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Le début de la Quête de Lancelot de Fléchigné -1-

Publié le par Régis Vétillard

En 1918, à la fin de la Guerre, Lancelot a dix huit ans ; il va bénéficier pendant ces années vingt, de « l’admirable foisonnement d’idées et d’œuvres de la période, » et de « la véritable liberté dont les gens ont joui alors » (Sartre)...

Ce qui va suivre est une reconstitution de ce qu'a pu vivre Lancelot, à partir du journal, et des notes éparses qu'il a laissé ; afin d'enrichir et poursuivre la Quête...

 

Lancelot et sa mère, viennent de vivre - en retrait, à Fléchigné - pendant ces quatre ans, « un désert » selon l'expression d 'Anne-Laure. Pour le jeune homme, ce fut aussi un temps ''béni'', un présent inestimable qui prendra toute sa vie une valeur de plus en plus grande. Car enfin, il s'agissait de quitter Paris, et vivre proche d'une authenticité naturelle,, quitter le petit lycée avec sa rigidité infructueuse, et enfin bénéficier de la présence de sa mère...

Il s'est arraché sans effort de la camaraderie ambiguë du collège, et y a gagné l'amitié amoureuse de Suzanne. Suzanne est la fille d'un couple, locataire d'une ferme appartenant au domaine de Fléchigné. Les bâtiments de la ferme, sont les plus proches voisins du manoir. Le mari, fermier, est parti au front ; il est rapidement tombé au « champ d'horreur ». Des réfugiés belges sont venus aider... Ces événements ont rapprochés les deux adolescents, qui utilisaient tous les stratagèmes pour se retrouver.

 

En 1914, Suzanne n'a que treize ans; elle aime écouter Lancelot lui rapporter le contenu de ses lectures, sa passion pour les chevaliers, les histoires du Graal …

Elle aime bien se serrer contre lui; mais le repousse s'il veut l'embrasser, car ce genre de choses s'apparente à ce dont il faut s'accuser quand on va à confesse... Oui, elle aime Lancelot, elle voudrait bien même, se marier avec lui...

Pourtant, une fin d'après-midi, avant de la quitter, il la serre contre lui :

- On peut bien s'embrasser sur la bouche, puisque que plus tard, on se mariera.

- C'est pas possible...

- Pourquoi ?

- J'ai demandé à ma mère, si on pouvait se marier ensemble ; et elle m'a dit que ce n'était pas possible...

- Pourquoi... ?

- Parce que tu es noble... Tu devras te marier avec une fille noble … C'est ainsi...

- Si je suis noble, je peux faire ce que je veux.. ! Et, si je veux me marier avec toi, je le ferai !

Ils ont grandi ces quatre années ensemble. Ils se sont embrassés, et surtout ils ont parlé. Lancelot écrivait un journal ; il s'empressait ensuite de lui lire ses pensées, parfois des poèmes...

Déjà, Lancelot recherchait ''La Femme'' tandis que Suzanne attendait un ''amoureux'', c'est à dire un homme qui se destinait à elle.

 

Ces quatre années furent un temps béni, aussi, pour tout ce qu'a pu lui apprendre l'abbé Degoué... Non pas, qu’il était savant de tout ce que Lancelot étudiait ; mais parce qu'il était son interlocuteur pour réfléchir, raisonner, rechercher un savoir dans la bibliothèque familiale ; et même enquêter pour approfondir une connaissance... Une pédagogie qui s'est avérée bien plus efficace que toutes les leçons dispensées au lycée...

 

Même s'il n'a pas perdu son temps, la guerre n'a t-il pas compromis la suite de ses études.. ?

L'abbé Degoué convainc la comtesse, que son fils, à dix-neuf ans, possède sans-doute plus de connaissances que la plupart des jeunes gens de son âge ; et si ce n'est de connaissances, de réflexion et de possibilité de raisonner, de progresser... De plus, sa jeunesse lui permet d'entreprendre sans préjugés, sans suivre les règles établies... Il aborde, questionne quiconque sans crainte de le déranger. Il dérange parfois, et s'en étonne...

Il devrait pouvoir poursuivre facilement des études à Paris. Mais, que souhaite t-il faire... ? Lancelot n'a aucun projet professionnel, seule sa curiosité le guide... Certains jours il voudrait persévérer dans les mathématiques ; d'autres, il se verrait bien comme ''homme de lettres'', ou mieux encore historien...

