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Parsifal de Wagner

Publié le par Perceval

Parsifal de Wagner

Je n'ai hélas jamais vu, le Parsifal de Wagner... Je n'en ai écouté que des extraits... Alors, je n'aborderai pas l'aspect musical de l'oeuvre... Je vais seulement rapporter, l'histoire que nous conte Wagner :

En ce temps, les précieuses reliques que sont : le Graal et la Sainte-Lance, sont conservés dans une demeure inviolable et inaccessible aux profanes, sur le '' Montsalvat '', où se dresse un château élevé par le pur Titurel, et les mettre à l'abri des ennemis de la Foi... Autour de lui, une élite de chevaliers que leur pureté a rendus dignes de ces augustes fonctions, sert le Graal qui récompense ces nobles serviteurs de leur pieuse fidélité, en les investissant d’une force et d’une vaillance miraculeuses...

Klingsor, d'une contrée voisine, souhaite être admis dans cet ordre chevaleresque; mais tiraillé par le ''péché''; il ne peut faire taire ce désir qui emplit son âme... Ne pouvant y parvenir, il détruit cette force maléfique en se mutilant... Mais, cette indigne action lui ferme à jamais les portes du Château sacré... ! De plus, il reçoit de l'Esprit du mal les enseignements maudits de l’art de la magie.

Plein de haine alors contre ceux qui l’ont renié comme frère, il a employé son fatal pouvoir à transformer la lande aride en un jardin plein de délices où croissent, moitié fleurs, moitié femmes, des êtres fantastiques d’une beauté irrésistible, déployant leurs séductions pour s’appliquer à perdre ceux des chevaliers du Graal qui sont assez faibles pour tomber dans leurs pièges.

klingsor and the magic garden - Wagner's Parsifal

Les uns après les autres, une grande partie des gardiens du Graal se font attirer puis ensorceler par ces femmes dans les ivresses de la luxure. Tant et si bien qu’un beau jour, leur chef Amfortas, n’en pouvant plus de voir sa communauté disparaître ainsi peu à peu, a décidé de partir lui-même armé de la sainte lance pour le jardin magique dans le but d’en finir avec ce Klingsor que son père Titurel avait autrefois rejeté avec dégoût.

La chasteté forcée de Klingsor lui donnait pour accomplir le mal autant de puissance qu’une chasteté librement assumée en donnait aux autres religieux pour faire le bien. Il était parvenu à se rendre maître, grâce à cette force, d’une femme extraordinairement séduisante, sorte de réincarnation d’Hérodias et de Marie-Madeleine, aspirant elle-même à la délivrance de ses fautes et attendant cette grâce d’un être qui, enfin, saurait résister à ses charmes.

Cette femme, se nomme Kundry dans sa vie actuelle ; autrefois dans une vie antérieure, elle avait croisé sur son chemin le Christ montant au Calvaire chargé de sa croix et elle avait ri de Lui... Ensuite, elle dut porter douloureusement le souvenir du regard qu’il lui avait alors adressé... Cette femme, géniale personnification de l’éternel féminin à la fois Eve et Marie, tiraillée entre le mal et le bien, est en quête de cet amour absolu qu’elle avait entrevu autrefois dans le regard du Christ.

Kundry: Mihoko-Fujimura

Kundry séduit les chevaliers; mais aussi les sert pour expier et réparer le mal qu’elle leur cause au service du mal. Amfortas, le présomptueux, armé de la lance sacrée, n’eut pas plus tôt rencontré l’ensorcelante Kundry qu’il succomba à son tour; Klingsor s’empara de la lance, il lui infligea au flanc une blessure inguérissable avec laquelle il regagna à grand peine le domaine du Graal.

Là, malgré tous les baumes et les onguents, il ne parvint jamais à se remettre de son mal et il ne cessait d’implorer le Ciel pour sa guérison.

Depuis ce temps, la confrérie auguste des chevaliers est plongée dans la tristesse et la honte, chacun d’eux prenant sa part de l’humiliation et des douleurs du roi déchu.

Le plus terrible pour Amfortas venait du fait qu’étant grand-prêtre du Graal, lui seul pouvait officier et découvrir la sainte relique, source de vie et de force pour toute la communauté, et que cette monstrance sublime lui infligeait du fait de sa faute des tortures atroces, faisant saigner sa blessure plus que jamais et anéantissant ses dernières forces.

Un jour où, prosterné devant le tabernacle, il implorait la pitié du Seigneur, il entendit une voix céleste prophétisant la guérison de sa blessure et le rachat de ses fautes par un Être tout de pureté et de miséricorde, un ''chaste'', un ''simple'', qui après avoir ravi aux mains criminelles de Klingsor la lance profanée, la rapporterait au sanctuaire, et viendrait rendre au Graal son éclat immaculé... D'un seul attouchement de la lance cicatriserait la plaie...

