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1931 - L'Allemagne - 4 - Göttingen – Emmy Noether

Publié le par Régis Vétillard

A Göttingen, l'Université est au cœur de la ville. Ici, les ''Lumières'' allemandes ont détrôné la théologie ; puis les Mathématiques se sont imposées. Carl Friedrich Gauss, le ''prince des mathématiciens'' dirigea l'observatoire, c'était dans les années 1810-1850... La TSF est quelque chose qui intéresse Lancelot ; et c'est ici en mai 1833 que Gauss et Weber ont construit et expérimenté le premier télégraphe électromagnétique au monde. Une ligne télégraphique survolait les toits de la ville sur un kilomètre.

Gasthaus-Rohns

 

Le ''gasthaus'' qui accueille Lancelot et Elaine, a été construit en 1830, à l'apogée de son propriétaire, l'entrepreneur Rohns qui faisait travailler 400 employés. Il a fait construire cette auberge dans le style classique sur le Hainberg, lieu très populaire et fréquenté par les professeurs et les étudiants ; ce n’était pas un hasard, Rohns avait fait planter des arbres pour ombrager la pente, aménager une aire de jeux et la promenade avec une vue magnifique sur la ville était gratuite... Il a construit de nombreux autres bâtiments...

Gasthaus-Rohns

 

Le propriétaire actuel, se plaint d'une baisse d'activité due à la crise économique... De nombreux étudiants étrangers ne peuvent rester davantage à l'université, la vie ici devenant trop chère...

Le patron est fier de nous dire que les savants les plus prestigieux ont logé dans cette auberge, et de nous raconter l'histoire, qui a commencé le 17 septembre 1737 dans le cadre d’une magnifique célébration divine, suivie d’un festin luxuriant dans le hall de la mairie. Ainsi est née l’université, devenue la plus prestigieuse d’Allemagne, voire d’Europe. Elle servait les objectifs des Lumières. En conséquence, la recherche scientifique a été libérée de la censure théologique et, dans le même temps, l’enseignement universitaire a acquis une grande importance. La bibliothèque subventionnée était ouverte gratuitement aux étudiants...

Georg Christoph Lichtenberg, 1,40 m de taille, est l'un de ces hommes qui ont fondé la gloire de l’université de Göttingen; professeur de mathématiques et de physique expérimentale... Parmi eux: le théologien et orientaliste Johann David Michaelis, le chercheur en antiquité et directeur de la bibliothèque universitaire Christian Gottlob Heyne, le mathématicien Abraham Gotthelf Kaestner et le publiciste et historien August Ludwig von Schlözer. Von Schlözer a d’ailleurs prononcé le slogan : « Extra Gottingam non est vita, si est vita non est ita ! »

En se promenant dans la ville, Lancelot et Elaine se rendent compte que l'hôtelier ne leur avait pas tout dit... En effet, ils sont tombés sur la maison que Otto von Bismarck a occupé pendant ses études à Göttingen en 1832-33...

Elaine ajoute qu'il n'a rien dit d'Edmund Husserl, arrivé ici en 1901, et nommé professeur titulaire en 1906.... jusqu'en 1916, quand il rejoint Fribourg... Et surtout il ne connaît sans-doute pas notre amie Edith Stein qui a vécu une période décisive à Göttingen, de 1913 à 1916, elle logeait au Lange-Geismar-Str. 2 … Sous la direction du philosophe Edmund Husserl, elle a poursuivit ses études en tant que femme douée dans le monde des hommes de l’université allemande. C’est là qu’elle a trouvé l’accès à la foi après des années de recherche.

En 1933, Edith Stein rejoindra le couvent Carmel de Cologne. Elle sera assassinée en 1942 au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.

Emmy Noether (1882-1935)

 

Lancelot a tenu à s'arrêter à Göttingen pour saluer, de la part de sa mère, Emmy Noether (1882-1935). Anne-Laure de Sallembier a rencontré cette jeune femme de 24ans - nous étions en 1906 – à Nuremberg ; elle étudiait alors les mathématiques, et avait accompagné la mère de Lancelot dans la découverte de la ville...

Depuis Emmy Noether a acquis une certaine notoriété, d'un accès difficile parce que femme, elle obtient le titre de Privatdozent (maître de conférences). Très populaire parmi un cercle restreint d'étudiants que l'on nomme les '' Noether’s boys '' , elle est passionnée, entièrement dévouée à son enseignement et donne aussi des cours chez elle, ou au café...

Einstein la considérait comme un génie mathématique.

