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mounier

1949 – 1950 – Gide – Mort de E. Mounier

Publié le par Régis Vétillard

1949 - L'année de ses quatre-vingt ans, André Gide est célébré comme l'un de nos plus grands écrivains. La parution de son Journal, son Anthologie de la poésie ; l'annonce de la parution prochaine de sa correspondance avec Claudel, et régulièrement à la radio la diffusion d'entretiens avec Jean Amrouche ; ont sans doute poussé Lancelot, sans s'être annoncé, à oser sonner à la porte d'André Gide – qu'il avait déjà rencontré à diverses reprises, je le rappelle : - en 1921 la première fois, - en 1938 ils avaient mangé en tête à tête chez Lesur, - aux décades de Pontigny, etc.

Julien Green 1947

Et, magnifique coïncidence, au moment où Lancelot se présente devant la porte du cinquième étage, ''du Vaneau'', Yvonne Davet ( la secrétaire de Gide) sort avec Julien Green. Ils se saluent, et Yvonne signale que Gide est fatigué, mais qu'elle lui rapportera sa visite dès demain. Lancelot est déçu, et Yvonne les prie puisqu'ils sont ainsi mis à la porte, de l'accompagner dans une brasserie proche ; en effet, elle aurait besoin de se confier sur des faits qui concernent André Gide.

Sur le trajet, Lancelot s'empresse de rappeler à Julien Green, qu'ils se sont connus il y a bien longtemps au lycée Janson de Sailly. C'était en 1914, Lancelot quittait alors Paris, et laissait Julien qui venait de perdre sa mère... Julien Green, soudain, se souvient très bien, et exprime son émotion de se rappeler tout cela … Lancelot ne l'a pas oublié, il est vrai facilité par la lecture régulière de ses ouvrages.

Yvonne Davet est cette jeune femme, que Lancelot rencontra en 1933, chez Gibert. Elle avait tout quitté, Avignon, son mari, son fils ; pour rejoindre André Gide à Paris. Elle va passer sa vie à suivre Gide, jusqu'en Tunisie, en 1940; si c'est possible, mais il refuse. Alors, par dépit, elle part comme travailleuse volontaire en Allemagne. Elle déchante. Elle rentre en France fin mai 45. Elle va faire différentes traductions, dont celles d'Orwell. Gide l'engage comme secrétaire au printemps 46.

A présent, Yvonne se dit en butte à des manœuvres de Van Rysselberghe, et à la « perfidie d'Amrouche ».

Je vais laisser ici cette affaire, sur laquelle il est bien difficile de discerner...; pour ne retenir que cette occasion de rencontre avec Julien Green, qui invite Lancelot à le visiter rue de Varenne ; ce que Lancelot ne tardera pas à faire.

Le 23 mars 1950, nous apprenons cette terrible nouvelle, par la presse : « Emmanuel Mounier est mort subitement cette nuit, d'une défaillance cardiaque due au surmenage. »

Lancelot avait soutenu la ligne d'Esprit dans les années trente, et il se souvient que Vichy s'inquiétait de l'influence de Mounier sur ''Jeune France''. Nous étions en 1941, il ne pouvait plus faire de conférence à Uriage, et sa revue Esprit est interdite. Lancelot l'avait rencontré, dans son appartement de la Croix-Rousse à Lyon ; et avait préparé avec lui les ''Rencontres de Lourmarin ''. Précédemment, on pouvait le croiser lors des dimanches des Maritain à Meudon.

 

Lors d'une discussion sur la recherche du bonheur, et définir ainsi des valeurs à défendre pour le permettre, s'il insistait sur les valeurs économiques, il ajoutait que les rendre supérieures aux autres engendraient le désordre. Le plaisir, l'argent, la santé, le confort, la puissance, participent au bonheur ; et pourtant - aimait-il dire - : « le bonheur ne suffit pas pour être heureux ».

En démocratie, chacun doit savoir où est son bonheur ; et ne pas s'en décharger sur la société. Il faut replacer l'éthique des besoins humains dans la perspective de la '' Personne''. « L'économique ne peut se résoudre séparément du politique te du spirituel. »

Pour lui, L'Absurde, était une sorte de métaphysique de la solitude intégrale; c'est celle qui nous reste quand on a perdu la vérité et la communauté des hommes.

Sa pensée est vraiment celle qu'il faut à notre temps, hélas, elle reste inachevée...

 

Les obsèques ont eut lieu le 24 mars en l'église de Châtenay-Malabry, célébrées par Depierre, un ami de Mounier, prêtre ouvrier.

« Que nous reste-t-il ? Il nous reste ce que nos yeux ont vu, ce que nos oreilles ont entendu, vendredi matin, dans cette pauvre église de banlieue, nous tous, disciples, amis, adversaires fraternels, pressés autour de la dépouille d’un écrivain mort à la tâche, et de cette jeune femme voilée, et de la petite fille qu’elle tenait par la main. Il nous reste la promesse que nous apportait, au nom du Christ, l’abbé Depierre : il reste assez de sainteté dans le monde pour sauver le monde. » François MAURIAC

 

A la sortie de cette ''guerre totale'' ; la nouvelle société nous entraîne t-elle vers l'apocalypse ? La ''modernité '' est-elle en cause ? Pour les chrétiens de l'entre-deux guerres, en ce début des années cinquante, la question reste encore d'actualité.

Mounier s'oppose à la charge de Bernanos contre la civilisation technique. Si la ''machine'' n'apporte pas le bonheur, les méfaits techniques doivent être surmontés par un progrès de l'humanité. La machine « n’est que l’extension du corps de l’homme dans le corps du monde. » ( la Petite Peur du XXème siècle ). Contre les prêcheurs d'apocalypse, Mounier rejoint l'optimisme de Teilhard de Chardin.

Jacques Ellul (1912-1994) - 1950

Jacques Ellul, proche de Mounier, dans les années trente, constate que la technique dépossède l'homme de toute emprise sur le réel. L'homme pourrait ne plus penser que de façon technique. Si « l’environnement de l’homme n’est plus fait que d’objets techniques », si « la technique intervient directement sur la vie de l’homme » ; alors elle lui demandera « des adaptations comparables à celles qu’avait exigées primitivement le milieu naturel. »

Il ne s'agit sans-doute pas de la fin du monde ; mais de la fin d'un monde.

 

Bernanos prévoyait un homme moderne, docile, irresponsable, complaisant à toute volonté du collectif dans un « paradis des robots ». Mounier prêche pour une humanité enfin mature devant les dangers.

Ellul, craint que l'homme n'ait plus d'emprise sur un système technicien, qui recrute les techniciens... « Le sacré, le religieux non technique est éliminé. Ainsi l’homme ne peut se situer nulle part d’où il pourrait porter une appréciation sur ce processus. Il n’y a aucun « point de vue possible. (…) L’homme est entièrement « de ce côté-ci » du système et n’a plus aucun « au-delà » de ce système à partir de quoi le « voir » et le critiquer. » ( la Technique, ou l’enjeu du siècle ).

