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1949 – 1950 – Gide – Mort de E. Mounier

Publié le par Régis Vétillard

1949 - L'année de ses quatre-vingt ans, André Gide est célébré comme l'un de nos plus grands écrivains. La parution de son Journal, son Anthologie de la poésie ; l'annonce de la parution prochaine de sa correspondance avec Claudel, et régulièrement à la radio la diffusion d'entretiens avec Jean Amrouche ; ont sans doute poussé Lancelot, sans s'être annoncé, à oser sonner à la porte d'André Gide – qu'il avait déjà rencontré à diverses reprises, je le rappelle : - en 1921 la première fois, - en 1938 ils avaient mangé en tête à tête chez Lesur, - aux décades de Pontigny, etc.

Julien Green 1947

Et, magnifique coïncidence, au moment où Lancelot se présente devant la porte du cinquième étage, ''du Vaneau'', Yvonne Davet ( la secrétaire de Gide) sort avec Julien Green. Ils se saluent, et Yvonne signale que Gide est fatigué, mais qu'elle lui rapportera sa visite dès demain. Lancelot est déçu, et Yvonne les prie puisqu'ils sont ainsi mis à la porte, de l'accompagner dans une brasserie proche ; en effet, elle aurait besoin de se confier sur des faits qui concernent André Gide.

Sur le trajet, Lancelot s'empresse de rappeler à Julien Green, qu'ils se sont connus il y a bien longtemps au lycée Janson de Sailly. C'était en 1914, Lancelot quittait alors Paris, et laissait Julien qui venait de perdre sa mère... Julien Green, soudain, se souvient très bien, et exprime son émotion de se rappeler tout cela … Lancelot ne l'a pas oublié, il est vrai facilité par la lecture régulière de ses ouvrages.

Yvonne Davet est cette jeune femme, que Lancelot rencontra en 1933, chez Gibert. Elle avait tout quitté, Avignon, son mari, son fils ; pour rejoindre André Gide à Paris. Elle va passer sa vie à suivre Gide, jusqu'en Tunisie, en 1940; si c'est possible, mais il refuse. Alors, par dépit, elle part comme travailleuse volontaire en Allemagne. Elle déchante. Elle rentre en France fin mai 45. Elle va faire différentes traductions, dont celles d'Orwell. Gide l'engage comme secrétaire au printemps 46.

A présent, Yvonne se dit en butte à des manœuvres de Van Rysselberghe, et à la « perfidie d'Amrouche ».

Je vais laisser ici cette affaire, sur laquelle il est bien difficile de discerner...; pour ne retenir que cette occasion de rencontre avec Julien Green, qui invite Lancelot à le visiter rue de Varenne ; ce que Lancelot ne tardera pas à faire.

Le 23 mars 1950, nous apprenons cette terrible nouvelle, par la presse : « Emmanuel Mounier est mort subitement cette nuit, d'une défaillance cardiaque due au surmenage. »

Lancelot avait soutenu la ligne d'Esprit dans les années trente, et il se souvient que Vichy s'inquiétait de l'influence de Mounier sur ''Jeune France''. Nous étions en 1941, il ne pouvait plus faire de conférence à Uriage, et sa revue Esprit est interdite. Lancelot l'avait rencontré, dans son appartement de la Croix-Rousse à Lyon ; et avait préparé avec lui les ''Rencontres de Lourmarin ''. Précédemment, on pouvait le croiser lors des dimanches des Maritain à Meudon.

 

Lors d'une discussion sur la recherche du bonheur, et définir ainsi des valeurs à défendre pour le permettre, s'il insistait sur les valeurs économiques, il ajoutait que les rendre supérieures aux autres engendraient le désordre. Le plaisir, l'argent, la santé, le confort, la puissance, participent au bonheur ; et pourtant - aimait-il dire - : « le bonheur ne suffit pas pour être heureux ».

En démocratie, chacun doit savoir où est son bonheur ; et ne pas s'en décharger sur la société. Il faut replacer l'éthique des besoins humains dans la perspective de la '' Personne''. « L'économique ne peut se résoudre séparément du politique te du spirituel. »

Pour lui, L'Absurde, était une sorte de métaphysique de la solitude intégrale; c'est celle qui nous reste quand on a perdu la vérité et la communauté des hommes.

Sa pensée est vraiment celle qu'il faut à notre temps, hélas, elle reste inachevée...

 

Les obsèques ont eut lieu le 24 mars en l'église de Châtenay-Malabry, célébrées par Depierre, un ami de Mounier, prêtre ouvrier.