 

Lancelot n'est pas pressé ; et son premier désir serait d'aller en Angleterre, afin de pratiquer la langue anglaise ; et s'affirmer... En réaction, sans-doute, au voyage que sa mère et J.B. ont fait , sans lui … !

Anne-Laure de Sallembier craint la rencontre entre la liberté de mœurs de ses connaissance de Bloomsbury, avec la jeunesse de de son fils... Il pourrait être surpris, déboussolé...

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La Chevalerie, l'honneur et la guerre de 1914. -2-

Publié le par Régis Vétillard

Les témoignages ont rapporté que c'était une guerre où l'on est tué, plus que l'on ne tue ; et sans voir l'ennemi. Le héros est un soldat qui s'offre aveuglément à suivre des ordres venus de l'arrière...

 

Pendant ces quatre années, Anne-Laure n'était retourné à Paris, que très rarement et par obligation... Comment pouvait-elle à nouveau fréquenter le monde, côtoyer ces aristocrates, ou grands bourgeois et aussi leurs domestiques, maîtres d'hôtel et grooms; comme si de rien n'était...?

A Cochet (*) écrit que les Parisiens de 1916, ont perdu la conscience du drame humain... Que reste-t-il ? « Il semble donc qu'à Paris, la guerre se réduit à un thème décoratif, à des stéréotypes auxquels, par exemple, la mode féminine se conforme facilement. Le modèle national est le masculin, le militaire (…) »

« La mort de millions d'inconnus nous chatouille à peine » écrit Proust … « pour les autres, pour les Verdurin (ou pour Proust lui-même ?), les noyés du Lusitania, « les hécatombes de régiments anéantis », restent des notions, des images qui ne peuvent susciter que des « réflexions désolées », nécessairement conventionnelles. »

« Madame Verdurin, est contrariée par la guerre qui raréfie les fidèles de son salon (…), tandis que Proust affirme qu’« elle ne voulait pas les laisser partir, considérant la guerre comme une grande « ennuyeuse » qui les faisait lâcher. Aussi, elle aborde la guerre avec ironie."

« Pour l'ensemble des non combattants, cette tranquillité morale - oscillant de l'oubli à l’indifférence - traduit aussi la confiance dans l'évidence de la victoire (…) ».

Les Parisiens auraient-ils oublié en 1916 le risque permanent de la mort qu'assument les combattants ? On assiste à une scène typique de Proust avec un « pauvre permissionnaire » les « restaurants pleins et « les vitrines illuminées », qui regarde « se bousculer les embusqués retenant leurs tables » avant de se précipiter au cinéma. Il résume, selon Proust, toute « la misère du soldat », « non la misère du pauvre mais celle de l'homme résigné (…) »

Sources : (*) Cochet A., L'amour de la patrie dans « Le temps retrouvé » de Marcel Proust, 1998.,

 

Bernanos n'a pas abandonné, pour autant, son rêve d'enfant... Il condamne la ligne sociale conservatrice de l'Action Française, et envoie à Maurras, en 1919, sa lettre de démission...

«  (…) Il ne faut plus décevoir les enfants de France, jamais. La seule tradition de ce peuple, qu’aucune secte, qu’aucun parti n’ose, n’est capable de revendiquer, la seule qu’aucun parti, qu’aucune secte ne saurait assumer, parce qu’elle ferait plus que les écraser, elle les rendrait ridicules, c’est celle de la chevalerie chrétienne française, C’est celle de la chrétienté, C’est celle de l’honneur de la chrétienté. » dans ' Nous autres Français '

Bernanos

Sous le titre « Nous autres français » sont réunis des pamphlets de Georges Bernanos écrits en 1938 et 1939. Bernanos n'a alors rien perdu de ses convictions... Bien après la Grand Guerre, il s'engage alors, en 1936 contre la "Croisade" du général Franco, contre Maurras, et en général contre les milieux catholiques réactionnaires et conservateurs. 