 

Pour le chrétien Mounier, l'incarnation du Christ réconcilie l'homme et la création ; et au travers d'un progrès collectif de l'humanité. L'Histoire est celle d'un salut collectif de la création ( unifiée) : « une marche collective d’âge en âge de l’humanité entière, qui entraîne le monde physique avec elle dans la Rédemption ». (Mounier, 1949)

Mounier précise que « l’homme a la mission glorieuse d’être l’auteur de sa propre libération » (Mounier 1949 )

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1942 – Lyon – Témoignage Chrétien

Publié le par Régis Vétillard

Pierre Chaillet (1900-1972)

Lancelot rencontre Pierre Chaillet, dont il connaît les services pour les SR, en Hongrie. Il est prêtre-jésuite et enseigne à la faculté de théologie de Lyon, il regroupe autour de lui des chrétiens hostiles au régime de Vichy et au nazisme ; et en particulier s'investit pour venir en aide aux juifs dont beaucoup sont ici réfugiés. Alors qu'il anime déjà l’association humanitaire '' L'Amitié chrétienne " ; il décide de lancer sa propre revue pour mettre en garde et alerter l'opinion chrétienne des dangers de l'idéologie nazie.

En novembre 1941, est distribué sous le manteau, un cahier de ''Témoignage Chrétien '' : « France, prends garde de perdre ton âme » co-écrit avec des jésuites et des pasteurs. Puis en décembre et janvier 42 : « Notre combat », « Les racistes peints par eux-mêmes », février et mars 1942... Ces cahiers s'en prennent à l'idéologie nazie, appellent à une ''résistance spirituelle '' et s'inquiètent que la hiérarchie catholique puisse s’accommoder de la '' Collaboration''. En janvier 1942, Henri Colin est arrêté alors qu'il diffuse la revue. Jean Chanton, Pierre Crozier, sont ensuite arrêtés ; et bien d'autres ensuite

Henri Marrou (1904-1977), est professeur à la faculté de Lettres de Lyon. Il est cofondateur de la Revue du Moyen Âge latin et la collection « Sources chrétiennes ». Il s'investit dans '' L'Amitié chrétienne "et écrit dans les cahiers de T.C et collabore avec E. Mounier. Sa personnalité et son érudition séduisent Lancelot. Passionnantes furent les discussions sur le passage d'une culture antique à une culture chrétienne et le rôle de Saint-Augustin. « La recherche historique est une rencontre en un sujet et un objet, il faut être humble devant les faits. » dit-il.

Le Moyen-âge chrétien : la chrétienté... ?

- Un mythe ! Et pour ce qui est de la dernière période de l'histoire romaine, il faut abandonner le terme de ''décadence'', disons : antiquité tardive.

Il rêve d'une civilisation métaphysique, pour le moins d'inspiration chrétienne... De quoi se rapprocherait-elle ( dans le passé) ? Pas de la Contre-Réforme, du baroque... Ni du Gothique … Peut-être proche du Pré-roman, ou de ces basiliques élevées sur les ruines de la Rome païenne....

Actuellement, nous vivons dans un monde épuisé, si malade qu'il ne peut faire illusion sur son sort...

Nous sommes ballottés entre le risque de sombrer dans une atroce barbarie technique,et une conception marxiste négatrice de toute composition valable avec le passé.

Quelle est la vérité de l'Histoire ? Inutile de chercher une impossible objectivité. Je dirais même qu'il est nécessaire de trouver une sympathie avec votre objet d'étude.

Henri Marrou fut l'élève de Jérôme Carcopino à la Sorbonne ; il garde pour lui une véritable admiration de disciple... !.

- Même s'il sert à présent Pétain et son régime ? - Oui.. ! Nous avons des divergences ; mais je préfère que ce soit lui, à ce poste.

Chantiers de jeunesse

 

Les chantiers de jeunesse offrent 50 tonnes de bois de chauffage pour les familles nécessiteuses.

Des ''ménagères'' protestent devant les mairies ( Lyon, Irigny, Givors...) contre la manque de denrées et le marché noir.

 

L'ambiance à Lyon est pesante ; on apprend à se méfier de chacun. Lancelot vit difficilement son statut de ''commis'' du gouvernement de Vichy.

Le 15 janvier 1942, Mounier est arrêté comme ''suspect ''. Son avocat défend un dossier vide ; il est incarcéré à Clermont-Ferrand, et finalement libéré le 21 Février.

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Lyon - 1941 – Mounier – Fabrègues

Publié le par Régis Vétillard

Emmanuel Mounier

Il semble que le ministère de l'intérieur de Vichy, s'inquiète de l'influence de Mounier, sur ''Jeune France''. En effet, Fabrègues, se plaint que Mounier attaque régulièrement '' le Maréchal'' ; il sous-tend que le directeur d'Esprit avec sa bande y fait régner une " tendance démocrassouillarde chrétienne ''. Fabrègues relève, que ''Jeune France'' célèbre le 14 juillet, mais refuse de célébrer la fête de la Légion, invite Aragon aux journées de Lourmarin, et souligne l'accueil qu'y reçoivent les juifs...

Déjà en juillet, Emmanuel Mounier ne pouvait plus faire de conférences à Uriage ; le 25 août Esprit est interdit et en septembre Schaeffer reçoit l'ordre de mettre fin à la collaboration de Mounier à ''Jeune France''

On reproche même à Mounier de soutenir le mouvement communiste.

 

Lancelot, un samedi de septembre 1941, rejoint en bicyclette le petit appartement de la Croix-Rousse qu'occupe Mounier et sa famille. Lancelot a noté certains propos du directeur d'Esprit sur l'offensive allemande contre la Russie soviétique, ainsi dit-il: Chacun saluera la chute du stalinisme comme une délivrance pour l'Europe, en espérant que les conséquences ne soient pas équivalentes au mal. Cependant Mounier rappelle que le communisme avait soulevé une grande espérance ; et puisque on parle de croisade ( anticommuniste) et de chevalerie, pour lui « il n'est de croisade que de la vérité et de la charité. » …

Mounier rencontre à ce moment là, des personnes qui se déclarent en ''résistance'' . Ainsi, Alban Vistel à qui Mounier fait rencontrer André Philip et le mouvement ''Libération ''. Pour Vistel, la Résistance, signifie - en plus de l'action immédiate - de se projeter dans le futur ; ce n'est pas un repli nostalgique sur le passé, mais c'est une fidélité à ses valeurs spirituelles. La Résistance, dit-il, c'est la recherche d'un humanisme, et c'est en témoigner. « La résistance va au-delà de la guerre, parce qu'elle est le refus des compromis qui abaissent l'homme. »

 

Lancelot entend Fabrègues et tente de comprendre ce qu'il dénonce chez les amis de Mounier : « ces démocrates-chrétiens disent défendre la personne humaine, l'autonomie de pensée... Parler de liberté, n'est envisageable que dans le cadre d'une nation unie et organisée. Dans les circonstances où se trouve le pays, la communauté personnaliste de Mounier s'oppose à la communauté nationale, disciplinée et soucieuse du Bien commun. » Fabrègues reproche aussi à Mounier le fossé qu'il établit entre l'esprit et la vie...

On retrouve là, peut-être, un reproche portée par la thèse de l'incarnation développée par Gustave Thibon : « La valeur d’un idéal se mesure à sa capacité d’incarnation. ».

 

L'année 1941 est restée sur la rupture avec la ''ligne Laval'' ; et les mots de Pétain : « Vous n'avez plus ma confiance... ». Chacun ici, rejette la collaboration avec les allemands ; et chacun, encore, imagine la période propice à rêver la société de demain, pour l'instant limitée à la zone libre... c'est vrai... Les idées fusent, parfois contradictoires, sur une politique plus locale, plus technicienne, plus efficace ; et une économie plus dirigée, opposée au « laisser faire du capitalisme ». Le syndicalisme pourrait laisser la place à organisations mixtes travailleurs-employeurs. Mounier, dans Esprit, déclare « la guerre au monde de l'argent », et en appelle à « une révolution contre l'individualisme ».

