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antisemitisme

1940 – Vichy. 5

Publié le par Régis Vétillard

Weygand sort des réunions du Conseil de plus en plus énervé ; ses coups de gueule contre Laval, alimentent les discussions... Sa ligne de force est d’interdire aux allemands, l'utilisation de nos bases aériennes, navales, et matériels en Afrique du nord.

Il se méfie de l'Angleterre ; souhaite renforcer l'armée française d'Afrique et l'attaque de Mers-El-Kébir ( 3 au 6 juillet 1940 ), le conforte dans son idée que c'est l'Empire français qui sauvera la métropole... Il est persuadé que la revanche contre les ''boches'' se présentera ; il faut la rendre possible par un ''double jeu'' qu'il prête à Pétain. Lui-même soutient la dissimulation d'armements,

Maxime Weygand (1867-1965)

Weygand adore parler histoire et généalogie avec Lancelot ; mi-sérieux ne lui assure t-il pas qu'il est le fils de la princesse Charlotte de Belgique... Bref ! Lui qui était attentif aux ''signes'' ; qu'a t-il pu bien imaginé concernant ses deux accidents d'avion qui ont entouré son séjour à Vichy ? En effet, le 18 mai 1940, suite à un télégramme de Reynaud qui le nommait à la tête de l'armée française, à la place de Gamelin ; son bi-moteur un Glenn Martin, s'accidente à l’atterrissage à Etampes. Weygand s'extraie de la carlingue sans mal … Le 5 septembre 1940, alors qu'il vient d’être nommé délégué général du gouvernement en Afrique française, Weygand effectue à Limoges sa dernière inspection qu'il joint avec un Amiot 143. L'avion rate la piste et va buter contre le bois à proximité. Il est blessé mais le bilan est miraculeux...

 

Lancelot ne souhaite pas rester à Vichy, ni partir vers l'Afrique du nord... Son idée serait d'allier le travail dans les services de renseignements et la radio. Weygand lui propose une mission camouflée dans une branche clandestine des SR nommée Entreprise de Travaux Ruraux, bien que visible ( en faible partie, bien-sûr) en même temps par les allemands dans le Service des Menées Antinationales ( service MA). Cette double casquette lui permettrait de passer de la zone libre à la zone occupée ; et de promouvoir les liaisons radio pour une communication, clandestine, à visée anti-allemande... «  La guerre continue... » répète à l'envie Weygand.

Alors que Weygand est écarté officiellement de son poste de ministre de la Défense nationale ; ce même jour dans l'après-midi, commence le ''Blitz'' ( bombardement allemand massif sur Londres).

 

Raphaël Alibert - ministre de la Justice - proche de l'Action Française, se déclare catholique. Il prend à coeur de mettre en forme les bases du droit antisémite du nouveau régime.

L'époque est aux préjugés anti-juifs ; et l'Eglise, dit-on, les craint depuis le Golgotha. L'Eglise, également, s'inscrit dans la lutte contre la franc-maçonnerie. Les adhérents de la ligue france-catholique, sont disciples de Mrg Ernest Jouin, créateur du terme '' judéo-maçonnique''. C'est l'époque où on évoque la ''question juive '' ; et un bon catholique fait plus référence aux mesures prises par la papauté contre les juifs tout au long de son histoire, qu'aux théories racistes d'outre-Rhin. On craignait, que les allemands s'en prennent aux fortunes juives, avant les français eux-mêmes ! Alibert souhaite, dit-il, imposer une législation autochtone, avant celles des allemands. Il s'agit pour lui, de différencier les bons et les mauvais juifs ; les bons relevant de vieilles familles, dont les aïeux ont servi la France... Cependant, Maurras, ne croyait que l'on pût être juif et français...

