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Albert Camus – Simone Weil

Publié le par Régis Vétillard

L'année 1962 avait commencé avec des plasticages de l'OAS. Le 8 février une manifestation contre l'OAS était durement réprimée, huit personnes perdaient la vie.

En mars, après la signature des accords d'Evian qui accordaient l'indépendance à l'Algérie ; c'est l'armée française qui tirait sur une manifestation de pieds-noirs à Alger et tuait une cinquantaine de personnes. Les attentats et massacres ne cessent pas.

 

Le 4 janvier 1960, Albert Camus, à 47ans, disparaissait dans un accident de voiture. Lancelot regrette de ne pas l'avoir plus approché. Sa réflexion, à l'aube de cette nouvelle décennie nous manque.

Déjà, Camus, soulevait la question et le paradoxe de la violence terroriste. Ils se retrouvent dans la maxime du militant révolutionnaire qui serait : « sauver l’humanité en tuant quelques êtres humains », ''sauver'', alors que le résultat certain et concret est le massacre d'innocents.

Plus généralement la question concerne l'emploi de la violence pour atteindre un but politique. Sachant peut-être que pour un révolutionnaire ( ou un fasciste), il s'agit avant tout, de créer un climat d'insécurité... Le terroriste qui se pose en représentant du peuple, affirme qu'il est désintéressé, prêt au sacrifice de sa propre vie.

Quel pourrait être le contenu d'une politique, qui se fondrait sur l'exercice de la terreur ?

La torture, réhabilitée par l'actualité, interroge l'Etat lui-même..

Pour Camus, l'état se discrédite si lui-même utilise la torture, la répression aveugle, et donne raison à ceux qu'il combat, il appelle cela ''la solidarité du sang'' : « La face affreuse de cette solidarité apparaît dans la dialectique infernale qui veut que ce qui tue les uns tue les autres aussi, chacun rejetant la faute sur l’autre, et justifiant ses violences par la violence de l’adversaire. » (Camus, Chroniques Algériennes 1939-1958 )

« Le terrorisme détruit la politique au nom de la politique. »

 

Comment peut-on justifier sa conduite quand on ne croit ni en Dieu, ni au pouvoir de la raison ?

Après l'Absurde avec L'Etranger, et l'essai Le Mythe de Sisyphe de 1942 ; puis la Révolte avec  L'Homme révolté , Camus veut comprendre ce qui pousse des hommes à braver l’interdit du meurtre au nom de la justice. Avec la pièce Les Justes, et dans cet extrait (acte II), Camus illustre deux conceptions :

Stepan : L’Organisation t’avait commandé de tuer le grand-duc.

Kaliayev : C’est vrai. Mais elle ne m’avait pas demandé d’assassiner des enfants. […]

Dora [s’adressant à Stepan] : Ouvre les yeux et comprends que l’Organisation perdrait ses pouvoirs et son influence si elle tolérait, un seul moment, que des enfants fussent broyés par nos bombes.

Stepan : Je n’ai pas assez de cœur pour ces niaiseries. Quand nous nous déciderons à oublier les enfants, nous serons les maîtres du monde et la révolution triomphera.

Dora : Ce jour-là la révolution sera haïe de l’humanité entière.

(...)

Kaliayev : « J’ai choisi de mourir pour que le meurtre ne triomphe pas. J’ai choisi d’être innocent ». (Camus, Les Justes (acte II)

Camus refuse le nihilisme. La vie, l'amour lui donnent « l'orgueil de sa condition d'homme. » (Noces suivi de L’Été )

 

Pourtant, Lancelot ne peut se satisfaire de ces raisons de vivre que Camus a exprimé dans ses livres.

Et c'est précisément, grâce à la collection Espoir que Camus porte chez Gallimard, que Lancelot est rappelé à l'enseignement et surtout au témoignage de Simone Weil.

Je rappelle que Lancelot par l'intermédiaire d'Auguste Detoeuf ( Alsthom) a rencontré cette jeune fille à l'étrange dégaine, qui faisait parler ceux qui fréquentaient l'ENS. Elle enseignait la philosophie à Bourges, et revenait alors à Paris, dont les usines étaient occupées, nous étions en 1936 ; et elle parlait de son expérience comme ouvrière. A ses yeux, Lancelot était alors un acteur du ministère Daladier de la défense, au sein du gouvernement Blum. Simone Weil, parlait d'aller en Espagne, s'engager auprès des républicains.

