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1939 - Dantzig - Espoir

Publié le par Régis Vétillard

* Le 21 mars, de Berlin le Fuhrer réclame l'intégration au Reich allemand de la ville libre de Dantzig . Le 31 mars la Grande Bretagne et la France garantisse leur soutien à la république polonaise.

14 avril on a creusé des tranchées dans l'avenue de l'Observatoire et on a peint en bleu les vitres des gares.

29 avril : aujourd'hui Hitler parlait.... Il n'a rien dit … C'est la détente.

Le 8 mai, Londres fait savoir qu'elle rejette la proposition de l’Union soviétique d'un pacte militaire et politique d’assistance mutuelle.

On préfère parler d'un ''second Munich''... Car enfin, comme dit Marcel Déat : « Qui veut mourir pour Dantzig » ? Et, de plus rappelle Daladier : « son caractère allemand est incontestable ».

Le général Doumenc en tête d'une délégation française à Moscou, nous rassure: « Il faut laisser l'Allemagne sous la menace d'un pacte militaire anglo-franco-soviétique, gagner l'automne, et retarder la guerre... »

Les '' Portes de la Guerre '' vont-elles s'ouvrir,  se demandait Jean Giraudoux?

Jean Giraudoux

Le 29 juillet 1939, Daladier qui a créé Le Commissariat général à l’information, nomme Jean Giraudoux (1882-1944) pour le diriger. Il va s'installer dans les salons à colonnes et à stucs de l'hôtel Continental

Il a directement sous ses ordres les services d'information et de propagande économique, le Service du Contrôle des Films, la radiodiffusion nationale et le contrôle de la radiodiffusion privée …

Le 4 mai 1939, Anne-Laure de Sallembier avait ''exigé'' de Lancelot, qu'il l'accompagne à la première représentation de Ondine, une pièce de Jean Giraudoux au Théâtre de l'Athénée. Une féerie dirigée et jouée par Louis Jouvet ; il voulait offrir le rôle titre à la jeune comédienne Madeleine Ozeray dont il est tombé amoureux.

Ondine est un motif qui résonne particulièrement pour Anne-Laure, et elle a souvent évoqué la légende avec son fils.... Je rappelle le blason de Fléchigné, comprend le trèfle qui évoque les esprits des eaux ; et que la ''Dame du lac'' ( une ondine versée en magie) avait emporté Lancelot dans son pays aquatique...

La comtesse de Sallembier et son fils n'ignorent pas que leur aïeul, Charles-Louis de Chateauneuf, eut la chance de rencontrer - en visite à Paris - Friedrich de la Motte Fouqué (1777-1843), qui se passionnait également pour l'épopée du Graal.

ONDINE Trois actes de Jean Giraudoux à l’Athénée 1939

Friedrich de la Motte Fouqué, a publié en 1811, une œuvre qui va le rendre célèbre '' Undine '' ( Ondine) ; c'est ce récit que Giraudoux va adapter ; celle de l'aventure d’une ondine venue sur terre pour acquérir une âme - ce que ne reprend pas Giraudoux - ; et seul l’amour d’un humain et sa fidélité jusqu’à sa mort peuvent accomplir cette métamorphose...

Sous l'apparence humaine de la fille adoptive d'une vieux couple de pêcheurs, se cache une véritable ondine. Elle tombe amoureuse d'un chevalier....

Le Roi des Ondins veut la détourner de ce mariage : « Il te trompera ! » lui crie-t-il. Elle le contraint à lui propose de faire ''Le Pacte'': si le Chevalier la trompe, il aura le droit de le tuer. Ondine accepte.

Pavel Tchelitchew, décorateur des ballets russes, a conçu les décors : la pièce est une féérie, avec de multiples êtres fantastiques. 33 comédiens interprètent les 46 rôles. Le succès fut triomphal, et les critiques excellentes.

« Cette œuvre ingénieuse, bizarre, présentée de la manière la plus originale plaira beaucoup aux esprits raffinés ». Le Petit Parisien, 5 Mai 1939.

 

 

A la suite d'une visite à Princeton, en 1937, André Weil présenta les premiers travaux de Bourbaki. Inspirée par l'humour français ; l'équipe de Princeton publia quelques uns de leurs travaux sous le titre '' les méthodes mathématiques pour attraper un lion'' sous le pseudonyme de H. Petard, avec une lettre d'introduction de E.S. Pondiczery,  membre de l’Institut Royal de Poldavia.