« Que nous reste-t-il ? Il nous reste ce que nos yeux ont vu, ce que nos oreilles ont entendu, vendredi matin, dans cette pauvre église de banlieue, nous tous, disciples, amis, adversaires fraternels, pressés autour de la dépouille d’un écrivain mort à la tâche, et de cette jeune femme voilée, et de la petite fille qu’elle tenait par la main. Il nous reste la promesse que nous apportait, au nom du Christ, l’abbé Depierre : il reste assez de sainteté dans le monde pour sauver le monde. » François MAURIAC

 

A la sortie de cette ''guerre totale'' ; la nouvelle société nous entraîne t-elle vers l'apocalypse ? La ''modernité '' est-elle en cause ? Pour les chrétiens de l'entre-deux guerres, en ce début des années cinquante, la question reste encore d'actualité.

Mounier s'oppose à la charge de Bernanos contre la civilisation technique. Si la ''machine'' n'apporte pas le bonheur, les méfaits techniques doivent être surmontés par un progrès de l'humanité. La machine « n’est que l’extension du corps de l’homme dans le corps du monde. » ( la Petite Peur du XXème siècle ). Contre les prêcheurs d'apocalypse, Mounier rejoint l'optimisme de Teilhard de Chardin.

Jacques Ellul (1912-1994) - 1950

Jacques Ellul, proche de Mounier, dans les années trente, constate que la technique dépossède l'homme de toute emprise sur le réel. L'homme pourrait ne plus penser que de façon technique. Si « l’environnement de l’homme n’est plus fait que d’objets techniques », si « la technique intervient directement sur la vie de l’homme » ; alors elle lui demandera « des adaptations comparables à celles qu’avait exigées primitivement le milieu naturel. »

Il ne s'agit sans-doute pas de la fin du monde ; mais de la fin d'un monde.

 

Bernanos prévoyait un homme moderne, docile, irresponsable, complaisant à toute volonté du collectif dans un « paradis des robots ». Mounier prêche pour une humanité enfin mature devant les dangers.

Ellul, craint que l'homme n'ait plus d'emprise sur un système technicien, qui recrute les techniciens... « Le sacré, le religieux non technique est éliminé. Ainsi l’homme ne peut se situer nulle part d’où il pourrait porter une appréciation sur ce processus. Il n’y a aucun « point de vue possible. (…) L’homme est entièrement « de ce côté-ci » du système et n’a plus aucun « au-delà » de ce système à partir de quoi le « voir » et le critiquer. » ( la Technique, ou l’enjeu du siècle ).

 

Pour le chrétien Mounier, l'incarnation du Christ réconcilie l'homme et la création ; et au travers d'un progrès collectif de l'humanité. L'Histoire est celle d'un salut collectif de la création ( unifiée) : « une marche collective d’âge en âge de l’humanité entière, qui entraîne le monde physique avec elle dans la Rédemption ». (Mounier, 1949)

Mounier précise que « l’homme a la mission glorieuse d’être l’auteur de sa propre libération » (Mounier 1949 )

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1948 – Du chaos allemand à la RFA

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot rentre, bien après Döblin, à l'Ouest. Il fait le voyage de retour à l'occasion de la Conférence de Rittersturz, à Coblence ; et se retrouve dans le même avion que Louise Schroeder. Les ministres-présidents des onze Länder ouest-allemands se réunissent du 8 au 10 juillet 1948. Les partis politiques étaient représentés. Ils vont adopter l’idée de la création d’un État fédéral réunissant les Länder des zones d’occupation occidentales.

ll s'agit donc bien de reconnaître la scission avec la zone soviétique, mais de façon provisoire...

Le Spiegel, va critiquer fortement l'intervention de Louise Schroeder : '' Espérant encore parvenir à un accord en vue de l’unification du pays, la maire de Berlin, trouve prématuré d’envisager l’inclusion de Berlin-Ouest dans la République fédérale.'' Ernst Reuter reviendra sur cette position huit jours plus tard, dans le cadre de la conférence de Niederwald.

