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Guénon - La Crise du Monde Moderne... et de l'Occident. 1

Publié le par Régis Vétillard

René Guénon avait avait acquit une certaine notoriété. Lancelot avait suivi sa conférence donnée à la Sorbonne, le 17 décembre 1925 sur la métaphysique orientale; la métaphysique ayant été abandonnée par la connaissance occidentale, disait-il... Au même moment Henri Massis publiait '' La défense de l'Occident''...

En 1927-28, René Guénon publiait '' La Crise du Monde Moderne'' ouvrage qui heurta alors beaucoup de sensibilités, en particulier celle de Maurras, et de la hiérarchie catholique.

 

En 1924, Guénon, publiait déjà Orient et Occident. Pour lui, l'Occident était le jouet de ses passions et se perdait dans l'action ; alors que l'Orient préférait la recherche et la contemplation...

Ce déclin de l'Occident est ressenti par beaucoup d'intellectuels, chacun ayant ses raisons. Pour beaucoup de catholiques, le déclin s'est opéré dès la fin du Moyen-âge, quand l'individu s'est imaginé se libérer en « s’émancipant d’un monde gouverné par la Chrétienté et subordonné à la gloire de Dieu ». Inconséquence qui ne pouvait mener qu’à la catastrophe : « Seconde chute originelle », écrit Jacques Maritain.

Par contre - pour accéder aux connaissances métaphysiques - René Guénon, invite l'Occident à se tourner vers l'Orient. Il invite même l'Eglise à s'y convertir : «  L'Église a tout intérêt, quant à son rôle futur, à devancer en quelque sorte un tel mouvement, plutôt que de le laisser s'accomplir sans elle et d'être contrainte de le suivre tardivement pour maintenir une influence qui menacerait de lui échapper (chapitre 9).  »

 

C'est à l'occasion de la sortie de ce livre que Lancelot revit Guénon chez lui, un appartement dans les bâtiments de l’ancien archevêché de Paris, rue Saint-Louis-en-l’Ile.

Guénon recevait beaucoup de monde, mais il conservait une légère timidité ; il restait toujours calme, d'humeur égale, toujours bienveillant sans jamais un mot blessant avec ceux qui le contredisaient...

Depuis quelque temps, il avait lié des contacts avec des catholiques intéressés par sa conception symboliques de figures religieuses. Le Père Félix Anizan lui avait ouvert sa revue Regnabit, dédiée à l’étude du symbolisme métaphysique et universel du '' Sacré Coeur ''. elle se disait ''universelle'' et ouverte à diverses conceptions... Cette dévotion se retrouve exprimée au travers de multiples symboles tels que celui du sang, de la source sacrée, du Saint-Graal, des cinq plaies du Christ, de la lance de Longinus, de la croix, etc… On y décèle divers sens: la source de vie, le moteur de l'être … Bossuet voyait dans le Coeur du Christ "l'abrégé de tous les mystères du christianisme". Ce symbole a nourri l'artiste symboliste chrétien Louis Charbonneau-Lassay (1871-1946)...

 

« La Société du Rayonnement Intellectuel du Sacré-Coeur ne veut pas être une oeuvre de piété. Elle veut être un organe de conquête.[...] nous pensons que la Révélation du Sacré-Coeur est toute l'idée chrétienne manifestée en son point essentiel, et sous l'aspect qui est le plus capable de saisir la pensée humaine.[...] Cette Révélation s'adresse à l'esprit, pour le mettre ou pour le remettre dans le sens de l’Évangile. Puisque le symbole est essentiellement une aide à la pensée -- puisqu'il la fixe et puisqu'il l'entraîne -- c'est à la pensée que s'adresse le Christ en se montrant dans un symbole réel qui, même aux peuples antiques, est apparu comme une source d'inspiration, comme un foyer de lumière. » Regnabit, V, n. 8 (janvier 1926), p. 102-104.

 

Le premier article de Guénon est publié dans le numéro d’Août-Septembre 1925, il est titré « Le Sacré-Coeur et la légende du Saint-Graal ».

Et, c'est à la suite de la publication de ''La Crise du monde moderne'' ; et avec l'appui de Jacques Maritain que son ami Mgr Lucien Paulot, évêque de Reins, pria les supérieurs du Père Félix Anizan, de mettre fin à la collaboration de René Guénon avec Regnabit ; il lui est reproché d'affirmer une Tradition primordiale inspiratrice du christianisme, et même l’universalisme du symbole du ''Sacré-Coeur''...

 

Une curiosité :

A la fin du XIXème, fut fondé à Paray-le-Monial, ce qui devait être un musée et un centre d'études appelé Hiéron du Val d'Or. Le Hiéron est devenu une société avec les buts de chercher l'origine chrétienne du ''Sacré-Coeur'' et moins explicite, la préparation pour l'an 2000 d'un règne politique et social du Christ-Roi … Afin de s'opposer à la maçonnerie anti-chrétienne, il y avait l'idée de création d'une « maçonnerie chrétienne du Grand Occident ».