La religion n’est pas une idéologie, ni l’Eglise un parti. Seul l’esprit de la chevalerie chrétienne peut avoir un impact sur les forces politiques de droite ou de gauche, mais aussi sur l’Eglise. L’honneur n’est pas un concept qui s’explique par la logique ou par les raisons. Le concept appartient à une autre dimension, se situant au dessus des raisonnements intelligibles. Bernanos refuse de voir l’honneur comme un concept faisant parti d’une idéologie ou une doctrine quelconque. « Il n’est besoin que d’un court dressage pour faire un fanatique, au lieu que l’élaboration d’un type humain comparable à celui de l’ancien chevalier français reste le travail des siècles. » ( Nous autres Français, page 237 ).

 

Donc - ce 11 novembre 1918 - ils annoncent qu'à 6 heures du matin, dans la clairière de Rethondes (forêt de Compiègne) des généraux ont signé l'armistice, dans un wagon-restaurant qui - avant la guerre - emmenait les Parisiens à Deauville. ...

 

Il y a comme une atmosphère d’irréel, difficile à disparaître, qui à force de s'être répandue sur toute chose a modifié le quotidien ...

Bernanos propose que l'on écrive sur le monuments aux morts : « La Victoire ne les aimait pas »

 

Winston Churchill a 44 ans ; après être allé au front, il est ministre de l’Armement ; il écrira : «Les cloches sonnèrent, et je n’éprouvai aucune allégresse. Rien ou presque de ce qu’on m’avait appris à croire n’avait survécu et tout ce que l’on m’avait appris à croire impossible était arrivé. […] La victoire était indiscernable de la défaite.»

Les vivants font la fête ; ils disent que c'était la «der des ders».

 

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La Chevalerie, l'honneur et la guerre de 1914. -1-

Publié le par Régis Vétillard

Bernanos, comme J.B. sont des cavaliers, amoureux du cheval... Dans les dragons, ils pensaient éventuellement, affronter une mort glorieuse après une chevauchées lance au poing...

Bernanos est sorti anéanti de cette terrible expérience de quatre années. Loin de la gloire, il a rencontré le Mal... Ses romans, en particulier ''Sous le soleil de Satan '' et L'Imposture'' sont l'expression du combat spirituel au fond d'une tranchée... Une œuvre qui prend racine dans son enfance...

«  Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que je fus. » dans 'Les Grands Cimetières sous la lune'

« Certes, ma vie est déjà pleine de morts. Mais le plus mort des morts est le petit garçon que je fus. Et pourtant, l’heure venue, c’est lui qui reprendra sa place à la tête de ma vie, rassemblera mes pauvres années jusqu’à la dernière, et comme un jeune chef ses vétérans, ralliant la troupe en désordre, entrera le premier dans la Maison du Père ».

« Pauvres petits garçons français, mis à la torture par les fabricants de morale civique, et qui n’auraient connu d’autre image de la France qu’un cuistre barbu qui parle de l’égalité devant la Loi, si le bonhomme Perrault – disons saint Perrault, puisqu’il est sûrement dans le Paradis ! – n’avait offert aux rois et aux reines exilés l’asile doré de ses contes, les châteaux du Bois dormant. Quel symbole ! les cuistres du siècle des cuistres poursuivant la majesté royale – leurs sabots à la main pour courir plus vite, les imbéciles – et la majesté royale déjà était à l’abri dans les pans de la robe des Fées. Le petit homme français, abruti de physico-chimie n’avait qu’à ouvrir le bouquin sublime, et dès la première page, il pourfendait les géants, il réveillait d’un baiser les princesses, il était amoureux de la Reine. [...] Je connais un jeune Lorrain de quatre ans qui, à ma demande : "Qu'est-ce qu'un roi ?" m'a répondu : "Un homme à cheval, qui n'a pas peur ! » : un chevalier ! » De 'Noël à la Maison de France', 1928, Essais et Ecrits de combat, I, Pléiade

Des contes, un roi, des chevaliers.... ? Ce n'est pas très sérieux.. !

« On peut faire très sérieusement ce qui vous amuse, les enfants nous le prouvent tous les jours.. » dit Bernanos... Adolescent, camelot du roi, il écrit - dans le journal Le Panache, revue royaliste illustrée, en 1907. - des nouvelles avec des chevaliers mourant à la guerre au service du trône de France. Pour Bernanos, la chevalerie c'est du sérieux...

Quand Bernanos parle d'Honneur, et pour donner corps au concept, il évoque la Chevalerie et le Moyen Age... Il n'est pas le seul...