 

Le Figaro du 8 Octobre 1947, écrit ceci , dans un article titré : '' … le chaos allemand : En plein imbroglio : « c’est avec un certain recul seulement qu’on se rend compte de l’intolérable chaos qui règne à Berlin. Il y a à Berlin un maire empêché, un maire intérimaire et un maire en réserve. Le premier, M. Reuter, a été nommé par le Conseil municipal, mais refusé par le veto russe lors de la réunion des quatre généraux commandants de Berlin. M. Reuter est un transfuge communiste, devenu socialiste : les Russes ne l’admettent pas. Le maire intérimaire est une femme socialiste, Mme Schroeder, effacée et présente comme l’exigent ses fonctions provisoires ; le maire en puissance, député socialiste et expert économe, M. Suhr, réserve ses forces et refuse le poste, certain de ne pouvoir aller qu’à un échec. J’ai parlé à chacun de ces personnages, M. Reuter, coléreux et ironique, m’a dit : « Nous attendons que les Alliés se mettent d’accord » ; Mme Schroeder a soupiré : « Hélas ! » ; M. Suhr, un Allemand du Nord, au langage pointu, m’a dit : « J’aimerais mieux être pendu que maire de Berlin. Ce qui seul me préoccupe, c’est l’avenir économique de l’Allemagne, mais rien ne peut être fait tant que les Alliés ne s’entendront pas. » Et les chefs de parti que j’ai interrogés ont entonné le même leitmotiv.

Discordes alliées

Berlin est en effet le théâtre des luttes partisanes aussi bien que des explications orageuses du Conseil allié quadripartite, et il n’y a certes plus un Allemand qui puisse ignorer aujourd’hui la grave partie qui se joue. Chaque grande puissance dispose comme instrument de lutte d’un ou de deux partis allemands. L’U.R.S.S. règne sur le S.E.D. (parti ouvrier unifié), la Grande-Bretagne protège les socialistes ; les Etats-Unis patronnent socialistes et chrétiens-sociaux, qui forment généralement dans les « Laender » de sa zone des coalitions assez cohérentes. Le S. E. D. est interdit à l’Ouest; les socialistes à l’Est ; leur point de rencontre et de friction demeure Berlin, où les journaux de chaque parti se déchaînent, injuriant l’adversaire au moyen d’un vocabulaire qui rappelle à s’y méprendre celui de feu les nazis. » Dominique Auclères. 

 

Le blocus est levé le 12 mai 1949, à la suite d’un accord quadripartite, mais la question allemande reste entière et une conférence à quatre, prévue le 23 mai, pourrait permettre de préciser les points suivants : création de deux municipalités différentes à Berlin, création de deux États allemands, Berlin-Ouest deviendrait-elle une enclave occidentale en territoire est-allemand ?

À la fin du blocus, les Occidentaux ont effectué 278 228 vols et importé 2 231 600 tonnes de fret vers Berlin-Ouest. Ces performances, et l'estime croissante qu'elles a suscité, en faveur des alliés ont contribué à l'échec du blocus de Berlin par Staline.

 

Lancelot a suivi la Conférence des quatre, qui s'est ouverte à Paris le 23 mai, au palais de marbre rose de la duchesse de Talleyrand-Perigord ( qui avait décoré toutes les pièces de fleurs magnifiques...), entre les  les ministres des Affaires étrangères : MM. Dean Acheson, Ernest Bevin et Robert Schuman, d’une part, M. Andréi Vychinski, de l’autre. Ils vont s’efforcer de préparer un traité de paix, et un avenir avec l’Allemagne.

Finalement, ce n'est que le 21 juin 49, que s'est terminée la Conférence. On ne peut pas parler ni d'échec, ni de réussite. « Les « Quatre » se sont accordés là reconnaître leur désaccord sur le sujet de l’unité politique et économique de l’Allemagne. Non seulement ils n’ont fait aucun progrès dans la voie de l’unité, mais ils ont même renoncé à fixer les règles du fameux modus vivendi, dont les diplomates nous rebattaient lès oreilles depuis quatre semaines. Il va subsister à Berlin deux municipalités et deux monnaies ; en Allemagne deux gouvernements, deux idéologies, deux monnaies, deux polices. » Raymond Aron

Les plus optimistes avec R. Aron diront : Nous sommes soulagés de constater que ni l’un ni l’autre des deux « Grands » n’a la moindre intention de recourir aux armes pour l’instant.

Ensuite, la création d'une Allemagne fédérale occidentale, va se rajouter à un gouvernement démocrate-chrétien en Italie, à la fin de l’inflation en France, au Pacte atlantique, tout cela pour en finir avec l’obsession de la menace communiste.

Cette ligne de démarcation tracée au milieu de l'Allemagne sera t-elle le signe d'une chance de coexistence pacifique et prolongée ?