 

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Jean Cavaillès - 1929

Publié le par Régis Vétillard

Jean Cavaillès

A l'instigation de Painlevé, Lancelot et Albert Lautman rencontrent un jeune philosophe et mathématicien Jean Cavaillès qui doit accompagner, en février 1929, Léon Brunschvicg, philosophe des sciences, au deuxième Cours universitaires de Davos...

Agrégé de philosophie, Jean Cavaillès prépare une thèse sur la théorie des Ensembles, en mathématiques, donc. Il est actuellement répétiteur à Normale Sup. et loge sur place...

Un point commun à ces jeunes gens, se trouve être les mathématiques, en plus d'être germanistes...

Paul Painlevé, un ''savant en politique '', ministre de la guerre, s'intéresse de près à ce qui se passe en Allemagne; il milite avec d'autres scientifiques pour une coopération internationale, en particulier, dans le domaine intellectuel. Il espère organiser un congrès du désarmement avec l'appui de la revue internationale '' L'Europe Nouvelle''.

Painlevé s'inquiète de l'esprit de revanche allemand nourri par la crise économique; et se démarque d'un pacifisme intégral, souhaitant que la SDN se dote d'une armée... Aux élections allemandes de 1928, le parti national-socialiste a remporté 800.000 voix, il en obtiendra 6.400.000 deux ans plus tard.

Lancelot est encouragé par Painlevé à maintenir le contact avec des intellectuels allemands et l'informer régulièrement sur l'opinion allemande.

 

Par ailleurs, Lancelot et Jean Cavaillès sympathisent et se reconnaissent dans l'intérêt qu'ils portent au christianisme; Jean va inviter Lancelot à le rejoindre parfois à la ''Fédé''. La Fédé développe l'oecuménisme et encourage le dialogue entre les jeunes de différentes traditions; s'y retrouvent des juifs, des orthodoxes, et même des agnostiques. La branche allemande, diffuse la pensée de Karl Barth (1886-1968) professeur de théologie à l'université de Göttingen...

 

Lancelot se détache petit à petit de son milieu intellectuel d'origine; il découvre un christianisme social, libre et tolérant... Il ne rompt pas avec Jean de Fabrègues, qui - avec le soutien de Bernanos tente de rénover l'Action Française- mais se heurte au dogmatisme ( et à l'athéisme) de Maurras... Fabrègues reste mesuré, l'esprit ouvert, avec foi mais sans fanatisme... Il défend l'idée d'un ''ordre'' de droite catholique; un ordre qui ne serait ni économique, ni social, mais ontologique...

E. Mounier

En 1929, Emmanuel Mounier, agrégé de philosophie (2e après Raymond Aron), devient familier des dimanches de Jacques Maritain à Meudon. Lancelot se souvient de son admiration pour Péguy... Il prépare une thèse sur Jean des anges (1536-1609), mystique espagnol. Il suit les cours d'Etienne Gilson sur « les doctrines de l'intelligence au Moyen Age ». Mounier s'intéresse à la question mystique '' autour du problème de la personnalité, du renoncement '' et '' du rapport d'un homme à ses actes'' ; tout cela dans une dimension historique... Les crises de civilisation en Occident ne correspondent-elles pas à des crises de la pensée morale qui sont aussi des crises de l'action...?

 

Les souvenirs de Lancelot sur cette période des premières années des années trente ; ce sont de grands débats autour d'idées qui semblent toutes aussi nouvelles les unes que les autres...

C'est sur le constat d'une certaine décadence que les désaccords sont le moins prononcés. 1900 semble lointain et regretté. Depuis la Guerre, la France s'endort, frileuse, spectatrice de ce qui se passe autour d'elle... Nos maîtres à penser, annoncent la ruine de nos valeurs humanistes, et une ''crise de civilisation''.

P. Valéry

Paul Valéry en 1931, publie '' Regards sur le monde actuel.'' « Le résultat immédiat de la Grande guerre fut ce qu’il devait être : il n’a fait qu’accuser et précipiter le mouvement de décadence de l’Europe. »

 

Avant que Cavaillès ne parte pour Davos (1929), Lancelot est invité en même temps que lui à une séance de controverse au 21 rue Visconti où se tiennent régulièrement les rencontres de ''l’Union pour la Vérité'' ( ceux-là même qui organisent les Décades de Pontigny); y viennent régulièrement des écrivains comme Gide, Malraux... Cette fois-ci le thème est sur '' le Temps et l'Eternité'' et a réunit Gabriel Marcel, Brunschvicg, Maritain, Benda ...etc. Plutôt une bataille d'égo, que de recherche de la vérité, semble t-il... Marcel ne reconnait pas, à la pensée de Brunschicg, son caractère religieux: le dieu des philosophes, n'est pas le dieu d'Abraham...

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Drieu la Rochelle - ''Une femme à sa fenêtre'' 1929

Publié le par Régis Vétillard

Drieu la Rochelle - 1928

Lancelot et Elaine, grâce à Drieu la Rochelle, croisent Emmanuel Berl (1892-1976), beaucoup plus abordable, qui s'amusent ensemble à briller d'intelligence, même si tous deux affirment : « l'intelligence, ça ne sert à rien ». Lancelot observe cependant avec curiosité intellectuelle Berl qui est le neveu de Bergson, et serait le chevalier servant d'Anna de Noailles. Il est marié avec Suzanne Muzard, qui dans quelques mois, va suivre André Breton.