Emmy Noether habite une maison, Friedländer Weg 57, qui appartient à une fraternité étudiante, la Thuringia... dont elle se fera expulser, parce que d'autres locataires ne voulaient plus vivre avec une '' juive marxiste'' … !

Lancelot et Elaine découvre une petite femme aux vêtements ample, aux petites lunettes rondes, et très gaie... Elle est très heureuse d'enseigner à Göttingen. Comme le dit l'un de ses étudiants : « Prof. Noether pense vite et parle encore plus vite. Donc, si vous écoutez, vous devez penser rapidement - et c’est toujours un excellent entraînement. ».

Einstein en 1905, a publié des articles sur la relativité qui changeaient notre vision des choses... Il y a des changements dans l'univers qui n'en sont pas ! En effet, la relation entre l’énergie et la masse est invariante, même si l’énergie et la masse elles-mêmes peuvent prendre des formes très différentes. L’énergie solaire arrive sur Terre et devient masse sous forme de feuilles vertes, créant de la nourriture que nous pouvons manger et utiliser comme carburant pour la pensée.

Nous avons tendance à considérer les choses, et non les relations, comme le cœur de la réalité. Or, c'est le contraire... !

Des ''choses'' comme l'espace, le temps... nous apparaissent ''immuables''. De fait, c'est la relation entre l’espace et le temps qui reste toujours la même... On parle de ''symétrie''.

On doit accepter que que l’espace et le temps sont des fils inextricablement entrelacés, d’un seul tissu espace-temps...

Une symétrie nous interroge : Raisonnablement, si la force de gravité dépend de la masse, plus un objet est massif, plus vite il doit tomber. Inexplicablement, ce n’est pas le cas.

Einstein a montré que la gravité est - elle-même - la courbure de l'espace-temps : les objets qui tombent suivent simplement le chemin tracé dans l'espace-temps .

Einstein, interrogeait des grands mathématiciens comme Klein et Hilbert de Göttingen, sur un problème posé par les équations de la gravitation... Ils invitèrent Noether pour les aider à comprendre le problème de l’énergie posé par la nouvelle théorie de la relativité générale. C’est le problème qu’elle réussit à résoudre trois ans plus tard.

Le théorème de Noether - nous sommes alors en 1918 - va rejoindre les questions que se posent Einstein... C'est un théorème d'algèbre abstrait, donc général ; il dit que : si il y a conservation de l'énergie, alors les lois de la physique ne changent pas avec le temps – ou - La loi de conservation de l'énergie ( l'énergie totale d'une système isolé ne varie pas avec le temps) est équivalente à l'invariance des lois de la physique...

A côté des lois de conservation ( quantité de mouvement, moment cinétique, énergie.) leur signification physique énonce : l'homogénéité de l'espace : l'espace présente les mêmes propriétés en tous points. L'isotropie de l'espace : l'espace présente les mêmes propriétés dans toutes les directions. L'homogénéité du temps : les lois de la nature ne varient pas dans le temps.

Autrement dit, l'Univers serait : Homogène (pas d'origine de temps, ou d'espace, privilégiée), et Isotrope (pas de direction privilégiée).

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1931 - L'Allemagne - 3 – Heidelberg – Edith Stein

Publié le par Régis Vétillard

Au printemps 1931, Lancelot prévoit de retourner en Allemagne; Elaine propose de l'accompagner sachant que Maritain lui a demandé – si elle passait à Spire en Allemagne - de rencontrer une jeune femme philosophe Edith Stein de sa part, et l'inviter en France... Mais surtout, elle souhaite - comme Lancelot - retrouver cette intimité partagée qu'ils avaient connue à Davos... A Paris, chacun de son côté, il est difficile de se voir; ou peut-être est-ce Elaine, retenue par son milieu, qui n'est pas à l'aise pour afficher une liaison, alors qu'elle est toujours mariée, ce que désapprouve son confesseur....

 

Pour voyager à deux, dans les meilleures conditions, Lancelot laisse le chemin de fer, et change de voiture pour une Renault Vivastella jaune à deux portes. Et si dans son précédent séjour en Allemagne, seul, il n'avait fait aucun effort pour se loger convenablement, s'en remettant aux opportunités de dernière minute; il prévoit cette fois-ci de réserver dans les meilleurs hôtels, une chambre pour un couple...

Metz est la première étape, avec une rapide promenade autour du palais du gouverneur, et sur l'avenue Serpenoise.... avant de rejoindre leur logis d'étape au Grand Hôtel de l’Europe.