D'autres auront du mal à se résoudre à la réalité de deux Allemagnes : la République fédérale d'Allemagne (RFA) est proclamée le 25 mai 1949 sur les trois zones occidentales. Les Soviétiques répliquent le 7 octobre 1949 avec la création de la République démocratique d'Allemagne (RDA) à l'Est. La fin du blocus, vient sceller un '' rideau de fer '' entre le bloc de l'Ouest pro-américain et un bloc de l'Est soviétique, et la continuation d'une Guerre froide.

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1948 - Le Blocus de Berlin-ouest – 2

Publié le par Régis Vétillard

Le 28 juin, 150 avions atterrissent avec 400 tonnes de ravitaillement, le trentième des besoins quotidiens des habitants. Puis, des milliers d’avions se relaient pour transporter vivres, charbon et médicaments dans la capitale allemande.

Aux heures de pointe, un avion atterrit toutes les 2 ou 3 minutes secondes à Tempelhof, Gatow et Tegel (un troisième aéroport rapidement construit en zone française.).

Une escalade peut conduire à la guerre. Pour les berlinois, l'agression est soviétique. Iraient-ils jusqu'à abattre les avions américains ?

Le pilote américain Gail Halverson a l’idée de fabriquer des mini-parachutes à partir de vieux parachutes, qu’il lâche pendant l’approche. Des bonbons pour les enfants et les jeunes qui observent les opérations aériennes y sont attachés.

 

Berlin reste bloqué, ''alliés'' et soviétiques maintiennent leurs positions. Combien de temps pourra t-on tenir ? L'hiver permettra t-il d'assurer le ravitaillement satisfaisant ?

Si les Soviétiques empêchent les communications aériennes avec Berlin, ce sera la guerre. Lancelot n'y croit pas.

Si les russes ne cèdent pas : - Pourquoi ne pas forcer le blocus ? En cette période, l'URSS a l'avantage d'une armée mobilisable et en nombre : on parle de 200.000 soldats, stationnés en Allemagne de l'est, alors que les USA, l´Angleterre et la France viennent de démobiliser leurs forces.

Les Etats-Unis n'ont en Europe que quelques rares "unités de combat", à peine 30.000 hommes, confie le Général Noiret.

Notre avantage est que les Etats-Unis possèdent la bombe atomique... De source sûre, Lancelot apprend que Truman, prévoit de déployer trois escadrilles de bombardiers stratégiques B-29 de l’USAF au Royaume-Uni.

Sinon, - un compromis ne sera pas en notre faveur.

 

Les Occidentaux parviennent à contourner le blocus au moyen d’un pont aérien massif : plusieurs centaines d’avions par jour, la construction d’un troisième aéroport en secteur français (Tegel). L’objectif des premières semaines du pont aérien est d’assurer un volume quotidien de 4.500 tonnes de marchandises. À l’automne 1948, les Alliés le rehaussent à 5.000 tonnes quotidiennes. Le charbon, qui doit garantir l’approvisionnement en énergie, représente une grosse partie de ce tonnage.

L'efficacité exceptionnelle des puissances occidentales et la participation de la Grande-Bretagne, de pilotes d'Australie, du Canada, d'Afrique du Sud, de Nouvelle-Zélande, et de la France ; est largement utilisée à des fins médiatiques. utilisent largement cette à des fins médiatiques.

La ville devient le symbole du combat pour la Liberté. Des hommes politiques et des intellectuels occidentaux se succèdent à l'aérodrome pour manifester leur soutien.

Les berlinois sont reconnaissants de n'être pas renvoyés à leur passé nazi, et fiers de représenter le combat pour la liberté et la démocratie, et les Etats-Unis deviennent une puissance protectrice.

Les jeunes allemands acclament les avions du pont aérien, surnommés les « Rosinenbomber » (les « bombardiers de raisins secs »).

L’URSS, ancienne alliée, devient une menace pour la paix et le nouvel ordre international.

 

Alfred Döblin, rentre bien avant Lancelot à Baden-Baden.