Nous sommes en 1927, et ce qui interpelle Lancelot, c'est l'angoisse qu'exprime Berl sur « la misérable condition spirituelle de l'Europe ». Avec Drieu, ils publient des petits cahiers qu'ils appellent ''Les derniers jours'' (1927), exprimant l'urgence devant la décadence croissante et la révolution qu’ils sentent se préparer: « Tout est foutu »; « Il n’y a plus une minute à perdre » .

«Puisque l’ordre bourgeois et la culture qu’il produit tendent d’un train rapide vers la mort, puisque le machinisme capitaliste, possédé par le démon de la quantité pure ne sait créer qu’une humanité d’esclaves dans un univers frustré de toute valeur spirituelle, où placer ma foi sinon dans la Révolution ? Elle est mon espérance, mon symbole, mon lieu» '' Les derniers jours'' 1927

Et,

« On voit déjà éclater dans les singuliers mouvements de sympathie qu’a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe, en dépit des protestations de haine, entre les athées de l’antidémocratisme et les athées du Capitalisme quand il est conscient de soi-même, et les athées du Socialisme et du Communisme. Tous ceux-là travaillent à l’achèvement d’un certain monde moderne, merveilleuse mécanique sévère et dénuée de tout secours de l’Esprit. Mais un jour viendra où les hommes se révolteront contre le joug atrocement positiviste des Maurras et des Mussolini, des Lénine et des Ford. Alors les hommes hurleront un affreux besoin mystique. Vous réveillerez-vous pour les désaltérer, dieux de l’Orient et de l’Occident ? Quant à toi, belle raison spirituelle des grands siècles, qui rêvera encore de toi. ?»

 

L'autre question du moment parmi certains intellectuels est de choisir entre ''l'homme de pensée'' ou ''l'homme d'action'' ... Drieu reproche au surréalistes de rejoindre le Parti Communiste, au risque d'abdiquer leur liberté d'artistes.

Elaine n'hésite pas à aller dans son sens, pour valoriser ''la sainteté'' de l'homme de pensée, en opposition à ''l'héroïsme '' de l'homme d'action... Drieu n'écarte pas le langage religieux, il reproche même à l'Eglise d'avoir perdu son génie. Dans son livre ''Blèche'', ne s'est-il pas peint en journaliste catholique..?

Drieu qui s'est remarié avec Olésia Sienkiewicz (1927), n'en souffre pas moins de solitude... Il avoue - dans l'amour - n'aimer que la déesse ; moins, la femme. Ils sont installés, 70, rue Saint-Louis-en-l'Ile, et Drieu commence un nouveau roman '' Blèche'' et Olésia tape le manuscrit.

Drieu a besoin de solitude; il prend une chambre d'hôtel. Olésia part à la montagne. Avril 1928, il part seul en Grèce; et se retrouvent à son retour. Ils se séparent de plus en plus souvent...

 

Dans ''Une femme à sa fenêtre'' ( décembre 1929) - roman qu'Elaine a salué - le héros est communiste...

Lancelot s'étonne: que lui trouve t-elle? Il n'est pas romantique, plutôt misogyne, souvent cynique ...! - C'est un homme à la virilité fragile, sincère, mais désespéré.

''Une femme à sa fenêtre'' n'est-il pas la description - encore une fois - d'un monde en déccadence?

Je dirais plutôt celle d'un drame individuel...

L'hôtel ''Acropolis'' où se retrouve la bonne société, suggère l'idée d'un désenchantement, même d'une déchéance...

C'est un espace hors du temps.

Quand-même... je lis... « l'ancien Palais-Royal (...) avait l'air d'une vieille caserne où aurait logé autrefois une armée depuis lors vaincue et dispersée. Elle ne se détacha pas sans effort sa vue de cette façade délabrée et dispersée»... Belle image de notre république...!

Margot, «se penche sur l'abîme», dit-il ... Elle veut se sauver, plutôt que sauver le monde...

Boutros, lui aussi « se moque de la doctrine '' il cherche '' le mouvement, quelque chose qui défie la mort, qui risque la mort, tout ce que j'aime au monde.»

Lancelot et Elaine, lisent critiquent et échangent avec Drieu. Peut-être se reconnaissent-ils dans ces phrases de Drieu, du même livre: « Le grand Dieu qu'ils ont effleuré déjà ce matin sur la terrasse, ils le retrouveront plus tard, quand épurés par les dures épreuves, les terribles conséquences de la rencontre sexuelle, ils seront capables de lui porter des atteintes plus essentielles.» Et plus loin encore: « Leur cœurs sincères se criaient : Nous sommes un homme et une femme ; nous ne sommes que par cet acte éphémère et pourtant, toi et moi, nous pouvons nous relancer, par cet acte, bien au-dessus de cet acte, bien au-dessus de nous-mêmes »

Elaine qualifie Drieu d'idéaliste absolu... « Je ne me ferai plus tuer nulle part, ni pour Mussolini ni pour Lénine » ( Sur les écrivains) .