Le 25 août 1941, Paul Marion, sur ordre de Darlan, interdit Esprit.

La ''Révolution Nationale'' regroupe des personnes, qui s'attaquent à l'économie du laisser-faire, au système parlementaire, à la société de masse. La plupart également considère que l'ordre social ne saurait être mieux maintenu que par l'autorité et la hiérarchie.

Cependant, très vite, la réalité de l'occupant qui étrangle économiquement la France, qui s'oppose au relèvement moral et social du pays, semble ne permettre qu'une politique fasciste, au service de l'Allemagne.

Le 8 décembre 1941, l'aviation japonaise a attaqué les bases américaines des îles Hawaï. Le congrès américain a voté la déclaration de guerre au Japon. La guerre est devenu mondiale. Wladimir d’Ormesson dans le Figaro, dit que «  le 3 octobre 1935, était tiré le premier coup de feu sur un rivage lointain et a mis le branle à un bouleversement qui maintenant a atteint son plein développement. » Il ajoute que nous, français, « nous ne pouvons qu'assister silencieux au déroulement d'un drame qui nous dépasse. Nous sommes hors de combat. ». Le 3 octobre 1935, l'Italie fasciste de Mussolini attaquait l'Ethiopie, à la suite, disait-on, d'un incident de frontière...

 

L'actualité est aussi, aux attentas contre des soldats de l'armée d'occupation. Des mesures de répression dont des milliers d'arrestation, sont décidées par le gouvernement, contre les étrangers, les juifs et les communistes.

Dans la journée du 10 décembre, et dans la nuit du 10 au 11, des descentes de police s'intensifient dans les garnis, hôtels, restaurants. Les Juifs étrangers entrés en France depuis 1936, sont arrêtés, groupés selon les cas, dans des Compagnies de Travailleurs ou dans des Camps de Concentration !!!

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L'Ecole d'Uriage -3- Lithargoël

Publié le par Régis Vétillard

Viennent souvent, au château, des conférenciers de Grenoble, ou de Lyon ; et la parole est si libre que Lancelot semble être ici, hors du temps de Vichy.

Philippe Pétain et, à sa gauche, les cardinaux français Emmanuel Suhard et Pierre Gerlier, ainsi que Pierre Laval, en novembre 1942

L'un des derniers thème de discussion concerne l''' Explication chrétienne de notre temps ''. On évoque la défaite en remontant dans l'histoire, jusqu'à la fin du Moyen-âge pour y trouver les racines d'une ''crise de civilisation'', lorsque l’homme s’est « coupé de la vie supérieure » pour sombrer dans le matérialisme. La Renaissance ensuite, s'est centrée sur l'émancipation de la tutelle de l’Église ; jusqu'à s'imaginer fonder une société sans dieu, pourtant issue du christianisme...

La défaite de 40, semble donc justifier une pensée réactionnaire catholique. La '' Révolution nationale '' pouvant être le moyen d’effacer '' la République Parlementaire'' issue de 1789.

Le programme de formation intellectuelle comprend l’étude des trois auteurs désignés comme « les Maîtres de la politique française » : Maurras pour la monarchie, Péguy pour la critique du parlementarisme et Proudhon pour le traditionalisme

Le directeur de l'école, ne craint pas – sur ces bases – de provoquer un débat , en organisant un colloque avec Emmanuel Mounier et Jean Lacroix, les fondateurs de la revue Esprit ; Jean-Jacques Chevallier, professeur de droit à la faculté de Grenoble ; Michel Dupouey du Secrétariat général à la Jeunesse ; Henri Massis, de La Revue universelle et surtout principal conseiller du Maréchal pour les problèmes de jeunesse...

Emmanuel Mounier

 

Pour Mounier, la personne est une « liberté créatrice qui prend le monde comme problème et le construit comme destin » ; ce qui la constitue, c'est l’Être infini : « un Être personnel présent au plus intime de nous-mêmes ». La personne est '' vocation ''…

La pensée de Massis, même si – à la suite de Péguy - se rattache à une politique de l'incarnation ; elle semble à Mounier trop amère, angoissée. Au point d'en arrêter la recherche ; sa pensée est ''solution ''. Mounier en appelle plus à la ''proposition'', et même au mystère...

Le conflit idéologique éclate, et c'est finalement le contrôle même de l'Ecole qui est en jeu.

 

Lancelot voit passer des gens estimés de tous, même si, comme René Gosse, doyen de la faculté des sciences, un brillant scientifique, il est révoqué le 6 décembre 1940 de toutes ses fonctions. Au même moment, Mgr Caillot, évêque de Grenoble diffuse un message pour soutenir la politique du Maréchal Pétain, et s'en prend directement aux franc-maçons.

René de Naurois

 

René de Naurois, qui ne cache pas dans ses prédications son aversion pour le national-socialisme, supporte de plus en plus mal, l'idée que la France puisse devenir un satellite de l'Allemagne nazie. Il se rend souvent à Grenoble, et Lancelot sait qu'il soutient un mouvement de résistance qui vient de se créer autour d'une professeure de Lettres du lycée Stendhal, Marie Reynoard.

 

Début 1941, Dunoyer de Segonzac, prononce à la faculté des Lettres de Grenoble, une conférence, il exalte l'esprit de revanche et, dans un même élan, avoue que son plus cher désir est la victoire de l'Angleterre. Des applaudissements éclatent dans la salle.

 

Le 17 février 1941, Segonzac reçoit des instructions précises de Vichy: il est sommé de se séparer de Mounier et de l’abbé de Naurois. De ce jour, l’abbé entre dans la résistance active.

Le 20 août, la revue Esprit sera interdite.

 

Lancelot, dans son rapport au Secrétariat d'Etat à l'Instruction publique et à la Jeunesse, sut mettre en avant les aspects qui étaient attendus par le régime de Vichy ; exposé juste, donc mais réduit...

Lancelot fait l'éloge de ces jeunes stagiaires volontaires, énergiques qui chantent en cadence des chansons folkloriques ou d’actualité comme ''Maréchal, nous voilà ''.

A Uriage, sont régulièrement évoquées des figures comme Jeanne d'Arc, Péguy, Lyautey, et le vainqueur de Verdun. On y exalte les vertus dures et nobles comme, la pureté, l’abnégation, le don de soi, le goût du sacrifice, ou bien encore l'humilité des petites gens. On y évoque le passé, prenant volontiers ses références dans la chevalerie médiévale, prônant le retour aux traditions ancestrales...Etc.

 

Quelques jours avant le printemps, et le départ de Lancelot. Un événement va le marquer profondément...

Les habitants du village d'Uriage, ont récupéré un homme blessé, et l'amènent inconscient au château … Mutique, il semble incapable de parler... il ne comprend pas le français, mais l'allemand... Lancelot et René de Naurois parlant allemand, tentent de l'interroger...

Il porte sur lui quelques cartes du Tarot de Marseille, - le Fou – l'Empereur - qu'il présente pour expliquer sa présence, ici.

Quand on lui demande comment il s'appelle, il répond, quelque chose comme ''Litarguel'' : Naurois, pense au nom d'un ange ( comme Gabriel, ou Raphaël...) ?