Le lendemain ; il joignent Heidelberg pour plusieurs nuits à l'hôtel Zum Ritter St. Georg ; un lieu que Lancelot ne retrouve pas sans émotion, puisque alors, il n'avait que huit ans, il avait accompagné sa mère à l'occasion d'un congrès de philosophie... Il se souvient avoir pu admirer le Codex Manesse, ce qui semble difficile à présent ; la Bibliothèque ne leur permet d'admirer qu'un fac-similé.... Peut-être à l'image de l'accueil reçu, qui lui semble en général moins cordial, que le souvenir qu'il en avait gardé....

Il faut dire que le climat général est à l'austérité... L'argent semble manquer, le prix du pain est élevé, le chômage est élevé... Les gens s'inquiètent de l'avenir, et voyagent beaucoup moins...

La nouvelle Université vient d'être inaugurée. Des tensions règnent parmi les étudiants, qui se cristallisent autour d'Emil Gumbel, professeur d’origine juive, un socialiste et pacifiste qui exprime ouvertement ses convictions... Alors qu'il est promu '' professeur agrégé extraordinaire '', les nationalistes radicaux parmi les étudiants de Heidelberg, les professeurs, ainsi que les partis nationalistes et leur presse s'opposent avec véhémence à sa nomination, affirmant qu’elle est inconstitutionnelle. Le 7 novembre 1930, lors de l’un des premiers rassemblements contre Gumbel, le Dr Vogel, membre du parti nazi d'Heidelberg, a décrit Gumbel comme un traître au peuple allemand qui, étant juif, infecte « l’esprit historique » de l’université.

Proches de Speyer, Elaine et Lancelot ont prévu un rendez-vous avec Édith Stein, comme promis... Ils sont curieux de rencontrer cette femme de 40ans, connue par sa carrière de conférencière, faute de n'avoir pu, comme femme, prétendre à un poste universitaire. Elle a étudié la phénoménologie à Göttingen, et va suivre Husserl, nommée à Fribourg en Brisgau, elle y soutient son doctorat et devient son assistante, jusqu'en 1918. Sa demande d'habilitation à Göttingen est refusée, bien que soutenue par '' le maître'', mais parce que ''femme''... A Breslau, elle donne des cours chez elle, et enseigne au lycée...

Juive, Edith Stein découvre la foi chrétienne; et se convertit en 1922. Elle souhaitait entrer au Carmel, mais son directeur spirituel lui conseille de patienter... Elle devient professeur de lettres chez les dominicaines de Speyre. En parallèle, elle donne des conférences en Allemagne et à l’étranger sur les questions de la femme et de l’éducation.

Edith Stein

A l'occasion d'une demande de traduction du De ente et essentia, puis du De veritate; elle rencontre la pensée de saint Thomas, qu'elle enrichit des acquisitions modernes de la phénoménologie et de l'existentialisme... En 1929, pour les 70 ans de Husserl elle publie un article intitulé : « La phénoménologie de Husserl et la philosophie de saint Thomas d'Aquin. Essai de mise en présence ».

Elaine et Lancelot, impatients de rencontrer Edith Stein, découvre une femme ordinaire, réservée, presque froide... Elle vit ici, comme une dominicaine, humble, au service de ses élèves comme professeur d'allemand; elle donne aussi des cours de latin, et de français; elle parle bien notre langue...! Elaine, lui rapporte sa rencontre à Davos du jésuite Erich Przywara, avec qui elle eut plusieurs entretiens... Edith Stein connaît bien le théologien, et se détend tout à fait, quand Elaine lui raconte qu'elle eut beaucoup de mal à comprendre son exposé sur l' ''Analogia Entis''.... !

A l'opposé de Karl Barth, Erich Przywara pense qu'il est possible d'associer la philosophie et la théologie... Edith Stein, tente d'expliquer à sa façon, ce que le principe de l'analogie peut apporter à la pensée de Thomas... Il y a une analogie entre l'homme et Dieu, en ce qu'ils sont tous deux des ''personnes'' ; il y a donc une communication possible entre immanence et transcendance.

Przywara l'a incitée à confronter Husserl à Thomas d'Aquin. La phénoménologie est un mouvement de pensée qui montre une ouverture renouvelée à la réalité, sans nier le rôle du sujet. Elaine et Lancelot ont du mal à comprendre ce que cela signifie, plus.. concrètement.. ? Edith s'amuse à simplifier : nous sommes - conscient - d'être... Dans cet effort, se rejoignent l'homme qui pense et l'homme qui est au monde... La conscience passe par le sensible … Le sensible n'est pas un obstacle... La phénoménologie analyse le sens que la conscience donne à son rapport au monde... L’explication se clôt par des grands éclats de rire...