Victoria Ocampo

En avril 1929, à Paris, lors d'un dîner chez la comtesse Isabel Dato ( qui est ( a été) sa maîtresse), Drieu croise Valéry, un philosophe espagnol José Ortega y Gasset qui est venu avec une belle femme, dont il fait rapidement la connaissance : Victoria Ocampo, argentine, elle a 39 ans, cultivée, femme de lettres, elle recherche des contacts littéraires pour envisager une revue franco-argentine.

En même temps qu'une liaison amoureuse s'établit entre Drieu et Ocampo, Elaine va piloter Victoria dans différents cercles ; elle s'intéresse à quelques personnages éminents que Victoria a rencontré comme Rabindranath Tagore, un philosophe indien; ou qu'elle envisage de rencontrer comme Carl Gustav Jung (1875-1961)...

 

Le 6 novembre 1929, Jacques Rigaut, compagnon de route des surréalistes et ami de Drieu se suicide. La mort est la chose « la plus précieuse qu’ait un homme », et « mourir c’est l’arme la plus forte qu’ait un homme » dans ''Le feu follet'' de Drieu la Rochelle.

«  Cette société va tout de travers. Elle ne zigzague même plus sous l'effet de tiraillements contradictoires. Tout le monde tire dans le même sens, vers le fossé. (...)

Mais, derrière toute cette faiblesse de parole et de pensée des uns et des autres, qui s'étale ici dans ce décor intemporel, je n'oublie pas la brutalité qui la compense, dehors, dans le quotidien. Plus une société est faible dans sa pensée morale, plus elle manque de contradiction intérieure, plus elle est brutalement lourde sur la pente où elle glisse. L'humanité, sortie de la violence, y retombe plus tard, par fatigue, ne pouvant plus, ne sachant plus se tenir. Il y a tous ces gardes dans la salle, cette police maîtresse de Paris, contre laquelle il n'est plus de citoyens pour se dresser. Elle agit partout avec un arbitraire insultant. Les honnêtes gens peuvent craindre la façon dont elle traite les malhonnêtes gens : aujourd'hui, on chambarde les bureaux de Mme Hanau, hier on boxait Almazian. Attention. Et c'est un fait européen, il en est ainsi partout. Faiblesse des hitlériens, des fascistes, faiblesse qui s'exaspère et qui griffe. La pensée est faible, le poing se contracte. Nous allons vers de hideuses convulsions de vieux enfants.

Je ne fais plus attention à ce qui se passe, j'attends la fin de l'audience, Je m'ennuie et rien ne vient me tirer de mon ennui. Seule, un instant. la vue de cette brochette de compères : Bloch, Audibert, Hersent, de Courville, me fait rigoler. » DRIEU LA ROCHELLE, Les Nouvelles littéraires du 8 novembre 1930.

Hors le communisme, hors l'Action Française; les ''jeunes turcs '' du parti radical, lui semblent plus en phase avec ce que chacun peut attendre: une réforme de l'état et l'organisation fédérale des états européens... Drieu s'engage politiquement dans cinq articles donnés à ''la Voix'' ( de Bertrand de Jouvenel, réacteur en chef)

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Les décades de Pontigny - Groethuysen – la Phénoménologie - 1929

Publié le par Régis Vétillard

Elaine de L. et Lancelot au retour de Davos, retrouvent chacun leur vie d'avant... Lancelot s'était peut-être imaginé pouvoir continuer cette intimité et cette complicité qu'ils avaient partagées, d'abord timidement, puis avec plus de liberté; mais les occupations de l'un et l'autre les ont vite remis sur les rails de leurs habitudes anciennes. Elaine est très sollicitée par des cercles littéraires, et ses amis; l'entourage de Jacques et Raïssa Maritain valorise à l'excès la chasteté, et le respect du vœu de communion entre deux époux. Et enfin, Elaine ne souhaite pas imposer à sa famille, très protectrice - déjà contrainte d'accepter une séparation que les circonstances ont imposée - une liaison qu'elle ne jugerait pas convenable...

Lancelot et Elaine se retrouvent chez les uns et les autres; certains amis, dans la confidence, les reçoivent comme un couple.

Lancelot de par ses réseaux mondains, Elaine par ses publications et ses articles littéraires sont invités, par exemple:

Chez Daniel Halévy, à la porte verte d'une belle demeure du XVIIe siècle du quai de l'horloge, qui vient d'enregistrer un beau succès avec son livre '' La fin des notables '' et chez qui se rend régulièrement Anne-Laure de Sallembier. Lancelot, lui, regrette son attachement à de jeunes auteurs plus maurassiens que Maurras... Mais, peut-être est-ce en ce lieu que Lancelot prend conscience qu'il n'est plus le monarchiste - même orléaniste - qu'il pensait être....

A gauche Bernard GROETHUYSEN et Nicolas BERDIAEV

Pontigny 1927. 

André Chamson et Lucie Mazauric habitent rue Thouin, et reçoivent après diner. Ils sont des familiers de tous ceux qui fréquentent assidument les librairies de la rue de l’Odéon, comme ''La Maison des Amis des livres'' fondée en 1915 par Adrienne Monnier où elle reçoit Jules Romain, Louis Aragon, André Breton, André Gide, Paul Valéry…; ''Shakespeare and Company'' de Sylvia Beach qui publia en 1922, Ulysse de James Joyce.