Ils avaient pris le temps de parler du « génie de la civilisation d'Oc », qui a su mêler « la chevalerie venue du Nord et les idées arabes, et qui ressemble à une petite réplique de la Grèce Antique ». Ils avaient échanger sur ''le Graal'' ; il parlait de ''La Coupe'', où elle préférait voir une Pierre, comme chez Parsifal. Elle relevait également, que la Question salvatrice, se rapportait à la découverte de l'attention à l'autre ( Quel est ton tourment ?). Elle l'avait prévenu : «  La quête du Graal, peut être un détournement, ou un dévoiement, de l’attention. Vouloir trouver le Graal, c’est privilégier la volonté au détriment de l’attention. », comme l'évoque le personnage de Gauvain...

En juin 1940, à Vichy Lancelot croisait Simone Weil, qui fuyait Paris avec ses parents.

 

Enfin, en 1942, Lancelot avait échangé avec Gustave Thibon leurs impressions sur cet « être supérieur'' comme il disait.

Bien plus tard, après la guerre, Lancelot apprit par Maurice Maillard, que Simone Weil était morte à Londres le 24 août 1943, à l'âge de 34 ans.

Simone Weil

Dès 1947, Gustave Thibon avait publié un recueil de pensées de Simone Weil, composé de divers passages tirés de ses carnets personnels écrits à Marseille entre oct. 1940 et avril 1942 et organisés par thèmes : La Pesanteur et la Grâce.

Ensuite, c'est Albert Camus, qui recevait un manuscrit présenté par Brice Parain, un philosophe proche d'André Weil, le frère mathématicien de Simone ; également ami du père Dubarle, dominicain que connaît bien Lancelot. Il propose le titre '' L'Enracinement'' à ce '' Prélude à une

déclaration des devoirs envers l’être humain'' qui sera publié en 1949, chez Gallimard.

Dans le cadre d'un travail d'une commission de réforme de l'Etat, où elle a été affectée en novembre 1942 à Londres, comme rédactrice ; elle écrit ce texte, qui deviendra son testament intellectuel, avec pour thèmes : l'oppression sociale, le travail physique (ouvrier et paysan), la religion, la beauté, le régionalisme, la science, la guerre, l'impérialisme, le colonialisme, le totalitarisme, etc...

Plutôt que ''devoirs'' Simone Weil eut préféré ''aspirations'' : elle parle d' « aspirations essentielles du peuple, éternellement inscrites au fond des âmes »

Elle réfléchit à ce qui '' entrave l’aspiration des êtres humains à la beauté, à la vérité et à la justice''

pour dessiner, ensuite, les contours d’une organisation sociale qui respecterait les hommes, respecterait les corps et, par-dessus tout, respecterait les âmes ; et satisfaire ce qui est « peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » : le besoin d’enracinement .

Dès le début de l'ouvrage, elle affirme : « la notion d’obligation prime celle de droit, qui lui est subordonnée et relative ».

14 janvier 1963 - le général dit non à l’Angleterre pour le Marché Commun

Finalement, sous la pression de la France, les six pays de la CEE ajournent les négociations sur l’adhésion du Royaume-Uni. Le rapport de Lancelot sur les possibilités d'un échange scientifique et nucléaire entre nos deux nations, est ignoré.

 

En 1963, Lancelot décide de se retirer d'une agitation politique et administrative qui n'échappe pas aux enjeux de pouvoirs, et dirigée principalement vers la satisfaction des attentes du consommateur toujours plus avide... Il s'agit sans-doute de l'émergence d'un nouveau monde, mais Lancelot se demande si nous prenons le temps de la réflexion. Quelle est la vision de l'avenir de cette nouvelle société, quel est son désir et pour quel futur ?

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1957- Camus – l'Algérie

Publié le par Régis Vétillard

Le contingent pour l'Algérie

L'actualité de 1957, pour un métropolitain comme Lancelot, porte son attention, le plus souvent, de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, un prolongement de la France que connaît bien peu de français. De jour en jour, Lancelot observe que les français comprennent qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de maintien de l'ordre public. De plus, l'envoi d'appelés du contingent en Algérie ne transforme t-il pas ces ''événements'' en ''guerre'' ?

Enfin, le 8 janvier 1957, 8000 paras investissent Alger pour ''rétablir l'ordre'' ; le gouvernement français Guy Mollet ( SFIO) vient de confier au général Jacques Massu les pleins pouvoirs de police.

 

En ce mois d'Octobre 1957, alors que l'on pressentait Malraux ( ou Boris Pasternak, ou Saint-John Perse ou Samuel Beckett...  ) accéder au Nobel ; c'est un homme de 44ans, Albert Camus (1913-1960), qui reçoit le prix le plus prestigieux des prix littéraires.

Camus est né et a vécu en Algérie dans un quartier populaire, sa mère est illettrée ; il s'est engagé jeune (1935) au Parti communiste. Avant la guerre, il dénonce le sort réservé aux musulmans. Il réfléchit à la notion de ''fédéralisme'' des cultures qu'il oppose au ''nationalisme'' d'un pays.