Lancelot est presque étonné, et réconforté d'entendre une parole différente, en particulier sur les juifs... Un prêtre René de Naurois (1909-2006) ne craint pas de la porter ; passionné de culture allemande, aumônier lors d'un séjour en Allemagne, de la paroisse française de Berlin, il révèle - à qui veut - la nature réelle et profonde du nazisme ; l'organisation policière, le système de délation; et l'enfermement des juifs dans des camps de concentration.... ; mais... pour en faire quoi ?

L'abbé de Naurois, connaît bien Emmanuel Mounier, et la revue ''Esprit''. Alors qu'il étudiait et passait deux licences, en mathématique et en Lettres, il imaginait avec le groupe de Mounier, une hypothétique « troisième voie » entre capitalisme et marxisme.

 

Le 22 juillet 1940, une loi porte sur la révision des naturalisations obtenues depuis 1927.

Le 25 août 1940, est abrogé, le décret d'avril 39, qui prévoyait des poursuites « lorsque la diffamation ou l'injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura eu pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants »

Texte du statut des Juifs, annoté de la main de Pétain.

Le 3 octobre 1940, la loi porte sur ''le statut des juifs''. Elle exclut les Français identifiés comme Juifs de la plupart des fonctions publiques et de nombreuses autres professions. Le projet du texte ( daté du 2 octobre), de l’initiative de Vichy, est annoté personnellement par le Maréchal Pétain.

Le 4 octobre, la loi organise l'internement des juifs étrangers... qui fait suite d'ailleurs à des textes de 1938 et 39, de Daladier. Le IIIe Reich, réclamait le transfert des internés, dans la convention d’armistice.

Le 7 octobre 1940, le gouvernement de Vichy abroge le décret Crémieux : les Juifs d'Algérie redeviennent des indigènes ...

Lancelot note que les fonctionnaires qui commentent les nouveaux textes, n'adhèrent pas aux thèses nazies ; pourtant chacun s'empresse de servir, selon ces actes de l'exécutif, ou loi d'exception, puisque le parlement n'est plus en fonction... - Il ne nous incombe pas de nous prononcer sur le contenu de ces mesures, disent-ils...

Pierre G., ( colocataire de Lancelot), quant à lui, exprime nettement qu'il est de son devoir de s’opposer au bolchevisme et au judaïsme pour défendre son pays et sa civilisation. Il s'étonne, s'attriste même, que Lancelot ne semble pas aussi enthousiaste qu'il serait nécessaire.

à Montoire, le 24 octobre 1940

 

Laval avait réussi à imposer à Pétain l'entrevue de Montoire avec Hitler le 24 octobre 1940. Le 15 décembre, un siècle jour pour jour après le transfert des cendres de Napoléon 1er aux Invalides ; Hitler a souhaité faire un présent amical aux français, et Laval imaginait une belle cérémonie, symbole de la fraternisation avec l'Allemagne nazie, pour recevoir les cendres de l'Aiglon. Le Maréchal a refusé, il aurait déclaré à du Moulin de Labarthète : « Si les Allemands croient que je vais m'afficher à Paris, en prisonnier, auprès d'Hitler, ils me connaissent bien mal ! ».. C'est de nuit et par un froid glacial, qu'eut lieu la cérémonie.

 

Seulement, quelques jours avant la cérémonie - à Vichy - les rumeurs, les mouvements entre le Parc et le Pavillon Sévigné signifiaient que quelque chose se préparait. En effet, le 13 décembre 1940, Pierre Laval est congédié par le Maréchal Pétain, et arrêté à la sortie du conseil des ministres.

Le lendemain, discours du Maréchal ; avant que ne réapparaisse, le 17 décembre, Laval libre et reconnaissant envers Abetz et Achenbach, qu'il amène dîner au Chantecler.

 

Lancelot quitte Vichy avec soulagement, et sans-doute le regret de quitter Me Forge et son fils Michel. Il leur dit sa reconnaissance d'avoir pu partager cet enthousiasme scout pour l'aventure, et le souci de garder des valeurs dans une époque où règne la confusion.

C'est dans cet état d'esprit que Lancelot se rend près de Grenoble, à l'école des cadres d'Uriage.

