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bourbaki

1939 - Dantzig - Espoir

Publié le par Régis Vétillard

* Le 21 mars, de Berlin le Fuhrer réclame l'intégration au Reich allemand de la ville libre de Dantzig . Le 31 mars la Grande Bretagne et la France garantisse leur soutien à la république polonaise.

14 avril on a creusé des tranchées dans l'avenue de l'Observatoire et on a peint en bleu les vitres des gares.

29 avril : aujourd'hui Hitler parlait.... Il n'a rien dit … C'est la détente.

Le 8 mai, Londres fait savoir qu'elle rejette la proposition de l’Union soviétique d'un pacte militaire et politique d’assistance mutuelle.

On préfère parler d'un ''second Munich''... Car enfin, comme dit Marcel Déat : « Qui veut mourir pour Dantzig » ? Et, de plus rappelle Daladier : « son caractère allemand est incontestable ».

Le général Doumenc en tête d'une délégation française à Moscou, nous rassure: « Il faut laisser l'Allemagne sous la menace d'un pacte militaire anglo-franco-soviétique, gagner l'automne, et retarder la guerre... »

Les '' Portes de la Guerre '' vont-elles s'ouvrir,  se demandait Jean Giraudoux?

Jean Giraudoux

Le 29 juillet 1939, Daladier qui a créé Le Commissariat général à l’information, nomme Jean Giraudoux (1882-1944) pour le diriger. Il va s'installer dans les salons à colonnes et à stucs de l'hôtel Continental

Il a directement sous ses ordres les services d'information et de propagande économique, le Service du Contrôle des Films, la radiodiffusion nationale et le contrôle de la radiodiffusion privée …

Le 4 mai 1939, Anne-Laure de Sallembier avait ''exigé'' de Lancelot, qu'il l'accompagne à la première représentation de Ondine, une pièce de Jean Giraudoux au Théâtre de l'Athénée. Une féerie dirigée et jouée par Louis Jouvet ; il voulait offrir le rôle titre à la jeune comédienne Madeleine Ozeray dont il est tombé amoureux.

Ondine est un motif qui résonne particulièrement pour Anne-Laure, et elle a souvent évoqué la légende avec son fils.... Je rappelle le blason de Fléchigné, comprend le trèfle qui évoque les esprits des eaux ; et que la ''Dame du lac'' ( une ondine versée en magie) avait emporté Lancelot dans son pays aquatique...

La comtesse de Sallembier et son fils n'ignorent pas que leur aïeul, Charles-Louis de Chateauneuf, eut la chance de rencontrer - en visite à Paris - Friedrich de la Motte Fouqué (1777-1843), qui se passionnait également pour l'épopée du Graal.

ONDINE Trois actes de Jean Giraudoux à l’Athénée 1939

Friedrich de la Motte Fouqué, a publié en 1811, une œuvre qui va le rendre célèbre '' Undine '' ( Ondine) ; c'est ce récit que Giraudoux va adapter ; celle de l'aventure d’une ondine venue sur terre pour acquérir une âme - ce que ne reprend pas Giraudoux - ; et seul l’amour d’un humain et sa fidélité jusqu’à sa mort peuvent accomplir cette métamorphose...

Sous l'apparence humaine de la fille adoptive d'une vieux couple de pêcheurs, se cache une véritable ondine. Elle tombe amoureuse d'un chevalier....

Le Roi des Ondins veut la détourner de ce mariage : « Il te trompera ! » lui crie-t-il. Elle le contraint à lui propose de faire ''Le Pacte'': si le Chevalier la trompe, il aura le droit de le tuer. Ondine accepte.

Pavel Tchelitchew, décorateur des ballets russes, a conçu les décors : la pièce est une féérie, avec de multiples êtres fantastiques. 33 comédiens interprètent les 46 rôles. Le succès fut triomphal, et les critiques excellentes.

« Cette œuvre ingénieuse, bizarre, présentée de la manière la plus originale plaira beaucoup aux esprits raffinés ». Le Petit Parisien, 5 Mai 1939.