 

Jeanne d'Arc et Maurice Barrès

Le chantre du patriotisme, son héraut : c'est Maurice Barrès (1862-1923)... Avant 1914, il est le maître à penser à droite et de certains à gauche...

« Si Monsieur Barrès n'eût pas vécu, s'il n'eût pas écrit, son temps serait autre et nous serions autres. Je ne vois pas en France d'homme vivant qui ait exercé, par la littérature, une action égale ou comparable. » Avis du jeune critique Léon Blum.

Avant et pendant la guerre, Maurice Barrès va être le 'propagandeur' de la guerre ; Romain Rolland le surnomme : « le rossignol des carnages... » Même à la fin de la Guerre, il reste le champion du « jusqu'auboutisme ».

Maurice Barrès est fasciné par les chevaliers, les croisades... En Orient, il en a cherché les traces ; et a exprimé son admiration dans '' Un jardin sur l’Oronte '', un roman qui présente dans un orient médiéval fantasmé, une histoire d'amour entre un chevalier et une sarrasine... En rapport avec la guerre, on peut y retrouver le goût de la gloire et de l'aventure.

 

Pendant toute la durée du conflit mondial, Barrès donne à L’Écho de Paris, des centaines d'articles... On peut lire, de Barrès, l'oraison funèbre de Paul Déroulède (1846-1914), en février 1914 ; il s'adresse au défunt : « Et maintenant, chevalier de la France, va rejoindre les grands chevaliers, tes pareils, la cohorte toujours accrue que mènent, depuis le fond des âges, les Roland, les Du Guesclin et les Bayard. » ( Chronique de la Grande Guerre, t. I,) Bernanos avait admiré Déroulède...

Il va comparer Péguy à Bayard, le capitaine Driant à Tristan ; et finalement tout soldat français... A un jeune soldat français, il écrit : « Cher enfant, Déroulède vous eût armé chevalier. […] je reconnais et salue (…) un des jeunes compagnons de Jeanne d’Arc, un de ces pages dont l’histoire n’a pas gardé le nom, et qui la comprenaient tout aisément, servaient sa gloire et sa tâche. » ( Chronique de la Grande Guerre, t.I )

Encore : … Nos soldats de 1914 possèdent intact l’héritage moral de nos vieux chevaliers (…). La civilisation des cathédrales n’est pas morte ! Nos soldats pratiquent toujours le code de la chevalerie et ses commandements précis. » ( Chronique de la Grande Guerre, t.I )

 

Enfin, Au printemps de 1919, à propos des aviateurs, Barrès notait dans ses Cahiers : « Les romans chevaleresques, vivre une vie de chevalier, conquérir le ciel, que cela est tentant ! Et de nos jours encore, je vois des gens qui réinventent une vie de chevalier »

 

Alors même que les armes parlent ; des spécialistes de l'art ou d'histoire rapportent que c'est en France, au Moyen-âge que la pensée chrétienne a trouvé sa forme parfaite ; au XIII e siècle, elle s'est exprimée au travers des cathédrales. Ils cessent d'employer l'adjectif ''gothique''... Les ravages exercés sur les cathédrales sont exploités dans la presse : la cathédrale blessée est souvent représentée, sous forme d’une allégorie féminine martyrisée... A la France : le Moyen Âge lumineux du temps des cathédrales et à l'Allemagne : les âges sombres des Grandes Invasions.

On retrouve la même symbolique en Angleterre et aussi aux Etats-Unis où la guerre est assimilée à une croisade contre le mal : c'est la « Pershing’s Crusaders »

 

Comme l'avait déjà observé Anne-Laure de Sallembier, et plus explicitement pendant la guerre, le chevalier arthurien est présenté comme le précurseur du gentleman britannique qui part à la guerre...

 

Jeanne d’Arc est un modèle pour tous les alliés : elle oppose à ses juges une foi inébranlable et symbolise le courage face au fanatisme. Sa vertu constitue l’ultime mode de l’expression chevaleresque.

Bernanos, décoré de sa croix de guerre, est défait... Le poilu n'est qu'un rouage d'une machine qui ne le considère que comme de la chair à canon. A la différence de Barrès, il ne s'est pas soustrait au destin tragique de sa génération.