Les communautés Bourbaki et Pondiczery se sont croisées régulièrement, au point d'envisager le mariage de Hector Pétard avec Betti, la fille de Bourbaki.

Un faire-part est officiellement publié, pour une cérémonie de mariage le 3 juin 1939 en l'église royale Notre-Dame du Val-de-Grace à 12h. On dit que Simone de Beauvoir était présente, et très probablement Simone Weil, la sœur d'André.

En 1939, le groupe Bourbaki a déjà validé environ 6000 pages de mathématiques, et fait paraître le premier volume '' Fascicule de résultats'' de la théorie des ensembles.

Chacun aura remarqué que c'est également un 3 juin ( 1937) qu'eut lieu le mariage d'Edouard VIII (duc de Windsor) et Wallis Simpson. Ce fut le scandale du siècle, en ce qui concerne les mariages royaux. Edouard VIII venait d'abdiquer six mois auparavant pour épouser une roturière américaine divorcée deux fois. L'establishment britannique de l'époque n'a pas permis à Edouard VIII de rester sur le trône.

Le mariage royal a eu lieu au Château de Candé, au sud de Tours, à quelques kilomètres d'où s'est tenu le 2e congrès Bourbaki, à Chancay du 10 au 20 juillet 1937.

Enfin, chacun a en tête qu'André Weil dut attendre le divorce de Eveline de Possel, pour l'épouser, en 1937 ( c'était un 30 octobre) quelques mois seulement après Edward et Wallis.

Ce même jour, le samedi 3 juin 1939, a lieu un le premier visionnage (privé) du film '' L'Espoir''. Malraux souhaite que la sortie publique ait lieu en septembre.

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1939 – Elaine – Tchécoslovaquie -

Publié le par Régis Vétillard

Cette maladie qui la maintenait de plus en plus fiévreuse, et qu'elle tenait comme passagère à ses proches, sauf à Lancelot, finit par emporter Elaine, ce mardi 21 février 1939.

Gustav-Klimt-1915-TodLeben

Lancelot, dira t-il, a ressenti ce même vertige que le héros du roman de Drieu, Gilles, alors que Pauline se meurt, et qui se voit entraîner dans une apocalypse...

Sauf que, cet amour doit avoir un sens jusque dans la mort, et selon la volonté d'Elaine : sa mort se transfigure en ''sacrifice d'amour'', voie d’accès à la contemplation de Dieu, disait-elle.

Lancelot est sonné de nombreuses semaines ; et c'est le soutien et la patience de sa mère qui le maintiennent, à la surface du cours des choses … Cependant, l'incertitude des jours prochains rend insaisissable le début d'une solution pacifique ; et Lancelot vit dès à présent les prémices de la catastrophe.

 

L'accord Bonnet-Ribbentrop ( décembre 1938) défendu par Luchaire, est dénoncé par certains de ses anciens amis comme Brossolette ; de plus, ceux-ci dénoncent le rôle d'Abetz et le réseau d'espionnage nazi...

Luchaire ne croit pas qu'Hitler souhaite étendre l'Allemagne à l'ouest : - « L'Allemagne hitlérienne ne veut pas la guerre. Elle ne l'envisage même pas pour réaliser ses revendications coloniales. » ( Luchaire dans Notre Temps, n°1000, 05/02/1939.)

 

Notre ambassadeur à Moscou, puis à Berlin ( oct 1938), Robert Coulondre, prévient Paris de la volonté d'expansion à l'Est, du 3e Reich. Il prévoit l'anéantissement de la Tchécoslovaquie, et le futur partage de la Pologne entre l'URSS et l'Allemagne...

 

** Le 15 mars 1939, les allemands pénètrent en Tchécoslovaquie. A quand le tour de la Pologne ?

Le lendemain Coulondre écrit à son ministre de tutelle une analyse lucide de la méthode hitlérienne qui marie « cynisme et perfidie dans la conception, secret dans la préparation et brutalité dans l’exécution ».

* 17 mars, depuis Londres, Chamberlain se déclare profondément affecté par cette trahison.

L'ambassadeur soviétique Souritz propose à Bonnet de travailler sur une Conférence à Bucarest pour que la Pologne, la Roumanie, La France, l'Angleterre et la Yougoslavie se protègent et fasse bloc... Bonnet plaisante sur l'ardeur des russes qu'il faut contenir ; et leur volonté de bolcheviser l'Europe.

 

A la suite de l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'armée allemande, les membres français du '' Comité France-Allemagne'' suspendent leurs activités.