La dernière nuit, il semble aller mieux et retrouver ses esprits. Il s'adresse à Lancelot qui le veille : il souhaite connaître son nom, et le nom du lieu, où il est : puis, il répète ''Lancelot... Lancelot - Vielen Dank ( Merci beaucoup ); comme s'il était soulagé.

- Et vous, que faites-vous, ici... ? - Wir müssen den Stein wiederfinden...( Nous devons retrouver la pierre ) ceci dit, avec beaucoup de difficulté. Enfin, il réclame ses deux cartes de tarot, pose le fou sur son cœur ; puis le tend à Lancelot ; et lui fait signe qu'elle est à lui, à présent.

Lancelot n'a pas bien compris :

- Quelle pierre... ? Pourquoi... ? - Wir müssen den Stein vor ihnen finden ( Il nous faut trouver la pierre avant eux).

L'homme retire une enveloppe de la poche intérieure de son blouson: - Vous la remettrez à une personne travaillant sur Tube Alloys, qui se présentera à vous. Il s'agit des ''Romances du Rosaire'' de Clemens Brentano.

Il ferme les yeux. - Nur die Rose kann... ( Seule la rose peut...) et s'endort.

Le lendemain, son lit, sa chambre sont vides. L'homme a disparu, aucune trace de lui, sinon les deux cartes de tarot, que Lancelot a gardé ; et surtout ce livre.

Lancelot est profondément bouleversé, par le mystère de cette rencontre. Comment cet homme est-il arrivé ici, et pourquoi... ?

Où est-il ?... ? Le médecin pense qu'il était seulement très fatigué; et sans-doute était-il poursuivi par des nazis...

 

L'abbé Paul Tresson, que j'ai évoqué plus avant, reconnaît dans le nom de l'homme, entendu par Lancelot et Naurois : le nom de '' Lithargoël ''. - De qui s'agit-il ? - D'un ange effectivement, un ange thérapeute. Il est mentionné dans un livre, qui appartient à la série des Actes apocryphes des apôtres. Ce livre a disparu ; mais on connaît une parabole qui devait y figurer, parce qu'elle est rapportée dans la littérature syriaque.

L'étymologie du nom Lithargoël est à chercher en grec du côté de ''pierre brillante '', ce qui correspond au sens de l'histoire ; et la terminaison 'el ' renvoie au nom divin, commune aux noms d'ange.

Cette histoire raconte qu'un marchand, Lithargoël, offre aux pauvres, une pierre, une perle, mais ils ne répondent pas à son invitation; ils l'accueillent, mais ne partent pas dans la cité que leur indique l'ange... Pierre et les apôtres, vont accepter de s'y rendre, ils y seront alors accueillis par Lithargoël, qu'il ne reconnaissent pas, habillé en médecin, et qui va se révéler être le Christ.

''Les Romances du Rosaire'' (1852) sont un long poème inachevé. Il se présente comme une suite de tableaux, qui expriment les embarras du cœur humain par différentes figures. Brentano a probablement pensé au Roman de la Rose.

L'abbé Tresson apprend à Lancelot, que Brentano, converti au christianisme, catholique, fervent du Rosaire, vint s'asseoir pendant six ans au chevet d'une religieuse, Anne Catherine Emmerich, pour retranscrire ses visions, jusqu'à sa mort en 1824.

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Septembre 1938 – Accords de Munich

Publié le par Régis Vétillard

Jean Luchaire, qui fréquente toujours les bureaux ministériels, lors des ministères Chautemps, sous des visites cordiales, s'ouvre à l'un ou l'autre dont Lancelot sur ses critiques du Front Populaire et en particulier envers la politique sociale démagogique communiste. Il veut soutenir les politiques d'apaisement, dit-il de Chautemps, Bonnet et Paul-Boncour.

Le directeur de Notre Temps, sent la guerre se rapprocher, mais - dit-il - on peut l'éviter si on s'arrange avec l'Allemagne et si la France prend de l'assurance ( forte de son Empire) : la France doit reprendre le travail !

Daladier et Georges Bonnet au quai d'Orsay, lui redonnent confiance... Leur voyage à Londres et la volonté britannique de ne pas garantir l'indépendance de la république tchèque conforte Luchaire.

 

Nos services de renseignement, s'accordent avec Bonnet, pour demander à Luchaire de rester en contact avec Abetz ( qui a épousé la secrétaire de Luchaire en 1932) , afin de connaître l'état d'esprit de Ribbentrop et d'Hitler...

« Dans les huit jours qui précédèrent la conférence du même nom [Munich], Abetz vint à Paris et reprit avec moi les contacts interrompus depuis si longtemps. A ses yeux, comme aux miens, il fallait éviter le conflit menaçant ; je fis de mon mieux pour ma part auprès de mes amis politiques, notamment auprès de Georges Bonnet, Ministre des Affaires étrangères, Eugène Frot, Gaston Bergery, Anatole de Monzie et Pierre-Etienne Flandin. Ces efforts ne furent pas vains, comme on put le constater la semaine suivante ( Interrogatoire Luchaire, Nice, 02/07/1945, p.16.). »

Jean Luchaire

 

Luchaire pense que huit français sur dix, refusent la guerre, par ''mauvaise conscience'' envers l'Allemagne, victime de Versailles ; nous ne pouvons plus tenir cette politique internationale tendue depuis vingt ans.

 

Les opinions politiques britanniques se satisfaisaient que la France empêtrée dans un socialisme ( finalement moins dangereux qu'elles craignaient...) ne pouvait plus espérer dominer l'Europe ( même du haut de ses colonies..) ; mais elle reste belliciste, aussi pensent-ils, pourquoi ne pas laisser les Français, ou encore mieux les Russes, livrer bataille en Europe...

Les français pensent que la Grande-Bretagne - à l'abri derrière la Manche - nous laisse le risque de la sécurité en Europe; cependant elle reste notre principal allié, et il n'est pas judicieux de s'en détacher. Quant à l'Urss, si elle n'est pas avec nous, elle sera contre nous, mais Daladier craint d'alarmer l’Allemagne, face à ce qu'elle appellerait une tentative d'encerclement...

 

Chamberlain rejette l'idée de ''grande alliance de Churchill '' et la proposition soviétique d'une conférence internationale. Chamberlain semble disposer à négocier avec Hitler, mais refuse une alliance avec Staline.

 

Après l'annexion de l'Autriche, Hilter s'est tournée du côté de la Tchécoslovaquie avec le rattachement des sudètes au Reich. Or la France a signé en octobre 1925 à Locarno un pacte d'assistance avec la Tchécoslovaquie et la Pologne contre une éventuelle agression allemande. L’Angleterre décide de négocier, mais Hitler élève ses exigences ( encore plus, et plus vite … !)

Le 24, la France décide une mobilisation partielle.

Sur la ligne Maginot, les troupes françaises sont en état d'alerte.

André Weil, comme diplômé de l'École normale, est versé dans le cadre des officiers de réserve. En septembre 1938, il voit se préciser des risques de guerre... Il n'est pas prêt à mourir pour un conflit absurde, selon lui. Il écrit « ...je me sens aussi loin des pacifistes inconditionnels que des patriotes intransigeants, s'il en reste, ou bien des gauchistes fanatiques ».

Il part en pays neutre, la Suisse, puis envisage d'émigrer aux États-Unis. Il invoque un prétexte quelconque ; il y restera deux jours...

