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1940 – Vichy. 3

Publié le par Régis Vétillard

Dès le 20 juillet 1940, Paul Morand ( né en 1888) a choisi de rejoindre Pierre Laval et le cercle d'amis qu'entretient Josée de Chambrun ( fille de Laval) … Il raconte partout qu'il n'a pas apprécié, à Londres, ce général de Gaulle qui l'a ''convoqué'' ; puis sans le remercier lui a ''emprunté '' sa secrétaire Elisabeth de Mirbel, pour taper l'appel du 18 juin... Il n'a pas craint ''l'abandon de poste'' pour venir chercher ici, un poste de ministre ; mais le nouveau ministre des Affaires Etrangères, Paul Baudoin, le congédie...

Paul Morand

Paul Morand estime ''la ruse'' de Pétain avec l'armistice, comme la meilleure décision devant un Reich victorieux.

Morand s'en retourne à Paris, où l'attend une maîtresse qui vient de lui donner un enfant ; et sa femme la princesse Soutzo, d’origine roumaine, germanophile et antisémite convaincue, qui tient salon, dans le prestigieux appartement de l’avenue Charles-Floquet au coeur du 7ème arrondissement parisien.

 

Claude Roy, ancien de l'Action Française, rejoint '' Jeune France '' association chrétienne maréchaliste, pensée par Emmanuel Mounier et réalisée par Pierre Schaeffer, pour porter une politique de rénovation culturelle dans la jeunesse, avec une émission dédié à la Radiodiffusion nationale.

 

Lancelot a eut la surprise de rencontrer Simone Weil, qui a fui Paris avec ses parents le 14 juin, après un premier arrêt à Nevers, elle prévoit de descendre plus au sud, et peut-être même de quitter la métropole. Elle exprime que les français ne veulent pas se battre, et préfèrent dormir dans un semblant de sécurité...

Gaston Bergery à Vichy en 1940

 

Lancelot retrouve Gaston Bergery, au cœur de l'agitation atour du Maréchal. Il est l'auteur d'une déclaration signée par 69 parlementaires de droite, du centre et du parti socialiste, pour réclamer un ordre nouveau, autoritaire, national et social impliquant « un dosage de collaboration avec les puissances latines et l'Allemagne elle-même ».

- Ne doit-on pas craindre l'Allemagne ?

- Il n'est pas dans l'intérêt de l'Allemagne d'écraser la France - répond Bergery – elle souhaite une nouvelle Europe, et nous observe pour connaître nos intentions. Nous devons tenter l’œuvre de réconciliation et de collaboration...

- De quel régime, l'ordre nouveau doit-il se doter ?

- L'ordre nouveau, doit être un ordre autoritaire qui restaure la Nation avec ses provinces authentiques, et son génie propre. Défaite aujourd'hui, la France de demain, sera plus grande que la France d'hier... Nous aurions dû collaborer dès 1919... !

 

Bergery, avec Déat et Chateau ( franc-maçon, comme l'ancien communiste François Chasseigne) envisagent la création d'un parti unique. Il propose de commencer par un Rassemblement pour la Révolution nationale qui pourrait évoluer vers la structure d'un parti. L'Etat a besoin du consentement des français.

- C'est anti-parlementaire ?

- Non … C'est conforme à un socialisme vrai...

Xavier Vallat, autrefois monarchiste, puis rallié à la République par raison, explique à Lancelot, qu'il n'est pas favorable au parti unique :

- Ce serait imiter l'Italie et l'Allemagne, leur situation est différente ayant eu le temps d'élaborer des programmes complets, distincts d'ailleurs... Créer rapidement un parti de toute pièce, n'aurait pas le même dynamisme. En France, l'Etat est tenu, l'Etat c'est Pétain. Nous supprimons le régime des partis.

Finalement, Pétain et Laval s'opposent à ce projet de parti unique...

Vichy semble devenir une laboratoire d'idées ; non pas que la victoire de l'Allemagne soit oubliée ; mais il subsiste le désir d'utiliser ce qui nous reste, et sauvegardé par Pétain, pour se reconstruire et à terme..., se libérer.

La plupart des gens, ici, ne font pas confiance aux Anglais ; on leur reproche notamment l'évacuation de Dunkerque à la fin du mois de mai 1940 et l'attaque britannique, en juillet 1940, de la flotte française de Mers el-Kébir, en Algérie.

 

Le voisin et co-locataire de Lancelot, Pierre G. est tout fier de lui vanter les loi du 17 et 22 juillet 1940, sur la dénaturalisation. Un mois à peine après l'installation du nouveau régime ( il devait y avoir urgence !), celui-ci se presse de réviser les naturalisations obtenues depuis 1927.

Commission de révision des naturalisations

- Cela fait combien de personnes ?

- A peu près un million, quand même...

- Un million de ''mauvais français''... ?

- Des métèques, des juifs. Des étrangers. !

- En quoi sont-ils dangereux ?

- Parmi eux, il y a des communistes, et surtout des juifs... On va s'occuper aussi, des traîtres.

- La déchéance de nationalité du père entraîne automatiquement celle de son épouse et de leurs enfants, n'est-ce pas... ? Ils deviennent apatrides... Que vont-ils devenir... ?

- Il nous faut une fois pour toutes, résoudre la question juive !

 

Cette ''question juive '' dérangent souvent les pensées de Lancelot. Depuis Drumont, puis Céline , Drieu la Rochelle aussi, on agite cette haine jusqu'à l'antisémitisme... Lancelot a bien souvent entendu répéter cette accusation de peuple déicide - qui bien-sûr ne peut satisfaire l'esprit - de non-reconnaissance de la figure christique... Péguy lui-même lie le destin des juifs à celui des chrétiens ( Le Mystère des saints innocents ).

Bernanos dit que le problème juif, n'est pas un problème religieux. Il ajoute : « Il y a une race juive, cela se reconnaît à des signes physiques évidents. S'il y a une race juive, il y a une sensibilité juive, une pensée juive, un sens juif de la vie, de la mort, de la sagesse et du bonheur.» Si cela était ; pourquoi cette haine ?

Plus politique, certains interrogent la « haute banque israélite » ; nous entendons alors les échos d'un Maurras, et de ''tout ce qui se dit...''. Bernanos a rompu avec l'Action Française, Lancelot a suivi l'exemple.

La ''question juive'' est alimentée par les antisémites ; ils agitent « un monstre imaginaire, fantasmatique, dont l’ombre menaçante courait sur les murs, avec son nez crochu et ses mains de rapace, cette créature pourrie par tous les vices, responsable de tous les maux et coupable de tous les crimes. » ( Modiano '' Dora Bruder '' ). Cette image, comme le constate Lancelot, enduit toutes les conversations sur les responsables de la défaite ; s'y ajoutent naturellement, les francs-maçons, les élites, les politiciens au pouvoir...