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1940 – Vichy. 3

Publié le par Régis Vétillard

Dès le 20 juillet 1940, Paul Morand ( né en 1888) a choisi de rejoindre Pierre Laval et le cercle d'amis qu'entretient Josée de Chambrun ( fille de Laval) … Il raconte partout qu'il n'a pas apprécié, à Londres, ce général de Gaulle qui l'a ''convoqué'' ; puis sans le remercier lui a ''emprunté '' sa secrétaire Elisabeth de Mirbel, pour taper l'appel du 18 juin... Il n'a pas craint ''l'abandon de poste'' pour venir chercher ici, un poste de ministre ; mais le nouveau ministre des Affaires Etrangères, Paul Baudoin, le congédie...

Paul Morand

Paul Morand estime ''la ruse'' de Pétain avec l'armistice, comme la meilleure décision devant un Reich victorieux.

Morand s'en retourne à Paris, où l'attend une maîtresse qui vient de lui donner un enfant ; et sa femme la princesse Soutzo, d’origine roumaine, germanophile et antisémite convaincue, qui tient salon, dans le prestigieux appartement de l’avenue Charles-Floquet au coeur du 7ème arrondissement parisien.

 

Claude Roy, ancien de l'Action Française, rejoint '' Jeune France '' association chrétienne maréchaliste, pensée par Emmanuel Mounier et réalisée par Pierre Schaeffer, pour porter une politique de rénovation culturelle dans la jeunesse, avec une émission dédié à la Radiodiffusion nationale.

 

Lancelot a eut la surprise de rencontrer Simone Weil, qui a fui Paris avec ses parents le 14 juin, après un premier arrêt à Nevers, elle prévoit de descendre plus au sud, et peut-être même de quitter la métropole. Elle exprime que les français ne veulent pas se battre, et préfèrent dormir dans un semblant de sécurité...

Gaston Bergery à Vichy en 1940

 

Lancelot retrouve Gaston Bergery, au cœur de l'agitation atour du Maréchal. Il est l'auteur d'une déclaration signée par 69 parlementaires de droite, du centre et du parti socialiste, pour réclamer un ordre nouveau, autoritaire, national et social impliquant « un dosage de collaboration avec les puissances latines et l'Allemagne elle-même ».

- Ne doit-on pas craindre l'Allemagne ?

- Il n'est pas dans l'intérêt de l'Allemagne d'écraser la France - répond Bergery – elle souhaite une nouvelle Europe, et nous observe pour connaître nos intentions. Nous devons tenter l’œuvre de réconciliation et de collaboration...

- De quel régime, l'ordre nouveau doit-il se doter ?

- L'ordre nouveau, doit être un ordre autoritaire qui restaure la Nation avec ses provinces authentiques, et son génie propre. Défaite aujourd'hui, la France de demain, sera plus grande que la France d'hier... Nous aurions dû collaborer dès 1919... !

 

Bergery, avec Déat et Chateau ( franc-maçon, comme l'ancien communiste François Chasseigne) envisagent la création d'un parti unique. Il propose de commencer par un Rassemblement pour la Révolution nationale qui pourrait évoluer vers la structure d'un parti. L'Etat a besoin du consentement des français.

- C'est anti-parlementaire ?

- Non … C'est conforme à un socialisme vrai...

Xavier Vallat, autrefois monarchiste, puis rallié à la République par raison, explique à Lancelot, qu'il n'est pas favorable au parti unique :

- Ce serait imiter l'Italie et l'Allemagne, leur situation est différente ayant eu le temps d'élaborer des programmes complets, distincts d'ailleurs... Créer rapidement un parti de toute pièce, n'aurait pas le même dynamisme. En France, l'Etat est tenu, l'Etat c'est Pétain. Nous supprimons le régime des partis.

Finalement, Pétain et Laval s'opposent à ce projet de parti unique...

