Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

joliot-curie

Une science prolétarienne

Publié le par Régis Vétillard

Eugénie Cotton et M-C. Vaillant-Couturier

Geneviève par l'intermédiaire de son intérêt pour les sciences, se rapproche d'Eugénie Cotton, la présidente d’honneur de l'UFF qui vient de recevoir le prix Staline pour la Paix. Eugénie Cotton (1881-1967) est une scientifique française, physicienne et directrice de l’École normale supérieure de jeunes filles

Elle a publié plusieurs articles et contribué à la compréhension du paramagnétisme et à son application à la chimie analytique.

Geneviève est très fière de fréquenter quelques férus de science matérialiste ; certains lui auraient ''ouvert les yeux'', notamment, sur la Relativité et Einstein que personne n'ose critiquer.

Ainsi, Geneviève soutient à Lancelot que la Relativité avait été abordé avant Einstein, que c’est Lorentz qui l’a créée, et Poincaré qui l’a complétée et généralisée. Lancelot veut bien l'envisager ainsi, pour un début de réflexion ; mais - répond Lancelot - c'est quand même Einstein qui a éliminé l'hypothèse de l'éther, et affirmé que la vitesse de la lumière était constante, indépendamment de la vitesse de la source ou de l'observateur ! Et, surtout : c'est Einstein qui a généralisé sa théorie pour inclure une nouvelle proposition d'explication de la gravitation...

Geneviève répond que les deux hypothèses de la constance de la vitesse de la lumière, et aussi de l’équivalence entre la masse et l’énergie, sont arbitraires et sans fondement. Elles conduisent à des résultats absurdes et incompatibles avec les faits observés.

Lancelot s'étonne de ce genre de propos ; mais Geneviève insiste et prétend qu'Einstein n'a fait qu'obscurcir et déformer, ce que l'on avait découvert avant lui.

- L'Amérique veut nous faire croire qu'il s'agit là d'une révolution scientifique, « alors qu’il ne s’agit que d’une régression idéologique. Einstein a servi les intérêts de la bourgeoisie capitaliste, qui cherchait à discréditer la science classique et à imposer sa vision du monde. » 

Frederic Joliot-Curie

 

C'est ainsi, que la notion de ''science prolétarienne'' vient s'affronter à ce qu'elle nomme la ''science bourgeoise''

Étonnamment, Frédéric Joliot-Curie, lui-même, défend le concept dans la revue “Les Lettres françaises” en 1948.

  • « La science prolétarienne est une science qui se développe dans les pays socialistes, sous la direction du Parti communiste. Elle est fondée sur le matérialisme dialectique et historique, qui est la philosophie du marxisme-léninisme. Elle vise à découvrir les lois de la nature et à les utiliser pour transformer le monde en fonction des besoins du peuple et du progrès social. »

  • « La science prolétarienne est une science qui se distingue de la science bourgeoise par son contenu, sa méthode et son but. La science bourgeoise est une science qui reflète les intérêts de la classe dominante, qui s’appuie sur des dogmes et des préjugés, qui s’isole de la réalité concrète et qui sert à justifier l’exploitation et la guerre. La science prolétarienne est une science qui reflète les intérêts de la classe ouvrière, qui s’appuie sur l’expérience et la pratique, qui s’intègre à la réalité concrète et qui sert à libérer l’humanité de l’oppression et de la misère. »

  • « La science prolétarienne est une science qui se manifeste par des résultats concrets et révolutionnaires dans tous les domaines. Elle a permis à l’URSS de réaliser des exploits sans précédent dans l’industrie, l’agriculture, la médecine, la culture, la défense nationale et la conquête spatiale. Elle a permis aux pays socialistes de se développer rapidement et harmonieusement, en assurant le bien-être matériel et moral du peuple. Elle a permis aux pays coloniaux et semi-coloniaux de se libérer du joug impérialiste et de s’engager sur la voie du socialisme. »

 

Lancelot s’interroge : comment une vision politique peut-elle influer sur la science et ses découvertes, ou inversement ?

-La science communiste, qui s'affirme progressiste et matérialiste, s'enracine dans les enseignements de Mitchourine, qui soutenait lui-même : « C'est uniquement sur la base de la doctrine de Marx, d'Engels, de Lénine et de Staline qu'on peut réorganiser entièrement la science. »

La science bourgeoise, idéaliste et mystique, fondée par des biologistes réactionnaires , défendrait donc la « théorie de la mutation », et serait l’ennemie de toute la pensée rationnelle.

Lyssenko et Staline

 

Geneviève prend un exemple : la génétique. La science soviétique a bâti ses succès sur la théorie de Ivan Mitchourine, selon laquelle l’environnement peut modifier l’hérédité des organismes vivants. Aujourd'hui Trofim Lyssenko (1898-1976) enseigne, sur cette base l'idée selon laquelle les caractéristiques acquises par les plantes et les animaux peuvent être transmises à leur descendance.

La science bourgeoise, ne reconnaît toujours pas - appuyée sur Mendel, un religieux autrichien, et Morgan, un scientifique américain, opposée en cela aux '' lois de la dialectique '' - l'influence fondamentale du milieu extérieur... !