Il constatait dans le journal ''Alger républicain'' du 6 octobre 1938 « (...) nous comptons lutter contre le conservatisme social qui entend maintenir nos amis indigènes sur un plan d’infériorité ». En juin 1939, déjà, il publiait un reportage « Misère de la Kabylie », et en mai 1945, il écrivait une série d’articles, sous le nom de « Crise en Algérie ».

Albert Camus - 17 octobre 1957

En 1955, dans l'Express, au regard des ''événements'', il précise sa pensée : « Il faut choisir son camp”, crient les repus de la haine. Ah ! je l’ai choisi ! J’ai choisi mon pays, j’ai choisi l’Algérie de la justice, où Français et Arabes s’associeront librement ! »

 

Ensuite, Camus semble ne plus choisir, les intellectuels dénoncent son silence.

Puis, à l'occasion de la remise de son Nobel, Lancelot lit le compte-rendu dans le Monde (14 dec 1957) d'un exposé d'Albert Camus fait aux étudiants suédois sur son attitude devant le problème algérien. 

Une phrase lui est alors attribuée et choque beaucoup d'entre nous : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère »...

Camus choisirait sa famille, c'est à dire sa communauté, celle des français d'Algérie plutôt que la justice, c'est à dire la lutte contre le colonialisme...

Pourtant, il ne s'agissait pas de cela : plus tard, le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l'échange, rapportera une version différente, et reconnue par d'autres témoins :
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément.. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »

Camus dénonce le terrorisme.

Voici un extrait du discours du banquet Nobel, qui exprime l'état d'esprit d'Albert Camus, en cette fin d'année 1957 :« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui nous détruire mais ne savent plus convaincre… »

 

Le 1er janvier 1958, entre en vigueur, le Traité de Rome signé, le 25 mars 1957, par six pays : la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne de l'Ouest. Il instaure la Communauté Economique Européenne (CEE). Après l'échec de la CED ( sur la Défense, donc) , se met en place une coopération économique.

Ce 1er jour d'an est également diffusé, sur la seule chaîne de télévision de RTF, le premier épisode des ''Cinq dernières minutes'', une série d'émissions policières de Claude Loursais, avec Raymond Souplex dans le rôle de l’inspecteur Bourrel. En radio, France IV, laisse la place à France / Paris-Inter.

On dit la France en plein essor : le PIB, la natalité, les ''vedettes'' du cinéma avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau, Lino Ventura et Gérard Philippe

Lancelot tient beaucoup à sa Traction Avant de Citroën, seule la future DS pourrait lui donner envie de changer de voiture.

La SNCF est aimée des français ; l'image des cheminots est bonne ( célébrée avec un film la Bataille du Rail (1946) ), on annonce de nouveaux records de vitesse, et le slogan « Une gare dans chaque commune » permet d'envisager d'échapper aux embouteillages ( Nous avons très peu d'autoroutes). Lancelot admire la Caravelle, un biréacteur qui peut atteindre 770km/h. qui va effectuer son premier vol vers New-York.

Le point noir reste le téléphone : '' la moitié de la France attend le téléphone, tandis que l'autre attend la tonalité. '' : bien trop souvent, il faut encore passer par l'intermédiaire d'une opératrice. ; on s'amuse d'entendre Fernand Raynaud, avec le ''22 à Asnières''. Les gens veulent le téléphone chez eux ; mais les listes d'attente s'allongent d'année en année.

A la surprise du monde, le 4 octobre 1957, l’URSS met en orbite Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de l’Histoire. Nous en reparlerons. Nous déplorons, en France, en 1957, seulement 9500 nouveaux bacheliers scientifiques; 30.000 seraient nécessaires.

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1952 - Credo quia absurdum

Publié le par Régis Vétillard

Dans son groupe ''Esprit'' Lancelot porte le débat sur le pouvoir de l'idéologie, au point d'amener le condamné d'un procès stalinien à consentir à faire des ''aveux''. Certes ces aveux, sont à priori obtenus - comme le dénonce Koestler - '' par des semaines de tortures physiques et morales."... Mais certain n'excluent pas l'idée que le condamné n'abandonnant pas sa foi communiste, se sacrifierait, au profit de la vérité du parti omniscient, outil essentiel à la victoire contre le capitalisme...

Bien-sûr, Geneviève et Dominique Desanti ne veulent pas croire, les accusations de torture ; pour elles, le traître avoue devant un réquisitoire objectif, et pour soulager sa conscience.

 

Un peu plus tard, c'est Edgar Morin, qui revient sur le paradoxe de l'autocritique, outil disciplinaire chez les communistes.

Un bon communiste, d'autant plus s'il est cadre, « s’incline lorsque le Parti exige son autocritique. ».