Parsifal et Kundrie

La ''Kundry'' créée par Wagner, apparaît tour à tour comme la servante passionnément dévouée des chevaliers du Graal quand elle est livrée à sa propre nature, et comme leur ennemie acharnée, l’instrument de leur déchéance, lorsque, subissant malgré elle le magique ascendant de Klingsor, elle se transforme en une femme « effroyablement belle » et devient le moyen de séduction le plus irrésistible des jardins enchantés. Les pieux chevaliers ignorent cette double nature et ne voient en elle qu’un être bizarre, malade, indompté, dont les fréquentes et longues absences, précédées d’un profond sommeil, correspondent toujours à un nouveau malheur venant fondre sur eux ; mais c’est elle qui a séduit, et perdu Amfortas, et c’est sur elle encore que compte le sorcier pour faire sombrer la vertu du ''chaste fou'' promis. Effroyables missions contre lesquelles l’infortunée se révolte ; aussi la voit-on sombre et angoissée chaque fois qu’elle sent s’appesantir sur ses yeux le lourd sommeil hypnotique dans lequel la plonge Klingsor lorsqu’il veut la soumettre à son odieuse puissance.

Acte I : Une forêt aux environs du château du Graal situé sur une montagne inaccessible. Gurnemanz attend, entouré de jeunes chevaliers, l'arrivée du roi Amfortas. Gurnemanz ( basse) est un vieux chevalier du Graal, ayant servi sous les règnes de Titurel et d’Amfortas.

Apparaît Kundry ( soprano), elle tient une fiole contenant un baume – pour le roi, afin d'apaiser ses souffrances - qu'elle est allée quérir en Arabie...

Soudain, un cygne percé d'une flèche s'abat au sol, mort. Consternation de Gurnemanz, des chevaliers et des pages : les animaux, en particulier les cygnes, sont sacrés sur les terres du Graal.

Et, surgit le jeune Parsifal (ténor), spontané, ignorant de tout et notamment du mal... Le jeune homme ignore tout, sauf qu'il a une mère nommée Herzeleide. Kundry raconte son histoire : sa naissance, sa rencontre avec des chevaliers .....

Le sage Gurnemanz, pressent qu’il pourrait être le sauveur tant attendu. Les cloches de Montsalvat appellent à la cérémonie du service du Graal. Gurnemanz propose au nouveau venu de l’accompagner, ils s’éloignent ensemble.

Scène 2, dans la grande salle du château: Hélas, la torpeur du jeune homme pendant la célébration du Graal, provoque son renvoi.

Acte II : En haut d'une tour de son château, Klingsor se tient à côté de ses instruments de magie. Il tire de son sommeil Kundry, qui était revenue jusqu'à lui, et qui s'éveille en poussant un hurlement. Klingsor sait qu'un jeune héros dangereux approche : il ordonne à sa créature de le séduire et de le perdre, comme tous les autres auparavant....

En son jardin féérique où les filles fleurs séduisent pour les perdre les chevaliers du Graal, Klingsor, enjoint la diabolique Kundry de charmer Parsifal. Elle lui prodigue un voluptueux baiser.. Ce baiser transperce Parsifal d'une douleur folle : « Amfortas ! La blessure ! » : dans un dévoilement, il comprend tout. La compassion pour la souffrance du roi du Graal lui apporte la révélation de la connaissance. Il repousse Kundry. Devant son refus elle le maudit, le réduisant à errer loin de Montsalvat. Parsifal triomphe de Klingsor appelé au secours par Kundry, il récupère la lance.. En un instant, le château de Klingsor disparaît et le jardin merveilleux se transforme en désert aride. Kundry est effondrée : « Tu sais où me retrouver », lui dit Parsifal, qui s'en va pour tenter de retrouver Montsalvat.

Acte III : Une prairie en fleurs, en lisière d'une forêt, dans la gloire du printemps ; une source, une hutte appuyée sur un amas de rochers. C'est le Vendredi Saint ; des années plus tard. Un ermite sort de la hutte : c'est Gurnemanz, encore vieilli, pauvrement vêtu de la robe en ruines de chevalier du Graal.

Au terme de son chemin initiatique, arrive Parsifal, sous les traits d’un chevalier en armure noire, ramenant enfin la sainte lance.

Amfortas ne désirant plus que la mort, néglige le rite du calice, et les chevaliers, privés de réconfort divin, dépérissent. Titurel (basse), le père d’Amfortas, lui-même a succombé. Parsifal se reproche de n'avoir pas su éviter ce désastre. Étreint par la douleur et l'épuisement, il est au bord de l'épuisement...

Kundry, dans un acte de pénitence, comme la prostituée de l’évangile, lave et oint d’un parfum les pieds de Parsifal,  avant de les essuyer de ses cheveux.

Gurnemanz, baptise Parsifal et lui donne l’onction, faisant de lui le nouveau prêtre roi de Montsalvat. Son premier office est de baptiser Kundry qui s’endort dans le sommeil de la mort et du pardon.

La scène finale, se passe dans la grande salle de Montsalvat, devant la dépouille de Titurel.

Parsifal s’avance vers Amfortas, pose la lance sur la blessure qui se referme. Enfin il annonce que le Graal sera désormais exposé pour tous et pour toujours. Il aura par la suite un fils, Lohengrin…

Mais là c’est une autre histoire !

