si Lancelot peut comprendre ses conclusions à propos de la décomposition sociale de l'occident ; il commence à douter que la ''révolution nationale '' de Pétain puisse relever ce défi, en particulier en collaborant avec le nazisme. Jouvenel exprime d'autres doutes doutes; européen, pacifiste, il ne croit plus que la république, et même la démocratie puissent répondre aux enjeux de notre avenir... Parce que finalement, il y aura bien une issue...Pourra t-elle advenir sans les allemands ? Ne sont-ils pas les plus forts ?

Proces-Nuremberg-1er-octobre-1946

« Aux démocrates, je préfère les communistes. » ajoute Jouvenel. Il exprime par là que la morale démocratique n'est que mensonge ; la preuve en serait, dit-il que la plupart de ces ''démocrates'' ne sont pas ''libéraux''. La modernité nous a amené la guerre, les gaullistes nous ramèneraient la troisième république, et les américains sont trop loin...

 

La grande question du ''pouvoir'', est celle de la gestion des ressources ( humaines , matérielles, …). Pour commencer, il faudrait s'interroger sur ce pouvoir : ne peut-il être que le fruit d'une conquête ? Dans quel but ?

La nation a renversé le roi, et a pris sa place ; mais il reste que c'est une minorité qui se dit consciente et qui gouverne ( le parti...). La course au pouvoir, alimente la guerre. L'avènement de contre-pouvoirs s'imposent !

Jouvenel pour satisfaire son esprit rationnel, s'empare de statistiques économiques ; il tente d'en extraire une vérité. A l'observation de courbes, il se préoccupe des '' limites ''. « Il n'y a point de vérité qui n'ait des limites. »

 

Pour Jouvenel, très vite, les conséquences de l'armistice et de la collaboration s'avèrent désastreuses ; à un ami avec qui il prévoyait la création d'un hebdomadaire économique, il lui écrit que « Ce journal économique n'avait de raison d'être national que si les vainqueurs se montraient disposés à faciliter ou du moins à permettre la reprise de la vie économique chez le vaincu. Ils semblent au contraire s'appliquer à la paralyser. Comment veux-tu que nous expliquions les problèmes économiques en faisant abstraction des mesures allemandes qui les aggravent ? Ce ne serait plus "le Fait" mais "le demi Fait" [...]. Je ne crois pas que nous puissions, dans la conjoncture actuelle, faire œuvre utile, c'est à dire œuvre française. »

Lancelot, par Rivet, est au courant des activités de Jouvenel pour le compte du SR, en particulier autour de l'ambassade allemande à Paris, et d'Otto Abetz qu'il connaît de puis longtemps...

Jouvenel, dont la mère Claire Boas de Jouvenel est juive, voit pour la dernière fois Abetz, le 17 mai 1941, avant de se retirer en Corrèze un an plus tard, à Pebeyre, près de Tulle. Non loin, à Argentat, réside Emmanuel Berl.

Le 28 mai 1941, sont signés par Darlan et Abetz les ''Protocoles de Paris '' qui sont des accords pour une collaboration militaire avec l'Allemagne en mettant à disposition de l'armée allemande des bases de l'empire français... !

En réaction, le 5 juin 1941 ; Jouvenel prévoit un projet '' d'adresse '' à l'attention du maréchal Pétain, et recherche des écrivains signataires.

Fin de la lettre : « Vous, Monsieur le Maréchal, qui avez écrit une des pages les plus glorieuses de notre Histoire, vous savez mieux que personne que jamais la France n'a commencé une guerre dans un camp pour la finir dans le camp opposé, si fortes que puissent être les raisons.

Contre cette éventualité, quelques avantages immédiats qu'on puisse attendre, les intellectuels soussignés élèvent une solennelle protestation. Une telle politique serait le reniement de tout notre passé, un désastre moral pire que le désastre militaire. C'est dans l'honneur d'une nation que réside le principe de son relèvement. Vous êtes, Monsieur le Maréchal, le gardien de cet honneur. »

 

Maurice Goudeket (1889-1977), marié à Colette depuis avril 1935, chroniqueur et directeur littéraire à '' Match '', et juif : ne peut plus travailler. Il est arrêté par la Gestapo au domicile de Colette, au 9 rue de Beaujolais, le 12 décembre 1941 : Colette l’aide à faire sa valise : « Elle m’accompagna jusqu’au départ de l’escalier. Nous nous regardâmes. Nous étions l’un et l’autre souriants, nous échangeâmes un baiser rapide. - Ne t’inquiète pas, dis-je. Tout ira bien.  - Va, me dit-elle avec une tape amicale sur l’épaule ». 