Edgar Morin, explique, ce qu'il appelle son credo '' quia absurdum ''communiste, par cette formule : « on a raison, d’avoir tort avec le parti ; et on a tort, d’avoir raison contre le parti. ».

Tertullien (IIe s.), à qui on doit cette formule : « Credo quia absurdum » ( “Je crois parce que c’est absurde” ) voulait signifier que la foi n'était pas de l'ordre de la preuve et qu'il fallait bien le ''croire'' puisque ce n'était pas raisonnable ( ou absurde).

Pour ce qui est de la Foi religieuse, Lancelot répond que cette formule lui paraît paradoxale et inopérante, car elle dissocie foi et raison ; alors qu'elles sont intimement liées dans la théologie chrétienne.

Albert Camus aurait repris le ''credo quia absurdum'' ; en y reconnaissant le désir humain de donner un sens à ce qui est absurde... Alors « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » (…) « Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose. De même, l’homme absurde, quand il contemple son tourment, fait taire toutes les idoles. » ( Camus, '' Le mythe de Sisyphe '' 1942)

Sartre dans Libération 15 juillet 1954

 

Peut-être, des intellectuels communistes, ont pu ainsi adopter une attitude de foi aveugle envers le Parti et l’URSS, même face aux absurdités et aux horreurs du régime.

 

Plus généralement, Pour Camus, qui est athée, l’absurde, c’est la confrontation entre le désir humain d’ordre et de cohérence et le caractère irrationnel du monde. Pour Sartre, l’absurde, c’est avant tout la « contingence » de l’être-en-soi, l’injustifiabilité des objets du monde. La condition humaine apparaît également comme absurde dans la mesure où l’homme ne peut devenir le fondement objectif de sa propre existence, ne peut être à la fois « en-soi » et « pour-soi ».

Comment expliquer cette erreur de ''sens'' ?

 

Geneviève répond : « Toi, tu es chrétien, tu ne ressens pas l'absurdité du monde ; ta foi consiste aussi à te persuader d'un sens à l’aventure humaine ; alors que devant tes yeux, le capitalisme écrase la majorité de l'humanité, au profit d'une minorité capitaliste. »

 

C'est vrai, l'anti-communisme n'est pas une position évidente ; il ne s'agit pas de nier l'exploitation de l'homme par l'homme ; mais de s'opposer à un totalitarisme. Il est difficile de s'opposer au parti des ''100.000 fusillés'' et à une grande partie des intellectuels qui vénère le marxisme, comme étant la « philosophie indépassable » ( Sartre).

En 1950, Emmanuel Mounier - lui-même - avait craint que l'anti-communisme soit une « force de guerre, une reprise du fascisme.. » ( Esprit, février 1950). Jean-Paul Sartre le condamne fermement :  « Un anticommuniste est un chien, je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais. (J.-P. Sartre, Situations IV )

1952

Et, d’autres intellectuels, comme Raymond Aron, Jean-François Revel ou Claude Lefort, vont reprocher à Sartre son aveuglement face aux crimes du stalinisme et son mépris pour les libertés individuelles.

Egalement, Camus dénonce, chez Sartre, la justification de la violence révolutionnaire, et l'accuse de sacrifier les valeurs humanistes au nom d’un idéal abstrait.

Mauriac, dans Le Figaro le 26 novembre 1952, exprime sa stupeur et son horreur face au procès Slánský, qu’il a qualifié de « sinistre farce » et de « spectacle abominable ».

 

A l'opposé de l'engagement de Geneviève, Lancelot rejette l'idée qu'un ''socialisme d'état '' - comme celui de l'URSS - puisse être une garantie de paix.

Même si la guerre de Corée alimentée par ce contexte de guerre froide fait craindre une troisième guerre mondiale ; ce Mouvement de la Paix, Lancelot en est convaincu, n'est qu'un élément de la stratégie de politique extérieure soviétique.

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1946 - L'existentialisme – Baden – D. Desanti.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot et Geneviève trouvaient un intérêt commun à la philosophie abordée par Jean-Paul Sartre ; même si une personnalité comme Camus semblait mieux convenir à Lancelot, alors que Geneviève reprenait volontiers quelques critiques communistes à propos de Sartre. Bien-sûr Lancelot conteste que l'absurde puisse faire partie de la condition humaine ; mais le doute - partie prenante de la foi – ne cesse de le renvoyer à cette tentation ; dans cette hypothèse les questions posées par Sartre, nous permettent de rester lucide. Pour Camus, c'est « la révolte qui joue le même rôle que le ''cogito'' dans l'ordre de la pensée. ». Camus propose la figure du révolté de Dostoïevski qui voudrait s'émanciper de toute divinité ; Nietzsche annonce lui, la conscience du nihilisme ; et pour Camus, la conjonction de Nietzsche et de Marx donne en Russie, le totalitarisme !