L'après-guerre lui semble vide d'un pourquoi ? Pourquoi la guerre ? Pourquoi la Victoire ? Vide spirituel, et aussi intellectuel.

« De 1914 à 1918, l'arrière s'est parfaitement bien passé de nous. La mort de quinze cent mille des nôtres n'a rien changé à son aspect (…), je dis plus : ne fût-il pas revenu un seul d'entre nous, l'histoire de l'après-guerre n'en aurait pas été modifiée pour autant. Elle était faite par avance, et elle était faite sans nous ! » ''Les enfants humiliés: Journal 1939-1940''

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Mort au champ d'horreur...

Publié le par Régis Vétillard

Romain Roland (1866-1944) dénonce clairement comme responsables de la guerre les dirigeants de trois grands Etats : Allemagne, France, Grande Bretagne, ainsi que l’aveuglement et la complicité de leurs “élites” : clergé, enseignants, hommes politiques.

Dès 1915, il publie “Au-dessus de la mêlée” ; des articles considérés comme des actes de traîtrise...

Parodi lui reproche de n'avoir pas compris « que l’heure où une nation entre en lutte pour son existence ne saurait être celle de l’impartialité entière et de l’équité sereine », « Si la lutte ne se soutient que par la confiance en soi et l’enthousiasme, il est impossible de tendre toutes ses énergies contre l’ennemi et au même moment de s’attacher à le comprendre exactement et à le juger scrupuleusement : on dirait qu’à vouloir encore être avant tout clairvoyant ou juste, on se mette en dehors de son peuple et on ne soit plus entièrement patriote. »

Effectivement, Romain Rolland en Suisse, se permet une position, comme il le dit dans le titre, « au-dessus de la mêlée » ; c'est à dire au-dessus de la confusion... Il se situe hors conflit, et explique qu’il veut parler aux Allemands comme à des frères, de même culture, et qu’il refuse de succomber à l’animosité et à la haine.

Anne-Laure de Sallembier, par sa propre culture, ne comprend pas et ne partage pas l'argumentation belliciste de cette guerre. La durée du conflit, la maintient dans une retraite qui la coupe du ''grand monde'' qu'elle fréquentait... L'attente quotidienne, et l'angoisse de recevoir cette nouvelle de la mort de son compagnon, la maintient dans une mélancolie que seule la vie campagnarde peut lui permettre de supporter...

Cette nouvelle qu'elle redoutait, mais se préparait chaque jour à recevoir, est tombée avec la tournée du facteur, le matin d'une belle journée de printemps... Anne-Laure - n'étant pas l'épouse de J.B. (Jean-Baptiste de Vassy) - ne reçut pas la visite des gendarmes, ou du maire; mais une lettre de son colonel... Elle fut suivie de celle d'un ami pilote...

 

Les circonstances de la guerre, ont fait se croiser J.B. et Georges B.... Georges B. est alors journaliste, fortement engagé politiquement, il s'est fait remarqué par quelques articles... Et juste avant guerre, Léon Daudet, lui propose de diriger un hebdomadaire rouennais : l'Avant-garde de Normandie, avec l'objectif de le relancer... G.B. S'oppose – par presse interposée - à la bourgeoisie libérale, et aux radicaux-anticléricaux; et se distingue de Maurras qui, dit-il, méprise le peuple...

J.B. et Georges B. ont partagé ces premiers mois de guerre dans le même escadron de réserve des dragons.. Peut-être se sont-ils rencontrés sur ce qu'ils ont en commun, à savoir leur pensée politique et sociale, à contre-courant de l’idée courante et républicaine... Tous deux regrettent la dépossession progressive des états, au profit des forces industrielles et bancaires ; l'avènement triomphal de l'argent... Tous deux jugent sévèrement, la bourgeoisie qui s'enrichit ( la loi du plus fort...) et, l'Eglise qui qui ne s'y oppose pas... Si la société devient matérialiste, et athée ; elle sera amenée à devenir totalitaire, le politique se pliant aux règles économiques...