Pierre G. a son idée : il va plus loin que la seule responsabilité des juifs dans les scandales politico-financiers, il ajoute le délitement d'une société qui préférerait s'étourdir dans les ''congés payés''. Le responsable de la décadence : c'est le Front Populaire : il faudra traduire en justice – et le plus tôt sera le mieux – les anciens ministres qui « ont trahi les devoirs de leur charge » !

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1940 – Vichy. 2

Publié le par Régis Vétillard

Pétain devant l'hôtel du Parc

Les administrations ont réquisitionnés les grands hôtels. Lancelot doit fréquemment se rendre au Thermal-Palace ( rue du parc) ; et assez souvent au 4ème étage de l'hôtel du Parc.

Pierre. G. Fréquente également cet étage de l'hôtel du Parc, et surtout l'hôtel Les Célestins qui reçoit les bureaux du S.E. de L'intérieur.

A côté du Thermal-palace, qui abrite le ministère de la défense et de la guerre, se trouve l'hôtel des Ambassadeurs, autre lieu que Lancelot apprécie pour sa table, et pour son ambiance ; et pas seulement pour les trois '' jours avec '' ( avec alcool) qui provoquent de l’affluence.

En suivant les bords de l'Allier, par beau temps ; on peut retrouver une partie de la 'haute société' au bar ''Le Cintra'', où se traite toutes sortes d'affaires... Henry Vuitton, qui fréquente le lieu, va produire en série des objets artistiques à la gloire de Pétain dont les bustes officiels.

Pétain - l'hôtel Thermal

 

Il est frappant de voir partout beaucoup de militaires ; si nombreux, que c'est au point où ''les Ambassadeurs'' semble un mess d'officier. En général ils circulent d'un pas pressé ; on dit '' qu'ils n'ont plus une minute à perdre depuis cette honteuse défaite ''. Mais, et ils le reconnaissent, les militaires sont inexpérimentés en administration. En représailles Weygand fustige tous les parlementaires. Vichy est petit, et le lieu de toutes les rumeurs...

Très vite, chacun prend en compte l'importance que prend le directeur de cabinet de Pétain, un civil, Henry du Moulin de Labarthète. Il exprime son état d'esprit anti-allemand, son soutien à la Révolution Nationale et son rejet de la collaboration. Il va s'imposer jusqu'à contribuer directement au renvoi de Laval, ce sera le 13 décembre 1940.

Lancelot connaît, un peu et de longue date du Moulin de Labarthète, ils ont le même âge. Depuis la Faculté de droit, où il obtient sa licence en 1921. Depuis la Conférence Olivaint, où il apparaît comme un brillant débatteur, en particulier sur la question religieuse.

à droite, Henry du Moulin de Labarthète

 

Lancelot s'est permis, en toute camaraderie, de l'interroger sur la légalité du nouveau régime avec quelques questions sur le rôle du parlement, sur le principe de la séparation des pouvoirs...

Moulin de Labarthète répond sur la nécessité de ce temps de transition qui résulte de la démission de Reynaud, et d'un armistice qui a empêché que « la Wehrmacht dans les huit jours, ne traverse l’Espagne, prenne pied sur la côte du Maroc espagnol, détruise en un tournemain nos divisions d’Afrique du Nord, et donne en six semaines la razzia à nos troupes sénégalaises. »

- Oui, mais Pétain n'a t-il pas outrepassé le mandat qui lui avait été donné en s’attribuant la plénitude des pouvoirs législatif, exécutif, et même judiciaire ?

- Les actes du nouveau pouvoir sont constitutionnels. Nous sommes à présent au départ d'une révolution nationale... Elle se met en marche sous l'autorité seule et entière du Maréchal Pétain. Ensuite, pour ce qui est de l'administration, elle réagit au '' principe de délégation '' qui signifie que l'administration obéit mais ne juge pas du contenu des mesures imposées.

Lancelot prend acte que le nouveau régime est autoritaire, et remplace bel et bien la République.

Le directeur de cabinet de Pétain, estime que la place d'un gouvernement est sur le sol national ; que Pétain refusera d'en faire un ''gouvernement de subordination''... Quant à la voix solitaire de De Gaulle, elle est « sans résonance immédiate. plus aisément dans l’invective que dans la persuasion. »


 

Lancelot s'intéresse à reconnaître en ville, des personnalités connues. Ainsi,Vichy a permis à James Joyce d'être logé à l'hôtel de Beaujolais, 12, rue de Paris depuis avril ; l'établissement étant réquisitionné ; il s'en est allé. Il était accompagné de Samuel Bekett. Sans-doute était-il venu visiter son ancien ami Valéry Larbaud ? C'est en France, grâce à Sylvia Beach qu'il publie Ulysse, en 1922.

Valery Larbaud est né à Vichy en 1881, il occupe un appartement au rez-de-chaussée de l’immeuble d’angle de la rue Nicolas Larbaud ( son père) et de l’avenue Victoria.

Victime d'un a.v.c. en 1935, il souffre d'une aphasie de Broca ; ses facultés intellectuelles ne sont pas altérées ; mais il ne peut s'exprimer qu'avec grande difficulté... Ce dandy, vivait de sa fortune et partageait son temps entre la lecture et les voyages.

Jean Giraudoux

 

Jean Giraudoux a son bureau dans l’hôtel du Parc avec le gouvernement de Vichy en 1940 ; il avait été nommé Commissaire général à l’information par Édouard Daladier, président du Conseil; et le resta jusqu'au 20 mars 1940. Il était présent le 10 juillet, dans le Grand Casino de Vichy, pour assister au vote par l’Assemblée Nationale des pleins pouvoirs à Pétain. Depuis le 29 juin, il partage un bureau de l’Hôtel du Parc, mais il ne joue aucun rôle alors qu'il exprime sa confiance au Maréchal; il sera mis à la retraite le 21 janvier 1941.

Ses soucis sont partagés entre son fils qui a rejoint l’Angleterre et le général de Gaulle, et une ''liaison passionnée '' avec une jeune journaliste, Isabelle Montérou, qu'il a rencontré dans un studio de la radio, lors d'un entretien sur Ondine.

 

Ondine, est cette pièce que Lancelot et sa mère, ont vu au théâtre de l'Athénée le 4 mai. Giraudoux se demandait, de par l'actualité, si les les '' Portes de la Guerre '' allaient s'ouvrir... ( référence à sa pièce de 1935 : La guerre de Troie n'aura pas lieu, créée par Louis Jouvet.)...