Albert Camus 1946 au journal Combat

Geneviève demande à Lancelot ce qu'il en est, pour Camus, du Parti communiste ?

- Selon Camus, et je partage son opinion, Staline - le révolutionnaire - n'est plus '' l'homme révolté '' ( si, il l'a été...), il est devenu « le policier, le fonctionnaire qui se tourne contre la révolte. (…) tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique. » ( Camus).

 

Aux élections du 21 octobre 1945 le Parti Communiste est la première force politique et obtient 26,2 % des suffrages exprimés (contre 14,76 % en 1936), il dépasse la SFIO. Son image repose sur celle d'être le « parti des 75 000 fusillés ».

Le PCF bénéficie, de ses forts liens avec les autres partis qui, en Italie, en Yougoslavie et en Grèce, ont contribué à la défaite du nazisme et surtout, du rôle joué par l’URSS et l’Armée rouge avec le fort impact de la bataille de Stalingrad.

 

Geneviève reprend la crainte communiste que l'existentialisme ne soit qu'une manifestation d'un idéalisme bourgeois; en effet, ne s'inscrit-il pas dans une ligne métaphysique ; et les questions posées ne sont-elles pas qu'individuelles, abstraites et théoriques ?

Lancelot ne comprend pas cette réserve ''idéologique'':

- Nous ne cessons de vouloir nous baser sur la vérité ! Ce que les communistes refusent, c'est que l'homme est d'abord, un homme libre. « Nous voulons la liberté pour la liberté et à travers chaque circonstance particulière. » ( Sartre). Et Roger Garaudy de répondre à Sartre : pour vous, « Être libre, c’est refuser. La liberté est une négation : c’est le point de vue de ceux qui appartiennent au passé. »

L'esprit très rationnel ( et scientiste...) de Geneviève, est entièrement séduit par la dialectique marxiste. Il me semble qu'après cette période trouble de l'occupation, pendant laquelle seule la force semblait justifier la bonne attitude ( selon l'autorité civile) ; le marxisme offre un socle idéologique qui sécurise la raison, justifie des choix de vie non individualistes, pour une société juste dont on comprend tous les rouages. Geneviève souhaiterait-elle, également, tordre le coup à une suspicion douloureuse de sympathie envers le diable ; le parti communiste lui-même n'est-il pas fréquemment tourmenté par le pacte germano-soviétique de 1939 ?

Elaine va passer sa première année aux côtés de sa maman à Paris, avec l'aide d'une gouvernante Madeleine, qui va beaucoup s'attacher à elle. A partir du printemps 46, Elaine et sa gouvernante passent une très grande partie de leur temps à Fléchigné, en compagnie d'Anne-Laure. Notre ''bonne'' Louise nous a subitement quittés pour être hospitalisée, et y mourir rapidement. C'est ainsi, d'ailleurs, que Madeleine va devenir, de gouvernante d'Elaine, la gouvernante de Fléchigné.

 

En février 1946, Lancelot retourne à Baden Baden, pour un court séjour qu'il effectue avec Geneviève. C'est l’opportunité d'y rencontrer un jeune homme, Edgar Morin (1921-), afin de rapporter au ministère un état de la dénazification de l'opinion publique allemande.

Alfred Döblin (1947)

En 1946, E Morin est nommé Chef du bureau ''Propagande '' à la Direction de l'information au Gouvernement militaire français en Allemagne, il publie son premier livre ''L'An zéro de l'Allemagne'', dans lequel il pose la question de savoir comment le pays le plus cultivé d’Europe a pu produire cette monstruosité qu’est le nazisme.

Sur place également, Alfred Döblin (1878-1957), officier culturel français à Baden-Baden, juif allemand exilé en France depuis 1933, puis ayant acquis la nationalité française, et présent à titre d'occupant. Ce médecin psychiatre classé très à gauche est connu pour son roman ''Berlin Alexanderplatz''. Il a en charge le Bureau des Lettres au Service de l'Éducation Publique du Gouvernement Militaire ; et prépare un projet d’académie de littérature et des arts, à Mayence.

 

L'administration doit reconstituer une presse locale. Lancelot s'engage à défendre certains projets, et permettre quelques largesses dans la répartition du papier, et pour quelques subventions de la part des autorités militaires. C'est parmi d'autres, que voit le jour une publication appelée : '' Lancelot : der Bote aus Frankreich'' - créée et dirigée par Jacqueline Grappin-Prévost, la revue s'est donné pour but de faire connaître aux Allemands, par la traduction d’articles parus dans des revues françaises, la culture française contemporaine dont les avait tenus éloignés douze années de dictature et de guerre.

La revue '' Lancelot '' a profité de deux patronages: celui du gouverneur militaire de la zone, le général Pierre Koenig, et à Paris, de celui de Louis Aragon.