A une amie, Colette écrira : «  Il est parti très calme vers je ne sais où, chargé du crime d’être juif, d’avoir fait l’ancienne guerre comme volontaire et d’être médaillé ».

Il est transféré avec 743 personnalités juives françaises, au Camp de Royallieu à Compiègne.

Colette tente tout ce qu'elle peut, elle fait intervenir : Sacha Guitry, Robert Brasillach, Paul Morand et même Suzanne Abetz, l’épouse française de l’ambassadeur d’Allemagne Otto Abetz, admiratrice de Colette.

Finalement, il sera libéré le 6 février 1942.

Je rappelle, qu'en 1925, Colette et Bertrand de Jouvenel, mettaient fin à leur liaison. Et, commençait celle de Colette avec Maurice Goudeket.

Le 3 octobre 1941, Colette publie Julie de Carneilhan, chez Fayard.

Elle dresse le portrait d'une femme, la comtesse Julie de Cameilhan, qui lui ressemble : une femme qui ne plie devant rien, peut-être même pas devant l'âge.

Avec le comte d’Espivant , Colette évoque en particulier son deuxième mari, Henry de Jouvenel ( père de Bertrand) , homme politique éminent, qui n'est pas vraiment à son avantage …

Ce livre fait l'objet, à sa parution, d'un feuilleton dans Gringoire journal d'extrême droite, pendant l'occupation.

Craignant une nouvelle arrestation, fin de juin 1942, Maurice Goudeket gagne la zone libre et se cache chez un ami, à Saint-Tropez. Le 27 juillet 1942 : Misz Hertz, juive et Polonaise, amie de Colette depuis 1914 - mariée avec Léopold Marchand, l'adaptateur au théâtre de Chéri et La Vagabonde - se suicide quelques jours avant la rafle du Vel'd'Hiv.

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1942 - ''L'Etranger'' d'Albert Camus

Publié le par Régis Vétillard

Le 20 décembre 1942, chez Drouant, le prix Goncourt est attribué à Marc Bernard pour son livre Pareils à des enfants publié chez Gallimard. 1 seule voix s'est portée sur Les décombres de Lucien Rebatet, un violent pamphlet antisémite, et fasciste, qui sera un ''best-seller'' pendant l'Occupation.

Albert Camus

Cette même année Albert Camus ( il a 29 ans) publie L’Etranger et Le Mythe de Sisyphe.

Premiers mots : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »

Le critique littéraire, André Rousseaux, écrit dans le Figaro, en juillet 1942 :

« Le moins qu’on puisse dire est que cette piètre humanité manque vraiment d’intérêt. Il faut ajouter que l’entreprise de M. Albert Camus manque complètement son but. L’auteur de '' L’Etranger '' croit certainement faire œuvre profondément réaliste en nous révélant les réalités qui se cachent au fond d’un être humain. Nous avons dit ce qu’il en est.

Il nous propose un homme mutilé de tout ce qui fait la valeur de l’homme, un homme aussi privé des capacités d’un beau criminel que de celles d’un héros. Il nous propose, à vrai dire, un phénomène d’inhumanité, ou, si l’on peut inventer ce mot, de déshumanité. C’est loin d’être un mérite particulier. Ce pourrait être une tendance inquiétante de la littérature actuelle, si cela marquait une subversion consentie de la valeur de l’homme sous la catastrophe qui accable l’humanité… » 

Lancelot apprécie dans ce livre l'expression d'une révolte empêchée contre le désordre établi qui règne aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'un appel à renoncer à l'action ; mais d'un tableau sur l'amour désespéré de la vie. Comment croire en la révolution ?

Le Mythe de Sisyphe relate l'état d'esprit d'un vaincu, prisonnier, '' désespérant de voir une aube se succéder à la nuit.'' ( H. Amer ); un peu comme si le sentiment d'absurde pouvait soulager. Mais, ensuite, nous dit Camus : les gens « croient que tout est fini quand on dit « c’est absurde ». En réalité ça ne fait que commencer. ».