Malgré cela, Otto Abetz s'emploie à réanimer le CFA, Drieu l'en décourage... Pour lui, si son pays a manifestement choisi la guerre, il se doit d'être français et discipliné.

La ''générosité'' d'Abetz qui dépense sans compter des fonds hitlériens, touche des personnalités haut placés. Nos services, souhaitant mettre fin aux manœuvres de ce nazi, ''ami des français'', convainquent Daladier d'expulser Abetz (30 juin 1939). Il reste cependant quelques-uns de ses ''amis français'' à surveiller comme Fernand de Brinon, Melchior de Polignac, ou Abel Bonnard...

Jean Luchaire proteste de cette interdiction de séjour dans ''Notre Temps''.

Le rôle de l'espion allemand Hans-Günther von Dincklage en France est officiellement repéré, et sa nouvelle maîtresse - la baronne Hélène Dessoffy - blessée d'avoir été manipulée, le quitte.

 

Lancelot se souvient d'une conversation avec Drieu la Rochelle, alors que son ouvrage ''Socialisme fasciste'' était publié, c'était en 1933 ou 34. Il décrivait une sorte de théocratie où fusionnaient spirituel et temporel... Devant la crainte exprimée d'une extrême violence qui n'était déjà plus imaginaire ; Drieu se montrait préoccupé par la pente guerrière engagée ; mais la jeunesse française se devait d'être plus sage, se « façonner à une tension plus saine et peut-être pus durable » disait-il ; il pensait au sport. Le fascisme à la française, ce serait la rénovation, en sauvegardant la paix.

Aujourd'hui, la situation s'est aggravée ; cette littérature - qui de Drieu jusqu'à Céline, se complaît à pointer le Mal et à s'en repaître - renvoie le trouble de Lancelot à ce qu'en disait Maritain alors qu'il conversait avec Mauriac : '' décrire le Mal, oui, mais sans connivence ''.

C'est également ce que soutient Anne-Laure, sa mère : dans les livres de Bernanos, et même ceux de Mauriac, on y sent présente, la Grâce. « Elle peut y être méprisée, en apparence refoulée », et pourtant tout nous y conduit... D'une force mystérieuse... Celle qui appartient aux saints, dirait Bernanos... Le Mal n'en est pas légitime pour autant.

Mauriac soutient être fidèle à ce qu'est l'homme, la Grâce sait se frayer un chemin dans une œuvre, comme dans une vie, trouble bien sûr...

« Vous vous croyez innocent ?» demanderait Mauriac... « Osez donc faire l'appel des êtres qui ont traversé profondément votre vie, évoquez les morts et les vivants ; cherchez votre trace dans chacune de ces destinées. N'avez-vous volé le bonheur de personne ? La foi, l'espérance, la pureté de personne ? » ( Journal I). Quel exercice difficile, se demande Lancelot ; alors qu'il ne peut plus rien ajouter à la destinée de sa rencontre avec Elaine..

 

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1939 : après Munich... Cavaillès

Publié le par Régis Vétillard

Jean de Fabrègues accompagne Thierry Maulnier et son groupe ''Combat'', au cours de conférences, le premier parle de la Civilisation française, et le second expose ses « raisons de combattre pour le vrai nationalisme contre l’argent, le vrai socialisme contre la démocratie »

Notre spécificité française serait peut-être notre attachement à des valeurs nationales spirituellement chrétiennes. Elle est aujourd'hui menacée par les dictatures de l’hitlérisme et du stalinisme. A Esprit, Combat et Civilisation, on partage le même souci de régénérer la vie politique et les institutions...

Mais, finalement, ces réunions chez Lipp ou aux Deux-Magots, ne produisent pas grand chose... Au Café Méphisto ( bd Saint-Germain), ce sont des militants de Combat, avec Brasillach, qui se retrouvent régulièrement.

Même après Munich, on voit le mal, surtout dans la politique intérieure.

Lancelot craint, chez ces jeunes gens, que la haine de la démocratie, soit plus forte que la haine de l'ennemi nazi... L'un des signes, étant de la part de Jean Luchaire, Bertrand de Jouvenel, et Thierry Maulnier - dernièrement lors des conférences ''Rive gauche'' ( librairie de Henry Jamet ) - leur recherche de proximité avec Otto Abetz.

 

Drieu avait adhéré, pas longtemps, au ''frontisme'' de Bergery. Puis, Drieu s'est affirmé comme fasciste : il aspire à faire naître '' l'homme nouveau''.