Döblin semble désabusé. Il n'accepte pas cette partition de Berlin. Il est à la fois anticommuniste et antibourgeois. Sa vision culturelle débouche sur une action spirituelle. « Élever l’esprit, cela exclut tout ce qui est contraire à la liberté de pensée. La littérature dirigée, pour moi, est le témoignage épouvantable de la misère contemporaine. Les talents sont étouffés, le sens épique dévoyé par une morale imposée de force et une fois pour toutes. Nos écrits ont tout à perdre, quand ils sont soumis aux prescriptions d’une bureaucratie... Mais un écrivain qui, aujourd’hui, n’a aucune foi, est encore moins désirable ... Thomas Mann, voyez- vous, c’est la décadence artiste et athée d’un esprit bourgeois désormais inadmissible. On peut vivre sans foi aucune, je le sais, ... Mais alors le vent de la vie n’entre plus dans votre chambre et, qu’on le veuille ou non, c’est la mort, l’asphyxie à bref délai... D’où le nom de ma revue Das Goldene Tor. »

Lancelot se souvient d'une discussion à propos de Kierkegaard et sa recherche de la vérité. En effet, le philosophe danois met à bas la certitude selon laquelle la vérité peut être obtenue par les sciences. L’objectivité n’est pas exacte ; au mieux, elle fait preuve de neutralité et propose un cadre de réflexion. C’est donc un renversement de la pensée que prône Döblin sous la tutelle kierkegaardienne, en prônant la subjectivité et le renversement des savoirs acquis : « Pour atteindre l’absolu, il faut transgresser le confort, fût-il moral, l’aménagement bourgeois de la finitude. ».

Döblin, confie à Lancelot son désir d'écrire un roman dont le héros, revenu de la guerre avec une jambe en moins, rejetterait toute convention de la vie mondaine. Seule, la Vérité, pourrait lui venir en aide.

Lancelot interroge Döblin, sur la ''Vérité'' selon Kierkegaard. Il répond, mais préfère avertir qu'il ne parle pas selon le discours scientifique. La Vérité ne concerne que les personnes ; la science en appelle à l'objectivité, et la raison s'y prête... C'est à dire, elle se prête à raisonner selon un mode d’accès au réel, parmi d'autres – c'est une question de convention entre scientifiques, Non ? D'ailleurs, si tu appelles Vérité, une vérité objective ; tu te dois de te l'approprier, pour qu'elle devienne ta vérité.

Lancelot se souvient aussi de cette remarque de Döblin:

"Tu me parlais d'Elaine, ta chère et tendre, disparue. Disparue...? Pourtant, aucun élément atomique qui la constituait n'a réellement disparu !"

Mardi 6 juillet 1948, Lancelot lit dans le Figaro que Bernanos est mort ! Un peu plus tard, il rencontrera Béguin, qui l'avait vu auparavant alors qu'il venait d'être opéré de la vésicule biliaire. Il regrettait de ne pas pouvoir se consacrer plus à l'écriture de romans : « j'en ai une douzaine en tête. » disait-il.

Il se sentait une vocation à « contraindre les aveugles à voir et les sourd à entendre » ; aussi il s'efforçait de nous convaincre de sa lecture des ''signes des temps''. Il se plaignait, parait-il, de ces autres Donissan, Cénabre, autres Mouchette, et autres Quine qui hantaient ses sommeils... !

Qui, plus que lui, à notre époque, pouvait être désigné comme ''chevalier du Graal'' ? Sa quête s'appuyait sur sa foi en Christ.

Il est certain que la mort ne nous privera pas de lui. Nous continuerons sa Quête, qui nous rejoint, en relisant le ''Journal d'un curé de campagne'' par exemple.

( Bernanos est mort le 5 juillet 1948 vers cinq heures du matin, à 60 ans. Il était rentré de Tunisie en France pour y être, si possible, soigné. )

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1948 - Le Blocus de Berlin-ouest – 1

Publié le par Régis Vétillard

Donc, le 20 mars 1948, le représentant de Moscou au Conseil de contrôle était parti en claquant la porte. Sokolovsky avait annoncé qu'une réforme monétaire occidentale, amènerait la réalisation immédiatement d'une réforme monétaire dans la zone soviétique. Dans ce cas, la direction soviétique exigerait d'intégrer l’ensemble de la ville dans le système financier et économique de la zone soviétique...

 

A l'annonce de la naissance du Mark, le 18 juin 1948, le maréchal Sokolovsky dans une proclamation publique au peuple allemand, déclare que les accords de la déclaration de Potsdam qui prévoyait que l'Allemagne soit considérée comme un tout économique a été violée ; et que la nouvelle monnaie n'aura aucune valeur dans la zone soviétique et dans le Grand Berlin.

Sokolovsky suspend également le trafic routier et ferroviaire de passagers à destination et en provenance de Berlin et réduit le trafic de fret censé protéger la zone soviétique de l'afflux de l'ancienne monnaie dévaluée.