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Voyage en Allemagne – Bayreuth et Wagner - 2

Publié le par Perceval

* Pourquoi vient-on, ici, jusqu'à Bayreuth, pour écouter l’œuvre de Wagner ?

Ce qu'exprime la musique est immédiat, immatériel, et suscite, en nous, des émotions. Là : elle est gagne sur la poésie, par sa puissance ; et la poésie gagne en précision... L'opéra de Wagner, ajoute l'action mythique avec - par la musique - l'objectif de déplacer l'action extérieure... en action intérieure...

Wagner prend le Mythe, car son intérêt est la dimension symbolique.. Ce drame touche à ce qu'est l'humain. Il est universel ; même si Wagner traverse plusieurs périodes où il est lui-même anti-religieux à tendance optimiste, puis dès 1854 religieux à tendance pessimiste ( période schopenhauerienne...) ; enfin, en 1864, Wagner entre dans une quatrième période : une période religieuse, encore, mais optimiste cette fois-ci.

Wagner rompt ce que son époque a fait de l'Opéra : un divertissement comme un autre... Avec Parsifal ( écrit entre 1865 et 1882), l'Opéra est une représentation dramatique et sacrée ; comme s'il revenait à ses origines sacrées de la tragédie grecque.

De manière générale, on peut dire que pour Wagner, l'homme ne se situe pas au dessus de la nature ; mais au contraire, comme un être de la nature.

Wagner utilise, un moyen-âge mythique, un moyen-âge où le paganisme se mêle au christianisme qui se mêle, encore, au panthéisme.. Pour Wagner, le peuple a conservé une innocence quasi naturelle...

En ce début de XXe siècle, le wagnérisme prépare t-il le terrain au nazisme... ? Peut-être, même si wagnérisme ne signifie pas nazisme... !

C'est, par escroquerie intellectuelle, que le nazisme a annexé le wagnérisme... !

Wagner, en revanche, est le grand musicien de la philosophie de Schopenhauer (1788-1860) : La volonté naît du désir d'amour , un désir de vie aveugle et impossible à satisfaire … Ce principe à la fois doux et douloureux, régit le monde et perturbe l'équilibre insondable du néant ( dans le sens où Dieu n'existe pas …) …

L'Amour pour Wagner, s'exprime – avec passion – au travers de la pulsion érotique ; et même dans Parsifal, qui est une œuvre sur la Rédemption. Kundry, la rose de l'enfer, la pécheresse repentie... séduit le '' naïf imbécile'' qu'est encore le jeune Parsifal ; et réveille en lui le désir de sa mission...

Wagner écrit dans '' Ma vie '' que l’origine de son opéra remonte à ce qu'il a éprouvé en avril 1857, le jour du Vendredi saint, dans le jardin de la propriété des Wesendonck à Zurich. « Je m’éveillais pour la première fois avec le soleil le jour du Vendredi Saint : le jardin était verdoyant, les oiseaux chantaient ». Cet enchantement lui rappelle alors le Parzifal de Wolfram von Eschenbach dont il décide de tirer un opéra.

Pourtant, déjà dans le ''Lohengrin'' (1850) : Lohengrin révèle à Elsa qu’il vient d’un château nommé Montsalvat où se trouve le Saint Graal dont son père, le roi Parsifal, est le gardien.

Wagner aurait lu le Parzifal de Wolfram von Eschenbach (1170-1220), lors de son séjour de cinq semaines à Marienbad en 1845. Eschenbach est un des plus grands poètes épiques de son temps et c’est à ce titre qu’il apparaît déjà comme personnage dans Tannhäuser (1845) au moment du tournoi des chanteurs...

Parsifal est créé à Bayreuth le 26 juillet 1882. Wagner a réglé le moindre détail : décors, costumes, mise en scène. Franz Liszt, Anton Bruckner, Richard Strauss, sont dans la salle. Son opéra est conçu pour « son » théâtre... Wagner a interdit que Parsifal soit représenté ailleurs. Chaque représentation devait rester une expérience unique parce qu’inouïe au sens propre.

Le Thème de Parsifal, est donc l’héroïsme rédempteur seul susceptible d’apporter le salut. Pour soigner la blessure du roi Amfortas, blessé par le magicien Klingsor (son plus grand ennemi), il faut un être pur susceptible d’éprouver la plus grande compassion.

Parsifal est naïf ; mais ni chez Chrétien de Troyes, ni chez Eschenbach, il ne renonce aux joies de l'amour physique... Ce qui est alors attendu du parfait chevalier, c'est d'être à jamais fidèle à la dame à laquelle il a engagé sa foi. L'exigence de la pureté-chasteté n'intervient qu'ultérieurement dans les continuations cisterciennes de ''La queste du Saint-Graal '' où le Graal ne sera révélé qu'à Galaad chevalier vierge ; et ne pourra être accompagné dans le service du Graal que de Perceval, et Bohort, qui ne sont que chastes ….