Vers 1936, au PPF, Doriot prétendait au rassemblement national, se tenait à distance de l'antisémitisme et du nazisme, et fustigeait les bellicistes soutenus par l'URSS. Seulement, Doriot a perdu ses soutiens populaires, et ses postes de maire et de député... En septembre 1938, il a approuvé les accords de Munich, affiché son antisémitisme : Bertrand de Jouvenel a démissionné du PPF. Plus tard, Drieu aussi, déçu de Doriot, et d'Hitler...

A présent, Drieu retrouve ses activités littéraires et sa maîtresse Christiane Renault ( l'épouse de l'industriel ), dans des chambres de grands hôtels, où il trouve silence et calme.

 

Lancelot se demande finalement, si Munich n'est pas le retour à la réalité. La guerre étant une éventualité crédible...

Maulnier préfère semble t-il oublier l'actualité et écrire avec son amante Dominique Aury, une Introduction à la poésie française, qui au détriment du romantisme fait la part belle au XVI, XVIIe oubliés et au XXe.

 

Lors de la séance du 4 février 1939 à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris ; il est prévu de présenter deux thèses ( celles de Cavaillès et Lautman ) sur la philosophie des Mathématiques, assez similaires, mais néanmoins divergentes sur le sens et l'interprétation de leur expérience mathématique, et cette divergence va les conduire à pratiquer des philosophies mathématiques différentes.

Jean Cavaillès et Lautman, vont tous les deux s'engager résolument dans la Résistance, risquant puis payant de leur vie un choix existentiel... Quelle est donc cette philosophie qui les a soutenus ?

S'étaient-t-ils déjà engagés dans un chemin qui les conduisaient vers cette décision ; ou est-ce la situation qui s'est imposée, ne leur laissant pas de choix... ?

Pour Cavaillès, l'engagement semble s'imposer sans commentaire, par ''nécessité'' ( Spinoza) ; pourtant il est inséparable de sa philosophie ( en chantier).

S'interroger sur la raison des ''choses'', et réagir avec raison... Les mathématiques sont un modèle ; et parler philosophie, c'est alors parler des mathématiques, ce qui n'est pas aisée pour les philosophes non matheux. La question touche la logique : cette philosophie doit être soumise à la logique des mathématiques.

Oui, mais... Les deux disciplines ne sont pas sous-tendues par le même intérêt de la part des chercheurs. L’intérêt mathématique n’est pas l’intérêt philosophique.

Théorie des Jeux - Dilemme du prisonnier

 

Le mathématicien développe ses connaissances par la raisonnement, pas par l'expérience : il s'agit d'une croissance par l'intérieur ( endogène). La philosophie souhaite produire des connaissances avec le même degré de certitude.

Kant écrit : « On peut donc apprendre la philosophie sans savoir philosopher. (…)  toute philosophie est connaissance rationnelle par simples concepts tandis que les mathématiques sont une connaissance rationnelle par construction des concepts. » ( Critique de la raison pure ...)

(...)

« La connaissance philosophie considère donc le particulier seulement dans le général et la connaissance mathématique, le général dans le particulier et même dans le singulier, mais cependant a priori et au moyen de la raison ... »

 

N'y a t-il pas un lien à faire entre histoire des mathématiques, et philosophie des mathématiques ?

Cavaillès pense que les mathématiques s'opposent aux formalismes et au logicisme. Les mathématiques ne peuvent se réduire à la logique. A quelle loi obéit le progrès des mathématiques ?

 

Cavaillès semble préférer la philosophie, à la mathématique, en ce qu'elle est raisonnement logique orienté par ce qui lui donne du sens.

Et si « la géométrie n'a jamais sauvé personne », l'engagement répond à la nécessité de la conviction, avec pour seul fondement la non-contradiction ( et non pas le mystère religieux).

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6 Décembre 1938 : Traité d'amitié franco-allemand

Publié le par Régis Vétillard

Au ministère, Lancelot est témoin d'une politique de réarmement depuis l'été 1936, avec un programme dit des "14 milliards", et qui dépasse de 40 % les demandes de l'état-major. Il est complété par des constructions navales et le lancement d'avions de combat qui portent l'effort à 40 milliards de francs. Une troisième tranche de dépenses militaires est décidée en décembre 1936. L'ensemble du projet, étalé sur quatre ans en principe, doit doubler le potentiel de défense française.