 

La Guerre est là ! La France doit répondre à ses engagements

Mussolini propose une conférence...

** 29 - 30 septembre 1938: accords de Munich. ( sans la Tchécoslovaquie, sans l'Urss …)

Daladier acclamé - 30sept 1938 - Retour de Munich

Les quatre puissances décident de la cession immédiate des Sudètes à l'Allemagne. La Tchécoslovaquie n'a pas participé aux négociations. Hitler proclame la fin de ses revendications européennes...

Daladier et Chamberlain sont, chacun, accueillis triomphalement. La Paix est saluée : Léon Blum, dans Le Populaire du 1er octobre : « Il n'y a pas un homme et pas une femme en France pour refuser à Chamberlain et à Daladier leur juste tribut de gratitude. La guerre est écartée. Le fléau s'éloigne. On peut reprendre son travail et retrouver son sommeil. On peut jouir de la beauté d'un soleil d'automne. Comment ne comprendrais-je pas ce sentiment de délivrance puisque je l'éprouve ? »

La chambre des députés ratifie l'accord : ont voté contre les 73 députés communistes, un socialiste Jean Bouhey, et un député de droite Henri de Kérilis.

Emmanuel Berl affiche sa satisfaction que l'on ait évité la guerre de justesse. Quelques-uns de des amis de la NRF, le condamnent. Au nom de l'ant-fascisme, la polémique s'écrit entre ''Les Pavés de Paris'' ( de Berl) et, Julien Benda et Schlumberger de la NRF.

Gide et Benda, congrès des écrivains, 1935

Berl veut vaincre Hitler par la paix, et non par la guerre,

Berl ajoute que sa revue (les ''Pavés de Paris'') a été fondée pour démasquer et pour déjouer le complot ourdi contre la paix par les agents directs, ou indirects, ou avoués, ou secrets du Komintern.

 

Daladier entretient une confusion volontaire entre ''réfugié'' ( tchèques, allemands, autrichiens ou espagnols) et agents communistes. Loi du 12 novembre 1938 pour « le contrôle absolu à l'accès sur notre territoire » prévoit un internement administratif des « indésirables étrangers »/

Berl soutient cette politique, que les réfugiés soient juifs ou non.

Au moment de Munich, après une hésitation due à ses convictions pacifistes qui le rangent d'abord du côté munichois, Mounier ne tarde pas à rejoindre le camp des anti-munichois. Fabrègues, en revanche, reste hostile à tout conflit menaçant la civilisation occidentale et se montre délibérément favorable à Munich.

Emmanuel Mounier réagit et parle de « la félonie Daladier-Chamberlain ».

Fabrègues qui avait préparé sa valise en cas de mobilisation est rassuré, au contraire : «  s’il n’y a pas de trop gros incidents guerriers en Tchéco-Slovaquie et si le parti juif de la guerre qui se démène en France ne parvient pas à nous affoler, si. (comme il est actuellement certain) l’Angleterre est décidée à maintenir la paix et la France décidée à modeler son attitude sur celle de l’Angleterre, il ne doit pas y avoir de guerre européenne. » Et cela, même s'il considère avec Maulnier que l'empire français, l’empire britannique, et un jour ou l'autre la puissance industrielle des Etats-Unis, font que nous avons « dix fois plus d’atouts que l’adversaire encore aujourd’hui ». Mais la guerre moderne serait trop destructrice, et mettrait en péril la civilisation..

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1938 – Fabrègues – Mounier - Berdiaeff

Publié le par Régis Vétillard

En ces années les intellectuels excellent à se retrouver autour de revues, ainsi Jean de Fabrègues participent à six ou sept revues, qu'il anime également. Les équipes peuvent varier et constituent ce que l'on appelait la '' Jeune Droite '', et qui s'est écartée de l'Action Française.

'' Combat '' se voulait antiparlementariste, voire antidémocratique, mais pas fasciste...

'' Civilisation '' se veut présenter une exigence intellectuelle et spirituelle ; s'y expriment l'existentialiste Karl Jaspers, le philosophe-paysan Gustave Thibon, Etienne Gilson (qui fut le professeur de philosophie thomiste de Fabrègues en Sorbonne)

 

La question de l'antisémitisme divise les catholiques; elle se situe plus au niveau politique que racial, avec la peur d'une ''mainmise juive'' sur le pays... Le caractère raciste de Céline choque Lancelot et beaucoup de catholiques... ''Combat'' également prend ses distances ; Brasillach, quitte Combat pour ''Je suis partout'' où il rejoint Lucien Rebatet auquel s'opposent Fabrègues et René Vincent.

Fabrègues et Gabriel Marcel décide de créer ''Civilisation'' pour hausser le débat à un niveau philosophique ; en opposition à '' L'insurgé '' de Thierry Maulnier qui a un discours favorable aux mouvements fascisants...

« Anarchie et désordre de notre pauvre France usée de libéralisme et d'individualisme. Utilitarisme anglo-saxon et américanisme. Totalitarisme de la classe [communisme] et de la race [hitlérisme] ou de l'Etat [fascisme]. De tous côtés un flot de barbarie déferle aujourd'hui sur le monde et menace d'engloutir notre civilisation. » Jean Daujat, qui tient une chronique dans Civilisation.

''Combat'' et ''Civilisation'' paraissent jusqu'à l'été 1939.

 

Fabrègues multiplie les conférences, les réunions privées pour concilier profession, vie sociale et réflexion sur la civilisation; par exemple, le 11 janvier 1938 sur '' le sens moral et social de la civilisation française '', ou sur le '' rôle social de l'ingénieur, et du scientifique '' …

Lancelot qui a beaucoup fréquenté ces personnes, reste - avec l'influence d'Elaine, peut-être aussi - proche de Maritain et de ses positions sur l'invasion de l'Ethiopie en 1935 ou la guerre d'Espagne en 1936... Lancelot apprécie de plus en plus la ligne d'Esprit d'Emmanuel Mounier, il l'a soutenu quand il a condamné l'évolution de la IIIe Force d'Izard, puis la rupture avec l'Ordre Nouveau ( la revue disparaît en 1938) ; même si on gardait le contact avec Denis de Rougemont.

Maritain défend les positions d'Esprit et l'action de Mounier face à l’archevêché et au Vatican ( 1937)... Mounier, avec Maritain, insistent sur le fait que la référence d'Esprit à l'idée de "révolution spirituelle" n'implique pas « une sympathie systématique pour tout ce qui est révolutionnaire », ajoutant : « La révolution n'est pas pour nous la valeur première (...) Nous sommes du parti de l'esprit avant d'être du parti de la révolution ».

 

Lancelot, balance ainsi, entre Fabrègues et Mounier ; l'un prenant systématiquement le contre-pied de l'autre, le premier adoptant les positions des partis de droite, le second des partis de gauche.

 

Myrrha Borodine-Lot, née juive par sa mère, s’intéresse à toutes les religions, et en particulier le lien entre judaïsme et christianisme, et n'en ''pratique'' aucune. Elle reçoit chez elle Nicolas Berdiaeff et Vladimir Lossky ; fréquente le cercle Maritain. Elle et son mari, Ferdinand Lot, forment un couple franco-russe de médiévistes. Ils ont trois filles Irène, Marianne et Eveline.

Irène Lot, épouse de Boris Vilde

Marianne (1913) s'est faite baptiser à vingt ans, elle épouse en 1936 Jean-Berthold Mahn historien comme elle. Eveline (1918) étudie à  l'École des Langues Orientales et se passionne pour les langues orientales et russes.