Staline décide de frapper un grand coup notamment pour faire basculer la capitale de l’Allemagne dans le camp communiste et tester la détermination du camp occidental.  Il est persuadé que les américains ne prendront pas le risque d’engager une guerre avec l’URSS pour défendre leurs anciens ennemis.

Le Blocus de Berlin-Ouest. Le 23 juin, les troupes soviétiques encerclent Berlin et empêchent désormais tout ravitaillement de la ville. Ils introduisent à leur tour une nouvelle monnaie dans leur zone, ils interrompent la fourniture du courant électrique aux secteurs occidentaux, le centre de distribution étant dans leur secteur. Le lendemain, ils bloquent toute circulation par route, chemin de fer et canal qui relient Berlin au reste de l'Allemagne. Seuls les trois corridors aériens permettent aux forces occidentales d’accéder à Berlin-Ouest.

Le 24 juin 1948, Berlin-Ouest est isolée du reste du monde. Va t-on abandonner Berlin aux soviétiques ?

Berlin et ses 2 millions de berlinois de la zone ouest - avec ses champs de ruines, le rationnement, l'électricité coupée- ne bénéficient, au mieux, que d'un mois de nourriture.

 

A Berlin, le 25 juin ; Lancelot écoute les berlinois qui se demandent si ce blocus peut être maintenu indéfiniment ? C’est ce que laisse entendre, ce matin, la presse allemande sous licence soviétique qui cherche à créer la panique en faisant entrevoir la famine et le chômage aux deux millions et demi d’Allemands qui vivent dans leur ancienne capitale, mais sous la surveillance et la tutelle des autorités françaises, américaines et britanniques. 

Le bourgmestre de Berlin-Ouest, Ernst Reuter supplie les alliés de porter secours aux Berlinois touchés par le blocus et menacés à plus ou moins brève échéance de famine si on ne réagit pas rapidement.

Les Occidentaux refusent de quitter Berlin. Mais, que peut devenir une telle enclave au cœur de l'Est ? Quel futur pour cette ville coupée en deux ?

Les américains qui sont les seuls à en avoir les moyens matériels ripostent en organisant un gigantesque pont aérien. Après deux jours, les premiers avions atterrissent à l’aéroport de Tempelhof.

Les Russes commencent déjà à souffrir eux-mêmes des mesures qu’ils ont prises. La zone soviétique commence à manquer d’électricité. Une grande partie des usines thermiques d’énergie de la zone russe dépend du charbon de la Ruhr, dont cette zone recevait 300 000 t. par mois, et les livraisons sont interrompues depuis quelques jours...

Autre sujet d'inquiétude : on redoute l'agitation ouvrière dans les trois secteurs alliés: une grève générale mettrait l'ordre public en danger et pourrait provoquer une intervention soviétique dans les secteurs de l'ouest pour "rétablir l'ordre". Un très haut fonctionnaire américain de la section politique disait à Lancelot que les Soviétiques distribuent déjà dans leur zone des brassards rouges avec l'inscription, en allemand et en russe, "Opfer des Faschismus" à des troupes de choc stylées qu'ils peuvent à tout moment faire entrer dans Berlin.

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1945-1949 - La Nouvelle Allemagne – 3

Publié le par Régis Vétillard

Le Deutsche mark est né, le 20 avril 1948.

Une douzaine d'experts financiers allemands travaillent sur les plans de la réforme monétaire. Le 20 avril 1947, ils sont convoqués par le général Lucius Clay, gouverneur militaire de la zone d'occupation américaine, à Bad Homburg. À leur grande surprise, un groupe de personnes en soutien (secrétaires, traducteurs, cuisiniers et même un coiffeur) se sont également présentées au point de rendez-vous. Un bus de l’armée avec des fenêtres aveuglées les a tous transportés dans une caserne militaire sur un aérodrome à Rothwesten près de Kassel.

Ils apprennent l'objet du voyage: la création d'une nouvelle monnaie. Ils ont été totalement coupés de tout contact extérieur, derrière des barbelés électrifiés, principalement pour cacher aux Soviétiques la réforme imminente dans les zones d’occupation occidentales.

Konklave - Bad Homburg

Les experts entendent un jeune lieutenant américain, Edward Tenenbaum (26 ans) , fils d'immigré juif allemand, leur exposer la réforme concoctée à New York par Joseph Dodge, président de la Detroit Bank and Trust Co. Les experts allemands se rendent compte que leur influence ne se porte que sur les aspects pratiques. Les américains ont déjà choisis le nom de deutsche mark et imprimé depuis l'automne 1947, aux États-Unis, les nouvelles coupures.