Ici, chacun pense qu'Hitler impose une épreuve de force ; et que notre préparation est purement défensive et doit avoir une fonction dissuasive.

Réarmement allemand

Par plusieurs ouvrages, des conférences et des contacts permanents avec les autorités politiques , le colonel de Gaulle (1890-1970) tente de promouvoir une armée professionnelle ( Léon Blum est hostile à l'armée de métier) et motorisée. Il insiste en vain, sur la nécessité de constituer de grandes unités autonomes blindées plutôt que de disperser les chars au sein d'unités tactiques. Il obtient le soutien de Paul Reynaud.

 

Le Renseignement britannique ( IS), comprend que nos deux pays sont liés et souhaite une coopération plus forte sur le décryptement des communications, et plus particulièrement concernant une machine Enigma, fabriquée en Allemagne, qui se présente sous la forme d'une machine à écrire, sauf que la lettre frappée est remplacée par une autre toujours différente, le mécanisme est constitué de plusieurs rotors.

Les Polonais ont réussi à en avoir le modèle, mais ne peuvent ''casser'' la clef et demandent l'aide des français... Depuis huit ans, ils travaillent ensemble, en vain et décident de s'associer avec les anglais.

Gaston Bergery

Bergery avait créé le ''frontisme'' en 1932 ( Front commun contre le fascisme”), et avait séduit un temps, des gens comme Robert Aron, Claude Mauriac ou Edgar Morin, séduits par sa réponse à une actualité brûlante ; mais après Munich, cette possibilité apparaît exclue pour beaucoup...

Lors de l'Anschluss ; il interrogeait: violence illégale, mais qu'elle autre solution l'Europe propose t-elle ? Pour ce qui était de la Tchécoslovaquie, Bergery assurait alors, qu'il était nécessaire de faire obstacle à la prétention nazie ! Puis, il a défendu l'amputation territoriale de la Tchécoslovaquie en la tenant pour justifiée par le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Munich, paraît comme une humiliation, mais une réponse préférable à la guerre.

Bergery se défend : la France ne peut faire de menace qu'elle ne peut mettre à exécution ; par contre elle peut proposer une négociation d'ensemble. Il soutient Bonnet.

Une rumeur court dans les milieux ''informés'' concernant une agression allemande contre l'Ukraine ; ce qui ne va pas pour lui déplaire.

Après l'occupation de la Tchécoslovaquie, s'il accompagne les menaces de guerre, il n'en soutient pas moins qu'il est d'autant plus nécessaire de proposer un plan de paix à Hitler ; quitte à le menacer d'une alliance avec l'URSS.

 

Bergery n'est pas à court d'idées pour proposer un régime qui se démarquerait du communisme et d'un nationalisme agressif ; mais Lancelot – dans ses fréquentations mondaines – ne voient pas en lui l'homme providentiel qu'il rêverait pouvoir incarner... Il n'a pas la foi brutale, n'a pas le comportement du chef charismatique ; Lancelot apprécie son esprit souple, son goût du paradoxe et le plaisir de la discussion que les frontistes partagent...

Comment rassembler après Munich ? Bergery ne fait pas confiance aux vieux partis, et finalement semble se rapprocher du fascisme... Drieu le rejoint pour d'autres motifs, bien plus personnels, attachés à la décadence qui l'obsède, et à la force qui lui semble se dégager des fascismes.

La_Croix jeudi 8 décembre 1938

 

Le mardi 6 décembre 1938, a lieu en présence de M. de Ribbentrop et M. Bonnet la signature du Traité d'amitié franco-allemand.... Lancelot se trouve au Quai d'Orsay et vers 17h00, il est dans le salon de l'Horloge en compagnie de M. et Mme Detœuf; pour profiter d'une coupe de champagne après cette cérémonie... M de Ribbentrop - extrêmement droit - lit une déclaration en français, presque sans accent. Le ministre allemand est ensuite entouré d'une cour française impressionnante, nos ministres semblent bien seuls... Les époux Luchaire présentent leur fille Corinne, à qui L'Universum Film AG va offrir début 1939, un contrat au cachet impressionnant et des perspectives de vedettariat...

Depuis quelques temps, Eugène Feihl attaché de presse à l’ambassade s'est chargé de cadeaux faits à des personnalités françaises : distribution de stylos, étuis à cigarettes en or … Il est chargé aussi de faire savoir que l’ambassadeur allemand a reçu instruction de son gouvernement que M. de Ribbentrop ne pourrait pas rencontrer certaines personnes...