Paul Desjardins, rencontré à Davos, avait invité Lancelot et Elaine, aux fameuses décades d’été de Pontigny, qu'il anime. C'est en ce lieu, centre de rencontres intellectuelles, qu'ils entendent parler du philosophe Husserl et de la phénoménologie présentés par Bernard Groethuysen (1880-1946), allemand ( nationalisé français en 1938), qui parle admirablement de Goethe et d'Hölderlin... Avant la Grande Guerre, il a rencontré - grâce à Bergson - une traductrice et journaliste à L’Humanité, Alix Guillain (1876-1951), avec qui il a vécu dans une communauté d'artistes rue Campagne-Première. Il retournera enseigner à Berlin, en 1931, pour peu de temps...

Groethuysen participe activement, depuis 1924, aux décades. Maritain, Claudel, Du Bos, Gide, sont des habitués... En 1929, à Pontigny, l'invité vedette, et professeur du Collège de France est Paul Langevin. La décade est consacrée à la physique contemporaine avec le titre '' L'Univers sans figure et le courage de vivre". Etaient présents Gaston Bachelard accompagné de sa petite fille, Brunschvicg, René Poirier, Martin Buber...

Bernard Groethuysen, avec un ouvrage paru en 1926, sur la philosophie allemande, a introduit en France la phénoménologie. Il fait connaître Husserl (1859-1938) et se prête volontiers au questionnement des non-spécialistes...

Groethuysen, à la barbe broussailleuse, et se délectant de toute production de l'esprit, propose une expérience de pensée.

- Dans ce pays, on a perdu tout sens esthétique, toute idée du beau; cependant les musées restent ouverts, exposent des tableaux de grands peintres anciens... Les gens s'y intéressent pour leur valeur documentaire, ils y trouvent des renseignements sur les vêtements, l'architecture, et bien d'autres choses... Un étranger, habitué dans son pays lointain à s'intéresser à l'art, et décrire une oeuvre sur le plan esthétique: comment pourrait-il partager ce qu'il sait et ressent...?

Husserl, propose que nous fassions cet exercice: délaissons le tableau comme document, pour le voir comme une oeuvre d'art. C'est la situation requise par le phénoménologue qui pratique l’épochè. Réapprendre à voir, c'est marquer un arrêt, mettre entre parenthèse le superflu...

Dans la phénoménologie, on reconnaît que la connaissance ne repose pas seulement sur de la logique, ou du sensible; mais c'est dans l'activité de la conscience; et dans quel but?: - Donner du sens à son rapport au monde... L'humain s'ouvre sur le monde et vit le monde...

Ce sens-là n'est pas scientifique...? - Mais, il est en rapport avec la vérité existentielle...

Lancelot retrouve avec sa mère, Anne-Laure, le lien qui semble naturel avec les propos que lui tenaient William James, en 1907 ou 8; et qui résumaient la thèse du ''Pragmatisme'', philosophie d'une connaissance tournée vers l'action, donc identifiable à ce qu'elle produit...

A sa suite, la Phénoménologie, observe ce que la réalité laisse paraître, cette connaissance tente d'isoler l'existence des choses, pour mettre en évidence leur essence.

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1928 Davos - 5 -Hans Driesch - Erich Przywara

Publié le par Régis Vétillard

Hans Driesch, 1932

Marietta et Elaine, échangent beaucoup sur le professeur Hans Driesch, de Leipzig. Il aurait bien connu Rudolf Steiner, mort récemment... Sa conférence a semblé très obscure par son approche scientifique, avec des références en embryologie, biologie, psychologie du conscient et du subconscient, parapsychologie, ...etc Un débat - le soir, dans une salle réservée de l'hôtel et avec un public, parait-il, trié sur le volet, Marietta s'est arrangé de tout - a permis à Lancelot et Elaine de saisir un peu mieux, de quoi il s'agissait...

Les travaux embryologiques et les spéculations métaphysiques de Hans Driesch mettent au centre du débat le statut ontologique du vivant : ce qui est ''être vivant'' ( la composante subjective, en lien avec ce qui fait la différence entre une 'cellule morte' et une 'cellule vivante'...)

Driesch estime nécessaire d’introduire en biologie un type de causalité n’existant pas dans l’ordre physico-chimique : une « causalité holistique » ( = holistique parce que, la simple somme de ses parties ne suffisant pas à le définir.  ) avec une interdépendance universelle et selon ce que dit Ernst Mach (1838-1916) : " tout ce que se passe ici et maintenant est le fruit de tout ce qui s'est passé partout depuis toujours ''

Driesch, fait état de l’existence de « lois holistiques » [Ganzheitsgesetze] spécifiquement biologiques... Mais là, le chemin est trop complexe pour continuer ici ...