Leur entretien se termine par l'invitation de Maritain, à participer à Juvisy aux travaux de la Société thomiste, en septembre 1932. Edith Stein va quitter Speyrer, au printemps 1932, et enseignera à l’Institut catholique allemand de pédagogie scientifique de Münster.

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1930 – Maritain, Rougemont

Publié le par Régis Vétillard

Jeanne... par Christopher Wood

Elaine de L. qui continue de fréquenter régulièrement les Maritain, a été ébranlée par le suicide de Jeanne Bourgoint le jour de Noël 1929. Elle et son frère Jean, ami de Cocteau, vivaient une relation fusionnelle depuis leur jeunesse... Comme Cocteau, ils étaient addictifs à l'opium... Comme Cocteau, son frère s'était converti, Jeanne refusant cette foi-pansement ...

Jean

Ce qui est effroyable, c'est que dans le roman ''Les enfants terribles'' de Cocteau paru en juillet 1929; qui prenait le frère et la sœur comme modèles, dans ce roman le personnage qui représente Jeanne se donnait aussi la mort … !

 

Elaine n'appréciait pas trop le milieu surréaliste ou d'avant-garde que mettait en valeur le couple mécène Marie Laure et Charles de Noailles... Cependant, elle et Lancelot ne peuvent résister à l'une des fêtes fastueuses organisée à leur hôtel, place des États-Unis... C'est quelques temps après une projection publique au studio 28 de L’Age d’Or ( de  de Luis Buñuel et Salvador Dalí ), en décembre 1930... Des militants de ligues nationalistes avaient investi le cinéma, chassant les spectateurs et hurlant des slogans antisémites...

On ne parle que de cela, d'autant que les Noailles ont financé le film... Lancelot et Elaine, revoient à nouveau Jeanne L. accompagnée de Xavier de Hauteclocque, alors rédacteur au quotidien le ''Petit Journal '', son nouveau compagnon; c'est ce que soupçonne Lancelot – alors qu'elle est mariée depuis 1927 avec un écrivain à succès et assez flambeur.... C'est la vie délurée parisienne...!

Elaine retrouve Jean Hugo, qui a beaucoup soutenu Jean Bourgoint, et qu'elle estime beaucoup, pour sa peinture et aussi pour son tempérament mystique... Il est en contact avec Maritain et l'abbé Mugnier, et souhaite se convertir... Seulement, sa situation maritale est compliquée; Elaine le sait bien, elle qui connaît bien Valentine, son épouse; et qui s'est laissée prendre dans les filets surréalistes de Paul Eluard, qui cherchait à se faire consoler du départ de Gala; puis d'André Breton qui se moque d'elle.... Non, Elaine n'aime pas bien les surréalistes!

L'abbé Mugnier, baptise Jean, le le 11 mars 1931, rue Méchain, chez les sœurs de Cluny ; Maritain est le parrain.

Lancelot et Hauteclocque échangent sur la situation en Allemagne.

De nouvelles élections au Parlement ont eu lieu le 14 septembre 1930. Le Parti national-socialiste ouvrier allemand (NSDAP), qui reçoit notamment l’appui financier d’Emil Kirdorf (l’un des magnats de la Ruhr), de Fritz Thyssen (président du conseil de surveillance des Aciéries réunies) et de Hljalmar Schacht (ancien président de la Reichsbank), passe de 2,6 % des voix en 1928 à 18,3 %.

Simonne Vion et Rougemont

 

Au cours d'une soirée au Cercle des étudiants, il y a beaucoup de monde pour écouter une lecture de Ludmilla Pitoëf. Lancelot et Elaine sont présentés à Denis de Rougemont, et Robert de Traz invite le groupe à continuer la soirée chez lui... Denis de Rougemont est très intéressé par les propos d'Elaine qui est questionnée sur Maritain et le thomisme... Quelques jours plus tard, Elaine seule, se rend à un dîner chez Traz, où sont présents, Rougemont, Maritain, et Berdiaev...

Elaine se confie à Lancelot, du présent que lui a fait Rougemont, une édition du Tristan et Yseult de Bédier et de tous les propos qu'il lui a tenu sur l'amour, mais c'est surtout l'impression qu'elle eut, qu'il lui vantait l'adultère, à elle...! Pour qui, le fait d'être mariée empoisonne sa relation avec Lancelot.

