1945-1949 - La Nouvelle Allemagne – 3
Le Deutsche mark est né, le 20 avril 1948.
Une douzaine d'experts financiers allemands travaillent sur les plans de la réforme monétaire. Le 20 avril 1947, ils sont convoqués par le général Lucius Clay, gouverneur militaire de la zone d'occupation américaine, à Bad Homburg. À leur grande surprise, un groupe de personnes en soutien (secrétaires, traducteurs, cuisiniers et même un coiffeur) se sont également présentées au point de rendez-vous. Un bus de l’armée avec des fenêtres aveuglées les a tous transportés dans une caserne militaire sur un aérodrome à Rothwesten près de Kassel.
Ils apprennent l'objet du voyage: la création d'une nouvelle monnaie. Ils ont été totalement coupés de tout contact extérieur, derrière des barbelés électrifiés, principalement pour cacher aux Soviétiques la réforme imminente dans les zones d’occupation occidentales.
Les experts entendent un jeune lieutenant américain, Edward Tenenbaum (26 ans) , fils d'immigré juif allemand, leur exposer la réforme concoctée à New York par Joseph Dodge, président de la Detroit Bank and Trust Co. Les experts allemands se rendent compte que leur influence ne se porte que sur les aspects pratiques. Les américains ont déjà choisis le nom de deutsche mark et imprimé depuis l'automne 1947, aux États-Unis, les nouvelles coupures.
Tenenbaum, dirige l’opération « Bird dog » qui a amené en Allemagne – dans le secret de février à avril 1948 – les billets de la nouvelle monnaie. Vingt-trois mille caisses sont arrivées par bateaux à Bremerhaven, transportées par trains spéciaux dans les caves de la Reichsbank à Francfort avant d'être répartis dans les trois zones occidentales.
Depuis la fin de la guerre, les marchandises sont restées très rares. La nourriture et d’autres biens ne sont disponibles qu’en petites quantités et uniquement par le biais de coupons alimentaires. Avec les nazis qui actionnaient la planche à billets, l’argent était disponible en abondance, ce qui a conduit à une inflation refoulée et a rendu le Reichsmark presque sans valeur. La réforme monétaire vise à éliminer le surplus monétaire et à jeter les bases d’une économie de marché viable.
Le général Clay avait initialement fixé au 1er juin 1948 la date de la réforme de la monnaie dans la Bizone.
Lancelot envoie plusieurs courriers pour insister auprès de Schuman, et précipiter l'accord de l'Assemblée Nationale, pour que la France adhère à la Réforme monétaire. Les débats sont difficiles, les députés s’arc-boutant sur les réparations de guerre à exiger de l'Allemagne.
Finalement au dernier moment, le 17 juin, l'Assemblée française ratifie les accords de Londres sur l'avenir de l'Allemagne.
La Sarre qui constitue un État "indépendant et souverain", sous protectorat français, ne fait pas partie de la Trizone.
Le Deutsche Mark est né. Le vendredi 18 juin, les Allemands vont apprendre la nouvelle par la radio : le dimanche 20, ils devront échanger leurs Reichsmarks sans valeur contre les nouveaux billets (10 anciens Reichsmark pour 1 nouveau Deutsche Mark.).
Lancelot et Döblin sont logés, dans un bâtiment, avec mess, réservé aux officiers de passage à Heiligensee, une charmante petite ville aux abords d'un lac et située dans la proche banlieue nord-ouest de Berlin en zone administrée par la France.
Ils faisaient fréquemment, dans une voiture de service à leur disposition, la traversée de Berlin.
La frontière avec la zone soviétique est bien gardée par des "Vopos" (police allemande sous tutelle soviétique) ou des gardes rouges. Leur chauffeur, allemand, les fait traverser traverser un coin de la zone soviétique, pas seulement pour gagner du temps. Après un rapide contrôle, les Russes, les laissent faire à condition, disent-ils, de ne pas descendre de la voiture, ni de prendre de photos !
A l'occasion de ces trajets, on peut observer les difficultés que doit éprouver le peuple allemand pour assurer sa subsistance. Ainsi, ils remarquent que de nombreux berlinois cultivent dans, les trous de la chaussée et dans les jardinières de leurs fenêtres d'appartement non pas des fleurs, mais des légumes.
Alfred Döblin reste très attentif à ce qui se passe dans la zone soviétique, Lancelot remarque même un élan de sympathie pour le projet communiste, même s'il regrette la trop grande influence russe sur le processus.
L’URSS s'est très vite engagée, dans sa zone, à imposer un bouleversement politique, économique et social : la réforme agraire, la nationalisation de l’industrie clé, la transformation du système éducatif... Dès avril 1946, le KPD et le SPD, sont forcés à s'unir pour fonder le SED ( Le Parti socialiste unifié d’Allemagne ). Une motivation majeure tient au souvenir que la scission des opposants de gauche d’Hitler au parlement de la défunte République de Weimar, avait été l’une des principales causes du transfert du pouvoir au NSDAP... La direction du parti est collégiale avec les sociaux-démocrates et les communistes.
Döblin a suivi avec intérêt la deuxième Convention Nationale du SED, en septembre 47, le parti déclarait que la «lutte pour l'unité de l'Allemagne» était la «tâche principale du parti». Une campagne de propagande avec pétition est organisée dans toute l'Allemagne.
Dans la zone soviétique, l’anniversaire de la "révolution de Mars" 1848 est particulièrement célébrée.
Lancelot argumente son avis que les Soviétiques ne souhaitent promouvoir une Allemagne unie et démilitarisée, que pour avancer vers l'évacuation des troupes alliées occidentales, et finalement , laisser les mains libres à l'URSS de contrôler l'Europe occidentale.
Présentement, l’Union soviétique veut contraindre les Occidentaux à quitter Berlin, enclave au sein de la zone soviétique.