Chez Chrétien et Wolfram, Kundry (Cundrie) est une femme au physique repoussant... Cependant, elle est fort savante... Elle reproche à Perceval de n'avoir pas poser la Question ; et de pas avoir pris les tourments du roi pêcheur en pitié …

Chez Wagner ; Kundry entre en scène sous l’apparence d’une « farouche amazone », messagère des chevaliers. Séductrice pleine de sensualité livrée à l’influence de Klingsor, elle est aussi déchirée par la malédiction qui la condamne à l’errance pour avoir raillé le Christ souffrant. C’est elle qui va éclairer Parsifal sur sa propre histoire, ce qui lui permettra d’accomplir  son destin.

« Cette œuvre de vieillesse, très sous-estimée, est pourtant à vrai dire absolument passionnante. On y trouve la plus extraordinaire musique (transformation du IIIe acte) et le personnage de Kundry est sans aucun doute sa conquête poétique la plus achevée. » Thomas Mann

Thomas Mann (1875-1955) a connu Parsifal en 1909 : « Délivrance, aboutissement, achèvement, cet oratorio de la Rédemption pousse à l’extrême l’exploration de mondes écartés, terribles et sacrés, et l’art de les faire parler » Thomas Mann

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Voyage en Allemagne – Bayreuth et Wagner - 1

Publié le par Perceval

Le voyage à Bayreuth

Le voyage à Bayreuth

Bien-sûr, les conversations entre Anne-Laure et Emmy portent sur Wagner (1813-1883). Le goût des mathématiques de la jeune scientifique semble questionner les mythes que portent Wagner à la conscience de tous...

En ce début du siècle, tous les étrangers qui se rendent à Nuremberg, sont en transit pour Bayreuth.

* Bayreuth est une jolie ville située sur le Main ( dit rouge) qui, en cet endroit, n'est qu'un petit ruisseau coulant entre deux berges de gazon, ombragé çà et là de minces roseaux et murmurant gentiment sur un lit de cailloux. Aujourd'hui, chef- lieu de la Haute-Franconie, Bayreuth fut jadis la capitale d'un margraviat, où régna la sœur du grand Frédéric. Voltaire y habita.

La salle d'opéra sur la '' Colline sacrée '' conçue par Wagner, est inaugurée en 1876.

Wagner est mort depuis 1883... En ces premières années du siècle, le génie de Wagner est reconnu dans le monde … Les fidèles estiment que c'est à Bayreuth même qu'il faut boire à la source wagnérienne. et presque tous les ans, depuis son ouverture, le théâtre des fêtes qu'il a fait construire s'ouvre pour permettre à quelques uns d'entendre ses opéras.

L'aspect du théâtre est des plus simples.

Huit escaliers conduisent dans la salle disposée en amphithéâtre. Derrière cet amphithéâtre, une galerie tient toute la largeur du fond. L'amphi. disposé à l'antique, permet le mélange des classes sociales, pas de loges, si ce n'est les deux réservées au milieu de la galerie, l'une pour la famille Wagner, l'autre pour les familles princières. Les côtés de la salle sont ornés de hautes colonnes portant chacune une couronne de lampes électriques.

 

L'arrivée des voitures, qui amènent les spectateurs et gravissent péniblement le versant de la colline, est une des choses les plus curieuses de Bayreuth. Les femmes prennent largement, à ce moment, leur revanche de l'obscurité obligatoire de la salle, et toute leur coquetterie se concentre dans la forme du chapeau et dans la coupe du manteau jeté sur dès épaules qu'on ne peut découvrir. Peu de fleurs ; l'Allemagne ignore ce luxe. Avant le commencement du spectacle, il se forme des groupes sur la terrasse qui précède le péristyle du théâtre. C'est là que se classent les différentes nuances de dilettanti : les muets que l'adoration empêche de parler, les éloquents qui éprouvent le besoin de manifester pour montrer qu'ils peuvent dépasser le diapason normal, les curieux, les sages, puis les initiés qui seuls comprennent, seuls sont dignes d'entendre et sourient doucement, de ce sourire à la fois bienveillant et dédaigneux que les divinités bouddhiques concèdent parfois aux simples mortels.

 

Les représentations du théâtre de Wagner commencent à quatre heures et durent jusqu'à dix heures avec deux entractes de cinquante minutes chacun. On dîne au restaurant voisin pendant le second entracte, si on peut parvenir à trouver place à une table. Sinon, on en est réduit au lunch debout. Deux avertissements, donnés sur le péristyle par une fanfare qui les emprunte à l'un des motifs de la pièce en représentation, annoncent que l'on doit regagner sa place, si l'on ne veut pas perdre le bénéfice du spectacle.

Wagner, s'est astreint à posséder un théâtre exclusivement destiné à ses œuvres, ayant reconnu les inconvénients que peut amener la distraction du public, la gêne qu'occasionnent ses conversations, le trouble qui résulte du va-et-vient des spectateurs ; il a stipulé que le signal donné, personne n'entre plus dans la salle et n'en puisse sortir.

Les spectateurs ayant pris leurs places, il les a plongés dans la nuit, ne laissant à leurs yeux que la ressource ou, pour mieux dire, l'obligation de se diriger vers la scène seule éclairée.