Trois vers tirés de son Cantique à Elsa servent de devise à tous les numéros de la revue :

« La terre accouchera d’un soleil sans bataille
Il faut que la guerre s’en aille.
Mais seulement que l’homme en sorte triomphant. 
»

Aragon explique le sens du titre : « …Lancelot-du-Lac est l’image la plus pure de la chevalerie de la France, de cet esprit de générosité qui s’oppose à la morale des maîtres, à la loi des seigneurs de la tradition germanique, codifiée par les nazis. Lancelot, c’est celui que n’arrêtent ni le qu’en dira-t-on, ni la règle établie, imposée. C’est celui qui met sa fidélité plus haut que son orgueil. Celui qui, par obéissance à sa dame (comme hier les vrais Français à leur patrie) n’hésita point à monter dans la charrette des condamnés, parmi les voleurs et les assassins, et calmement traversa la ville sous les crachats et les huées. Lancelot le chevalier à la charrette, jamais humilié des refus qui lui viennent de l’objet de son amour, mais l’inlassable champion de cet amour. Lancelot le contraire de Machiavel, Lancelot qui a rompu tant de lances pour les faibles et les asservis, qu’on l’imagine arrivant aux portes de Buchenwald ou de Dachau » (Cité d’après V. Wackenheim '' création de Lancelot) )

Dominique Desanti 1949

 

Enfin, c'est à Baden, au centre de presse, que Geneviève rencontre Dominique Desanti (1919-2011), une jeune femme d'origine polonaise mariée à un philosophe, qui travaille pour le journal communiste ''Action''. Geneviève sera emballée par le couple Desanti, et les retrouvera à Paris, dès que possible. Les Desanti souhaitent rencontrer le philosophe Heidegger, chez lui et Lancelot leur facilite la démarche.

 

Lors de la démission du général de Gaulle (20 janv 46), Lancelot comprend avec les responsables de son ministère que son retour sera cautionné par une nouvelle constitution qui lui convienne. La crainte d'une prise de pouvoir par les communistes reste vive ; mais à la différence de la Yougoslavie, en France, nous n'avons pas l'armée rouge mais des troupes américaines. Le PCF avec à sa tête Maurice Thorez revendique la présidence du Conseil.

Un projet de constitution est rejeté par le suffrage universel ( mai 46). Une nouvelle Assemblée Nationale est élue en juin, et De Gaulle définit, dans son coin, les grandes lignes d'un projet de constitution, marqué par un pouvoir exécutif qui procéderait directement du chef de l'état.

Selon Léon Blum : il en est du principe républicain d'avoir une Assemblée directement issue du suffrage universel ; et c'est elle, qui doit avoir le premier et le dernier mot.

Sous le gouvernement Bidault, le Référendum ( Oct 46) adopte la nouvelle constitution, celle de la IVe république. Le président du Conseil est investi par l’Assemblée nationale et responsable devant elle.

Les élections législatives du 10 novembre 1946 font du PC le premier parti politique de France avec 28,8 % des suffrages exprimés et la plus forte représentation à l’Assemblée nationale.

Une certaine désillusion politique, s'ajoute aux difficultés de la vie quotidienne : il est toujours difficile de se chauffer, se ravitailler. Selon votre classe sociale, vous vivez plus ou moins difficilement cette période d'après-guerre, Les grands rêves des jours d'après, seraient-ils déjà abandonnés ?

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6 août 1945 – La Bombe atomique

Publié le par Régis Vétillard

Depuis 1939, les découvreurs de la fission nucléaire sont en lice, pour le Nobel. Ainsi, le Nobel de chimie ( 1944) est décerné à Otto Hahn ( mais sans Lise Meitner...!) en novembre 1945. En effet, Otto Hahn identifie que sous l'action des neutrons, le noyau de l'uranium est capable de se scinder en plusieurs fragments, et Lise Meitner comprend et explique le processus physique en jeu, et notamment l’origine de l’énergie libérée lors d’une fission.

Ce prix Nobel venait d'être illustré quelques semaines précédemment par une nouvelle qui frappent de stupeur Anne-Laure de Sallembier, Lancelot et Geneviève. Cette bombe atomique a pris réalité ce 6 août 1945 à Hiroshima ; elle a rasé à 70% cette ville de 310.000 habitants.

Parmi les premières réactions, nous remarquons, la considération portée à '' la bombe '' comme une application scientifique majeure...