« La vie ne consiste pas en un arrangement particulier de phénomènes inorganiques. La biologie ne peut être, par conséquent, une physico-chimie appliquée. La vie est une réalité originale et irréductible et la biologie est une science qui a ses principes propres et indépendants. »

D'Arcy Thompson (1860-1948) biologiste et mathématicien écossais ; reprend cette idée : « Comme Kant le disait, « la cause du mode d’existence de chaque partie d’un corps vivant est incluse dans le tout ». Et, selon la tendance ou l’aspect de notre pensée, on peut considérer les parties coordonnées, soit en tant que rapportées et ajustées à la fin ou la fonction du tout, soit en tant que rapportées ou résultant des causes physiques inhérentes à l’ensemble du système de forces auquel le tout a été exposé, et sous l’influence duquel il est venu à l’existence »

 

Le débat s'est ensuite centré sur la Théosophie , et particulièrement l'apport de Rudolf Steiner (1861-1925)... En effet, Steiner développe une démarche anthroposophique, qui s'appuie philosophiquement sur une recherche spirituelle de l'être humain, et de sa relation avec le monde, pour mettre en œuvre une pratique adaptée à l’humain, en pédagogie ( à l'aide de pratiques artistiques...), en médecine, en agriculture, en économie, en pharmacologie...etc ; avec des méthodes de travail concrètes, vivantes qui respectent la nature humaine et son environnement...

Steiner, a parcouru l'Europe pour des conférences, et pour ses dernières quinze années, il s'est attaché à construire le centre de son activité - le Goetheanum – qui se situe à Dornach, près de Bâle, en Suisse.

Elaine et Lancelot décident alors de s'y rendre lors de leur retour...

 

Enfin, avant de quitter Davos ; il est temps de revenir sur la relation qui se crée entre Lancelot et Elaine. Pour rester dans le cadre intellectuel de Davos, je vais tenter de la décrire en me référant au journal de Lancelot et à ses notes, sur le thème présenté par l'un des philosophe allemand invité Erich Przywara (1889-1972).

Erich Przywara, est également jésuite, et poussée par Marietta, Elaine se permit, comme prêtre de lui demander plusieurs entretiens... Et, il fallait bien l'effronterie de jeunes filles, pour que Elaine ose rencontrer le prêtre pour lui demander conseil sur sa relation avec Lancelot, mais par le biais du thème de sa conférence ; et pourtant, lui avouer très vite qu'elle n'a presque rien compris à son exposé sur l' ''Analogia Entis''....

 

L'analogia entis, la clef de voûte d'une « vision religieuse du monde » …

- S'agit-il de comprendre le suprême lien qui relie Dieu et l'humain ? Suprême, dans le sens qu'il est métaphysique...

- Oui, mais il s'agit d'une pensée consciente de ses limites... Pour ce qui est de la métaphysique ; on peut faire de Dieu, la Totalité du monde, ou à l'inverse, faire du monde, l'émanation de Dieu... Je suis dans la logique chrétienne de - la Révélation comme réalité - et Dieu, au-delà... !

- Je ne comprends pas...

- Dieu, dans une ressemblance - si grande soit-elle - s’avère toujours plus dissemblable... Dieu, semblable à l'homme, dans l'incarnation, se présente être un Dieu incompréhensible ...

- Et le lien avec l'Humain... ?

- L'humain, (créé à l'image de Dieu ) est une « manifestation de Dieu ». Créé, il tend vers Lui...

 

- Un lien, exprime un ''aller vers'' … De part et d'autre d’ailleurs... pour l'Homme c'est ce désir d'unité d'être et de conscience qui n'existe qu'en Dieu...

- Je suis consciente quand je suis présente au monde, et à moi-même...

- Et si vous avez une intention d'aller vers... Vous donnez un sens au monde... Vous sortez de vous-même...

- Cela s'apparente à ce que j'expérimente depuis ma rencontre avec Lancelot, je fais l'expérience d'être sortie de moi...

- On existe, au moment où l'on sort de soi... C'est, aussi, le sens de Existence... L'Essence, est en référence à ''esse'', l'être, ce qui est ( du côté de l'esprit).

 

- Etre évoque une plénitude... Et, pour moi, en ce moment , le plein m'évoque de n'être plus '' à moitié'', comme j'ai l'impression que je l'étais... . Si je vous dis : quand il est statique, je suis dynamique ; quand il est conscience, je suis manifestation, quand il est pensée, je suis acte ; quand il est absolu, je suis relatif ; quand il est immobile, je suis changement ; quand il est sans-forme, je suis forme... Je vous choque ?

- Non... L'Humain est une véritable manifestation de Dieu...

- En particulier un homme et une femme qui s'aiment, alors... ?

- Ils exercent l'acte d'être, en analogie avec l'Esprit … Tout être tend au-delà de lui-même à s'accomplir.

 

Ce soir là, Elaine, se sent assurée de la valeur de ses sentiments. Elle rejoint - dit-elle – l'accomplissement de l'amour courtois. Au-delà de ce qui semble interdit, il intègre une vision chrétienne pour dépasser le simple désir charnel. Les deux amants, ont d'abord privilégié la parole, le serment, la noblesse des sentiments, la conduite généreuse, la politesse, et le langage. A la Dame, de décider l'entrée progressive de la sensualité, l’utilisation de l'exercice érotique avec sa grammaire faite de baisers, de caresses, de discussions libertines, et d'étreintes qui cherchent à éviter l’adultère et l’acte sexuel ; ou non....