* Je note que Gregor Mendel (1822-1884), moine tchèque, découvre les prémices de la génétique et propose le concept de gène. Ces notions vont être reprises au début du XXe siècle, et Thomas Morgan (1866-1945), généticien américain, montre que les gènes sont localisés sur les chromosomes, structures présentes dans le noyau des cellules, mais dont on ne connaît pas encore nature chimique.

 

Lancelot ne connaît pas assez le sujet ; cependant, il s'est renseigné et fait part du scepticisme de la plupart des scientifiques et dénoncent même l'erreur de propositions comme, celle de dire qu'une espèce pouvait être transformée en une autre (par exemple, l’orge en seigle) ; et que l’obtention de caractères voulus pour un organisme provenait non pas de la sélection naturelle (une imposture bourgeoise), mais de la coopération entre individus. A croire que les plantes, pouvaient subir une '' rééducation socialiste '' et devaient être plantées en groupes pour que les éléments faibles puissent se sacrifier pour les forts... !

Bien-sûr, il n'est pas absurde de penser que l'environnement influence les informations héréditaires des organismes... Que la génétique n'est pas aussi déterministe qu'elle semble l'être...

 

En 1950, le manifeste du PCF affirme donc qu’il y a maintenant une science bourgeoise et une science prolétarienne, et que la science « est aussi affaire de lutte de classes, affaire du parti ».

Geneviève insiste encore et valorise la cohérence d'un intellectuel, un scientifique qui adhère au communisme et le fait, par la même rationalité qui le conduit dans ses recherches.

Voir les commentaires

1943 – Drieu – Colette - La vie continue

Publié le par Régis Vétillard

Drieu la Rochelle a le génie de se rendre insupportable. Centré sur lui-même, il tient à vous convaincre qu'il tient à vous. Il se plaint des femmes et badine avec Geneviève. Très agressif, il cible continuellement les juifs; et ne dort plus depuis que « sa femme N°1 » est retenue à Drancy.

Anne-Laure l'interroge sur Colette Jéramec, qui vient d'être internée avec ses deux enfants ( avril-mai 1943). Devenue médecin pédiatre, elle travaille comme chercheur à l'Institut Pasteur avec le professeur Legroux, bactériologiste. Son troisième époux, père de ses deux garçons, est Paul Tcherniakovsky qui travaille à la faculté des sciences. Elle refuse de porter l'étoile jaune.

Colette Jeramec

Drieu, ami d'Otto Abetz, est aussitôt prévenu. Abetz est absent, pour le remplacer Rudolf Schleier, très impliqué dans la déportation des juifs, que Drieu méprise... Cependant, il va tout faire, mobiliser chacun pour intervenir; et finalement la faire libérer, le 25 mai, la veille de son transfert vers Auschwitz.

Drieu est allé la voir au camp d'internement établi dans un grand ensemble de logements en construction, à Drancy, une banlieue ouvrière. Il décrit les barres d'immeubles, la cour fermée de barbelés, le parloir, la misérable apparence de Colette... Mais c'est lui que l'on doit plaindre: d'avoir été forcé à voir ça !

Il ne peut s'empêcher d'ajouter qu'il la trouve insupportable, « aux manières petites-bourgeoises, terriblement scientiste, et surtout, surtout pas artiste pour deux sous, sans humour. »

 

En décembre 1943, Eugène Wollman ( bactériologiste) et sa femme Elisabeth ( biologiste) sont tous deux transférés à Drancy, puis déportés à Auschwitz par le convoi 63, ils seront assassinés à leur arrivée.

 

Appuyé par Paul Langevin, en résidence surveillée à Troyes, Frédéric Joliot est élu à l'académie des sciences, en juin 1943. La question se pose pour certains : s'agit-il d'une compromission avec Vichy, ou de la victoire d'un camp opposé à Vichy ? Est-il vrai que Joliot est en négociation avec des industriels et envisage la réalisation d'une usine centrale produisant jour et nuit une puissance électrique de 300.000 kW avec consommation annuelle d'une tonne d'uranium ? A moins qu'il ne s'agisse que d'un projet pour les '' jours d'après'' ?

Joliot précise que son travail, en relation avec l'occupant «  concerne principalement la technique du cyclotron et la radioactivité artificielle. » et n'a aucun rapport direct ou indirect avec la guerre ; refusant toute participation à l'effort de guerre allemand.

Irène Joliot-Curie part en Suisse, pour soigner sa tuberculose. Elle obtient avec l'aide de Gentner les autorisations de Vichy.

 

La comtesse de Sallembier rejoint Duhamel, pour intervenir auprès de Brinon, et obtenir la libération de Béatrice de Camondo et de son mari, le compositeur Léon Reinach, arrêté parce que trahi par son passeur alors qu'il tentait de rejoindre l'Espagne. Anne-Laure avait suivi la conversion de Béatrice au catholicisme, ne s'étant jamais sentie de confession juive... Ils feront partie du convoi 62, avec 1200 personnes conduites vers la mort à Auschwitz.