Anne-Laure de Sallembier, tout comme Giraudoux le dit, a « l'âme franco-allemande ». Dans Siegfried, on retrouve le drame de ''l'homme sans ombre'' de Chamiso, que connaissent bien Lancelot et sa mère.

Les français ont vu, avec Giraudoux, s'ouvrir les ''portes de la guerre''. Il est étrange, qu'on lui offrit le contre-emploi de faire la propagande de la guerre... ! Il ne sut pas utiliser le langage simple et populaire nécessaire. Son vis à vis ennemi, n'était autre que le brutal Goebbels.

Lors de l'armistice, Giraudoux s'insurge contre la complainte pétainiste de '' nous l'avons bien mérité !'' Cependant Giraudoux hésite, Pétain du fait de son prestige peut être le bouclier attendu contre les conséquences de cette lourde défaite. Giraudoux va se réfugier dans la littérature, et exalter '' la France de l'esprit''.

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1940 – Vichy. 1

Publié le par Régis Vétillard

Le gouvernement quitte Bordeaux le 29 juin, et laisse la place aux allemands. Avec lui, Lancelot arrive à Vichy, le 1er juillet 1940. L’armistice signée le 22 juin, laissait la possibilité de rétablir son siège à Paris, mais Pétain ne le souhaite pas, sans en négocier les conditions. Vichy et ses curistes, est investie - brusquement - par les autorités de l'Etat, ses hauts fonctionnaires, et très vite par par une nuée de journalistes, de quémandeurs, d’ambitieux et d’aventuriers.

Depuis Bordeaux, le désordre règne, mais l'optimisme est de rigueur. Cela va s'arranger... et tout est encore possible, parait-il.

Quel est l'état d'esprit de Lancelot en ce début juillet 1940 ? Il rejoint l'impression commune d'avoir échappé au pire... En ces premiers jours à Vichy, on ressent même une certaine euphorie. Cette défaite ( que l'on voyait venir...) permet d'en finir avec cette situation politique qui nous a mené au chaos. Pétain apparaît comme le chef et le bouclier qui manquaient. La seule crainte est qu'il ne soit pas assez rusé pour contourner ceux qui, déjà, voient dans l'hitlérisme, non pas un ennemi, mais un allié.

Lancelot pense qu'un régime d'exception avec Pétain, ne pourrait être que transitoire. Il est dans l'attente d'un retour à la souveraineté complète de la France après que l’Empire français se soit ressaisi avec l'aide ou pas de l'empire britannique, et peut-être même des Etats-Unis...

Lancelot perçoit - en particulier dans l'entourage de Laval - une autre perspective : celle d'une restructuration européenne sous l'égide d'une révolution nationale-socialiste, en collaboration avec les nazis. Cette possibilité ne peut pas être envisagée, selon Weygand ; ce serait, dit-il, de l’intelligence avec l'ennemi !

Vichy - théâtre du Grand Casino

 

Le gouvernement à peine installé, un communiqué diffusé le 2 juillet convoque pour le 9 les députés et les sénateurs à Vichy, en vue d’une réunion de l’Assemblée nationale.

Le 3 juillet, le désastre de Mers el-Kébir ; est au désavantage de l'idée que l'on se fait d'une possible entente avec la Grande-Bretagne. Dans quel camp sommes-nous ?

Très vite, chacun comprend qu'un homme - Pierre Laval – s'attache à tout prix d'achever un combat qu'il mène depuis Bordeaux : défaire la République. Il a une semaine pour convaincre les présents, à les aider d'imaginer favorablement leur prochaine carrière dans un nouveau régime. Promesse est faite du maintien de leur indemnité et du respect qui leur est du... Laval répète à l'envie : « Je vais avoir besoin de vous ... ». Laval est un bon avocat, les yeux rusés, l'esprit vif, la voix grave. Il vous assure de lui faire confiance, comme Pétain le fait.

L'objectif premier est de réunir '' l'Assemblée Nationale ''- c'est à dire les deux chambres - pour accorder au gouvernement les pleins pouvoirs constitutionnels...

10 juillet 1940

 

Le Grand Casino de Vichy ( style rococo 1901), accueille les séances ; la scène est occupé par le Président de l'assemblée et les secrétaires sur deux tables de brasserie ; devant la niche obstruée du souffleur, une table destinée aux orateurs ; et la salle sert d'hémicycle.

Il s'agit d'abord de présenter un projet et demander à l'Assemblée d'approuver le principe de la révision de la Constitution. Le 9 juillet, sur 666, seuls 3 députés (Biondi, Margaine et Roche) et 1 sénateur (le marquis Pierre de Chambrun) le refusent...

Lancelot assiste à la séance publique de l'après-midi du 10 juillet : l'Assemblée Nationale vote les « Pleins pouvoirs constitutionnels » au maréchal Pétain. Le texte est mis au vote et adopté par 569 voix contre 80 et 17 abstentions. Il est 17h30, on crie « Vive la France ! » ; on vient de déclarer la fin de la IIIe République.

Le 11 juillet, trois « actes constitutionnels » fondent l'État français ; et Pétain s'adresse aux français. Le 12, le quatrième acte désigne Laval comme successeur de Pétain.

Le « chef de l'État français » et le premier gouvernement du régime de Vichy, photo probablement prise en juillet 1940 sur la terrasse du pavillon Sévigné à Vichy. De gauche à droite : Pierre Caziot, François Darlan, Paul Baudouin, Raphaël Alibert, Pierre Laval, Adrien Marquet, Yves Bouthillier, Philippe Pétain, Émile Mireaux, Maxime Weygand, Jean Ybarnégaray, Henry Lémery, François Piétri, Louis Colson.

A Vichy, Lancelot fait le choix de louer un appartement dans un pavillon, au 10 rue du Maréchal Joffre. Une dame et son petit garçon, habitent le rez-de-chaussée, et louent les appartements des étages aux fonctionnaires nouvellement arrivés. Sur le même pallier, emménage également un personnage bien plus jeune, et très ambitieux, Pierre G. …

Le mari de la propriétaire, madame Forge, est retenu prisonnier en Allemagne. Capitaine, il a été envoyé à l'Oflag XB en Allemagne du Nord. Me Forge fait confiance au Maréchal qui assure chacun ici du souci qu'il a du sort des prisonniers.

Son fils Michel, 11 ans, est scout-louveteau, et sa mère est elle-même engagée dans ce mouvement. Lancelot se montre d'autant plus intéressé que le jeune garçon est attiré par l'univers de la chevalerie lié au scoutisme. La loi scoute, comme dit Me Forge, est « comme un rempart infranchissable contre les compromissions, la médiocrité, le mal. ».