 

D'Algérie, en mars 1940, Camus avait rejoint Pascal Pia ( directeur d' ''Alger Républicain'' ) à Paris, au sein de la rédaction de Paris-Soir. Camus, dans une petite chambre d'hôtel de Montmartre, finit un roman qu'il avait commencé en Algérie. Un roman ''différent'', qui veut montrer, plutôt que dire, exprimer des émotions, plutôt que des discours.

Avec l'équipe de Paris-Soir, il quitte Paris pour Bordeaux, puis Clermont-Ferrand, puis Lyon ( septembre 1940). Il se marie avec Francine Faure ; et retournent à Oran.

En janvier 1942, Camus écrit à Jean Paulhan qu'il ne veut pas que L’Étranger soit publié en feuilleton dans la revue de la NRF de Drieu La Rochelle, réputée de mèche avec les ''collabos''.

Le 19 mai 1942, est mis en vente L’Étranger. Tiré à 4 400 exemplaires

En août, malade de la tuberculose, Albert Camus et sa femme, s’installent dans la « maison-forte » du Panelier, à quatre kilomètres du Chambon-sur-Lignon, en Auvergne. C’est là que les accueille la belle-mère de la tante de Francine, Sarah Oettly, qui tient une pension de famille. Le 2 octobre Francine retourne à Alger. Le débarquement du 8 novembre empêchera Camus de rejoindre sa femme qu’il ne reverra qu’en octobre 1944.

Le 16 oct 1942, édité par Gallimard, sort en librairie Le Mythe de Sisyphe. Tiré à 2 750 exemplaires.

1er juin 1943, Camus arrivera à Paris. Il s’installera à l’hôtel Aviatic, 105 rue de Vaugirard. 

 

Dans ce mouvement d'idées appelé '' l'existentialisme'', Lancelot avait remarqué un jeune auteur, Jean-Paul Sartre, qui réussissait à faire jouer ses pièces, dans ce contexte de collaboration ; mystères de la censure ! Il avait pu lire ''La Nausée'', un roman ''scandaleux'' qui mêle littérature et philosophie. C'est l'histoire d'Antoine Roquentin qui découvre la contingence de l'existence, et lui procure un sentiment de nausée. La contingence – au fondement de la réalité – est que la nature, le monde, peut être ''ceci ou cela'' ; il n'y a aucun sens particulier.

 

Sartre salue le roman de Camus ; et va même le commenter...

« Qu’est-ce donc que l’absurde comme état de fait, comme donnée originelle ? Rien de moins que le rapport de l’homme au monde. L’absurdité première manifeste avant tout un divorce : le divorce entre les aspirations de l’homme vers l’unité et le dualisme insurmontable de l’esprit et de la nature, entre l’élan de l’homme vers l’éternel et le caractère fini de son existence, entre le « souci » qui est son essence même et la vanité de ses efforts. La mort, le pluralisme irréductible des vérités et des êtres, l’intelligibilité du réel, le hasard, voilà les pôles de l’absurde. »

(…) «  l’étranger, c’est l’homme en face du monde […]. L’étranger, c’est aussi l’homme parmi les hommes […] C’est enfin moi-même par rapport à moi-même, c’est-à-dire l’homme de la nature par rapport à l’esprit . » (J.P. Sartre, Explication de l’Étranger paru dans Les cahiers du Sud ) .

Mascolo, Duras et Antelme

Sartre est professeur de philosophie au lycée Condorcet en classe prépa. – sur le poste de Henri Dreyfus-Le Foyer, suspendu en même temps que cinq autres enseignants, en application du nouveau « Statut des Juifs » - entre 1941 et 1944. Sartre écrit aussi beaucoup, de préférence au café de Flore. En hiver, Beauvoir arrive très tôt le matin et s’installe à côté du poêle. Le premier roman de Beauvoir, L’Invitée, paraîtra en 1943.

Marguerite Duras, mariée avec Robert Antelme, est locataire du 3e étage sur la rue du 5 rue Saint-Benoit, à partir de 1942, son appartement va servir de lieu de réunion et de quartier général à un petit noyau de résistance. Deux étages en dessous de chez Duras habite Ramon Fernandez, collaborateur notoire qui reçoit entre autres Gerhard Heller et Drieu la Rochelle.

 

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