1948 – Du chaos allemand à la RFA
Lancelot rentre, bien après Döblin, à l'Ouest. Il fait le voyage de retour à l'occasion de la Conférence de Rittersturz, à Coblence ; et se retrouve dans le même avion que Louise Schroeder. Les ministres-présidents des onze Länder ouest-allemands se réunissent du 8 au 10 juillet 1948. Les partis politiques étaient représentés. Ils vont adopter l’idée de la création d’un État fédéral réunissant les Länder des zones d’occupation occidentales.
ll s'agit donc bien de reconnaître la scission avec la zone soviétique, mais de façon provisoire...
Le Spiegel, va critiquer fortement l'intervention de Louise Schroeder : '' Espérant encore parvenir à un accord en vue de l’unification du pays, la maire de Berlin, trouve prématuré d’envisager l’inclusion de Berlin-Ouest dans la République fédérale.'' Ernst Reuter reviendra sur cette position huit jours plus tard, dans le cadre de la conférence de Niederwald.
Le Figaro du 8 Octobre 1947, écrit ceci , dans un article titré : '' … le chaos allemand : En plein imbroglio : « c’est avec un certain recul seulement qu’on se rend compte de l’intolérable chaos qui règne à Berlin. Il y a à Berlin un maire empêché, un maire intérimaire et un maire en réserve. Le premier, M. Reuter, a été nommé par le Conseil municipal, mais refusé par le veto russe lors de la réunion des quatre généraux commandants de Berlin. M. Reuter est un transfuge communiste, devenu socialiste : les Russes ne l’admettent pas. Le maire intérimaire est une femme socialiste, Mme Schroeder, effacée et présente comme l’exigent ses fonctions provisoires ; le maire en puissance, député socialiste et expert économe, M. Suhr, réserve ses forces et refuse le poste, certain de ne pouvoir aller qu’à un échec. J’ai parlé à chacun de ces personnages, M. Reuter, coléreux et ironique, m’a dit : « Nous attendons que les Alliés se mettent d’accord » ; Mme Schroeder a soupiré : « Hélas ! » ; M. Suhr, un Allemand du Nord, au langage pointu, m’a dit : « J’aimerais mieux être pendu que maire de Berlin. Ce qui seul me préoccupe, c’est l’avenir économique de l’Allemagne, mais rien ne peut être fait tant que les Alliés ne s’entendront pas. » Et les chefs de parti que j’ai interrogés ont entonné le même leitmotiv.
Discordes alliées
Berlin est en effet le théâtre des luttes partisanes aussi bien que des explications orageuses du Conseil allié quadripartite, et il n’y a certes plus un Allemand qui puisse ignorer aujourd’hui la grave partie qui se joue. Chaque grande puissance dispose comme instrument de lutte d’un ou de deux partis allemands. L’U.R.S.S. règne sur le S.E.D. (parti ouvrier unifié), la Grande-Bretagne protège les socialistes ; les Etats-Unis patronnent socialistes et chrétiens-sociaux, qui forment généralement dans les « Laender » de sa zone des coalitions assez cohérentes. Le S. E. D. est interdit à l’Ouest; les socialistes à l’Est ; leur point de rencontre et de friction demeure Berlin, où les journaux de chaque parti se déchaînent, injuriant l’adversaire au moyen d’un vocabulaire qui rappelle à s’y méprendre celui de feu les nazis. » Dominique Auclères.
Le blocus est levé le 12 mai 1949, à la suite d’un accord quadripartite, mais la question allemande reste entière et une conférence à quatre, prévue le 23 mai, pourrait permettre de préciser les points suivants : création de deux municipalités différentes à Berlin, création de deux États allemands, Berlin-Ouest deviendrait-elle une enclave occidentale en territoire est-allemand ?
À la fin du blocus, les Occidentaux ont effectué 278 228 vols et importé 2 231 600 tonnes de fret vers Berlin-Ouest. Ces performances, et l'estime croissante qu'elles a suscité, en faveur des alliés ont contribué à l'échec du blocus de Berlin par Staline.
Lancelot a suivi la Conférence des quatre, qui s'est ouverte à Paris le 23 mai, au palais de marbre rose de la duchesse de Talleyrand-Perigord ( qui avait décoré toutes les pièces de fleurs magnifiques...), entre les les ministres des Affaires étrangères : MM. Dean Acheson, Ernest Bevin et Robert Schuman, d’une part, M. Andréi Vychinski, de l’autre. Ils vont s’efforcer de préparer un traité de paix, et un avenir avec l’Allemagne.
Finalement, ce n'est que le 21 juin 49, que s'est terminée la Conférence. On ne peut pas parler ni d'échec, ni de réussite. « Les « Quatre » se sont accordés là reconnaître leur désaccord sur le sujet de l’unité politique et économique de l’Allemagne. Non seulement ils n’ont fait aucun progrès dans la voie de l’unité, mais ils ont même renoncé à fixer les règles du fameux modus vivendi, dont les diplomates nous rebattaient lès oreilles depuis quatre semaines. Il va subsister à Berlin deux municipalités et deux monnaies ; en Allemagne deux gouvernements, deux idéologies, deux monnaies, deux polices. » Raymond Aron
Les plus optimistes avec R. Aron diront : Nous sommes soulagés de constater que ni l’un ni l’autre des deux « Grands » n’a la moindre intention de recourir aux armes pour l’instant.
Ensuite, la création d'une Allemagne fédérale occidentale, va se rajouter à un gouvernement démocrate-chrétien en Italie, à la fin de l’inflation en France, au Pacte atlantique, tout cela pour en finir avec l’obsession de la menace communiste.
Cette ligne de démarcation tracée au milieu de l'Allemagne sera t-elle le signe d'une chance de coexistence pacifique et prolongée ?
D'autres auront du mal à se résoudre à la réalité de deux Allemagnes : la République fédérale d'Allemagne (RFA) est proclamée le 25 mai 1949 sur les trois zones occidentales. Les Soviétiques répliquent le 7 octobre 1949 avec la création de la République démocratique d'Allemagne (RDA) à l'Est. La fin du blocus, vient sceller un '' rideau de fer '' entre le bloc de l'Ouest pro-américain et un bloc de l'Est soviétique, et la continuation d'une Guerre froide.