Denis de Rougemont Avec Emmanuel Mounier (à droite) lors d’un congrès d’Esprit, 1934

Denis de Rougemont, a 24ans, suisse, élégant; il va publier '' Le Paysan du Danube'' ( un récit de voyage sur sa quête du romantisme allemand...). Pourquoi est-il venu à Paris? - «J’ai refusé un poste de professeur en Chine, au lendemain de mes derniers examens. Je voulais aller vivre, agir, écrire, au lieu où se déroulait l’Aventure de l’esprit : ce ne pouvait être alors, et pour moi, que Paris. »

Ce soir là, il se présente comme s'il défendait sa spécificité romande d'être protestant, et la défendre contre l'offensive thomiste; il est vrai que Maritain insiste toujours auprès de ceux qu'il conseille, de maintenir le ''catholique, d'abord'', ainsi auprès de Mounier qu'il met en garde contre son ''interconfessionnalisme''; et contre certaines dérives des ''hommes d'action'' trop centrés sur leur réussite, et non sur le témoignage... Pour tous ces jeunes, Maritain parait bien ''antimoderne''; même s'ils retiennent de lui, la hierarchie ''individu-société-personne'' et la dialectique ''individu/personne'' ... Ce qui les différencie, c'est le rôle des chrétiens dans la société....

Lancelot, note une réflexion sur le concept de personne, qui est réservé à l'humain et qui possède un esprit ( dont la fine pointe est divine), tandis que celui d’individu est commun à l’homme et à l'animal. L'individualisme moderne, tend à exalter l'individu - en le camouflant en personnalité - alors qu'il avilit la personnalité véritable...

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1930 - L'Allemagne - 2 -Le cercle de Sohlberg

Publié le par Régis Vétillard

A Paris, Pâques de 1930, Lancelot rencontre un professeur de dessin du lycée de Karlsruhe, francophile, Otto Abetz (1903-1958), en compagnie de journalistes de la revue ''Notre temps'', et Jean Luchaire. Présents également le romaniste Friedrich Bentmann.

Otto Abetz (1903-1958)

C'est au domicile de Jean Luchaire, que le projet s'est finalisé, avec l'aide de Cecil Mardrus, du groupement universitaire franco-allemand.

Du 28 juillet au 3 août 1930, une centaine de participants investissent l'auberge de jeunesse de Sohlberg à 800 mètres d'altitude de laquelle on peut observer les paysages français et allemands... La matinée est réservée aux conférences, l'après-midi aux excursions ; l'essentiel étant réservé aux échanges au cours d 'une vie communautaire et rustique. S'y côtoient surtout des étudiants et quelques professeurs des deux pays. Si, Luchaire affirme que cette rencontre dépasse le cadre d'une manifestation politique, Lancelot sait que du côté allemand, la dimension politique n'est pas absente, du fait simplement par l'argumentaire nationaliste qu'il leur fallut développer pour obtenir des autorités allemandes des subventions...

La première conférence est donnée par Friedrich Bentmann, un ami d'enfance d'Otto Abetz ; il développe l'idée d'un héritage commun entre la France et l'Allemagne et leur propre approfondissement d'une culture nationale... Il n'hésite pas à évoquer le Traité de Versailles, l'occupation de la Ruhr et la crise économique allemande... Cette situation nécessite « des principes nouveaux et de nouveaux maîtres ».

Heinz Dähnhardt, responsable du mouvement conservateur « Jungnationale Bund » estime que l'Allemagne n'a pas su faire de sa République, une sorte d'Etat ; pas étonnant que les jeunes soient déçus... Luchaire propose alors de trouver « au-dessus des solutions nationales, des solutions réellement européennes ».

Lancelot, estime que la rencontre du Sohlberg a fait la part belle aux exposés nationaux voire nationalistes. « Jamais on ne s'est senti autant allemand et pourtant jamais on n'a été aussi heureux de rencontrer des étrangers que l'on aime. » Témoignage d'un allemand dans Notre Temps, n°21 du 10/08/1930.

Jean Luchaire, parlant des jeunes français, décrit leur non-conformisme vis à vis des dogmes de leur parti ; et leur désir de modifier profondément la structure politique du pays.

Lancelot note à partir de discussions avec de jeunes nationalistes, que le national-socialisme se présente nationaliste et respectueux envers la France ; leur souci concerne uniquement le redressement de leur pays, après la défaite, sapé par l'inflation et le chômage, avec une préférence pour la ''révolution conservatrice''...

Les congressistes relèvent l'harmonie des rencontres, et le désir de poursuivre les contacts.

Abetz crée le cercle le Sohlbergkreis, et une revue ; il souhaite agrandir son réseau de ''correspondants'' en France... Il s’intéresse notamment au mouvement personnaliste ''Ordre Nouveau''.