Irène, s'est mariée en 1934, avec Boris Vildé russe et nationalisé français, linguiste et ethnologue au Musée de l'Homme. Boris Vildé, comme ethnologue, en 1938 part en Finlande, en mission, pour le Musée de l'homme, à Helsinki ; puis en Estonie retour janvier 1939.

Irène a traduit du russe, en particulier un ouvrage qui a beaucoup frappé Elaine : "Nicolas Berdiaeff. Cinq méditations sur l'existence" (1936). Ce livre fut le prétexte de leur amitié, et au fur et à mesure de l'évolution de la maladie d'Elaine, Irène la visite et l'accompagne dans sa réflexion religieuse.

 

Banni d'URSS, Nicolas Berdiaeff (1874-1948) est le maître à penser de beaucoup, personnaliste humaniste, il promeut la personne contre la tyrannie du collectif, et contre l'égoïsme de l'individu.

Je note ci-dessous les thèmes qu'elles ont approfondi à partir de la pensée de Berdiaeff :

La solitude est de l'ordre de la nostalgie de communion ; c'est aussi un phénomène social : la solitude en société, c'est la solitude par excellence.

Le chemin à travers la solitude nous permet de découvrir que le monde objectif est insuffisant. Notre ''étant'' est projeté dans la socialisation, l'économique, le technique ; nous expérimentons les fausses promesses du paradis ou de l'enfer, de l'ordre ou du désordre ... Berdiaeff nous dit que ce chemin nous projette dans le non-moi : dans le monde des objets, dans le monde objectivé.

Sortir de soi pour rencontrer le non-moi, le monde objectif, ne permet pas de dépasser la solitude... Le monde objectivé ment : il n'est qu'un royaume qui n'offre que des chimères qui font croire qu'elles sont le tout du bonheur et de la vie.

La solitude est un stade nécessaire de la découverte de l’insuffisance du monde objectif.

Nicolas Berdiaeff

 

Berdiaeff utilise ces deux notions de Subjectif et Objectif. Il nous présente deux forces qui entrent en opposition, une force de nécessité qui rend objet, et une force de libération qui part du sujet.

La subjectivité comme intériorité comme unité capable de pensée et d’action à laquelle est attribuée un rapport à soi spécifique.

L’objectivation est le processus par lequel l’expression subjective libre devient objet, et par lequel aussi les actes les plus révolutionnaires sont récupérés par le monde extérieur et sont transformés en “faits” - objets du regard et du temps, de l’histoire.

L’objectivation est du côté de ce qui est mort, de ce qui est figé, par opposition à la spontanéité personnelle. Or il faut bien voir que l’objectivation n’est pas tant un état de fait achevé qu’un processus tendant à figer les êtres, c’est une force de nécessité, presque une force d’inertie, qui nivelle les excès et les percées de la spontanéité créatrice.

 

La connaissance, peut être personnelle ou objective ; connaître une personne est bien au-delà de ses particularités physiques ou biographiques... On ne connaît pas à l'aide de concepts : tout ce qui est rationnel, logique est étranger à une connaissance personnelle, subjective.

Et, précisément, c'est alors que le ''moi'' ( égocentrique, égoïste) devient une personne, c'est en communiant avec l'autre.

L'activité du ''moi'' doit se transcender elle-même, par l'intuition du ''toi'' et trouver la communion ; ça ne peut pas être dans le cadre des institutions sociales...

Sortir du temps, qui n'est qu'un produit de l'objectivation, pour trouver l'éternité. La mort n'est qu'un moment de ce destin, qui met fin à notre objectivité..

 

Le philosophe se résigne à mener une existence tragique ; il ne peut être qu'en conflit avec les formes socialisées de l'être, qu'elles soient sociétés religieuses ou scientifiques, parce qu'elles objectivent.

Il faut en revenir au sujet lui-même, dans son existence concrète, là où il atteint l'être et l'existence.

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1936 - Le Front Populaire

Publié le par Régis Vétillard

Paul-Iribe et Coco-Chanel

Gabrielle Chasnel, après s'être fait construire sa maison ( La Pausa) à Roquebrune, décide de vivre dans une suite de l’hôtel Le Ritz, à Paris, proche de son atelier. Paul Iribe, décorateur ''art déco'' cinéaste, illustrateur, relance sa revue nationaliste et xénophobe ''Le Témoin'' ; il dessine régulièrement une ''Marianne'' sous les traits de Chanel, dont il est l'amant et qu'elle soutient financièrement. Selon Iribe, la France est livrée à ses ennemis intérieurs : les juifs étrangers, la mafia maçonnique, Thorez, Blum ...etc

En août 1935, Iribe décède brutalement chez elle à La Pausa.

 

Chanel, dans les années trente fréquente des milieux de la vie mondaine, parmi lesquels une élite pro-allemande, que Lancelot connaît comme telle : Marie-Louise Bousquet, la duchesse Antoinette d'Harcourt et Marie-Laure de Noailles en font partie, et connaissent bien le baron Dincklage, et Otto Abetz qui leur confie des anecdotes sur Hitler, et leur assure que si les juifs français poussent à la guerre, la France ne doit craindre aucune agression de l’Allemagne.

L'opinion qui se partage dans ces salons, est que l'Angleterre et l'Allemagne devraient s'entendre ; et attaquer l'Union Soviétique qui menace l'Occident.

 

Le 1er Mai 1936, Gabrielle Chanel a peur ; des milliers d'ouvriers défilent et chantent l'Internationale. Les grèves qui suivent obligent des usines à fermer, les vendeuses de sa boutique rue Cambon, ses couturières, suivent le mouvement; serait-ce l'avènement du bolchévisme ? « Vous ne me direz pas que ces gens-là n'étaient pas des malades. Je vous le dis: 1936, c'est le tournis.»

 

Dimanche soir 3 mai 1936, devant les locaux du quotidien '' Le Matin'' , les résultats des élections sont projetés sur des tableaux lumineux. Lancelot croise Jean Cavaillès, enthousiaste avec la foule, de la victoire du Front Populaire. Cavaillès connaît Simone Weil, et surtout son frère par les mathématiques.

Enfin, c'est avec Elaine, à l'écoute de '' Radio-Cité'' qu'ils suivent cette soirée électorale dans toute la France...

Dans le gouvernement du Front populaire de 1936 à 1937 ; au ministère de la Guerre, Lancelot retrouve Edouard Daladier, radical, il appelait à l'union avec la SFIO. Il plaide pour un large plan de réarmement, face à Hitler.