Pour Anne-Laure ; qui n'apprécie que de loin cette sensation que l'on trouve à l'Opéra dans le sens italien ou français du mot... Elle espère autre chose qui lui rappellerait que c'est bien en Allemagne que la Réforme est née... Elle se plaît à suivre l'esprit allemand dans ses généralisations philosophiques ; cet esprit qui se nourrit volontiers de l'invisible...

C'est - forte de cette distinction - qu'Anne-Laure de Sallembier s'assoit dans un fauteuil du théâtre de Bayreuth et, après avoir suffisamment pensé à Luther, à Kant et à Goethe, elle se préparer à admirer le génie incontestable de Wagner. La durée du spectacle ( sans les entractes) , devrait être au moins de quatre heures... Karl Muck, dirige l'orchestre.

Sources : Albert Lavignac : '' Le voyage artistique à Bayreuth''

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Voyage en Allemagne – la Sainte-Lance -

Publié le par Perceval

Anne-Laure de Sallembier, se rend compte qu'à Nuremberg, les habitants s'estiment dépositaires de l'âme allemande, aussi grâce à une série d'objets qui sont les objets symboles du pouvoir de l'Empereur, et qui étaient gardés autrefois ici à Nuremberg,..

l'Empereur Charles IV, avec épée et orbe

Nuremberg, était le conservatoire des insignes symboliques de l’Empire : le ''Reichsinsignien'' ou trésor impérial sont les insignes de l'empereur et roi du Saint Empire romain germanique . Ceux-ci sont composés dans sa partie la plus importante de: la couronne impériale , l'orbe, la lance sacrée et l' épée impériale .

La couronne n’est pas circulaire, mais octogonale. Elle date du début du XIe siècle ( Othon 1er ou Conrad II).. L’Orbe impérial est composé d’or, de perles et de diamants. Sa fabrication est évaluée au début du XIIe siècle. L’épée impériale fut réalisée au deuxième tiers du XIe siècle. Pendant le couronnement, elle est donnée à l’empereur avec le sceptre et l’orbe.

Insignes de l'Empire

Et puis... Et ce symbole attire fortement l'attention d'Anne-Laure : il y a ''la Sainte Lance''

Henri Ier de Germanie, l'aurait acquise et cédée à son fils Otton Ier(† 973), premier empereur germanique, puis elle passa ensuite aux divers empereurs et devint le symbole de leur investiture et du transfert de pouvoir. Elle fut intégrée au rituel de leur sacre.

La légende fera ensuite de cette relique, la possession de Charlemagne, qui l'aurait enchâssée dans le pommeau de son épée Joyeuse grâce à laquelle, il aurait remporté 47 victoires...

Anne-Laure ne s'attendait pas, à trouver ici, un rappel de la Quête de ses aïeux ... Cette ''Sainte Lance'' a une certaine place dans les légendes arthuriennes, et dès le cortège du Graal décrit par Chrétien de Troyes...

Lors de la crucifixion du Christ, les soldats romains cassèrent les jambes des deux voleurs qui l'accompagnaient... Un romain nommé Longinus s’aperçut que ce dernier était déjà mort; pour s'en assurer, le centurion transperça le flanc de Jésus avec sa lance. Et depuis des siècles, la Sainte Lance a attiré la convoitise de bien des rois, empereurs ou seigneurs de guerre...

Au Moyen-âge les insignes symboliques de l’Empire accompagnent les souverains dans leurs continuels déplacements.

Ce n’est qu’en 1423 que l’empereur Sigismond Ier ordonna que les emblèmes du Saint Empire romain germanique (hormis la bourse de Saint Étienne, l’évangéliaire du sacre et le sabre de Charlemagne qui étaient conservés à Aix-la-Chapelle) soient confiés à la ville de Nuremberg fortement fortifiée, où ils arrivèrent en 1424... Ils restèrent dans la ville pendant presque des siècles, suspendus dans un cercueil d'argent au-dessus de l'autel de l'église de l'hôpital du Saint-Esprit pour les protéger des voleurs. Ce coffre peut être vu aujourd'hui au Germanisches Nationalmuseum.

L'Entrée des Emblèmes de l'Empire (Reichskleinodien) le 22 mars 2014 à Nuremberg. de Paul Ritter 1883

Aujourd'hui, Nuremberg ne possède que des copies, des insignes symboliques de l’Empire … !

En 1796, lorsque les troupes françaises traversèrent le Rhin, les emblèmes gardés à Nuremberg furent déplacés, jusqu’à Vienne, où les emblèmes apportés d’Aix-la-Chapelle les rejoignirent en 1801. Lorsque le Saint Empire romain germanique fut dissout par son dernier empereur François II en 1806, les emblèmes du Saint Empire se trouvaient toujours à Vienne et y sont restées.

Toutes les tentatives légales et diplomatiques pour les faire revenir ont été infructueuses.

Cependant : après l’Anschluss, Adolf Hitler, fasciné par ces symboles du Saint Empire romain germanique, les fit rapporter à Nuremberg pour passer sous la propriété du Troisième Reich...

Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre
Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre

Nürnberg, dans la tourmente du nazisme et de la Guerre

Quand les alliés bombardent la ville, Hitler ordonne que la lance soit cachée dans un coffre-fort et enterré... Le 30 avril 1945, les troupes américaines, réussissent à atteindre Nuremberg malgré une résistance farouche, ils récupèrent le coffre-fort et trouvent la lance. Hitler, est alors isolé dans son bunker de Berlin ; il se suicidera seulement quelques heures plus tard.

Le emblèmes de l'Empire seront restitués à l’État autrichien en janvier 1946 et conservés dans la « Schatzkammer » du palais de la Hofburg à Vienne. Nuremberg doit donc désormais se contenter de présenter des répliques de certains de ces joyaux dont la fameuse lance du centurion Longin.

Dans La légende arthurienne, le détenteur du Graal est également celui de la Sainte lance. Richard Wagner reprend la thématique dans '' Parsifal ''.

Dans son opéra, Richard Wagner identifie la lance sacrée avec deux éléments qui apparaissent dans le poème médiéval de Wolfram von Eschenbach , Parzival : une lance saignante dans le château du Graal et la lance qui a blessé le roi pêcheur .

Klingsor, devenu magicien faute d’avoir pu être chevalier du Graal s’est emparé de la Sainte lance avec laquelle il espère ravir le Graal aux Chevaliers. Un jeune homme au cœur pur, Parsifal, affrontera Klingsor et ses maléfices pour ravir la Sainte lance et la ramener auprès des Chevaliers du Graal…

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Voyage en Allemagne – Nuremberg – Dürer 2

Publié le par Perceval

Nurnberg - um 1510-20, von Hans Wurm

Nurnberg - um 1510-20, von Hans Wurm

''Melencolia I'', est une gravure au burin sur cuivre d’Albrecht Dürer (1471-1528), qui représente un personnage (un ange) ailé au visage soucieux de femme, avec un coude replié appuyé sur la joue.  Pensif, le regard tourné vers le lointain, elle tient, sur ses genoux un livre, avec un compas à la main, une bourse et des clés pendent de sa ceinture. 

Le carré est magique parce que l’addition des nombres de chaque ligne, chaque colonne et chaque diagonale donne le même résultat qui est 34.

La date 1514 qui apparaît à côte du monogramme de Dürer, figure aussi dans le carré magique. Elle n'est probablement pas anodine... Dürer aurait été membre d'une de ces nombreuses confréries d'hermétisme chrétien, ramifiées en un nombre indéterminé de sociétés secrètes, reliées aux ''Fidèles d'Amour ''dont Dante aurait fait partie, à la suite de la destruction de l'Ordre du Temple; destruction qui se produisit, en 1314, c'est-à-dire 200 ans avant la date de réalisation de la gravure.

 Melencolia I , est peut-être un autoportrait spirituel de Dürer; celui d’un artiste adepte, disciple ou du moins fortement contaminé par l’air du temps... De plus, à l'époque de Dürer, certains dénoncent l'Alchimie, comme un retour au paganisme...

Paul Einbringung_1883

 

Mélancolie est dans un état d'inaction découragée ; dans son environnement, un désordre hétéroclite, des objets-symboles expriment que la Nature répond à des lois mathématiques... Cet être ailé, réunit ici la puissance intellectuelle et les techniques de l'Art; sa bourse ( les richesses) traîne à terre, et les clés ( le pouvoir) pendent emmêlées... La comète et l'arc en ciel annoncent des temps difficiles...

La Mélancolie est une forme aggravée de l'acédie ( apathie spirituelle) ; une sorte de maladie de l'âme … Cette passivité la rend vulnérable au diable...

Cette figure ailée, n'est pas dans un état de somnolence mais bien en éveil. Son visage sombre et son regard fixe expriment une quête intellectuelle, intense mais stérile. Mélancolie, ne renonce t-elle pas à ce qu’elle pourrait atteindre, parce qu’elle (Dürer) ne peut atteindre ce à quoi il aspire ?

A l'époque de Anne-Laure, beaucoup pensent que cette Mélancolie, pourrait être l’essence même d’une grave maladie culturelle dont souffre encore le monde: le romantisme. !

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Voyage en Allemagne – Nuremberg - Dürer

Publié le par Perceval

Nuremberg - Autour de la Maison d'Albrecht Dürer - Cet été ...
Nuremberg - Autour de la Maison d'Albrecht Dürer - Cet été ...
Nuremberg - Autour de la Maison d'Albrecht Dürer - Cet été ...
Nuremberg - Autour de la Maison d'Albrecht Dürer - Cet été ...
Nuremberg - Autour de la Maison d'Albrecht Dürer - Cet été ...
Nuremberg - Autour de la Maison d'Albrecht Dürer - Cet été ...

Nuremberg - Autour de la Maison d'Albrecht Dürer - Cet été ...