Vichy semble devenir une laboratoire d'idées ; non pas que la victoire de l'Allemagne soit oubliée ; mais il subsiste le désir d'utiliser ce qui nous reste, et sauvegardé par Pétain, pour se reconstruire et à terme..., se libérer.

La plupart des gens, ici, ne font pas confiance aux Anglais ; on leur reproche notamment l'évacuation de Dunkerque à la fin du mois de mai 1940 et l'attaque britannique, en juillet 1940, de la flotte française de Mers el-Kébir, en Algérie.

 

Le voisin et co-locataire de Lancelot, Pierre G. est tout fier de lui vanter les loi du 17 et 22 juillet 1940, sur la dénaturalisation. Un mois à peine après l'installation du nouveau régime ( il devait y avoir urgence !), celui-ci se presse de réviser les naturalisations obtenues depuis 1927.

Commission de révision des naturalisations

- Cela fait combien de personnes ?

- A peu près un million, quand même...

- Un million de ''mauvais français''... ?

- Des métèques, des juifs. Des étrangers. !

- En quoi sont-ils dangereux ?

- Parmi eux, il y a des communistes, et surtout des juifs... On va s'occuper aussi, des traîtres.

- La déchéance de nationalité du père entraîne automatiquement celle de son épouse et de leurs enfants, n'est-ce pas... ? Ils deviennent apatrides... Que vont-ils devenir... ?

- Il nous faut une fois pour toutes, résoudre la question juive !

 

Cette ''question juive '' dérangent souvent les pensées de Lancelot. Depuis Drumont, puis Céline , Drieu la Rochelle aussi, on agite cette haine jusqu'à l'antisémitisme... Lancelot a bien souvent entendu répéter cette accusation de peuple déicide - qui bien-sûr ne peut satisfaire l'esprit - de non-reconnaissance de la figure christique... Péguy lui-même lie le destin des juifs à celui des chrétiens ( Le Mystère des saints innocents ).

Bernanos dit que le problème juif, n'est pas un problème religieux. Il ajoute : « Il y a une race juive, cela se reconnaît à des signes physiques évidents. S'il y a une race juive, il y a une sensibilité juive, une pensée juive, un sens juif de la vie, de la mort, de la sagesse et du bonheur.» Si cela était ; pourquoi cette haine ?

Plus politique, certains interrogent la « haute banque israélite » ; nous entendons alors les échos d'un Maurras, et de ''tout ce qui se dit...''. Bernanos a rompu avec l'Action Française, Lancelot a suivi l'exemple.

La ''question juive'' est alimentée par les antisémites ; ils agitent « un monstre imaginaire, fantasmatique, dont l’ombre menaçante courait sur les murs, avec son nez crochu et ses mains de rapace, cette créature pourrie par tous les vices, responsable de tous les maux et coupable de tous les crimes. » ( Modiano '' Dora Bruder '' ). Cette image, comme le constate Lancelot, enduit toutes les conversations sur les responsables de la défaite ; s'y ajoutent naturellement, les francs-maçons, les élites, les politiciens au pouvoir...

Pierre G. a son idée : il va plus loin que la seule responsabilité des juifs dans les scandales politico-financiers, il ajoute le délitement d'une société qui préférerait s'étourdir dans les ''congés payés''. Le responsable de la décadence : c'est le Front Populaire : il faudra traduire en justice – et le plus tôt sera le mieux – les anciens ministres qui « ont trahi les devoirs de leur charge » !

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1938 - Myrrha Lot – Maritain

Publié le par Régis Vétillard

Anne-Laure de Sallembier, qui navigue entre Paris et Fléchigné, continue de fréquenter la tribu de Ferdinand Lot à présent retraité, mais soucieux de transmettre par la publication de plusieurs ouvrages. Elle maintient le fil qui existe entre Lancelot et Myrrha, au sujet de la littérature médiévale autour de la quête du Graal. Lancelot et Elaine, alternent le '' thé du dimanche après-midi à Fontenay aux roses'' avec celui à Meudon chez les Maritain. La maison du 53, rue Boucicaut à Fontenay est une copropriété. La famille est voisine de la famille Langevin qui vit au rez-de-chaussée. Militant très actif, Paul Langevin fait partie du Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes créé après le 6 février.