 

Emmanuel Mounier, reste sceptique, ce qu'il nomme « la mystique du 6 février » et ses remous, n'a rien donné; « Un grotesque carnaval de trois semaines vient de ouvrir sous le prétexte officiel d'un acte de souveraineté respectable : comment passer sans rougir le long de ces panneaux où étale une frénésie ridicule de bacchanale. » ( dans Esprit N°44, de mai 36). Cependant, Mounier adresse « un salut fraternel. aux vainqueurs dans toute la mesure où ils serviront sans asservir » ( Rassemblement populaire - Esprit N°45 juin 1936)

Mounier considère le Matérialisme comme le Mal absolu : il craint la place prépondérante du marxisme dans la coalition de gauche : « Les causes sociales et humaines dont le Front populaire se fait avocat sont les nôtres, à les prendre dans leur aspect le plus immédiat. Mais l'élément offensif de ce rassemblement, c'est aujourd'hui encore, demain si nous mettons ordre, le marxisme, c'est-à-dire une conception totale de l'homme et de l'Etat à laquelle nous ne pouvons adhérer, bien plus, que nous ne saurions que combattre en ses positions dernières, après avoir défriché tant qu'on voudra les malentendus intermédiaires comme nous avons déjà fait plusieurs reprises » ( Rassemblement populaire - Esprit N°45 juin 1936)

Denis de Rougemont, rejoint Mounier et craint que le Front Populaire soit l'affaire du parti Communiste, qui sous le nom de ''Liberté'', ne veut que « la dictature, l’étatisme et la guerre. »

Gaston Bergery, élu député du Front Populaire, avec son parti frontiste, apporte un soutien critique au Front Populaire. Bertrand de Jouvenel, se dit opposé à cette politique et rejoint cette même année , avec Drieu la Rochelle, le  Parti populaire français (PPF) créé en juin par l'ancien membre du Parti communiste Jacques Doriot, qui déclare : « Je ne veux copier ni Mussolini, ni Hitler. Je veux faire du PPF un parti de style nouveau, un parti comme aucun autre en France. Un parti au-dessus des classes (…) ».

 

Aimée Loste tenait salon, ce jour de janvier 1935, où se croisent Christiane Renault, l'épouse de l'industriel, et Drieu la Rochelle. Ils deviennent amants, et « l'ignorante » se laisse conduire : elle lit Stendhal, Giraudoux, et les romans de Drieu. En 37, initiée à la mythologie grecque, elle part en Grèce avec ''Une femme à sa Fenêtre'' ; elle assiste avec son amant à une conférence de Jacques Doriot, ils mangent tous ensemble un mois plus tard.... Mais, elle le fait réfléchir et lui se préfère au-dessus des partis. Drieu présente à Christiane, Otto Abetz.

Louis Renault, que l'on présente comme riche, puissant, brillant et brutal fait rapidement des affaires avec Hitler présent à l'Exposition internationale de l'automobile de Berlin.

Il présentera en 1939 – la Juvaquatre, voiture populaire pour s'extraire de la ville qui met en danger l'intégrité et la vitalité du peuple...

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Après le 6 février 1934 - Le choix... 2

Publié le par Régis Vétillard

Gaston and Bettina Bergery 1930s

Gaston Bergery (1892-1974), est pour Lancelot, de ces personnes, qu'il connaît de vue, puis qu'il salue après s'être croisés plusieurs fois; enfin qu'il rencontre avec plaisir et avec qui la discussion sur certains sujets s'engage facilement, avec intérêt parce que les divergences exprimées n'entament pas cette franche relation qui s'installe finalement entre Lancelot et ce radical un peu plus âgé. Froid, sûr de lui, il a tendance à faire la leçon ; et Lancelot se montre réceptif à ses avis qui tranchent des positions officielles....

Bergery fréquente les salons ; plutôt dandy et en concurrence de Drieu la Rochelle ; déjà marié deux fois ; il va épouser le 5 août 1934 Mlle Elisabeth-Charlotte Shaw-Jones, assistante de la créatrice de mode Elsa Schiaparelli.

On le craint, comme si on attendait de lui quelque grande surprise... Pour Drieu, c'est un ambitieux et un modèle pour son personnage Clérences ( Gilles)

Bergery était vers 1925, directeur du cabinet d'Édouard Herriot au ministère des Affaires étrangères. Ensuite il retrouve sa profession d'avocat, et sa spécialité en droit privé international l'amène à voyager. Devenu député radical en 1928 ; il est favorable à un rapprochement avec la SFIO. Il s'alarme du racisme et de la montée des idées fascistes. Le ''6 février'' est très grave et exprime à son avis l'inquiétude des classes moyennes ; cela plaide pour une réponse ferme en particulier des radicaux pour une unité de la gauche, parti de qui il s'est senti de plus en plus en décalage, au point de voter la défiance d'une majorité à laquelle il appartient, et finalement de quitter le parti Radical en 1933.... La SFIO de Léon Blum, lui semble tout aussi archaïque.

Il souhaiterait pouvoir refonder la république, revenir aux fondements de la Révolution française ; il rejoint en cela les ''non-conformistes'' des années trente.

Il tente de créer un mouvement qui promeut la justice sociale et s'oppose au fascisme. Il rejoint en novembre 34, George Izard et constituent ensemble le Parti frontiste.

 

Des universitaires ont été aussi fortement secoués par les émeutes du 6 février 34, Paul Langevin scientifique, enseignant et militant humaniste ; fonde avec Paul Rivet ethnologue militant et le philosophe Alain, pacifiste : Le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes ( CVIA).

Alain, lycée Henri-IV, en 1932

 

Emile Chartier ( Alain est l'un de ses pseudos), est ce ''grand professeur'' du lycée Henri IV, dont on se dit fier d'avoir été son élève.

Tels, Guillaume Guindey , Raymond Aron, André Maurois, Simone Weil, ou Georges Canguilhem, un ami de Jean Cavaillès, pacifiste, qui adhère au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.

Et, aussi, René Château, un ami de Bergery, dont on reparlera...

Après le 6 février 1934, Jeanne Alexandre et son mari, Michel Alexandre un ancien élève d'Alain, adhèrent au CVIA. Michel Alexandre est juif, ce qui dans ce contexte serait sans importance, la suite démontrera le contraire...

 

En 1934, Alain est proche de la retraite, il souffre de rhumatismes très douloureux. Pour l'heure, sa vision humaniste lui permet de défendre en même temps le pacifisme et l'anti-fascisme.

Pourquoi pacifiste ?

Chacun a en horreur ce qu'il connaît de la Grande Guerre. Préparer la guerre, ne peut qu’entraîner la fascisation des esprits, nécessaire pour soumettre l'individu aux exigences du combat.

Alain, persuadé de la force qui émane de la France, parie contre la fermeté vis à vis de l'Allemagne, contre la militarisation...

 

On dit que c'est après le 6 février 1934 que Drieu passa définitivement au fascisme.

Pour Lancelot, aussi, la soirée du 6 février 34, est un électrochoc : ce qui se passe en Allemagne, peut avoir lieu en France. Face aux difficultés financières, le slogan '' L'Allemagne paiera '' n'est plus crédible... et malgré l'antiparlementarisme ambiant ; la République n'est-elle pas en ce moment la seule garante de la démocratie... ?

 

L'interrogation de Lancelot, s'appuie sur la prégnance du discours fasciste en France, la montée des régimes totalitaires en Europe, la technicisation des réponses politiques qui feraient que le choix reviendrait à ceux qui savent ; en rejet si nécessaire des raisons d'un argumentaire humaniste.

Le communisme qui semble t-il, offre le cadre d'un engagement anti-fasciste, n'attire pas Lancelot. Première raison : le collectivisme qui asservit l'individu, et lui apparaît comme opposé aux valeurs humanistes. Le marxisme pose en valeurs : la production, le travail, le machinisme, supports d'une dictature techniciste.

Il ne s'agit pas de choisir entre une oppression de la part de quelques uns, ou une oppression de la part de la collectivité. Fascisme et communisme se rejoignent.