Entrée du ministère de la jeunesse gardé par des scouts à Vichy, France en avril 1941.

Henry Dhavernas, commissaire national des Scouts de France est nommé au Secrétariat d’État à la Famille et à la Jeunesse. Le prêtre jésuite Paul Doncoeur devient aumônier national de la route SDF ; il est un correspondant de Mauriac et de Gide, en particulier ; mais sa référence littéraire c'est Péguy. Pour lui, la cause spirituelle de la défaite est à chercher dans l'incapacité à « tenir tout ensemble une religion, une culture et une '' mystique '' tenant lieu de politique. » ; et ce programme, le père Doncoeur en est persuadé, le Maréchal Pétain peut le réaliser.

 

Me Forge est une fervente littéraire et place François Mauriac en tête de ses écrivains préférés ; en effet il consacre plusieurs œuvres à la foi et il excelle dans l'expression des débats intérieurs à propos de l'amour, du mariage, de la jeunesse... Elle nomme ''l'Adieu à l'adolescence'' et également Génitrix, Destins et Le fleuve de feu... Elle lit, en ce moment ''Le nœud de vipères''.

François Mauriac, n'a pas craint de s'opposer à son milieu intellectuel et politique d'origine quand il s'est positionné en faveur des républicains espagnols et des chrétiens de gauche. Actuellement, à l'arrivée du gouvernement de Vichy, il est plutôt séduit par le nouveau régime... Cependant, en 1941, son roman ''La Pharisienne'' opérera une critique implicite de Vichy.

Une autre fois, Me Forge, confie que son livre de chevet, est ''L'Imitation de Jésus-Christ'' : il s'agit d'une œuvre anonyme écrite entre la fin du XIVe et le début du XVe siècles. Cet ouvrage de piété chrétienne, invite le lecteur à se conformer au modèle du Christ pour vivre en bon chrétien, et ne pas vivre « dans le monde », sous peine de s'y perdre. Cette lecture l'aide dans l'actualité présente : La souffrance et la douleur y sont abordées, pour signifier qu'elles sont inévitables, mais qu'elles ne peuvent être vécues de façon chrétienne que si elles sont « offertes » à Dieu.

 

Lancelot offre à Michel, le premier tome des aventures du Prince Eric : Le bracelet de Vermeil ; livre qu'il s'est empressé de lire avant de l'offrir. Michel est alors devenu un lecteur passionné de la suite romanesque écrite par Yves de Verdilhac ( alias Serge Dalens). Ce roman publié en 1937, va lancer la collection '' Signe de Piste ''. Le roman scout met en valeur le rôle du chef, et les valeurs du scoutisme : l’action juste, le comportement franc, la vivacité d’esprit, « par définition, un scout est débrouillard », « pour nous un blessé cesse d’être un adversaire ». ; il n'est pas étonnant que les comparaisons entre les scouts et les chevaliers soient courantes.

« L'époque médiévale offre un décorum fait de châteaux forts avec souterrains, oubliettes, fantômes, bannières, armures et blasons, de commanderie de Templiers et d’églises romanes, les jeunes héros traversent des aventures pleines de mystères, truffées de serments, pardons, sacrifices et initiations. Plusieurs hauts lieux du Moyen-âge, Montségur, l’Alsace des burgs germaniques, ponctuent les moments forts de ces aventures romanesques »

L'occupation allemande va interdire les mouvements de scoutisme en zone nord (ordonnance du 28 août 1940).

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1940 - Le Massilia et l'Armistice

Publié le par Régis Vétillard

Le gouvernement de Paul Reynaud à Bordeaux en juin 1940

Le gouvernement de Paul Reynaud à Bordeaux en juin 1940

Laval, qui loge chez Adrien Marquet le maire de Bordeaux et soutenu par lui, agite le petit monde ministériel pour promouvoir la solution de l'armistice et des pleins pouvoirs à Pétain.

Weygand s'oppose au projet que fait Churchill d'un union franco-britannique. Le Conseil des ministres du 16 juin au soir décide unanimement qu’il faut demander l’armistice.

Le président du Conseil, Paul Reynaud, découragé remet sa démission au président de la République Albert Lebrun. Il lui conseille de faire appel au maréchal Philippe Pétain, le seul à garder le prestige nécessaire, pour lui succéder.

De Gaulle

Le soir, de Gaulle arrive de Londres et va voir Reynaud. Il lui fait part de son retour à Londres. Reynaud lui fait remettre une somme prélevés sur les fonds secrets

 

Reynaud conseille à Lancelot de partir en Afrique du nord. Lui-même, fortement influencé par sa maîtresse Hélène de Portes, se sent soulagé de sa démission; il ne peut assumer la honte de l'armistice, ni des conséquences de la poursuite de la guerre. Il craint que les conditions de l'armistice que vont nous imposer les allemands soient excessifs, même inacceptables... !

Pétain et Laval

Reynaud laisse entendre qu'ils se retrouveront ; les conditions allemandes seront telles, que le président Lebrun devra poursuivre la guerre dans l'Empire...

Le 17 juin, à 0h30, la France pria l’Espagne de bien vouloir transmettre à l’Allemagne sa demande d’armistice. Le Vatican fut contacté à 3 heures pour transmettre une demande identique à l’Italie.

Le 17 juin vers 9h15, de Mérignac, de Gaulle s'évade... Le consul du Portugal délivre des visas à la pelle.

17 juin Weygand est nommé ministre de la Défense et Lancelot se range à son service.

Les nouveaux ministères ont du mal à s'organiser... Il faut attendre que Reynaud passe ses pouvoirs... Enfin, Weygand s'adresse à Lancelot et lui demande où se trouve le sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale de Reynaud, Charles De Gaulle. On lui dit qu'il est reparti pour Londres. Weygand est furieux.

Vers 14h, ce 17 juin, Lancelot entend le message, radiodiffusé du lycée Longchamp (Montesquieu de nos jours), que Pétain prononce : « C’est le cœur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat. »

Chacun sait que la majorité des Français, épuisés et terrifiés, accueillent le discours du héros de 14-18 avec soulagement.

Le physicien Serge Gorodetsky chargé de mettre en lieu sûr les réserves d'uranium - faute d'embarquement possible vers l'Angleterre - est contraint de quitter Bordeaux pour le Maroc, ce jour.

Lancelot reste favorable à ce que le gouvernement, avec le président de la république qui le légitimise, quitte la métropole pour l'Afrique du Nord... Seul Pétain serait habilité à tenter le dialogue avec les allemands.

De fausses informations circulent. Georges Mandel, favorable pour rejoindre l’Afrique du Nord, est arrêté le 17 juin alors qu'il dîne au ''Chapon fin'', et accusé par le clan Laval d’avoir fomenté un coup d'état. L'intervention du président de la République, Albert Lebrun, permet sa libération.