 

 

A la suite d'une visite à Princeton, en 1937, André Weil présenta les premiers travaux de Bourbaki. Inspirée par l'humour français ; l'équipe de Princeton publia quelques uns de leurs travaux sous le titre '' les méthodes mathématiques pour attraper un lion'' sous le pseudonyme de H. Petard, avec une lettre d'introduction de E.S. Pondiczery,  membre de l’Institut Royal de Poldavia.

Les communautés Bourbaki et Pondiczery se sont croisées régulièrement, au point d'envisager le mariage de Hector Pétard avec Betti, la fille de Bourbaki.

Un faire-part est officiellement publié, pour une cérémonie de mariage le 3 juin 1939 en l'église royale Notre-Dame du Val-de-Grace à 12h. On dit que Simone de Beauvoir était présente, et très probablement Simone Weil, la sœur d'André.

En 1939, le groupe Bourbaki a déjà validé environ 6000 pages de mathématiques, et fait paraître le premier volume '' Fascicule de résultats'' de la théorie des ensembles.

Chacun aura remarqué que c'est également un 3 juin ( 1937) qu'eut lieu le mariage d'Edouard VIII (duc de Windsor) et Wallis Simpson. Ce fut le scandale du siècle, en ce qui concerne les mariages royaux. Edouard VIII venait d'abdiquer six mois auparavant pour épouser une roturière américaine divorcée deux fois. L'establishment britannique de l'époque n'a pas permis à Edouard VIII de rester sur le trône.

Le mariage royal a eu lieu au Château de Candé, au sud de Tours, à quelques kilomètres d'où s'est tenu le 2e congrès Bourbaki, à Chancay du 10 au 20 juillet 1937.

Enfin, chacun a en tête qu'André Weil dut attendre le divorce de Eveline de Possel, pour l'épouser, en 1937 ( c'était un 30 octobre) quelques mois seulement après Edward et Wallis.

Ce même jour, le samedi 3 juin 1939, a lieu un le premier visionnage (privé) du film '' L'Espoir''. Malraux souhaite que la sortie publique ait lieu en septembre.

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1938 – Bourbaki - Weil et Cavaillès

Publié le par Régis Vétillard

Septembre 1938. Malgré sa fatigue, Elaine accepte de suivre Lancelot sur les routes de France pour rejoindre une localité de deux mille habitants - Dieulefit - qui se dit '' terre protestante, et bastion républicain''. Et, c'est pour visiter Simone Weil qui a accompagné son frère André à un congrès de la ''société secrète '' Bourbaki... Même si... Ils sont prévenus ! « les femmes et les visiteurs, sont susceptibles d'être parqués avec les animaux de la ferme comme figurants... », dixit André !

Bourbaki en sept. 1938, à Dieulefit.

 

Je rappelle, que le 10 décembre 1934 ( combien de ''10 décembre'' mémorables! ...), à Paris, au Café Capoulade, six jeunes mathématiciens – insatisfaits des manuels scolaires - ont voulu refonder la mathématique ( dans son unité et sa cohérence). Ils décident de rédiger en commun un traité d'analyse - intitulé '' les Éléments de mathématique'' - aussi moderne que possible, destiné à apporter une perspective nouvelle dans l'enseignement de cette branche. Leur approche ne se contente en effet pas de bâtir sur les acquis mais propose plutôt de tout revoir depuis le début. Le traité prend la mathématique à leur début et donne des démonstrations complètes, rigoureuses, indiscutables... .

La société est ''secrète'' parce que chaque membre est coopté, et doit sacrifier avec abnégation son individualité à un pseudo : ''Nicolas Bourbaki'' ; décrit par André, aux curieux, comme un auteur reclus passant ses jours à jouer aux cartes dans la banlieue parisienne de Clichy...

Lancelot pour oser visiter cette assemblée, a la chance de pouvoir se référer à des personnages respectés comme Painlevé, même si la ''théorie des fonctions de papa'' semble bien désuète ; ou s'associer à quelques commentaires au sujet de Emmy Noether, qu'avec Elaine ils avaient rencontré à Göttingen en 1931, et connue de plusieurs personnes ici.