Lancelot rapporte que Otto Abetz, catholique ne pratique pas sa religion, et n'a pas d'opinions politiques bien définies, même s'il affiche des vues révolutionnaires dans bien des domaines... Il est convaincu que l'Allemagne n'est pas responsable de la Grande Guerre.

En 1931, Hitler dans une interview déclare qu’une entente avec la France est de l’intérêt de l’Allemagne. Dans cet entretien, il tourne le dos à ce qu’il a écrit dans « Mein Kampf », publié en 1926.

André Gide qui s’intéresse alors au communisme, et correspond déjà régulièrement avec Ernst Robert Curtius, l'interroge sur une possible entente... Curtius estime que français et allemands ne peuvent se comprendre, leur point de vue les uns sur les autres sont inconciliables, emprunts de méfiance, un sentiment anti-français persiste en Allemagne et la France souhaite affaiblir l'Allemagne. « Ou bien faisons disparaître la méfiance et devenons alliés, ou bien, sans continuer à voiler artificiellement cette méfiance qui empoisonne nos rapports, avouons que nous sommes des adversaires et que nous le resterons. ».

 

Cavaillès réussit à obtenir une bourse Rockefeller, pour enquêter sur les mouvements de jeunesse en Allemagne... Dès le mois d'Octobre 1930, il s'installe à Berlin, puis Hambourg. Il travaille aussi sur sa thèse, et s'intéresse de près au mathématicien Cantor et ses découvertes...

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1930 - L'Allemagne - 1-

Publié le par Régis Vétillard

Lors d'une soirée, où Anne-Laure de Sallembier est à Paris; elle reçoit son amie Elisabeth de Gramont, Olivier Costa de Beauregard avec Paul Painlevé qui voulait le rencontrer et , par la même occasion, présenter à Lancelot un journaliste et ''collaborateur'' du ministère, Xavier de Hauteclocque.

Costa de Beauregard (1872-1958) est sur le point de créer une association de la noblesse française, en lien avec la noblesse européenne. Le prétexte de cette organisation s'articule autour de l'usurpation patronymique qui s'amplifie par la vente de titres ou même par le changement de nom à consonnance nobiliaire.

Xavier de Hauteclocque

De trois ans, plus vieux que Lancelot, Xavier de Hauteclocque (1897-1935) s'est distingué lors de la Grande Guerre, où il a perdu son père et son frère... Proche de François de La Rocque, Hauteclocque n'en fréquente pas moins les bureaux ministériels, de plus rédacteur au ''Petit Journal''; il a acquis une certaine notoriété, sur les traces d'Albert Londres et Joseph Kessel, en devenant grand reporter en Norvège, en Arabie wahhabite, et a réussit à pénétrer en Russie Rouge, jusque dans des bagnes soviétiques... Actuellement il s'intéresse de près à l'Allemagne, et s'offre d'ailleurs le luxe de parler allemand, avec un léger accent hongrois... Xavier de Hauteclocque s'interroge sur l'avenir du parti d'Adolf Hitler et sa particularité, dans le paysage politique européen... Il espère être admis à fréquenter ses adhérents...

Le réseau de familles nobles européennes permettra à Hauteclocque d'infiltrer le nouveau parti national-socialiste allemand. On parle, parmi les plus connus, de Philippe de Hesse-Cassel...

Ce doit-être à cette époque que Painlevé propose à Lancelot un travail régulier et reconnu dans les services de renseignements du ''2ème bureau'' de l'Etat-Major. Sa pratique de la langue allemande, son réseau mondain, sa discrétion et aussi son goût du ''chiffre'' vont lui permettre en toute discrétion la poursuite de ses contacts avec des acteurs de la culture allemande. Son contact opérationnel sera le commandant Louis Rivet, stationné à Belfort...

A partir de 1930, Lancelot va donc se rendre régulièrement en Allemagne pour des raisons culturelles...

Affiches de 1930 anti-Plan Young

Alors que se termine la deuxième conférence de La Haye sur les réparations allemandes, avec l'adoption définitive du plan Young; Hauteclocque rappelle que l'Allemagne va devoir payer à peu près deux milliards de marks par an, jusqu'en 1988; alors que le nombre de chômeurs dépasse les 3 millions...!

Les deux chefs nationalistes, Adolf Hitler (NSDAP) et Alfred Hugenberg (DNVP) ont constitué, avec d'autres organisations de droite, un Front national de lutte contre le plan Young. Heureusement, pour l'instant le référendum et le projet de « Loi contre l'asservissement du peuple allemand », soumis au Reichstag, ont été repoussé; mais jusque à quand?

Hauteclocque semble inquiet...