Aussi, au dîner du quai d'Orsay, où sont invités des représentants de la haute société parisienne, et les officiels du Comité France-Allemagne, sont exclus les ministres et politiques juifs...

En effet, les membres juifs du gouvernement, les ministres Jean Zay et Georges Mandel, ne furent pas invités. On dit que Mme Campinchi, Herriot, Jeannenay refusèrent d’y assister en signe de protestation.

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1938 - Myrrha Lot – Maritain

Publié le par Régis Vétillard

Anne-Laure de Sallembier, qui navigue entre Paris et Fléchigné, continue de fréquenter la tribu de Ferdinand Lot à présent retraité, mais soucieux de transmettre par la publication de plusieurs ouvrages. Elle maintient le fil qui existe entre Lancelot et Myrrha, au sujet de la littérature médiévale autour de la quête du Graal. Lancelot et Elaine, alternent le '' thé du dimanche après-midi à Fontenay aux roses'' avec celui à Meudon chez les Maritain. La maison du 53, rue Boucicaut à Fontenay est une copropriété. La famille est voisine de la famille Langevin qui vit au rez-de-chaussée. Militant très actif, Paul Langevin fait partie du Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes créé après le 6 février.

Myrrha Lot se plaît à promouvoir la spiritualité orientale auprès des catholiques. Elle valorise ce qu'elle appelle le mysticisme liturgique et vante la doctrine de la déification dans l'Église grecque, qu'elle rapproche de la doctrine occidentale médiévale de la contemplation.

- A l'origine, la nature de l'Homme est surnaturelle. Les Pères grecs propose de s'approcher au plus près de cet héritage perdu, non par la croix, mais par la contemplation : Amour et Connaissance vont de pair. L'Esprit Saint réside dans le ''nous'' de l'âme, il est l'agent de la résurrection.

Cette doctrine de la déification n'a pas été développée dans la tradition occidentale, seul Maître Eckhart, peut-être, comme lointain disciple de l'Aréopagite, s'y approche, et a vu ses thèses condamnées... Dans cette vision, l'homme est transfiguré par les énergies divines. La déification suppose une complète harmonie de liberté et de grâce qui consistait, d'après saint Maxime le Confesseur, fréquemment cité par Lot-Borodine, « deux ailes » qui nous portent vers l'union parfaite avec Dieu.

 

Lancelot et Elaine sont sensibles à l'approche orthodoxe d'une anthropologie qui insiste sur l'idée que l'homme est par nature, par création, l'image de Dieu ; alors que la théologie latine met en avant la chute ( vision morale) et voit la résurrection comme la réparation après l'offense ; tandis que dans la tradition grecque, la résurrection restaure la nature divine qui existe dans l'humain.

Elaine insiste, que pour être complet, il est nécessaire de comprendre que l'homme seul est incapable d'accomplir – par lui-même – sa déification ; c'est par la seule énergie divine – la Grâce – qu'elle s'accomplit...

Lancelot et Elaine assistent à la conférence de Jacques Maritain au Théâtre des Ambassadeurs, sur '' Les juifs parmi les Nations ''. Le philosophe n'était pas tranquille, les dominicains avaient tenté de le dissuader craignant que cela soit compris comme une apologie d'Israël... Des antisémites comme Henry Coston et Roger Lambelin ( celui-là même qui avait préfacé en 1920 les Protocoles des Sages de Sion), le menacent de s'opposer par la force, s'il le faut...

Deux pamphlets de Céline, ''Bagatelles pour un massacre'', et l’École des cadavres, sont parus. André Gide semble les prendre pour des canulars, « il empile “haut comme un sixième” des blagues pathétiques et sans importance ». Maritain s'indigne : « On ne peut pas aujourd’hui (et a t-on pu jamais le faire ?) parler de la question juive avec frivolité, ou en suivant complaisamment son humeur et ses ressentiments, ou avec l’euphorique truculence qu’un faiseur de bagatelles met à décrire ses asticots ».

L'essentiel du message de Maritain, tient en ceci : « les Juifs ne sont ni une race, ni une nation, ni un peuple », mais « un mystère » : le mystère d'Israël.

« Plus la question juive devient politiquement aiguë, plus il est nécessaire que la manière dont nous traitons de cette question soit proportionnée au drame divin qu’elle évoque ; il est incompréhensible que des écrivains catholiques parlent sur le même ton que Voltaire de la race juive et de l’Ancien Testament, d’Abraham et de Moïse. »

Bien sûr Maritain, évoque positivement les conversions au catholicisme, la sienne et celle de sa femme juive Raïssa qui dit elle-même de ce chemin : « Là où j’aurais craint de trouver lutte et opposition, je ne vis à ma grande joie qu’unité, continuité, harmonie parfaite.»