Lancelot et Elaine, ont ainsi la chance de rencontrer de grands mathématiciens comme André Weil, Henri Cartan, Jean Delsarte, Jean Dieudonné ...

Intéressant, également, de savoir que nous sommes dans les locaux de l’école de Beauvallon créée par Marguerite Soubeyran dieulefitoise, en 1929.

Passée par une école d’infirmière à Paris, puis par l’institut Jean-Jacques-Rousseau de Genève, cette communiste, liée aux intellectuels et au milieu médical, fait venir à elle toutes les bonnes volontés ; pour créer la première ''école nouvelle'' ( pédagogie active) et mixte en France. L'anecdote dit : « Quand Marguerite rencontre sur un quai de gare Simone Monnier, en 1936, qui sera le troisième pilier de l’école de Beauvallon, celle-ci, dont le père est pasteur, lui avoue son amour des lettres : « eh bien, vous ferez une excellente prof de maths », lui répond Marguerite.

Des républicains espagnols - une vingtaine de femmes et leurs enfants - sont accueillis à Dieulefit par la municipalité.

Le climat favorable de la région semble redonner à Elaine quelques forces ; elle prend beaucoup de plaisir à découvrir les villages environnants comme Le Poët-Laval, ou l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Comps, isolée sur un promontoire, cet ancien prieuré est édifié selon un plan en croix grecque. Certains disaient même le plan rapporté d'Orient... Lancelot a beaucoup aimé cet endroit ; et ils ont longuement évoqué la vie du chevalier limousin Roger de Laron...

Si pendant la journée, Bourbaki fait des mathématiques, pendant les repas, Simone Weil, Elaine et Lancelot maintiennent le niveau en parlant philosophie.

Bien-sûr le lien est fait par les mathématiques, et par Jean Cavaillès, absent mais dont la pensée est explicitée par Simone. Pensée difficile qui – en toute humilité – ne peut être que survolée.

Jean Cavaillès

Cavaillès est spinoziste en particulier attaché à l'idée de ''nécessité'', et ''nécessaires'' sont aussi les enchaînements mathématiques. On peut prendre ''la'' mathématique comme le modèle par excellence de l'activité de la raison.

André Weil fait alors un laïus sur les activités mathématiques développées à Göttingen, notamment par Hilbert, et Emmy Noether qui ouvrent sur un nouveau monde, et rencontrent aussi les réflexions de Husserl ( la phénoménologie).

Précisément, Simone continue sur la notion de structure qui préside à l'organisation du savoir.

Cavaillès, dit-elle, fait l'hypothèse que la science est un objet sui generis, originale dans son essence. Les mathématiques sont un moyen pour savoir ce que veut dire penser, connaître.

Comme en science, philosopher serait plus une affaire de concepts, qu'un épanchement des états d’âme de l’intellect.

La nécessité caractérise la science. La démonstration est une nécessité produite, et au cœur de cet acte produit ( la démonstration) il y a la conscience.

Cette nécessité, remarque Simone Weil, elle la reconnaît dans le travail manuel. Plus généralement, « Dieu a confié tous les phénomènes sans exception aux mécanismes du monde ». On pourrait dire encore que le monde est régi par deux forces qui s’opposent : la pesanteur et la grâce.

Un dualisme, encore signifié par la force et le malheur : la force cause le malheur, mais sans force, comment sortir du malheur ? Ou, la nécessité intérieure opposée à la nécessité extérieure (force).

Lancelot ose rebondir pour exprimer ce qu'il en comprend : - Quand je comprends vraiment... il y a du divin.

André Weil ajoute : Parce qu'en Dieu tout est rigueur et nécessité.

Simone Weil continue : On en revient à Spinoza : « chacun fait ce qui suit de la nécessité de sa nature » (Éthique, IV, 37). Ma liberté - ce n'est pas de nier la nécessité - mais de la comprendre !

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