Tenenbaum, dirige l’opération « Bird dog » qui a amené en Allemagne – dans le secret de février à avril 1948 – les billets de la nouvelle monnaie. Vingt-trois mille caisses sont arrivées par bateaux à Bremerhaven, transportées par trains spéciaux dans les caves de la Reichsbank à Francfort avant d'être répartis dans les trois zones occidentales.

Depuis la fin de la guerre, les marchandises sont restées très rares. La nourriture et d’autres biens ne sont disponibles qu’en petites quantités et uniquement par le biais de coupons alimentaires. Avec les nazis qui actionnaient la planche à billets, l’argent était disponible en abondance, ce qui a conduit à une inflation refoulée et a rendu le Reichsmark presque sans valeur. La réforme monétaire vise à éliminer le surplus monétaire et à jeter les bases d’une économie de marché viable.

Foule au bureau de change

 

Le général Clay avait initialement fixé au 1er juin 1948 la date de la réforme de la monnaie dans la Bizone.

Lancelot envoie plusieurs courriers pour insister auprès de Schuman, et précipiter l'accord de l'Assemblée Nationale, pour que la France adhère à la Réforme monétaire. Les débats sont difficiles, les députés s’arc-boutant sur les réparations de guerre à exiger de l'Allemagne.

Finalement au dernier moment, le 17 juin, l'Assemblée française ratifie les accords de Londres sur l'avenir de l'Allemagne.

La Sarre qui constitue un État "indépendant et souverain", sous protectorat français, ne fait pas partie de la Trizone.

Le Deutsche Mark est né. Le vendredi 18 juin, les Allemands vont apprendre la nouvelle par la radio : le dimanche 20, ils devront échanger leurs Reichsmarks sans valeur contre les nouveaux billets (10 anciens Reichsmark pour 1 nouveau Deutsche Mark.).

 

Lancelot et Döblin sont logés, dans un bâtiment, avec mess, réservé aux officiers de passage à Heiligensee, une charmante petite ville aux abords d'un lac et située dans la proche banlieue nord-ouest de Berlin en zone administrée par la France.

Berliner Luftbrücke - Eine Stadt als Geisel -

Ils faisaient fréquemment, dans une voiture de service à leur disposition, la traversée de Berlin.

La frontière avec la zone soviétique est bien gardée par des "Vopos" (police allemande sous tutelle soviétique) ou des gardes rouges. Leur chauffeur, allemand, les fait traverser traverser un coin de la zone soviétique, pas seulement pour gagner du temps. Après un rapide contrôle, les Russes, les laissent faire à condition, disent-ils, de ne pas descendre de la voiture, ni de prendre de photos !

A l'occasion de ces trajets, on peut observer les difficultés que doit éprouver le peuple allemand pour assurer sa subsistance. Ainsi, ils remarquent que de nombreux berlinois cultivent dans, les trous de la chaussée et dans les jardinières de leurs fenêtres d'appartement non pas des fleurs, mais des légumes.

 

Alfred Döblin reste très attentif à ce qui se passe dans la zone soviétique, Lancelot remarque même un élan de sympathie pour le projet communiste, même s'il regrette la trop grande influence russe sur le processus.

SED

L’URSS s'est très vite engagée, dans sa zone, à imposer un bouleversement politique, économique et social : la réforme agraire, la nationalisation de l’industrie clé, la transformation du système éducatif... Dès avril 1946, le KPD et le SPD, sont forcés à s'unir pour fonder le SED ( Le Parti socialiste unifié d’Allemagne ). Une motivation majeure tient au souvenir que la scission des opposants de gauche d’Hitler au parlement de la défunte République de Weimar, avait été l’une des principales causes du transfert du pouvoir au NSDAP... La direction du parti est collégiale avec les sociaux-démocrates et les communistes.

 

Döblin a suivi avec intérêt la deuxième Convention Nationale du SED, en septembre 47, le parti déclarait que la «lutte pour l'unité de l'Allemagne» était la «tâche principale du parti». Une campagne de propagande avec pétition est organisée dans toute l'Allemagne.

Dans la zone soviétique, l’anniversaire de la "révolution de Mars" 1848 est particulièrement célébrée.

Lancelot argumente son avis que les Soviétiques ne souhaitent promouvoir une Allemagne unie et démilitarisée, que pour avancer vers l'évacuation des troupes alliées occidentales, et finalement , laisser les mains libres à l'URSS de contrôler l'Europe occidentale.