Maritain, reprend : « si on entend par “peuple” « une communauté historique caractérisée non pas, comme la nation, par le fait (ou le désir) de mener une vie politique, mais par le fait d’être nourris d’une même tradition spirituelle et morale et de répondre à une même vocation, [les Juifs] sont un peuple, et le peuple par excellence, le peuple de Dieu. […] Ils sont une “maison”, la maison d’Israël . »

Maritain analyse le problème spécifique de l'Allemagne. Un pays où le peuple allemand est engagé dans un drame historique ; mais pourquoi sa recherche vers lui-même s'effectue t-elle en marchant sur les juifs et les chrétiens ? Il évoque la solution sioniste, en parlant de pis-aller...

la sagesse politique dit-il, est « que la grande masse des populations juives doit de toute nécessité rester là où elle est ». Parce qu’il n’est pas concevable d’« expulser des millions d’hommes parce qu’il ne peut être envisagé de les « faire mourir de faim [ou de] les massacrer tous. » ( nous sommes en 1938).

« Nous disons que ce n’est pas en chassant les Juifs, mais en transformant les structures économiques et sociales qui sont la cause réelle de ces difficultés et de cette crise, qu’on pourra efficacement remédier à celle-ci »

L'Action Française - 5_juin_1936

Sur l'antisémitisme :

« l’antisémitisme détourne misérablement les hommes de l’effort réel qui leur est demandé. Il les détourne des causes réelles de leurs maux […] pour les précipiter contre d’autres hommes et contre une multitude innocente »

« L’antisémitisme est la peur, le mépris et la haine du peuple juif, et la volonté de le soumettre à des mesures de discrimination. Il y a bien des formes et des degrés d’antisémitisme. Sans parler des formes monstrueuses que nous avons à présent sous les yeux, il peut prendre la forme d’un certain orgueil et préjugé hautain, nationaliste ou aristocratique ; ou de simple désir de se débarrasser de concurrents gênants ; ou d’un tic de vanité mondaine ; voire d’une innocente manie. Aucune n’est innocente en réalité. En chacune un germe est caché, plus ou moins inerte ou actif, de cette maladie spirituelle qui aujourd’hui éclate à travers le monde en une phobie fabulatrice et homicide […] »

 

Maritain en revient au ''mystère d'Israël '' : qui serait de l'ordre de la vocation même d’Israël, « les Juifs […] seront toujours surnaturellement étrangers (id.) au monde » ; et renvoie à ce que Maritain appelle « la signification théologale de la dispersion d’Israël ».

« Il est là, lui qui n’est pas du monde, pour l’irriter, l’exaspérer, le mouvoir. Comme un corps étranger, comme un ferment activant introduit dans la masse, il ne laisse pas le monde en repos, il l’empêche de dormir, il lui apprend à être mécontent et inquiet tant qu’il n’a pas Dieu, il stimule le mouvement de l’histoire »

Pierre Teilhard de Chardin

Lancelot entend parler du Père Teilhard de Chardin, ce qui le renvoie treize années en arrière lors d'une causerie du prêtre sur la science qui l'avait marqué... Son désir de retrouver des personnes qui le connaissent, l'amène au N° 8 de la rue Léo-Delibes. Dans un ancien hôtel, s'est installée une sorte de communauté chrétienne, conduite par Marcel Légaut un professeur de mathématiques qui enseigne à la faculté de Rennes. Ils sont en plein travaux. Lancelot et Elaine sont invité à venir le dimanche. Ils suivent des causeries sur Nietzsche, et aussi à propos des “Réflexions d’un théologien sur les événements internationaux” du Père d’Ouince. Une autre fois, ils retrouvent Emmanuel Mounier qui présentent les groupes ''Esprit'' ; puis Marcel Légaut propose une méditation sur “Vous êtes le sel de la terre”. Enfin, le dimanche 18 décembre 1938, le Père Teilhard de Chardin est présent et parle de ses fouilles en Chine. Causerie illustrée de nombreuses projections. Elle se prolonge tard car le Père est accaparé par les camarades et leurs questions de tous ordres. Lancelot repart avec une précieuse version du ''Milieu divin''.