Lors de cette soirée, Anne-Laure a donc sympathisé avec Emmy Noether... Elles ont parlé de Nuremberg, et Emmy a attiré l'attention d'Anne-Laure sur la maison de Albrecht Dürer (1471-1528) ; la discussion s'est porté sur une œuvre particulière du peintre ''Melancolia'' avec son ''carré magique''... Pour Anne-Laure, cette évocation lui a causé une forte émotion, la ramenant aux histoires que lui racontaient son grand-père...

Ici, sur Anne-Laure et son grand-père :

Je rappelle que Charles-Louis de Chateauneuf, né en 1816, tout en fréquentant les salons, et diverses ''société'' discrètes, continuant ses recherches sur le Graal; s'était engagé dans une carrière scientifique et astronomique... Charles-Louis – en suivant les méthodes mathématiques développées par Legendre - a travaillé au sein d'équipes de l'observatoire de Paris...

Le grand-père d'Anne-Laure lui avait en effet parlé de ''carré magique''; elle ne se souvenait plus exactement de quelle ''magie'' il s'agissait...mais cela l'avait fort intrigué...

Ici, sur le Carré Magique: 

Le lendemain Emmy Noether, fit porter à l'hotel d'Anne-Laure , un courrier qui contenait une reproduction de la gravure de Dürer....

On trouve la maison d’Albrecht Dürer, aux pieds du château de Nuremberg, donnant sur la petite place, la Tiergärtnerplatz. C’est là que les gens s’installent avec leur verre (de bière) à même le sol, ce qui crée une ambiance conviviale, et paisible, à l'abri d'un peintre allemand et importante figure locale... .

On y trouve aussi la sculpture d’un gros lièvre réalisée par Jürgen Goertz, un hommage à Dürer. Et, si on lève la tête, une magnifique petite statue de St George sur la « Maison Pilate » (Pilatushaus). Elle fait partie des plus vieilles maisons de Nuremberg (construite au 15e siècle)...

Nuremberg, en 1500 est une ville riche de 50 000 âmes et attire, tel un aimant, tous les talents d’Allemagne et d’Europe. L'imprimerie y est en plein essor... Anton Koberger (v. 1445-1516) y fait tourner jusqu’à 24 presses à lui seul avec une centaine de compagnons. Friedrich Peypus, imprimeur des humanistes, y publie le grand platonicien Erasme de Rotterdam (1469-1536).

On produit des écrits ésotériques et des bibles, les écrits scientifiques de Nicolas de Cuse (1401-1464)... Martin Behaim (1459-1509), dont la maison familiale avoisine celle de Dürer, y fabrique les premiers globes terrestres.

En 1471, année de naissance de Dürer, le géographe, mathématicien et astronome Johannes Müller (1436-1476), dit Regiomontanus, décide d’élire domicile à Nuremberg. Après le décès de ce dernier en 1476, c’est son disciple Walther qui hérite de sa riche bibliothèque et poursuit les recherches. En 1501 Walther achète la maison de Regiomontanus, et en 1509 Dürer l'acquiert à son tour, devenu membre du Grand Conseil de Nuremberg - et aménage le pignon sud en plate-forme d’observations astronomiques.


Durer a peint de nombreux ''auto-portraits'' comme s'il s’agissait d'apporter la preuve - à lui-même - qu'il a vraiment existé ; et à nous ( cinq siècles plus tard)... car nous nous sentons questionné par ce regard …

Si ce regard date de cinq siècles, peut-être nous faudrait-il revenir en arrière pour le comprendre un peu mieux...

Dürer admire Luther pour des raisons morales et intellectuelles - il voyait en Luther un « instrument de Dieu ». - , mais il est incapable de rompre avec l’église catholique. Profondément chrétien, : il voudrait signifier : « Par la souffrance dont j’ai fait l’expérience, je m’efforce de suivre la voie du Christ ».

Dürer, a toujours été préoccupé par l’idée d’une mort prochaine... En 1500, l'idée de fin du monde est dans les esprits, la faim, la peste, la syphilis, les conflits sociaux marquent l'ambiance... Durer étudie, voyage et peint : comme artiste il pense pouvoir percer les secrets de l'univers...

Voyage en Allemagne – Nuremberg - Dürer

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Voyage en Allemagne – Nuremberg - 2

Publié le par Perceval

Anne-Laure est invitée à une réception en l'honneur de l'impétueux empereur d'Allemagne... Plusieurs personnalités de Bavière sont présentes, ainsi que de nombreux étrangers en transit vers Bayreuth...

Anne-Laure rencontre une jeune femme qui parle très bien le français, avec qui elle va se lier... Elle s'appelle Emmy Noether, elle a alors 24 ans. Après un diplôme d'enseignante d'anglais et de français ; elle a décidée de poursuivre des études scientifiques à l’université d’Erlangen. Erlangen située à une vingtaine de kilomètres de Nürnberg, est sa ville de naissance..

Elle étudie non sans quelques difficultés l'astronomie et les mathématiques: elle doit demander la permission des professeurs pour pouvoir accéder à leurs cours ( non ouverts aux filles) … - sur lesquelles elle prépare une thèse... Ensuite, elle enseignera sans rémunération ni statut officiel.