D'autre part, comme beaucoup de français, la peur du communisme provient de ce qui est appelé '' la cinquième colonne '' qui fait référence à une offensive guerrière où se rajoute aux colonnes attaquantes, celle - qui tel un cheval de Troie - attaque de l'intérieur : ce serait le rôle que l'on prêterait au PCF, inféodé au Komintern. L'URSS a deux objectifs, faire triompher la révolution en France, envenimer les relations entre la France et ses voisins jusqu'à la guerre, d'où son sa tentative d'exploiter la guerre civile en Espagne pour en faire un conflit européen...

 

B de Jouvenel 1938

Bertrand de Jouvenel, impressionné par cette révolte portée par les Ligues, se convainc de l'inefficacité des partis traditionnels. Il quitte le parti radical... Il propose, pour l'heure, un hebdomadaire La Lutte des jeunes, pour dénoncer la corruption du régime et servir les idées des ''non-conformistes'' ( de gauche ou de droite) vers un Etat à refonder... Vont y collaborer Jean Prévost, Henri De Man, Emmanuel Mounier, Robert Lacoste ou Pierre Drieu la Rochelle.

On y échange sur la planification et la régionalisation, le renforcement du pouvoir exécutif et un Conseil d’État en charge de la rédaction des lois... On imagine une Constituante puis un référendum. Ce serait une troisième voie entre les Ligues et le Front commun de gauche.

 

Lancelot est un peu dans l'état d'esprit exprimé par Emmanuel Mounier quand il dit qu'en créant la revue Esprit (1932) , il recherchait « un lieu où camper entre Bergson et Péguy, Maritain et Berdiaeff, Proudhon et de Man »

Chacun pensait que nous étions à la veille d'une révolution, ou du moins à l'entrée d'un monde nouveau ; et qu'il fallait conserver ce que Péguy avait défendu ; l'âme chrétienne, contre les puissances et « les violences d'argent ». Une révolution, pourrait-elle concilier le spirituel et le temporel ?

Déjà, la revue ' Esprit ' ( de E. Mounier), en janvier 34, rejette l'idéologie du parti national-socialiste d'Hitler, une doctrine irrecevable, raciste, une révolution où « le sang est le seul ferment de l'histoire », où la liberté et le ''destin personnel'' n'y ont pas leur place...

En avril 1934, Emmanuel Mounier écrit dans Esprit ; que s'il avait effectivement écrit '' ni droite - ni gauche '' ; il constate que des membres d'Ordre Nouveau qui partagent ce slogan, dérivent vers la Droite. Il constate aussi que à Gauche est le peuple qui vit ''les valeurs que nous défendons''.

 

Le Komintern puis le Parti communiste prennent conscience que le danger est, avant la social-démocratie, le nazisme. Aussi en juin 1934, le PC propose aux socialistes l'unité d'action, unité ouverte aux anti-fascistes et dons au parti radical... Maurice Thorez parle de Front populaire.

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Jean Cavaillès - 1929

Publié le par Régis Vétillard

Jean Cavaillès

A l'instigation de Painlevé, Lancelot et Albert Lautman rencontrent un jeune philosophe et mathématicien Jean Cavaillès qui doit accompagner, en février 1929, Léon Brunschvicg, philosophe des sciences, au deuxième Cours universitaires de Davos...

Agrégé de philosophie, Jean Cavaillès prépare une thèse sur la théorie des Ensembles, en mathématiques, donc. Il est actuellement répétiteur à Normale Sup. et loge sur place...

Un point commun à ces jeunes gens, se trouve être les mathématiques, en plus d'être germanistes...

Paul Painlevé, un ''savant en politique '', ministre de la guerre, s'intéresse de près à ce qui se passe en Allemagne; il milite avec d'autres scientifiques pour une coopération internationale, en particulier, dans le domaine intellectuel. Il espère organiser un congrès du désarmement avec l'appui de la revue internationale '' L'Europe Nouvelle''.

Painlevé s'inquiète de l'esprit de revanche allemand nourri par la crise économique; et se démarque d'un pacifisme intégral, souhaitant que la SDN se dote d'une armée... Aux élections allemandes de 1928, le parti national-socialiste a remporté 800.000 voix, il en obtiendra 6.400.000 deux ans plus tard.

Lancelot est encouragé par Painlevé à maintenir le contact avec des intellectuels allemands et l'informer régulièrement sur l'opinion allemande.

 

Par ailleurs, Lancelot et Jean Cavaillès sympathisent et se reconnaissent dans l'intérêt qu'ils portent au christianisme; Jean va inviter Lancelot à le rejoindre parfois à la ''Fédé''. La Fédé développe l'oecuménisme et encourage le dialogue entre les jeunes de différentes traditions; s'y retrouvent des juifs, des orthodoxes, et même des agnostiques. La branche allemande, diffuse la pensée de Karl Barth (1886-1968) professeur de théologie à l'université de Göttingen...

 

Lancelot se détache petit à petit de son milieu intellectuel d'origine; il découvre un christianisme social, libre et tolérant... Il ne rompt pas avec Jean de Fabrègues, qui - avec le soutien de Bernanos tente de rénover l'Action Française- mais se heurte au dogmatisme ( et à l'athéisme) de Maurras... Fabrègues reste mesuré, l'esprit ouvert, avec foi mais sans fanatisme... Il défend l'idée d'un ''ordre'' de droite catholique; un ordre qui ne serait ni économique, ni social, mais ontologique...

E. Mounier

En 1929, Emmanuel Mounier, agrégé de philosophie (2e après Raymond Aron), devient familier des dimanches de Jacques Maritain à Meudon. Lancelot se souvient de son admiration pour Péguy... Il prépare une thèse sur Jean des anges (1536-1609), mystique espagnol. Il suit les cours d'Etienne Gilson sur « les doctrines de l'intelligence au Moyen Age ». Mounier s'intéresse à la question mystique '' autour du problème de la personnalité, du renoncement '' et '' du rapport d'un homme à ses actes'' ; tout cela dans une dimension historique... Les crises de civilisation en Occident ne correspondent-elles pas à des crises de la pensée morale qui sont aussi des crises de l'action...?

 

Les souvenirs de Lancelot sur cette période des premières années des années trente ; ce sont de grands débats autour d'idées qui semblent toutes aussi nouvelles les unes que les autres...

C'est sur le constat d'une certaine décadence que les désaccords sont le moins prononcés. 1900 semble lointain et regretté. Depuis la Guerre, la France s'endort, frileuse, spectatrice de ce qui se passe autour d'elle... Nos maîtres à penser, annoncent la ruine de nos valeurs humanistes, et une ''crise de civilisation''.

P. Valéry

Paul Valéry en 1931, publie '' Regards sur le monde actuel.'' « Le résultat immédiat de la Grande guerre fut ce qu’il devait être : il n’a fait qu’accuser et précipiter le mouvement de décadence de l’Europe. »

 

Avant que Cavaillès ne parte pour Davos (1929), Lancelot est invité en même temps que lui à une séance de controverse au 21 rue Visconti où se tiennent régulièrement les rencontres de ''l’Union pour la Vérité'' ( ceux-là même qui organisent les Décades de Pontigny); y viennent régulièrement des écrivains comme Gide, Malraux... Cette fois-ci le thème est sur '' le Temps et l'Eternité'' et a réunit Gabriel Marcel, Brunschvicg, Maritain, Benda ...etc. Plutôt une bataille d'égo, que de recherche de la vérité, semble t-il... Marcel ne reconnait pas, à la pensée de Brunschicg, son caractère religieux: le dieu des philosophes, n'est pas le dieu d'Abraham...

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