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1938 – André Gide

Publié le par Régis Vétillard

André Gide, par Gisèle Freund

Lancelot rencontre André Gide, qui lui propose de l'accompagner et déjeuner chez Lesur; ça ne se refuse pas !

Gide se plaint de l'abandon de la grammaire française : les speakers de la TSF propagent toutes sortes d'incorrections ; l'un n'a t-il pas dit : « en terminer avec.... » ! Il avoue que la raison d'être de l'artiste est d'être en désaccord avec son temps. Il s'était rendu à une répétition d'une pièce de Cocteau ; l'élégant public, avec ses sourires et ses courbettes, l'a fait fuir. Le lendemain, Gide lisait dans les journaux que, arrivé tard et n'ayant pu trouver de place, il s'en était retourné.

 

Gide commente cette expérience relatée par Hebbel : « Que peut faire de mieux le rat pris au piège ? - C'est de manger le lard. ». Un homme pourrait-il profiter tranquillement de l’appât ; s'il se savait pris dans un piège ?

Il a lu dans le Figaro un article de Abel Hermant, dont il pense beaucoup de bien ; et qui compare nos représentations du ''bourgeois'' … « J'appellerai bourgeois quiconque pense bassement », comme Flaubert. Le bourgeois n'admet que la littérature utilitaire : et il ne peut se servir d'une littérature qui ne sert qu'à s'élever...

 

Lancelot lui reproche de moins publier: « Si les autres écrivaient moins, j'aurais plus de plaisir à écrire ».... Un long silence, puis, Gide, lui dit que depuis la mort de Madeleine ( 17 avril 1938) ; il ne fait que semblant de vivre... « J'ai perdu ce témoin de ma vie qui m'engageait à ne point vivre ''négligemment''... Mais de même que je ne laissais pas son amour incliner dans son sens ma pensée, je ne dois pas à présent laisser peser sur ma pensée, le souvenir de cet amour. » Le dernier acte de la comédie, il doit ''le jouer solitaire'' ; il se sent vieux, et dit n'avoir plus d'autre espoir que d'en sortir... !

Gide lit ''Temps Présent'' ; dans le dernier numéro ; il y avait un article de Stanislas Fumet sur la crucifixion du Seigneur, qu'il nomme le « plus grand forfait de l'histoire »... Mais, se demande Gide : que se serait-il passé si le crime avait été évité... ! Comment nous aurait-il sauvé ? Peux t-on appeler ''forfait'' le geste de ceux qui ont permis la rédemption... ? !

 

Lancelot interroge Gide sur ''Munich'' : il lui semble que la raison emporte une victoire sur la force. - Et la justice, le bon droit ? - En effet, son ami hollandais Jef Last, pense qu'il ne s'agit que d'une défaite honteuse, et qu'il n'en résultera que de nouvelles revendications de Hitler... Gide doute que l'Allemagne eut cédé.

 

Gide conforte Lancelot dans son attachement à l'Eglise ; il pense que les événements récents lui permettent de s'exprimer en vérité ; grâce en effet à Maritain, Marcel, Mauriac, Berdiaeff, l'espagnol Bergamin... Lancelot ne connaît pas ce dernier ; alors Gide lui conseille en urgence de lire le discours d'Unamuno ( le philosophe espagnol) du 12 octobre 1936 : « A l'instant, je viens d'entendre un cri mortifère et insensé : "Vive la mort !" Et, moi qui ai passé ma vie à forger des paradoxes, je peux vous dire avec l'autorité d'un expert que ce paradoxe incongru me répugne.» etc … C'est Bergamin qui lui a fait connaître...

Valery et Jeanne L.

 

Subitement, Gide interroge Lancelot sur la jeune fille qui l'accompagnait, alors qu'ils venaient l'interviewer - villa Montmorency – c'était en … 1921. - N'était-ce pas Jeanne L. - Oui... - Et bien savez-vous que Valéry s'en est entiché ? Cette dame du Tout-Paris, aujourd'hui, se pressait avec d'autres à ses cours du Collège de France. Je m'inquiète pour lui ; n'a t-il pas soixante-sept ans ? Et elle … ? - Trente-cinq ans. - Je crois que Giraudoux... - Ah ! Je savais pour Bertrand de Jouvenel...

Gide reprend:- J'adore être reçu chez les Valéry, c'est toujours exquis et charmant. « Je suis à l'aise avec Paul, et son extraordinaire intelligence, depuis que je sais limiter les dégâts de sa conversation. »

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