 

Le 18 juin, De Gaulle lance un appel de la radio de Londres ; que peu de personnes entendent.

Lancelot, avec l'accord de Weygand, le nouveau ministre de la défense, remet l'ordre de mission à Halban et Kowarski. Le 18 juin 1940, ils quittent la France à bord d'un navire britannique, le Broompark, sur lequel a été chargée l'eau lourde. Le 20 juin, lorsque la division SS Adolf-Hitler entrera dans Clermont, il est trop tard. Elle ne mettra pas la main sur l'uranium ni sur l'eau lourde.

Lancelot est soulagé de participer à ce premier acte de résistance du nouveau gouvernement... Et d'entendre le nouveau ministre de la défense Weygand, répéter avec complicité à de nombreux interlocuteurs : «  la guerre continue... »

Weygand ordonne au général de Gaulle de revenir en France.

La Luftwaffe

Bordeaux est bombardée par la Luftwaffe dans la nuit du 19 au 20 juin. Le bilan est lourd : 63 morts et 185 blessés.

Edouard Herriot, président de l’Assemblée Nationale, prépare le départ pour l’Afrique du Nord du président de la République, du gouvernement et des députés et sénateurs présents à Bordeaux. En accord avec Pétain, la république dans sa légitimité pourra continuer les combats.

Darlan, annonce que l’embarquement aura lieu sur le Massilia ( 600 places de cabine), le 20 juin, au quai des chargeurs, entre 14h et 16h..

Lancelot inscrit sur la liste des passagers hésite à partir sans l'accord de Weygand. Celui-ci, se doit de rester comme ministre ''militaire'' auprès de Pétain. Lebrun, Chautemps, Herriot, Jeanneney quitteraient la métropole.

Laval et Marquet, demande à Pétain de refuser cette scission du pouvoir et convoquent les parlementaires à 18h, le but étant d'en retenir un maximum ; finalement à 21h, seule une poignée de députés et sénateurs embarquent à bord du transatlantique le Massilia.

Finalement, Darlan reste, il évoque même la lâcheté de ceux qui cherchent à partir ; et en emmenant avec lui la Marine, il rend impossible un armistice. Albert Lebrun, Édouard Herriot, ne partent pas. Blum non plus, empêché par un contretemps de rejoindre les parlementaires

Le 21 juin, Le Massilia lève l'ancre avec vingt-sept parlementaires, aux côtés de Pierre Mendes France ou de Jean Zay, Edgard Pisani, Édouard Daladier, Georges Mandel...

Le même jour, Weygand prend connaissance des conditions d'armistices décidées par les allemands : elles surprennent... Elles évitent ce que la France ne pourrait accepter : la livraison de la Flotte, l'occupation totale du territoire métropolitain, l'installation des Allemands dans l'Empire.

L’armistice est signé le 22 juin, à 18 heures 50 (heure d’été allemande).

Le 23 juin, Laval est nommé Ministre d'Etat et Vice-Président du Conseil.

Le Massilia arrive à Casablanca le 24 juin. Les passagers du Massilia, sont désignés comme fuyards et traîtres.

Le 24 juin, Lancelot est chargé, de transmettre au colonel Rivet, et au capitaine Paillole, l'accord de Weygand à ce que et les cadres du contre-espionnage organisent dans la clandestinité, la lutte contre les services spéciaux ennemis : « la guerre continue...» ! Le Service de Renseignement va se couvrir de structures comme le Bureau des Menées Antinationales, et l’entreprise des Travaux Ruraux (T.R.), et sa mission reste la lutte contre l'occupant. Ce jour réunis au séminaire de Bon Encontre, près d'Agen, Rivet et ses collègues font le serment de «Continuer la lutte contre l'envahisseur».

Enigma

Le bureau du chiffre, avec Gustave Bertrand ( et sa machine Enigma) , même si son unité ( le PC Bruno) est dissoute, se replie près d'Uzès. Des fonds secrets lui permettent d'acheter le château des Fouzes. Avec des cryptologues polonais, ils reconstituent un Service d'Interception radio et de décryptage, appelé le PC Cadix.

 

Le 28 juin, l'ancien président du Conseil Paul Reynaud est victime d'un accident de voiture dans lequel sa maîtresse, la comtesse Hélène de Portes, trouve la mort.

La ville de Bordeaux est déclarée ville ouverte par le maréchal Pétain. Des postes munis de drapeaux blancs sont installés aux entrées de la ville. Après que le commandant allemand de la place de Bordeaux, prenne possession de la ville ; Lancelot suit le gouvernement et quitte Bordeaux pour Vichy.

 

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1940 - La guerre et l'énergie nucléaire ( l'eau lourde)

Publié le par Régis Vétillard

Je rappelle que Lancelot est chargé de la liaison entre les secteurs de la Défense et les ministres ou leur cabinet. Lancelot établit des rapports le plus souvent confidentiels, voire secrets sur des conclusions établies par nos Services de Renseignements et se doit de les annoter et les rendre abordables par des non-spécialistes.

Irene et Frederic Joliot-Curie vers 1935

C'est ainsi qu'il est devenu un temps l'interlocuteur administratif de Irène et Frédéric Joliot-Curie, physiciens ( Nobel 1935).

Et, je profite des documents et notes de Lancelot pour rappeler l'importance du travail de ce couple de physiciens.

Frédéric Joliot et sa femme, Irène Curie ont mis en évidence avec d'autres ( allemands en particulier) la fission de l'uranium, c'est-à-dire l'éclatement du noyau de l'atome sous l'impact d'un neutron, avec un dégagement d'énergie considérable. Ils sont allés jusqu'à constater un phénomène qui déclenche une réaction en chaîne et, par là, la production d'énergie atomique. Pour ralentir cette réaction en chaîne, Joliot opte pour l'eau lourde.

Le ministre de l'Armement Raoul Dautry soutient et approvisionne le laboratoire d'oxyde d'uranium ( UO2) et d'eau lourde.

En urgence, lors de l'invasion de la France, notre stock d'oxyde d'uranium, 8 tonnes dans les sous-sols du Collège de France, est envoyé en 130 caisses, à Clermont-Ferrand, villa Clair-Logis, 85 rue Etienne Dolet, où se sont repliés Irène et Fred. Joliot-Curie ; avec leur documentation et travaux de recherche. Le 18 juin minerai et papiers sont chargés à bord de trois camions Citroën P45 qui rejoignent, sur les routes de l'exode, Bordeaux. Le minerai est chargé le 20 juin sur le cargo Île de Brehat à destination de Casablanca. A noter que , l'uranium naturel est peu radioactif.