Présentement, l’Union soviétique veut contraindre les Occidentaux à quitter Berlin, enclave au sein de la zone soviétique.

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1945-1949 - La Nouvelle Allemagne – 2

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot et Alfred Döblin arrivent à Berlin, enclave en zone d'occupation soviétique. Ils sont de suite frappés par des paysages de ruine, avec l'image de ces femmes, les « trümmerfrauen » ( les femmes des ruines) qui nettoient les décombres, récupèrent les briques des immeubles détruits, des planches de bois utilisables, empilent les pierres dans les rues. Les tas sont comptés, et chaque soir ces femmes reçoivent de quoi survivre. Des hommes les aident, ils récupèrent de lourdes barres de fer des décombres, enlèvent les pierres avec des camions.

Cependant, Lancelot pense apercevoir l'action d'un esprit optimiste de reconstruction, et malgré un approvisionnement difficile.

Beaucoup de débrouille et du troc, et des cigarettes comme monnaie d’échange.

Pour Döblin, ces retrouvailles, avec une ville dont il peine à deviner les contours d’antan, sont déchirantes: « j’arrivai sur le Kurfürstendamm. Cela avait été une large avenue plantée d’arbres, un boulevard qui s’étirait jusqu’à Halensee, bordé d’immeubles somptueux, de cinémas et de brasseries. Et maintenant ? (…). Le trottoir est partout éclaté, la pression des bombes a déplacé les carreaux. L’on aperçoit une tour dominée par une pointe ronde et noire. Cette ruine est la Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche, totalement carbonisée, une épave complètement trouée. Le Romanische Café est ouvert, l’on peut y entrer si l’on veut ; il s’ouvre entièrement vers l’extérieur. De la rue, l’on aperçoit les salles du fond, le premier étage. Et là, il y avait un cinéma. Je ne retrouve plus sa place ; il montrait la Première d’un film adapté de mon « Alexanderplatz »

Son Alexanderplatz est en ruine: lieu fondateur de son œuvre, et sa perte : sa Heimatlosigkeit, son absence de patrie irrévocable.

 

En 1931, Lancelot et sa compagne Elaine, étaient venus jusqu'à Berlin, ils y avaient revu Xavier de Hauteclocque ( 1931 - L'Allemagne - 7 - Berlin) ) et ils logeaient au prestigieux hôtel Adlon. Aujourd'hui l'hôtel, épargné par les bombes, mais incendié par les russes, est clos.

Berlin est administrée par la '' Kommandatura '' interalliée, le ''Conseil de Contrôle '' en est l'organe directeur ( le gouvernement) composé des quatre officiers généraux commandant les quatre secteurs de Berlin. En soutien, les alliés se préoccupent de restaurer une administration municipale allemande.

Hôtel Adlon - 1945

Louise Schroeder, sociale-démocrate âgée de 60 ans, est maire intérimaire en mai 1947. Elle parut plus consensuelle que Ernst Reuter, élu. Elle apparut comme sa remplaçante idéale lors de l’invalidation de l'élection de Reuter par les Soviétiques. Elle fut la plus jeune parlementaire de l’Assemblée nationale de Weimar, et siégea au Reichstag en 1920. On la surnomme  « mère de Berlin » par les médias (« die Mutter Berlins »), repris par l'Est en sobriquet familier de « Mutter Schroeder ».

Au Berliner Zeitung ( Berlin Est), Schroder se défend de chercher une paix séparée avec l'ouest : elle y déclare : « Seule une paix avec l’ensemble de l’Allemagne est acceptable pour la social-démocratie »

 

Revenons, au 20 mars 1948 : les représentants soviétiques quittent la réunion du Conseil de Contrôle, et les instances de la Kommandatura. Quelles en sont les raisons ?

Déjà, en février 1948, les communistes se sont emparés du pouvoir en Tchécoslovaquie, c'est ce qu'on appelle : '' le coup de Prague''

Le coup de Prague

Aussi, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et les Etats du Benelux se sont réunis à Londres entre le 23 février et le 6 mars 1948 pour une nouvelle conférence : la ''conférence des Six'', qui se prononça entre autre en faveur d’un gouvernement fédéral en Allemagne occupée de la trizone, et de lui faire accepter le Plan Marshall.

Le 1er mars 1948, est créé la Bank deutscher Länder (BdL) (Banque des Provinces allemandes). La banque aura la responsabilité de la nouvelle monnaie allemande, lorsque le Deutsche Mark pourra être introduit.

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