Tous deux échangent, sur leur compagne . G.B. vient de rencontrer Jehanne Talbert d'Arc ( descendante de Jeanne d'Arc) qui deviendra sa femme en 1917... J.B. sera resté fidèle à Anne-Laure. Indépendant, et passionné de sciences, il aura partagée avec elle l'essentiel : l'amour et la quête... Et, pour Lancelot, J.B. aura été et restera cette image paternelle fondatrice qui accompagne tout individu, s'il a eu la chance de grandir avec... Plus tard, Lancelot, se reposera sur ce lien tragique créé par la Guerre, pour retrouver en Georges Bernanos, non seulement des échos de son enfance ; mais un guide dans cette étrange période qui s'avère être une fin, et un début...

G.B. avant la guerre, vivait ses convictions dans l'action. Il croit avec Maurras, qu'il est possible de renverser la République. Il pense même, pouvoir faire une alliance avec des révolutionnaires pour proposer une synthèse monarchiste - sociale-syndicaliste avec un ciment chrétien. Bernanos fréquente alors le Cercle Proudhon, avec des disciples de Maurras, de Sorel et de Péguy... jusqu'en 1914 ; quand tous ces rêves furent humiliés !

G.B. et J.B. sont entrés dans les ténèbres de l'horreur ; tous deux dans les rangs du 6e régiment de dragons (anciennement les dragons de la reine … !).

 

C'est : 9,5 millions de morts ( + de 1,3 million en France) et disparus, soit plus de 6 000 morts par jour que l'on va comptabiliser..

Le sentiment qui empli la vie d'Anne-Laure de Sallembier pendant la Guerre, est la honte... Honte de cette brutalité, honte de ces hommes de pouvoir, intellectuels, savants et politiques... Honte de cette obscénité... Elle écrit même, quelque part, qu'elle ne comprends pas « que l'on puisse décréter indécente l'idée d'un corps de femme qui frémit d'aise ou de plaisir à la caresse d'un homme bienveillant, et non pas l'acte de guerre qui tranche le corps d'un homme, pour le rendre invalide ».. !

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1914 Comment justifier la Guerre ? 2

Publié le par Régis Vétillard

Et nos intellectuels ?

La Grande guerre va renverser le modèle ( jusqu'ici) ''dreyfusard '' et universel de l'intellectuel...

Aurions-nous perdu confiance en la civilisation européenne ?

Nos rencontres, nos débats, en Allemagne, n'exprimaient-ils qu'une partie de notre pensée, cachée derrière des apparences de civilité... ?

Henri Bergson

Nos discours aujourd'hui sont en rupture des réseaux

Henri Bergson, en séance de l’Académie des sciences morales et politiques : « La lutte engagée contre l’Allemagne est la lutte même de la civilisation contre la barbarie. Tout le monde le sent, mais notre Académie a peut-être une autorité particulière pour le dire. Vouée en grande partie à l’étude des questions psychologiques, morales et sociales, elle accomplit un simple devoir scientifique en signalant dans la brutalité et le cynisme de l’Allemagne, dans son mépris de toute justice et de toute vérité, une régression à l’état sauvage... »... Même Emile Boutroux, connaisseur de la philosophie allemande, présente la guerre sous le jour d'une croisade...

Les scientifiques se mettent au service de la nation en danger, en orientant leurs travaux sur de nouvelles armes

Sources : Les intellectuels français et la Grande Guerre, Christophe Prochasson

 

Le quotidien catholique La Croix, accuse la philosophie allemande, dont l'origine remonterait à Luther, pour donner Kant... Il dénonce le panthéisme officiel allemand, avec Fichte, Schelling, Hegel; et c'est Maritain qui affirme que Fichte nous montre « la liaison essentielle du pangermanisme avec la révolution luthérienne et kantienne ». Le philosophe conclut que « le poison panthéiste et hégélien a passé tout entier dans l’organisme intellectuel de l’Allemagne. […] A ce point de vue, on peut dire que c’est Hegel, avec derrière lui Kant et Luther, qui nous fait la guerre aujourd’hui. »

 

Dominique Parodi (1870-1955), professeur de philosophie, ( à Limoges de 1897 à 1899), - devenu inspecteur général de l’Instruction publique après la Première Guerre mondial - anticlérical, rationaliste et républicain ; s'interroge sur le ''problème moral'' de la Guerre, et tente de la justifier par la raison.

Agé de 44 ans, il n’est pas immédiatement mobilisable, mais il peut être appelé à servir dans la '' réserve de l’armée territoriale ''. Il est refusé à deux reprises par le conseil de révision... Il ressent une « angoisse de l’inaction» mêlée d’un sentiment de culpabilité...