Dans un article de France-Soir du 10 août, le scientifique Louis de Broglie ( prix Nobel) écrit : «  Pour la première fois, l'homme a su utiliser au gré de sa volonté une part des énormes réserves d'énergie qui sommeillent au cœur des atomes. ( … ) Une grande étape se trouve ainsi franchie et rien n'empêche d'envisager que, dans un avenir plus ou moins prochain, les hommes ne puissent se servir à leur guise des immenses quantités d'énergie que la matière recèle. Les durs temps que nous vivons font que la première application de cette puissance nouvelle sert à l'augmentation des moyens de destruction, mais on peut espérer qu'une fois maître des énergies intra-atomiques l'homme saura en faire des applications plus bienfaisantes. ( … )

Tout nous fait présager qu'une ère nouvelle va s'ouvrir : l'ère de l'utilisation des énergies atomiques. »

 

Le 18 décembre 1945, Frédéric Joliot-Curie, devenu le nouveau directeur du CNRS et bientôt Haut-Commissaire au Commissariat à l’énergie atomique, exprime devant l’Académie nationale de Médecine, sa foi en la science, malgré l’horreur :

« Hélas ! C’est par le fracas de l’explosion de Hiroshima que cette nouvelle conquête de la science nous fut révélée. En dépit de cette apparition terrifiante, je suis convaincu que cette conquête apportera aux hommes plus de bien que de mal.»

Et, le journal Le Monde, rajoute, le 20 décembre 1945 :« Que le monde fasse confiance aux physiciens, l’ère atomique commence seulement. »

Dans '' France-Soir'' du 4 novembre 45, Albert Einstein s'inquiète du ''pouvoir destructeur de la guerre" ; il considère la bombe atomique comme un danger pour l’humanité, aussi Einstein fait une proposition révolutionnaire: « Je ne crois pas que le secret de la bombe doive être donné à l'Organisation des Nations Unies. Je ne crois pas qu'il doive être donné à l'Union soviétique. (…) Le secret de la bombe doit être confié à un '' gouvernement du monde''(…). Un tel gouvernement doit être fondé par les Etats-Unis, l'Union soviétique et la Grande-Bretagne, les seules trois grandes puissances disposant d'une grande force militaire. ».

Einstein ne pense pas que l'ONU puisse être efficace. De plus, il ajoute que : « on doit en finir avec ce concept de non-intervention » , ce doit même, être « une des conditions de la sauvegarde de la paix ».

« Dois-je craindre la tyrannie d'un gouvernement du monde? Évidemment. Mais je crains encore davantage l'éclatement d'une ou de plusieurs nouvelles guerres », écrit-il dans France-Soir.

Albert Camus, dans son éditorial du 08 août 1945, réagit dans Combat : « le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »

 

L'opération Epsilon, que Lancelot a suivi pour le gouvernement français, s'est conclue en Angleterre, dans un manoir de la campagne anglaise, Farm Hall, lieu de séjour des 10 physiciens nucléaires allemands soupçonnés d’être impliqués dans un programme d’armes atomiques nazi – dont Werner Heisenberg, Max von Laue, Otto Hahn et Carl Friedrich von Weizsäcker. Les conversations des ''invités'' ont été secrètement enregistrées. Le 6 août 1945, ils ont du mal à accepter la nouvelle. Otto Hahn culpabilise, Heisenberg n'imaginait pas que les américains puissent être si avancés; il s'enferme dans sa chambre, comment ont-ils fait ?

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1942 - ''L'Etranger'' d'Albert Camus

Publié le par Régis Vétillard

Le 20 décembre 1942, chez Drouant, le prix Goncourt est attribué à Marc Bernard pour son livre Pareils à des enfants publié chez Gallimard. 1 seule voix s'est portée sur Les décombres de Lucien Rebatet, un violent pamphlet antisémite, et fasciste, qui sera un ''best-seller'' pendant l'Occupation.

Albert Camus

Cette même année Albert Camus ( il a 29 ans) publie L’Etranger et Le Mythe de Sisyphe.

Premiers mots : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »

Le critique littéraire, André Rousseaux, écrit dans le Figaro, en juillet 1942 :

« Le moins qu’on puisse dire est que cette piètre humanité manque vraiment d’intérêt. Il faut ajouter que l’entreprise de M. Albert Camus manque complètement son but. L’auteur de '' L’Etranger '' croit certainement faire œuvre profondément réaliste en nous révélant les réalités qui se cachent au fond d’un être humain. Nous avons dit ce qu’il en est.

Il nous propose un homme mutilé de tout ce qui fait la valeur de l’homme, un homme aussi privé des capacités d’un beau criminel que de celles d’un héros. Il nous propose, à vrai dire, un phénomène d’inhumanité, ou, si l’on peut inventer ce mot, de déshumanité. C’est loin d’être un mérite particulier. Ce pourrait être une tendance inquiétante de la littérature actuelle, si cela marquait une subversion consentie de la valeur de l’homme sous la catastrophe qui accable l’humanité… » 

Lancelot apprécie dans ce livre l'expression d'une révolte empêchée contre le désordre établi qui règne aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'un appel à renoncer à l'action ; mais d'un tableau sur l'amour désespéré de la vie. Comment croire en la révolution ?