Précédemment, au mois de Février 1940, Joliot-Curie s'inquiète : L’eau lourde, élément indispensable à la recherche atomique, est produite exclusivement en Norvège. Impossible de la laisser aux mains des nazis.

Qu'est-ce que '' l'eau lourde '' ?

L'eau lourde ( D2O ou oxyde de deutérium) est une molécule d'eau composée d'oxygène et de deutérium (isotope de l'hydrogène, à la densité plus élevée.).

« Pour réduire la vitesse de tout ou partie des neutrons émis, on introduit au sein de la masse d’uranium, des éléments très légers tels que l’hydrogène ».

Pourquoi n'utilise t-on pas de l'eau ordinaire ?

Effectivement, l’eau légère nous offre de l’hydrogène et de l’oxygène facilement accessible, et à profusion.

« De plus, la masse du neutron étant (presque) égale à celle du proton, le ralentissement est idéal avec l’hydrogène (constitué seulement d’un proton). Ainsi, l’eau légère ralentit mieux les neutrons que l’eau lourde... Mais, si l’eau légère ralentit mieux les neutrons, elle les absorbe trop pour obtenir une réaction en chaîne avec de l’uranium naturel. »

Aussi, on remplace l'hydrogène par du deutérium.

Pour obtenir de l'eau lourde, un procédé d’électrolyse permet d’isoler l’eau lourde présente en quantité infinitésimale dans l’eau légère (une molécule D2O pour 41 millions de molécules H2O).

L’usine de Vemork ( à 120 kilomètres d'Oslo.) de la société Norsk Hydro en Norvège est la seule au Monde à en produire en quantité industrielle

Le danger, est que nous avons que l’Allemagne nazie mène un programme nucléaire depuis avril 1939 (Uranprojekt) et souhaite également mettre la main sur ce stock.

 

Lancelot contacte Jacques Allier fondé de pouvoirs à la Banque de Paris et des Pays-Bas (devenue Paribas) et chargé des relations avec la société Norsk Hydro dont la banque est actionnaire majoritaire

Le 20 février 1940, le ministre de l'armement Dautry – en présence de Lancelot - a convoqué Frédéric Joliot, et Jacques Allier, mobilisé à la direction des poudres . Il confie au Deuxième Bureau la très délicate mission de prendre les Allemands de vitesse et de rapatrier ce stock norvégien.

 

Le 4 mars, Allier rencontre le directeur de la Norsk Hydro favorable aux alliés, et conscient de la menace nazie ( et alors qu'il a refusé de le vendre à IG Farben une société allemande ) ; il accepte un ''prêt avec option d’achat'' de la totalité du stock d’eau lourde, soit environ 185 kg.

L’eau lourde est répartie en 26 petits bidons, et transportée à Oslo ( 10 mars) dans la légation française ; puis envoyée à Amsterdam - mais cela est une fausse information diffusée - en réalité elle voyage pour Perth en Ecosse le 12 mars; puis Edimbourg, Londres et arrive à Paris le 16 mars.

Daladier démissionne après un vote de défiance du parlement, considérant le soutien, de la France à la Finlande, insuffisant. Reynaud est nommé, le 22 mars 1940, président du Conseil, ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense.

Le 9 avril 1940, l'Allemagne envahit la Norvège puis le Danemark.

Le 10 mai, c'est autour de la Belgique, des Pays-Bas et de la France.

Le 15 mai, Reynaud est persuadé de la déroute, « nous sommes battus, nous avons perdu la bataille ! »

Joliot confie à son collaborateur Henri Moureu le soin de transporter l’eau lourde vers Clermont-Ferrand.

Le 16 mai, les bidons d'eau lourde sont à Clermont-Ferrand, et enfin à l'abri de la prison de Riom.

Maxime Weygand est nommé le 17 mai 1940, par le président du Conseil Paul Reynaud, commandant en chef de l'armée française en remplacement du général Gamelin.

A Paris, le 3 juin, la Luftwaffe bombarde les usines Renault et Citroën. Il y a près de 200 morts.

Le 6 juin, Reynaud cumule la présidence du Conseil, la Défense ( avec De Gaulle comme secrétaire d'état), les affaires étrangères. Le 10 juin, le gouvernement se replie sur Tours et les environs.

Des tonnes d'archives, ont déjà été déplacées. Lancelot et les responsables de cabinet de Reynaud ont rejoint à la porte d'Orléans le cortège de voitures officielles. Elle profitent de leur statut pour doubler le flux de gens ordinaires. Lancelot ressent une certaine honte de se dire que les ''responsables'' profitent de leur autorité pour rejoindre l'arrière, plus vite que ceux dont ils ont la charge...

Le 12 juin, Joliot rejoint Clermont-Ferrand avec le stock français de radium ☢ (1,5 grammes)

Pourquoi le radium ? : « Afin d’amorcer une réaction en chaîne, des sources de neutrons, appelées “source de démarrage”, sont parfois nécessaires. Des émetteurs α comme le radium peuvent être utilisés comme sources de neutrons. »

 

Weygand est à Briare, où se tient le 13 juin, un conseil de guerre Interallié, avec Winston Churchill. Weygand évoque la possibilité de l'armistice. Reynaud et le conseil s'y refusent : il faut continuer le combat, jusqu'au bout, éventuellement à partir de l'Afrique du Nord.

Le 14 juin, les troupes allemandes entrent à Paris.

Ce même jour le président du conseil et ses ministres prennent la route en direction de Bordeaux.

Lancelot est chargé de transmettre un ordre oral du ministre Dautry, qui propose à l’équipe Joliot la mission de se rendre à Londres avec les 26 bidons d’eau lourde, dans le but de poursuivre au Royaume-Uni les travaux menés jusque-là en France.

Joliot hésite, mais ne peut se résoudre à quitter la France. En France, il a le Collège, son matériel ; et surtout Irène ne veut pas partir, ses enfants sont en Bretagne. Langevin a rejoint Toulouse.

Weygand, Baudoin, Reynaud, et Pétain

A Bordeaux : Le 15 juin, Weygand rencontre Reynaud, Lancelot est présent, le président du conseil lui fait part de son choix, d'amener le gouvernement en Afrique du Nord pour y poursuivre la lutte; pendant que le commandant en chef capitulerait. Weygand exprime son opposition, au nom de l'honneur des drapeaux dont il est le garant. Il veut sauvegarder le prestige de l’armée française qui n'a pas démérité... Lancelot, rappelle la proposition de son ministre de ''couvrir'' la capitulation d’un ordre écrit ; Weygand maintient que la cessation des hostilités comme l'entrée en guerre sont l'affaire du gouvernement ; il laisse entendre que si les ministres pensent '' jouer les héros à bon compte en quittant la métropole'' ; ils risquent davantage d'être qualifiés de fuyards...