Myrrha Lot se plaît à promouvoir la spiritualité orientale auprès des catholiques. Elle valorise ce qu'elle appelle le mysticisme liturgique et vante la doctrine de la déification dans l'Église grecque, qu'elle rapproche de la doctrine occidentale médiévale de la contemplation.

- A l'origine, la nature de l'Homme est surnaturelle. Les Pères grecs propose de s'approcher au plus près de cet héritage perdu, non par la croix, mais par la contemplation : Amour et Connaissance vont de pair. L'Esprit Saint réside dans le ''nous'' de l'âme, il est l'agent de la résurrection.

Cette doctrine de la déification n'a pas été développée dans la tradition occidentale, seul Maître Eckhart, peut-être, comme lointain disciple de l'Aréopagite, s'y approche, et a vu ses thèses condamnées... Dans cette vision, l'homme est transfiguré par les énergies divines. La déification suppose une complète harmonie de liberté et de grâce qui consistait, d'après saint Maxime le Confesseur, fréquemment cité par Lot-Borodine, « deux ailes » qui nous portent vers l'union parfaite avec Dieu.

 

Lancelot et Elaine sont sensibles à l'approche orthodoxe d'une anthropologie qui insiste sur l'idée que l'homme est par nature, par création, l'image de Dieu ; alors que la théologie latine met en avant la chute ( vision morale) et voit la résurrection comme la réparation après l'offense ; tandis que dans la tradition grecque, la résurrection restaure la nature divine qui existe dans l'humain.

Elaine insiste, que pour être complet, il est nécessaire de comprendre que l'homme seul est incapable d'accomplir – par lui-même – sa déification ; c'est par la seule énergie divine – la Grâce – qu'elle s'accomplit...

Lancelot et Elaine assistent à la conférence de Jacques Maritain au Théâtre des Ambassadeurs, sur '' Les juifs parmi les Nations ''. Le philosophe n'était pas tranquille, les dominicains avaient tenté de le dissuader craignant que cela soit compris comme une apologie d'Israël... Des antisémites comme Henry Coston et Roger Lambelin ( celui-là même qui avait préfacé en 1920 les Protocoles des Sages de Sion), le menacent de s'opposer par la force, s'il le faut...

Deux pamphlets de Céline, ''Bagatelles pour un massacre'', et l’École des cadavres, sont parus. André Gide semble les prendre pour des canulars, « il empile “haut comme un sixième” des blagues pathétiques et sans importance ». Maritain s'indigne : « On ne peut pas aujourd’hui (et a t-on pu jamais le faire ?) parler de la question juive avec frivolité, ou en suivant complaisamment son humeur et ses ressentiments, ou avec l’euphorique truculence qu’un faiseur de bagatelles met à décrire ses asticots ».

L'essentiel du message de Maritain, tient en ceci : « les Juifs ne sont ni une race, ni une nation, ni un peuple », mais « un mystère » : le mystère d'Israël.

« Plus la question juive devient politiquement aiguë, plus il est nécessaire que la manière dont nous traitons de cette question soit proportionnée au drame divin qu’elle évoque ; il est incompréhensible que des écrivains catholiques parlent sur le même ton que Voltaire de la race juive et de l’Ancien Testament, d’Abraham et de Moïse. »

Bien sûr Maritain, évoque positivement les conversions au catholicisme, la sienne et celle de sa femme juive Raïssa qui dit elle-même de ce chemin : « Là où j’aurais craint de trouver lutte et opposition, je ne vis à ma grande joie qu’unité, continuité, harmonie parfaite.»