Les Amis du Livre français, dont fait partie Elaine, s'est réuni chez la duchesse de Broglie pour entendre une conférence des plus spirituelles et des plus documentées faite par le comte de Saint-Aulaire, ambassadeur de Fance, avec son érudition habituelle, sur '' La diplomatie en 1830 ''. Saint-Aulaire, sympathisant de l'Action française, et admirateur de Talleyrand, vante à Lancelot, les fonctions de diplomate... Talleyrand était un partisan résolu de la paix et de l'équilibre européen, Bonaparte ne l'a pas assez écouté...

Saint-Aulaire s'en prend à un parallèle diplomatique lu dans la presse, entre ''Herriot et Talleyrand'', qui présenterait une vision libérale, et ''Napoléon-Poincaré'' qui représentait la voie de l'inflexibilité... Il insiste : Talleyrand pariait sur un équilibre européen et monarchique.

Pour ce qui est du Congrès de Vienne, le conférencier rapporte de nombreuses anecdotes …

Lors de cette conférence, Elaine s'étant entretenue avec la baronne de Brimont, elle tient absolument à la revoir avec Lancelot. En effet, elles échangeaient sur la poésie, et évoquaient le poète Lubicz-Milosz qui parle du poids du mot '' père de l'objet sensible'' ou comme Valéry le dit du mythe, qui est: ce qui a le mot ( ou la parole) pour cause... Cet homme, Milosz qui a été le premier représentant diplomatique de la Lituanie en France, se consacre à présent à l'écriture et rêve de reconstruire une élite spirituelle qu'il imaginait même en son début au sein de la SDN ...!

Renée de Brimont, qui connaît Milosz depuis 1915, va leur faire connaître cet homme diplomate et philosophe qui prophétise des catastrophes, auteur de ''Ars Magna '', et ''Les Arcanes'' et anti-moderne. C'est un mystique, un alchimiste, dit-elle... Un chercheur de mots, de rythme pour déboucher sur du mystère...! Son obsession, trouver l'âme des mots...

Milosz, de haute stature un peu voûtée, se rattache à un christianisme primitif, et dans le prolongement de l'action théosophique, il évoque le projet d’un Ordre du Saint Graal.

Ils sont plusieurs à penser que seule une catholicité nouvelle, c’est-à-dire universelle, et la monarchie permettraient d’inverser cette décadence occidentale...

Malheureusement, le milieu catholique n'est pas prêt; la vogue du thomisme, l'époque nouvelle qu'amorcent 1930 et 1931... n'est pas bien favorable à sa réalisation... Les pères Félix Anizan (1878-1944), le père Clavé de Otaola, puis le père Huriet ( prédicateur à Notre -Dame de Paris) qui est son confesseur l'orientent vers d'autres directions...

Guénon, Milosz se sont rencontrés chez la baronne Renée de Brimont, et se sont vus à la librairie Chacornac, ils se connaissent donc.

Le spectre noir...

 

En février 1930, Lancelot se rend à Berlin, et se présente à l’ambassadeur Pierre de Margerie. Le diplomate se plaint de l'ostracisme allemand envers les français... Des commerçants ne craignent pas d'afficher " Franzosen und Berlgier nicht erwünscht" (les français et les belges ne sont pas les bienvenus)...

C'est pour lui l'occasion de faire un inventaire des liens franco-allemands organisés, comme le Comité Mayrisch regroupant une élite économique; représenté à Berlin par Pierre Viénot. Il retient particulièrement deux structures largement publiques qui peuvent devenir influentes: - L'association francophile Deutsch-Französiche Gesellschaft fondée en 1928 par Otto Grautoff  (1876-1937) ( la DFG fut dissoute avant la Seconde Guerre mondiale. Grautoff, ayant choisi d'émigrer, décéda à Paris en 1937.). Parmi les membres fondateurs de l'association, on trouve Thomas Mann, Otto Dix, André Gide, Georges Duhamel, Albert Einstein et Konrad Adenauer.) et – le cercle de Sohlberg (Sohlbergkreis), fruit d'une première rencontre qui a lieu sur le Sohlberg à l’été 1930.

La DFG, organise, à Berlin, des ''thés'' une fois par mois, avec des français de passage, au programme conférences, lectures ou petits concerts. Lancelot va y rencontrer ainsi Edmond Jaloux (1878-1949) qui lui parle avec ferveur de R.M. Rilke. Petit à petit le caractère mondain des thèmes fera place à des sujets plus politiques...