Emmy Noether va approfondir ses recherches en algèbre abstraite (l'étude des structures algébriques) et publie des articles importants sur les idéaux (en mathématiques, un idéal est un sous-ensemble remarquable d’un anneau).

Emmy Noether va contribuer à faire évoluer l'algèbre...

C'est la ''begriffliche Mathematik'' (les mathématiques purement conceptuelles) qui caractérise Noether. Ce style de mathématiques a été adopté par d'autres mathématiciens et, après sa mort, a refleuri sous d'autres formes...

Irving Kaplansky, notamment, qualifie son article de 1921, qui donne naissance au terme d’anneau noethérien, de « révolutionnaire ». Norbert Wiener considère qu’Emmy est « la plus grande mathématicienne qui a jamais vécu, et la plus grande femme scientifique vivante, tous domaines confondus, et une savante du même niveau, au moins, que Madame Curie ». A sa mort enfin, Pavel Alexandrov dira également d’elle qu’elle était « la plus grande mathématicienne de tous les temps », quand Albert Einstein écrit au New York Times : « Fräulein Noether était le génie mathématique créatif le plus considérable produit depuis que les femmes ont eu accès aux études supérieures jusqu’à aujourd’hui. »

Le gouvernement nazi exclut les Juifs qui occupent des postes universitaires et Noether émigre alors aux États-Unis... En 1935, elle meurt d'un cancer à cinquante-trois ans.

Nürnberg album 1900-1910
Nürnberg album 1900-1910
Nürnberg album 1900-1910
Nürnberg album 1900-1910
Nürnberg album 1900-1910
Nürnberg album 1900-1910
Nürnberg album 1900-1910

Nürnberg album 1900-1910

Anne-Laure, est invitée par sa nouvelle amie, à visiter la ville de Nürnberg...

Emmy Noether, avec des amis

Et, voici ce que pourrait en noter la voyageuse en ce début de siècle …

« De toute l'Allemagne Nuremberg est la ville la plus originale, la plus curieuse à visiter. Celui qui s'y trouverait transporté comme par magie, sans avoir rien vu sur son passage, nagerait dans l'enchantement; la surprise doublerait sa jouissance. Le souvenir de Bâle, de Schaffhouse, d'Augsbourg ôte de sa nouveauté au tableau; il ne lui. ôte pas son charme. Nulle cité n'a conservé aussi entière la physionomie du moyen âge, ou plutôt de la renaissance; car peu de maisons remontent au delà du XVe siècle. Les amis de l'ogive en doivent faire leur deuil; les églises de Saint-Sebald et de Saint-Laurent les dédommageront.

(…) Ici, le musée est dans la rue; chaque maison en forme une pièce curieuse. J'ai retrouvé ces hauts pignons pointus et ces longues saillies dû toit qui m'avaient fait aimer Strasbourg. Mais il s'agit bien de pignons ! Ici, maint logis est flanqué de tourelles, couronné de créneaux, festonné de sculptures et d'arabesques. Des vignes capricieuses, s'épanouissent aux murailles; là pendent dés fruits fantastiques, des oiseaux rares voltigent, des figures joviales vous envoient une grimace ou un sourire.

(…) On peut juger de l'ancienne prospérité de la ville par le grand nombre des étages et des fenêtres; on sent qu'il y a eu là autrefois, comme aujourd'hui dans nos capitales, un énorme entassement d'individus.

Dans le labyrinthe de la ville coule une rivière, la Pegnitz. Çà et là sur son cours de vieux ponts au sommet anguleux, aux dalles disjointes, aux parapets sculptés. Pas de quai, pas un sentier sur le bord. La rivière reste enfermée entre les murailles des habitations, dont elle ronge les pilotis. Des maisons nobles, vermoulues, minées de vieillesse et d'humidité, se penchent sur l'eau ou l'enjambent par une seule arche. Dans le lit du fleuve coule une eau vaseuse, si lente qu'on en cherche quelque temps la pente; si triste qu'elle semble dire, comme du temps de Schiller : « Je suis devenue hypocondré, et ne continue de couler que parce qu'ainsi le veut la vieille coutume. »

Nuremberg est une ville fortifiée de murs épais, assis sur la roche vive; de larges fossés,- des tours énormes lui font une magnifique ceinture. Ces remparts furent de leur temps formidables; l'artillerie moderne en aurait, je crois, facilement raison. On les entretient pourtant pour le coup d’œil; chaque pierre remplacée est soigneusement noircie, et l'ensemble est toujours vénérable de vétusté.

L'intérieur du château cause une grande déception. On s'attend à voir de grandes salles d'armes, des lambris travaillés, d'énormes cheminées sculptées et blasonnées; on trouve à la place une longue enfilade de pièces parquetées, tapissées, meublées à la manière moderne.

(...)

En parlant de ses habitants, la voyageuse note que «  le souffle de l'art avait touché leurs âmes. Quelque chose de supérieur était en eux. Leur ville l'annonce assez; le moyen âge le reconnaissait : « Esprit de Nuremberg gouverne le monde, » disait le proverbe... »

Sources :  Le Danube allemand et l'Allemagne du Sud .. par Hippolyte Durand (1833-1917)...

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