Il s'oppose à toute mystique patriotique ( comme Bergson) ou guerrière...

 

Dominique Parodi face à ce qu'il nomme " la dimension spiritualiste et mystique de la morale allemande de la guerre '' défend la rationalité des principes de 1789 ; il tente d'identifier la « cause idéale (…) pour laquelle il vaut la peine de mourir et dont la défaite ferait qu’il ne vaudrait plus la peine de vivre. ». Il tente même de conjuguer : soumission à la censure, consentement intellectuel à la guerre et revendication d’une liberté critique à l’égard de certains discours bellicistes. Il reconnaît la faiblesse intrinsèque des démocraties en situation de guerre, lorsqu'elles restreignent la liberté d’expression ; mais la démocratie ne peut être incompatible avec une guerre patriotique et juste..

Dans cette guerre, il s'agit de montrer une '' altérité allemande irréductible '' et affirmer la légitimité d’une guerre du droit contre la force.

L'Allemagne justifierait sa guerre, par la suspension du droit au profit de la force ( brutale et divinisée...). La force crée le droit, une certaine nécessité fait loi. Ensuite le peuple allemand se considérerait comme un ''peuple élu'' ; à l'appui cette citation de Rudolph Eucken, l’un des philosophes allemands signataires du Manifeste des 93 : « Au peuple allemand, plus qu’à aucun autre peuple dans l’histoire, est confié le soin de l’âme intérieure et de la valeur propre de l’existence humaine. »

Il semble vrai que le vocabulaire employé par la propagande allemande soit celui d'un « combat pour l’existence » (Kampf um’s Dasein).

 

Finalement, Dominique Parodi refuse de voir la guerre comme moralement régénératrice, comme une réponse à la « crise morale » de l’avant-guerre.

Il semble que « la vie humaine a, du jour au lendemain, perdu toute importance», par nécessité la responsabilité collective se substitue à la responsabilité individuelle. La guerre demeure toujours « immorale », et doit être admise comme un « moindre mal ».

 

Le philosophe ALAIN ( pseudonyme d'Émile-Auguste CHARTIER) (1868-1951)

Brigadier artilleur, pendant la grande guerre, témoin d'atrocités, il publie un pamphlet ''Mars ou la guerre jugée''. Il témoigne que la guerre est le pire des maux : pire que l’injustice sociale et la misère… Pour ce qui est du soldat: « l’ordre de guerre a fait apparaître le pouvoir tout nu, qui n’admet ni discussion, ni refus, ni colère, qui place l’homme entre l’obéissance immédiate et la mort immédiate ».

Alain, impute aux humains la responsabilité de ces horreurs ; il ressent « le terrible remords d’avoir approuvé trop légèrement des discours emphatiques.. »

« La guerre prouve que ce sont les passions qui mènent le monde, et non pas la simple recherche de l’intérêt. L’homme est souvent prêt à tout sacrifier. D’ailleurs « si on explique la guerre par l’universel égoïsme, comment expliquera-t-on cet esprit de sacrifice sans lequel la guerre ne commencerait point ? » (Chap. XIX)

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1914 Comment justifier la Guerre ? 1

Publié le par Régis Vétillard

Au Moyen-âge, la mort fait partie de la vie... 1914, en ce temps de guerre, la mort semble réservée au ''front'' ( et là, elle est totale, civils et soldats...); à l'arrière - pour la famille - elle prend forme par la visite d'un officiel ou du facteur avec un courrier qui annonce une mauvaise nouvelle... La guerre, c'est la mort, continuellement présente dans nos pensées, et redoutée...

A Moyen-âge, la religion maintient la méditation autour des notions de périssable, d'éphémère... La mort touche toute personne, tout âge, toute condition... Que reste-t-il de la beauté et de la gloire humaines ? Alors on se plaint de la brièveté des choses terrestres et on espère dans le salut de l'âme..

 

Le maréchal Lyautey se serait exclamé le 3 août 1914, en apprenant la déclaration de guerre allemande : « Mais ils sont fous ! Une guerre entre Européens, c'est une guerre civile... C'est la plus énorme ânerie que le monde ait jamais faite ! » Il aurait repris cette phrase des carnets de Victor Hugo...