Maritain, reprend : « si on entend par “peuple” « une communauté historique caractérisée non pas, comme la nation, par le fait (ou le désir) de mener une vie politique, mais par le fait d’être nourris d’une même tradition spirituelle et morale et de répondre à une même vocation, [les Juifs] sont un peuple, et le peuple par excellence, le peuple de Dieu. […] Ils sont une “maison”, la maison d’Israël . »

Maritain analyse le problème spécifique de l'Allemagne. Un pays où le peuple allemand est engagé dans un drame historique ; mais pourquoi sa recherche vers lui-même s'effectue t-elle en marchant sur les juifs et les chrétiens ? Il évoque la solution sioniste, en parlant de pis-aller...

la sagesse politique dit-il, est « que la grande masse des populations juives doit de toute nécessité rester là où elle est ». Parce qu’il n’est pas concevable d’« expulser des millions d’hommes parce qu’il ne peut être envisagé de les « faire mourir de faim [ou de] les massacrer tous. » ( nous sommes en 1938).

« Nous disons que ce n’est pas en chassant les Juifs, mais en transformant les structures économiques et sociales qui sont la cause réelle de ces difficultés et de cette crise, qu’on pourra efficacement remédier à celle-ci »

L'Action Française - 5_juin_1936

Sur l'antisémitisme :

« l’antisémitisme détourne misérablement les hommes de l’effort réel qui leur est demandé. Il les détourne des causes réelles de leurs maux […] pour les précipiter contre d’autres hommes et contre une multitude innocente »

« L’antisémitisme est la peur, le mépris et la haine du peuple juif, et la volonté de le soumettre à des mesures de discrimination. Il y a bien des formes et des degrés d’antisémitisme. Sans parler des formes monstrueuses que nous avons à présent sous les yeux, il peut prendre la forme d’un certain orgueil et préjugé hautain, nationaliste ou aristocratique ; ou de simple désir de se débarrasser de concurrents gênants ; ou d’un tic de vanité mondaine ; voire d’une innocente manie. Aucune n’est innocente en réalité. En chacune un germe est caché, plus ou moins inerte ou actif, de cette maladie spirituelle qui aujourd’hui éclate à travers le monde en une phobie fabulatrice et homicide […] »

 

Maritain en revient au ''mystère d'Israël '' : qui serait de l'ordre de la vocation même d’Israël, « les Juifs […] seront toujours surnaturellement étrangers (id.) au monde » ; et renvoie à ce que Maritain appelle « la signification théologale de la dispersion d’Israël ».

« Il est là, lui qui n’est pas du monde, pour l’irriter, l’exaspérer, le mouvoir. Comme un corps étranger, comme un ferment activant introduit dans la masse, il ne laisse pas le monde en repos, il l’empêche de dormir, il lui apprend à être mécontent et inquiet tant qu’il n’a pas Dieu, il stimule le mouvement de l’histoire »

Pierre Teilhard de Chardin

Lancelot entend parler du Père Teilhard de Chardin, ce qui le renvoie treize années en arrière lors d'une causerie du prêtre sur la science qui l'avait marqué... Son désir de retrouver des personnes qui le connaissent, l'amène au N° 8 de la rue Léo-Delibes. Dans un ancien hôtel, s'est installée une sorte de communauté chrétienne, conduite par Marcel Légaut un professeur de mathématiques qui enseigne à la faculté de Rennes. Ils sont en plein travaux. Lancelot et Elaine sont invité à venir le dimanche. Ils suivent des causeries sur Nietzsche, et aussi à propos des “Réflexions d’un théologien sur les événements internationaux” du Père d’Ouince. Une autre fois, ils retrouvent Emmanuel Mounier qui présentent les groupes ''Esprit'' ; puis Marcel Légaut propose une méditation sur “Vous êtes le sel de la terre”. Enfin, le dimanche 18 décembre 1938, le Père Teilhard de Chardin est présent et parle de ses fouilles en Chine. Causerie illustrée de nombreuses projections. Elle se prolonge tard car le Père est accaparé par les camarades et leurs questions de tous ordres. Lancelot repart avec une précieuse version du ''Milieu divin''.

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