Ce soir là, Elaine invite Lancelot dans sa chambre. Il y a encore quelques semaines ; elle aurait pensé mourir de honte, à se voir dans les bras d'un homme... Ce soir là c'est la honte qui meurt. Elle s'accepte sensuelle, et se réalise dans sa sensualité nue et sans honte.

Lancelot est alors bouleversé... C'est soudain la beauté de ce corps qu'il découvre... Cette beauté s'offre dans la nudité de la femme qui a besoin d'être plus que soi et de goûter l'union...

Les conférences de la dernière semaine sont plus difficiles à suivre... De plus, les sujets traités, dans les conférences, sont assez techniques, exigent des connaissances spéciales en jurisprudence et sciences sociales...

Avant la clôture de la Rencontre, une dernière excursion rassemble professeurs et étudiants. La compagnie des Chemins de fer rhétiques ( RhB ) offre en effet aux participants un aller-retour à Saint- Moritz, initiative fort appréciée malgré une météo peu favorable.

 

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1928 Davos - 4 - Marietta Martin

Publié le par Régis Vétillard

Marietta Martin

Après le repas, pendant que Lancelot, s'est isolé pour ranger ses notes et écrire quelques impressions; Elaine fait la connaissance d'une française de son âge, Marietta Martin (1902-1944*), en Suisse depuis un an, contrainte de séjourner dans un sanatorium, celui de Leysin dans le canton de Vaud. Il y a trois ans, elle a passé sa thèse sous la direction de Fernand Baldensperger, ici présent, professeur de littératures comparé à Paris.

Après avoir commencé des études de Médecine, elle a changé de voie pour la littérature. Elle parle six langues étrangères; voyage dans toute l'Europe, sa soeur est mariée avec un diplomate. Elle connaît bien les auteurs du XIXe siècle, en particulier Stendhal et travaille sur le Saint-Simonisme. Elle écrit également de la poésie. Elle présente donc beaucoup d'intérêts communs avec Elaine...

 

Lancelot découvre une jeune fille menue, à la démarche de danseuse qui semble à peine toucher la terre; sur son front de grosses boucles de cheveux noirs, et des yeux étincelants.

Elle adore faire du cheval, étrangement elle ajoute: « Mourir en plein galop, ce serait magnifique. »

Balcon sanatorium Davos

 

Marietta se confie à Elaine, sur la mort qui occupe beaucoup ses pensées... Aussi, dit-elle, « La vraie vie ne commence qu'à l'excès. »

Pour elle tout s'est joué avec son année de philosophie. D'une part le choc des ''systèmes'' qui se fracassent entre eux; de l'autre la beauté et le mystère d'un monde...

«  J'ai connu le désespoir de se retrouver seule sur la terre, abandonnée de toute croyance, sans plus d'espoir d'éternité, infime, perdue, désolée dans l'espace et le temps sans limites. »

La philosophie pourrait sembler du bavardage, la religion une duperie ; du moins... aussi longtemps que la mort demeure inexpliquée.

Marietta dit vouloir regarder la mort en face: « Parlez-moi de la mort, ou taisez-vous! »... Elle y a retrouvé de quoi illuminer sa vie... « C'est la mort qui explique tout. Sans la mort, la vie est absurde. »

 

Liegekur Davos, Sanatorium

Marietta s'est liée d'amitié avec Charles du Bos (1882-1939), quelqu'un d'exquis, attentif, qui l'a aidée lorsque ses doutes lui faisaient côtoyer l'absurde.. Lui-même venait de se convertir... Pour lui l'intelligence est source d'amour : de Saint-Jean à Augustin, Thomas d'Aquin, Ignace de Loyola, etc... tous des inspirés, des spirituels... Du Bos est un critique littéraire, un critique original, qui pense que dans toute œuvre s'exprime l'âme immortelle... Mme Wharton, que Lancelot connaît bien, a confié son livre '' The House of Mirth'' ( Chez les heureux du monde ) - à Du Bos – pour sa traduction.

Une maladie chronique accompagne Du Bos, il fait souvent état de douleurs qui l'accompagnent. Marietta ressent à quel point la maladie peut permettre d'appréhender certaines valeurs essentielles. La maladie appelle, et demande une réponse... Elle met aussi à l'épreuve... Quand la souffrance empêche même de penser ; la maladie devient ''immobile'', il n'y a plus ni présent, ni passé, seulement l'instant présent... Seul le corps peut bouger... C'est pour lui, l'image de la Croix...

 

Marietta a la foi. Elle en parle comme d'un secret, parce qu'elle ne relève pas que des croyances. D'ailleurs, dit-elle, elle a retrouvé la foi, dépouillée de ses croyances...

Après son année de Philosophie, Marietta s'est dirigée vers la médecine. Là, elle croise le visage doux, d'un homme, jeune interne qui donne des cours. Elle l'aime. Il est marié. «  Je l'ai vraiment aimé ; En tout bien tout honneur (…) je sais qu'il a deux enfants... » . « Mon regard ne le quitte pas pendant les cliniques, j'essaie de l'hypnotiser, »... « Je me suis un peu brûlé le bout des ailes. » « J'en conserve un peu d'expérience, un peu de douceur. »

 

Au cours d'une promenade sur des sentiers enneigés, Lancelot et Elaine se sont pris par la main, pour s'aider à ne pas glisser... Ils se sont rapprochés, se sont serrés l'un contre l'autre, et se sont sentis aimés...