Nous savions que la guerre était imminente, mais nous n'y croyions pas ; et nous n'étions pas prêts...

Comment la justifiaient-ils … ? Pour résumer : « Nous combattons pour le droit et la civilisation. »

 

« C’est l’Allemagne qui porte, devant la conscience des peuples et la justice de Dieu, la responsabilité de cette lutte gigantesque. » Mgr Quillet (évêque de Limoges)

Commençons par le sacré ; en effet, il y a un mythe de la guerre, elle serait chargée de sens et de sacré ; et c'est dans cette ''mystique'' de la guerre la raison profonde du consentement au conflit, puis à la violence extrême... Ensuite, cela se décline en une perspective de victoire rapide, une sanctification du soldat ''héroïque'' et une diabolisation de l'ennemi par les atrocités qu'il commet...

Dans le temps, la propagande et la censure seront nécessaires ; même les combattants obéiront plus aux ordres par contrainte que par consentement...

Le clergé, plutôt hostile à la République, se porte présent au front, d'ailleurs les poilus réclament des prêtres pour se réconcilier avec Dieu... L'antisémitisme, lui-même semble être une page qui se tourne...

Fin juillet, La Croix, écrit que la France est « admirable » par son sang-froid, son « patriotisme indomptable et accepte la guerre sans la moindre faiblesse ». Le 1er août, La Croix écrit : « Notre unique pensée est pour la France […] C’est sur la France, malgré le gouvernement athée et persécuteur qui la défigure, que nous appelons les bénédictions du Très Haut. »

Le 6 août, La Croix, salue la formule de Raymond Poincaré : « l'Union sacrée » ; et le 19 août affirme avec satisfaction qu’en « redevenant tout à fait française, l’âme nationale se retrouve catholique ».

Face à l'avancée allemande vers Paris, Dans La Croix, Mgr Baudrillart explique que la crise actuelle est une crise philosophique, morale et religieuse ; l’alcoolisme, la stérilité volontaire, l’amour du plaisir, le matérialisme pratique, l’individualisme sont les causes de nos malheurs.

L’évêque d’Orléans, Mgr Touchet présente  le 2 février 1915 : Un catéchisme bref sur la guerre, composé de huit propositions fondamentales : 1° Dieu aime les soldats ; 2° Dieu qui aime les soldats n’aime pas cependant la guerre ; 3° Dieu n’aime pas la guerre mais la permet ; 4° Dieu permet la guerre parfois, mais l’interdit parfois ; 5° Dieu ne veut pas que la guerre soit conduite avec barbarie et dans l’oubli des principes de la loi morale ; 6° Aux nations qui violent la loi morale, Dieu inflige dès ici-bas un châtiment ; 7° La guerre doit aboutir à la paix, solide, durable ; 8° Tout le monde doit contribuer à la guerre dans les limites de ses moyens.

 

Le ''Grand Monde'' , généralement se caractérise par ses réseaux transnationaux. Il les ignore à présent, comme d'ailleurs la gauche internationaliste qui, intériorisant l’idée de nation, rallie elle aussi l’Union sacrée... Les grandes familles nobles, vont payer un lourd tribu à la guerre. L'aristocratie s'engage massivement dans la guerre à tous les échelons de la hiérarchie militaire, elle est très largement majoritaire parmi les officiers subalternes... Les jeunes officiers nobles sont fidèles à la cavalerie, mais qui s'avère peu efficace dans une guerre de position ; aussi, beaucoup vont se tourner vers l'aviation pour valoriser l'aspect glorieux de l'engagement... Georges de Morant a estimé qu’en 1916, 23% des nobles mobilisés ont été tués au front.

 

Cependant, les théâtres parisiens ont rouvert leurs portes dès la fin de 1914... S'agit-il de montrer aux ennemis que Paris ne s'inquiète pas... ? A moins que la haute société ne se libère de sa culpabilité à jouir de la vie pendant que d’autres meurent dans la boue... ? Même les soirées philanthropiques données à l’arrière par les femmes du monde tentent de prolonger un mode de vie d'un autre temps... Les femmes du monde continuent de se retrouver dans les stations à la mode, dans les grands hôtels et les villas.

A partir de 1914, la pression fiscale sur les hauts revenus du capital, va apparaître avec l'idée de redistribution des richesses...

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