A Mannheim, du 16 au 21 septembre 1930, se tient le «Congrès des étudiants républicains et socialistes d'Allemagne et de France» organisé en particulier par la LAURS. Lancelot y croise des personnes qui fréquentent la DFG, un groupe d'Etudiants pour la Paneurope et même le mathématicien Ludovic Zoretti connu pour son engagement socialiste et pacifiste, et Félicien Challaye professeur de philosophie à Condorcet

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Guénon - La Crise du Monde Moderne... et de l'Occident. 2

Publié le par Régis Vétillard

C'est précisément, pour pallier à sa difficulté d'organiser son voyage, que Lancelot, se propose de conduire lui-même, Guénon, à la propriété de Mme Veuve Dina, « Les Avenières », non loin de Cruseilles, en Haute-Savoie.

A partir de 1924, Paul Chacornac eut pour clients de sa librairie ésotérique du quai St-Michel, Monsieur et Madame Dina. Lui, Hassan Farid Dina, était un ingénieur égyptien; elle, une américaine, Marie W. Shillito, fille du roi des chemins de fer canadiens. En janvier 1929, Mme Dina témoigne un vif intérêt pour les travaux de René Guénon ; son mari est décédé en 1928. Elle propose à René Guénon, de classer, évaluer les travaux et notes qu'a laissé son mari, féru de questions occultes, et les accommoder en vue d’une publication.

En septembre 1929, Lancelot accompagne René Guénon, en Haute-Savoie. Les rentes de René Guénon viennent d'être affectées par la crise de 1929, et l'idée d'un repos en montagne lui convient.

 

Mary Wallace Schillito, découvrant en 1904, le panorama, décide d'y construire sa demeure. En 1907, le château des Avenières est achevé. En 1914, elle épouse un ingénieur indien Assan Farid Dina. Il adjoint une chapelle au château, dont les murs portent l’inscription « L’Univers est un œuf, l’œuf est un Univers » et sont couverts de mosaïques représentant les cartes du Tarot d’après Oswald Wirth. Le château devient le lieu de rencontre de la bonne société parisienne, qui vient y débattre de philosophie, égyptologie et ésotérisme. En 1928, Assan Farid Dina fait un malaise et meurt en traversant le canal de Suez sur une goélette anglaise qui l’emmenait à Ceylan, où il avait le projet de se recueillir sur la tombe de sa mère.

Lors des étés 1924 et 1925, au château des Avenières, Oswald Wirth, mit fin à la rédaction d'un ouvrage qu'il entreprenait depuis plusieurs années, ses travaux ont inspiré les figures du Tarot des Avenières...

 

Deux années ont été nécessaires à des ouvriers italiens pour réaliser les mosaïques. Les mosaïques dans la chapelle d'or sont signées A.DINA ( pour Amina Dina) 1917. Amina Dina est la soeur de Assan à qui on doit sans-doute la conception de ce tarot

 

Lancelot découvre donc le panorama des Alpes avec une vue plongeant jusqu’au lac d’Annecy et portant au loin sur le Mont Blanc, et le château avec ses 35 pièces... Guénon est émerveillé de découvrir la chapelle avec ses murs décorés de panneaux de mosaïque fait dans les règles des verriers et mosaïstes vénitiens représentant l’ensemble des arcanes du Tarot, répartis en deux salles et sous deux voûtes étoilées de symboles stellaires...

Lancelot s'intéresse également aux travaux scientifiques d'Assan Dina ; et avec Guénon vont visiter l'observatoire télescopique  installé au sommet du Salève...

 

« Voici des choses étranges : nous sommes sur le mont Salève, dont le nom semble être encore une forme de Montsalvat ( le château du Graal) , et tout à côté il y a aussi le mont de Sion ( l'emblème de la présence et de la bénédiction de Dieu ). Le nom de Cruseilles est assez remarquable également ; c’est à la fois le creuset dans le sens tout à fait hermétique, et la creuzille, c’est-à-dire la coquille des pèlerins ». R Guénon.

 

Guénon imagine de se faire construire près du château, une maison séparée pour y travailler au calme et sans être dérangé par les visiteurs...

 

Lancelot apprend que le Général Ferrié, qu'il connaît par ses travaux sur la télégraphie sans fil, et la conception de postes radio pendant la Guerre ; il est également spécialiste d'astronomie... Le général Ferrié s'est donc intéressé au projet d’un observatoire d’astronomie physique, ici même, que Assan Dina était prêt à financer...

 

Le 5 mars 1930 , René Guénon (42ans) et Mary Dina (52ans) partent en Égypte. Trois mois après, Mary rentre seule... Guénon devient musulman, et ne reviendra plus en France...

René Guénon, sa femme Fatma Harem et leurs deux filles -->

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