Elaine ne sait que faire de ce cadeau qu'elle désirait... « Je suis une femme mariée...»

Elle se confie à Marietta... Comment vivre en même temps, cette peur du péché et le plaisir d'aimer... ?

Marietta lui répond, « Je suis une femme qui, après expérience (oh oui!) a dû reconnaître qu'elle n'est bonne qu'à aimer et à être aimée, et qui s'y est résignée... avec ivresse. »

 

Chacun, ici, tente de profiter des belles heures qu'offrent la montagne et la météo. Le Davoser Ski-Club se met à disposition des professeurs et étudiants, et leur propose des initiations aux sports de neige. Ces exercices augmentent cette ambiance particulière communautaire, où après l'étude autour de grand maîtres réputés, la vie offre sa continuité dans une grande fraternité...

Un cortège nocturne aux flambeaux a spontanément été organisé par les étudiants : « un long serpent de feu déroule ses plis enflammés sur notre “Promenade”, de Platz à Dorf, entraînant professeurs, étudiants, curistes et Davosiens dans un mouvant tumulte »

 

Lancelot assiste à la rencontre bienfaisante entre Paul Tillich et Fritz Medicus (1876-1956) ; le premier exprimant sa reconnaissance au second pour lui avoir fait découvrir la richesse de l'idéalisme allemand avec en particulier l'oeuvre de Schelling, qui fait le lien entre théologie et philosophie...

L. Alenza - Satire on romantic suicide

On peut s'interroger ensuite sur la correspondance qui existe entre l'esprit humain et la réalité... Cela n'a t-il pas une influence sur le sens de notre vie..? La réponse idéaliste repose sur un ''Absolu'' ( la Nature, la Raison, un Sens ( de l'histoire ..) …)

La Grande Guerre fut désastreuse pour la pensée idéaliste... En effet, elle a conduit Tillich a faire l'expérience de l'abîme caché au fond de l'existence humaine, ce qui interroge et la philosophie et la théologie...

Par contre le vitalisme de Nietzsche exprime cette expérience de l'abîme... Nietzsche valorise le combat, la lutte ( Par-delà le bien et le mal) ; vivre c'est donner libre cours à une énergie créatrice, un élan, un élan vital … Si « Dieu est mort », alors la vie n'est qu'un chaos sans but où s'affrontent les êtres.

Paul Tillich, en cela, considère que dire que Dieu est mort, signifie qu'aucun nom, aucune définition ne peut être donnée de Dieu, et qu'Il nous concerne existentiellement ( c'est même une fonction religieuse de l'athéisme) ...  « Quand on est vraiment saisi par l’inconditionnel, Dieu ne peut être nié qu’au nom même de Dieu »

C'est pour cela, que le langage religieux est nécessairement symbolique.

Lancelot croise un étudiant qui a suivi son directeur adjoint de l'E.N.S. Célestin Bouglé, un sociologue positiviste. Il s'agit de, Albert Lautman, engagé à la LAURS ( Ligue d’Action Universitaire Républicaine et Socialiste); cependant, ils font état d'une connaissance commune, Daniel Gallois, normalien et maurassien, proche de Jean de Fabrègues... Mais, ce qui intéresse Lancelot, c'est le choix d'Albert Lautman pour la philosophie des mathématiques... Très vite la discussion se porte sur la confiance que nous pouvons avoir de l'intuition mathématiques et de son développement ; peut-elle rivaliser avec la perception sensorielle, dans l'appréhension de la réalité objective ?

Pour Platon, « c’est par le beau que toutes les belles choses deviennent belles » (Phédon). La beauté existe donc en elle-même... Elle est une essence, une réalité pensée par le philosophe... Les idées platoniciennes sont indépendantes du monde sensible, elle sont supérieures au monde sensible : elles constituent la vérité authentique... Et, en particulier pour les idées mathématiques... « La réalité inhérente aux théories mathématiques leur vient de ce qu'elles participent à une réalité idéale qui est dominatrice par rapport à la mathématique, mais qui n'est connaissable qu'à travers elle. »

Ceci étant, Lautman ne se satisfait pas de cette simplification. Il se donne l'objectif de travailler sur ce sujet... ( Il sera fusillé par les allemands le 1er août 1944, près de Bordeaux)

Avec Lautman, Lancelot fait connaissance d'un professeur agrégé de Littérature, Paul Desjardin présent ici comme journaliste. Ce passionné de controverses intellectuelles, organise lui-même dans une abbaye à Pontigny, des ''Décades'' ( ou Entretiens) : il s'agit d'organiser '' une libre coopération intellectuelle, ouverte au plus grand nombre et régie par «l'amour actif de la vérité et du droit» ''. Desjardin invite Lancelot et Elaine aux prochaines Décades de 1929...

Note (*) : Marietta Martin, est une résistante dès 1941, elle écrit et diffuse ''La France continue''. Emprisonnée, elle décède en Allemagne en Novembre 1944...

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