A Bordeaux règne une cohue indescriptible. Sa population a triplé, et plus de mille fonctionnaires cherchent à s'organiser. Lancelot, profite des locaux qui hébergent l'entourage de Reynaud, rue Vital-carles.

Devant l'avancée allemande, Bichelonne directeur de cabinet du ministre Dautry, signe le 16 juin, l'ordre de mission qui permet  à Hans von Halban et Lew Kowarski de gagner la Grande-Bretagne avec le stock d'eau lourde français ; et le remet à Lancelot. L'eau lourde est chargée dans des camions à destination de Bordeaux.

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1939 – Le nucléaire et les armes destructrices.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot, s'informe le plus possible sur les avancées de la recherche scientifique à propos de ce que nous pourrions imaginer comme armes destructrices... Une personne, assez originale et forte savante, ne se fait pas prier pour lui brosser un tableau de la situation et de ce qui pourrait se préparer ; son nom : Jacques Bergier.

En 1936, lors d'une visite à Paris de Bertrand Russell, Anne-Laure et Lancelot lui avaient fait rencontrer Langevin et les Joliot-Curie. Ils avaient alors évoqué le travail en ''aparté'' d'un groupe de chimistes autour d'André Helbronner (1877-1945) physicien et chimiste français, récompensé ( prix Franklin) pour ses travaux sur la liquéfaction des gaz. Curieux, Lancelot avait pu être reçu au domicile du chercheur dans son labo, qui n'était autre que son domicile, 49 rue St Georges. C'est lors de cette visite que Lancelot fit la connaissance d'un étrange personnage, qu'il retrouve toujours avec beaucoup de plaisir et de curiosité. Il s'agit donc de Jacques Bergier, ingénieur chimiste, qui a travaillé avec Helbronner de 1934 à 1940.

Ainsi, ils auraient effectué la synthèse du polonium à partir du bismuth et de l'hydrogène lourd. Ces recherches de transmutation le fascinaient au point de parler d'alchimie ; et de prétendre avoir réalisé une synthèse de l'or à partir de bore et d'un filament de tungstène, à plus de 10000000 de °C. Il aurait travaillé sur l'utilisation de l'eau lourde sans la pile atomique et imaginé l'ensemble réaction et fusion dans une bombe à hydrogène ( ce dossier a été déposé à l'académie des sciences, peu avant la débâcle) ...

Bergier, n'était pas son vrai nom, il était né dans l'Empire russe à Odessa en 1912. Il parlait onze langues , il gardait un accent alors qu'il était déjà en France comme lycéen au Lycée Saint-Louis, puis étudiant à l'École nationale supérieure de chimie de Paris.

De taille moyenne, le cheveu rare, le nez pointu avec de petits yeux très mobiles. Il parle beaucoup ; on a du mal à le suivre, et à le croire...

Juif, il va préférer dès l'occupation, rejoindre Lyon, et s'occuper de gérer plusieurs postes émetteurs ; et sans-doute d'autres activités clandestines...

 

- Quel est l'état de nos connaissances en matière de nucléaire, et d'armes destructrices ?

Une équipe de chercheurs allemands menée par Otto Hahn en janvier 1939, découvre la fission, tout juste avant l’équipe française dirigée par Frédéric et Irène Joliot-Curie. Des gens comme Léo Szilard, Niels Bohr ou Enrico Fermi ( émigrés aux Etats-Unis) comprennent qu’une réaction en chaîne est possible grâce à la libération de plus d’un neutron, lequel provoque une nouvelle fission dans une masse d’uranium. Une telle réaction est susceptible de dégager une énorme quantité d’énergie en un temps infime.

Possible oui ; mais faisable ? En ce début 39, Niels Bohr développe 15 raisons à son collègue Wigner de l'impossible exploitation du processus de fission... Otto Hahn, aurait déclaré« Dieu ne le permettra pas ! ».

Leó Szilárd lui, prédit la bombe , et pense qu'Hitler la prépare. Aussi, le nucléaire devient la priorité absolue : il demande à Joliot de cesser toute publication ouverte sur ce sujet; il convainc Albert Einstein d'adresser une lettre au Franklin Roosevelt ( 2 août 1939).

Et, ce n'est qu'au début de l’année 1942 que les États-Unis lanceront un programme ( Projet Manhattan) visant à développer l’arme atomique.

Joliot ne va pas répondre à Szilard ; et après la réussite de ses expériences, il va confier sa communication à la revue anglaise Nature ( avril 1939).

En Allemagne, Siegfried Flügge (1912-1997) physicien nucléaire - au courant d'une réunion au plus haut niveau - se dit qu'au contraire, l'extrême dangerosité des suites de la recherche atomique, nécessite une publicité : il écrit pour le numéro de juillet 39 de Naturwissenschaften un rapport circonstancié sur les réactions en chaîne dans l’uranium. Cet article effraie les américains.

Au cours de l’été 1939, Heisenberg est en visite aux U. S. A. On tente de retenir le physicien aux États-Unis en lui offrant une chaire de professeur. Heisenberg refuse, il pense qu'Hitler perdra la guerre ; et qu'il doit rester pour aider à sauver ce qui mérite d’être sauvé. Il n'envisage pas la possibilité d’employer des bombes atomiques au cours de la guerre imminente...

 

Je reprendrai un peu plus tard les notes de Lancelot sur la physique de la matière ( l'infiniment petit) qui expliqueront l'histoire de l'Energie. Je saute au-dessus de ces connaissances, pour pointer trois découvertes que vont utiliser les ''atomistes'' :

- Les neutrons ralentis ont une efficacité beaucoup plus grande que les neutrons ordinaires. Résultat paradoxal qui s'explique par la physique quantique. Des matériaux ralentisseurs, ''modérateurs'', comme l'eau lourde, seront à prévoir. ( FERMI, 1934)

- Des deux isotopes contenus dans l'uranium naturel : U238 et U235, seul le second se prête à la fission (on dit qu'il est «fissible»). C'est malheureusement le plus rare (0,72 % de l'uranium). ( Niels BOHR, en février 1939 )

- La fission du noyau de l'uranium s'accompagne de l'émission de 3,5 neutrons (le chiffre exact sera de 2,4) qui peuvent à leur tour fragmenter d'autres noyaux et ainsi de suite, par un phénomène de «réaction en chaîne». ( JOLIOT, PERRIN, KOWARSKI et HALBAN - C'est ce que contient la publication dans Nature ( avril 1939) )

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Septembre 1939 – La Guerre

Publié le par Régis Vétillard

Nos services, continuent leur travail sur la machine ''Enigma'' utilisée par la Wehrmacht pour coder leurs messages. Cette mission est conduite par Gustave Bertrand un officier du 2e bureau, et se trouve bien engagée avec les révélations, d'un de nos espions allemands, Hans Thilo Schmidt, qui nous avait fourni les notices d'utilisation...