Le Mythe de Sisyphe relate l'état d'esprit d'un vaincu, prisonnier, '' désespérant de voir une aube se succéder à la nuit.'' ( H. Amer ); un peu comme si le sentiment d'absurde pouvait soulager. Mais, ensuite, nous dit Camus : les gens « croient que tout est fini quand on dit « c’est absurde ». En réalité ça ne fait que commencer. ».

 

D'Algérie, en mars 1940, Camus avait rejoint Pascal Pia ( directeur d' ''Alger Républicain'' ) à Paris, au sein de la rédaction de Paris-Soir. Camus, dans une petite chambre d'hôtel de Montmartre, finit un roman qu'il avait commencé en Algérie. Un roman ''différent'', qui veut montrer, plutôt que dire, exprimer des émotions, plutôt que des discours.

Avec l'équipe de Paris-Soir, il quitte Paris pour Bordeaux, puis Clermont-Ferrand, puis Lyon ( septembre 1940). Il se marie avec Francine Faure ; et retournent à Oran.

En janvier 1942, Camus écrit à Jean Paulhan qu'il ne veut pas que L’Étranger soit publié en feuilleton dans la revue de la NRF de Drieu La Rochelle, réputée de mèche avec les ''collabos''.

Le 19 mai 1942, est mis en vente L’Étranger. Tiré à 4 400 exemplaires

En août, malade de la tuberculose, Albert Camus et sa femme, s’installent dans la « maison-forte » du Panelier, à quatre kilomètres du Chambon-sur-Lignon, en Auvergne. C’est là que les accueille la belle-mère de la tante de Francine, Sarah Oettly, qui tient une pension de famille. Le 2 octobre Francine retourne à Alger. Le débarquement du 8 novembre empêchera Camus de rejoindre sa femme qu’il ne reverra qu’en octobre 1944.

Le 16 oct 1942, édité par Gallimard, sort en librairie Le Mythe de Sisyphe. Tiré à 2 750 exemplaires.

1er juin 1943, Camus arrivera à Paris. Il s’installera à l’hôtel Aviatic, 105 rue de Vaugirard. 

 

Dans ce mouvement d'idées appelé '' l'existentialisme'', Lancelot avait remarqué un jeune auteur, Jean-Paul Sartre, qui réussissait à faire jouer ses pièces, dans ce contexte de collaboration ; mystères de la censure ! Il avait pu lire ''La Nausée'', un roman ''scandaleux'' qui mêle littérature et philosophie. C'est l'histoire d'Antoine Roquentin qui découvre la contingence de l'existence, et lui procure un sentiment de nausée. La contingence – au fondement de la réalité – est que la nature, le monde, peut être ''ceci ou cela'' ; il n'y a aucun sens particulier.

 

Sartre salue le roman de Camus ; et va même le commenter...

« Qu’est-ce donc que l’absurde comme état de fait, comme donnée originelle ? Rien de moins que le rapport de l’homme au monde. L’absurdité première manifeste avant tout un divorce : le divorce entre les aspirations de l’homme vers l’unité et le dualisme insurmontable de l’esprit et de la nature, entre l’élan de l’homme vers l’éternel et le caractère fini de son existence, entre le « souci » qui est son essence même et la vanité de ses efforts. La mort, le pluralisme irréductible des vérités et des êtres, l’intelligibilité du réel, le hasard, voilà les pôles de l’absurde. »

(…) «  l’étranger, c’est l’homme en face du monde […]. L’étranger, c’est aussi l’homme parmi les hommes […] C’est enfin moi-même par rapport à moi-même, c’est-à-dire l’homme de la nature par rapport à l’esprit . » (J.P. Sartre, Explication de l’Étranger paru dans Les cahiers du Sud ) .

Mascolo, Duras et Antelme

Sartre est professeur de philosophie au lycée Condorcet en classe prépa. – sur le poste de Henri Dreyfus-Le Foyer, suspendu en même temps que cinq autres enseignants, en application du nouveau « Statut des Juifs » - entre 1941 et 1944. Sartre écrit aussi beaucoup, de préférence au café de Flore. En hiver, Beauvoir arrive très tôt le matin et s’installe à côté du poêle. Le premier roman de Beauvoir, L’Invitée, paraîtra en 1943.

Marguerite Duras, mariée avec Robert Antelme, est locataire du 3e étage sur la rue du 5 rue Saint-Benoit, à partir de 1942, son appartement va servir de lieu de réunion et de quartier général à un petit noyau de résistance. Deux étages en dessous de chez Duras habite Ramon Fernandez, collaborateur notoire qui reçoit entre autres Gerhard Heller et Drieu la Rochelle.

 

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