Enigma

Le 24 juillet, à Piry ( Pologne), l'anglais Denniston et Bertrand récupèrent des modèles construits par les polonais, avec l'aide de la documentation allemande. Au château de Bois-Vignolles, au sud-est de Paris, une petite équipe de cryptomathématiciens se met au travail...

Lancelot s'intéresse de près à ce travail, et en rend compte au ministère. Bertrand a l'autorisation d'associer les anglais, puis les polonais. Le colonel Louis Rivet ( le patron) encadre les échanges. Les 9 et 10 janvier une réunion très secrète avait pu réunir les meilleurs spécialiste du ''code'' et du décryptement.

Alors que nous essayons de reproduire plusieurs machines, Enigma reste inviolable...

 

Luchaire est déçu du Reich, de l'annexion tchécoslovaque ; mais ne veut pas remettre en cause le rapprochement franco-allemand : ce serait folie que de s’entre-tuer, dit-il. Abetz, fin juin 1939, est expulsé. Luchaire est encore en manque d'argent, et souffre d'une lésion tuberculeuse au poumon droit. Il part au sanatorium d'Assy en Haute-Savoie. Notre Temps a interrompu sa publication en juillet 1939.

 

Depuis avril 1939, André Weil et sa femme sont en Finlande. A Helsinki, ils louent une maison proche du mathématicien finlandais Rolf Nevanlinna et de son épouse Il entrevoit la possibilité de visiter Kolmogorov en URSS, si c'est possible ; de plus, en cas de guerre avec l'Allemagne, il resterait à l'écart, sa vocation étant de faire des mathématiques, pas la guerre ! ...

Au cours du mois de juillet 1939, Bonnet et nos négociateurs se décident à presser Londres d'accepter les conditions soviétiques pour un accord entre la France, le Royaume-Uni et l’URSS.

Et, le 23 août : l’URSS signe avec l’Allemagne un pacte de non-agression auquel est ajouté un protocole secret portant sur un partage de la Pologne entre l'Allemagne nazie et l’URSS et sur l’annexion des pays baltes et de la Bessarabie par l’URSS. Hitler souhaite jouer la sidération, et prévoit une attaque rapide en Pologne, pour une fois de plus, s'imposer sans réaction de notre part.

Dans l'entourage du Führer, on craint la guerre. Les conservateurs prévoient la nécessité de négocier, et peut-être même l’effondrement du régime hitlérien.

Le 24 août : la mobilisation partielle ( deux échelons de réservistes) est décrétée en France. Bonnet est le seul à ne plus penser la guerre inévitable.

Le 27 août : les polonais ne veulent pas céder, l'Angleterre serait prête à flancher. La France tient. C'est la guerre ou céder. Des troupes anglaises débarquent dans le nord de la France.

Le 30 août : L'évacuation des écoliers de Paris avec leurs instituteurs, a commencé. Les parisiens sont inquiets, mais la majorité pense que les choses finiront par s'arranger, ''tout le monde bluffe''.

Le 31 août au soir, Daladier provoque une réunion, où il tient la fermeté face à Bonnet, et lit un courrier de l'ambassadeur Coulondre « L'épreuve de force tourne à notre avantage, il faut tenir... »

** 1er septembre 1939, 4h45, le cuirassé allemand vise le poste militaire polonais à Westerplatte et tire. L'Allemagne nazie envahit la Pologne. La Mobilisation générale française est décrétée.

Le 3 septembre :l’Allemagne rejette les ultimatums britanniques (11 h) et français (17 h). Le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, puis la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Un voisin fait observer que c'est aujourd'hui l'ouverture de la chasse.

 

Mobilisé , Lancelot, comme cadre spécialiste est ''affecté spécial '' dans le même emploi. Son ministre demande qu'il reste en civil, afin de ne pas être ''contaminé'' par les militaires ; alors que les civils du SR sont à présent théoriquement sous les ordres des officiers. L'Etat-major prend sous sa responsabilité l'ensemble de la lutte intérieure et extérieure contre l'espionnage ennemi.

Cependant Lancelot, reste attaché directement au ministre de la Guerre et de la Défense nationale, c'est à dire Daladier, ou de son sous-secrétaire d'état, Hippolyte Ducos. Ducos, à l'accent rocailleux, est un helléniste agrégé ; radical il incarne une tendance conservatrice.

 

Le film '' L'Espoir'', que Malraux souhaitait voir sortir en salle pour septembre, sur la pression de l'ambassadeur de France à Madrid, Philippe Pétain, est interdit de distribution,

 Le 17 septembre : les troupes soviétiques envahissent l’est de la Pologne conformément aux clauses secrètes du Pacte germano-soviétique.

 

Luchaire a reçu la nouvelle de la déclaration de guerre dans son sanatorium d'Assy en Haute-Savoie.

En octobre, il est à Paris, et s'installe avec sa famille au 53 avenue des Ternes. L'une de ses filles, Corinne est devenue célèbre, depuis la sortie du film ''Prison sans barreaux'' sorti en 1938.

 

Eveline Weil rentre en France le 20 octobre 1939.

André Weil est resté en Finlande ; il travaille pour Bourbaki sur l'intégration. Le 30 novembre 1939, au cours d'une promenade, André tourne autour d'un bâtiment réservé à la défense anti-aérienne... Repéré, il est interrogé. On trouve sur lui, des documents russes, et d'autres avec d'étranges signes ( notes Bourbaki) qui sont assimilés à des documents codés au profit de l'URSS. Il est suspecté d'espionnage ; il est arrêté, incarcéré.... Au même moment commence l'invasion de  la Finlande par l'Union soviétique

Prévenus par Simone, le mathématicien et doyen de l'université d'Helsinki Rolf Nevanlinna ( par ailleurs membre du ''mouvement patriotique '' nationaliste et anti-communiste...), tente de son influence pour le disculper. Reçu à l'ambassade de France, André doit expliquer son séjour et reconnaître qu'il est en situation irrégulière quant à sa mobilisation... L’ambassade exfiltre André Weil du pays et le ''dépose'' en Suède, où il doit passer en Norvège puis en Angleterre, où Lancelot le récupère, il est chargé de le ramener en France. André Weil n'échappe pas à son incarcération, pour insoumission, d'abord au Havre puis à la prison de Bonne-Nouvelle à Rouen.

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