 

Il fallait s'en douter ! Anne-Laure partage à Lancelot le souci que lui a confié Geneviève T. Un officier allemand se montre très empressé auprès d'elle pour l'inviter, et la voir seule...

 

Les ''légionnaires '' de la Révolution Nationale sont devenus '' La Milice '' ( janvier 1943) et se mettent au service de la Waffen SS ; Laval en est le chef, avec Joseph Darnand pour adjoint.

 

Un professeur de philosophie au lycée Condorcet, Jean-Paul Sartre, publie un essai philosophique "L'Etre et le Néant", et Marcel Aymé, un roman ''Le Passe-Muraille", puis le conte "La Patte du chat" dans l'hebdomadaire "Je suis partout".

Jacques Bergier qui passe à Paris régulièrement sous une fausse identité ( Jacques Verne) , informe de l'arrestation du chimiste André Helbronner chez lequel il avait travaillé , le 7 juin 1943 à Lyon, sur dénonciation d'un milicien (français) dénommé Plouvier travaillant pour la gestapo de Klaus Barbie. Il mourra en mars 1944 au KZ Buchenwald.

Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir

 

Un ami, raconte avec entrain sa soirée en petit comité de la représentation d'une pièce de Sartre '' Les Mouches '' au Théâtre de la Cité : une pièce, bien-sûr à visée philosophique. Sartre nous disait qu'il voulait s'opposer à la religion du repentir qui avait cours, suite à ''la défaite'' , Jupiter est ''le roi des mouches''. Comme Oreste, nous ne devons pas nous demander si nous sommes libres, nous devons prendre conscience que nous le sommes, nos actes sont de notre responsabilité. Le cadre mythique de la pièce, nous indique l'absolu de la liberté. Oreste tue sa mère, la reine Clytemnestre et son amant ( assassin de son père) ; et se déclarant responsable de son crime, il se libère de son destin. Cet acte engage alors tout le peuple d'Argos, à qui, Oreste révèle, qu'il est libre. Cette pièce n'aura sans-doute aucun succès, dans notre contexte d'occupation ; pourtant... ! Le jeune Albert Camus était présent, il l'a félicité et sans-doute remercié pour l'article de Sartre sur L'Etranger.

Voir les commentaires

Irène et Frédéric Joliot Curie. La Fission nucléaire

Publié le par Régis Vétillard

Après Céline, Denoël publie Rebatet avec son pamphlet ''Les Décombres''. Tout le monde en parle ; Denoël se félicite du tirage épuisé en trois semaines. Lancelot exprime à sa mère et à Geneviève, sa détestation de ce genre d'ouvrage. Il tient à faire comprendre à Geneviève, qu'il ne soutient pas la politique antijuive du gouvernement de Laval. Elle assure le comprendre, et regrette qu'il eut pu comprendre qu'elle soutenait la cruauté des nazis, ce dont tous les français sont témoins ; mais, comme elle pensait qu'il travaillait pour Vichy... Enfin, elle est désolée...

Elle se dit si intéressée par ce qu'ils échangent lors de ces discussions scientifiques. Les moments qu'elles passent ici lui paraissent magiques, toujours plein de surprises par ce qui est dit, ou par la présence d'invités passionnants...

En 1934, Les Joliot-Curie utilisent le polonium pour observer la trace des rayonnements grâce à une ''chambre de Wilson '' et bombardent de particules divers matériaux. Ainsi, avec une feuille d'aluminium, ils constatent qu'une partie de l'aluminium s'est transformée en phosphore radioactif, forme qui n'existe pas dans la nature. On peut donc construire artificiellement des atomes radioactifs, des radio-isotopes.

Irène et Frédéric Joliot Curie découvrent ce que l'on appelle la radioactivité artificielle, artificielle signifie ici que certains éléments naturels peuvent être rendus radioactifs ; cette propriété n'est donc pas réservée qu'à quelques uns. On peut même supposer qu'à la création de l'univers tous les isotopes radioactifs existaient, puis selon leur ''période'' ils ont laissé la place à l'élément stable. Il ne reste que les éléments radioactifs à la période suffisamment longue...

En 1938, le physicien Fermi teste le nouveau projectile, le neutron qui, dépourvu de charge électrique, pénètre facilement les noyaux... En utilisant l'Uranium comme cible, il apparaît alors un grand nombre d'isotopes légers, que se passe t-il ? L'allemande Lise Meitner en 1939, propose que l'Uranium se casse en deux fragments, ce serait une fission du noyau ; ces deux fragments ont une énergie considérable. Cette énergie issue de la fission du noyau, est nommée '' énergie nucléaire ''

On va remplacer la source radioactive de bombardement par des machines. Frédéric Joliot-Curie, en 1937, installe le premier cyclotron français dans son laboratoire du Collège de France. Un cyclotron est un accélérateur de particules, il permet d'atteindre des énergies bien plus élevées que celle obtenue par la radioactivité naturelle et de réaliser des collisions variées en changeant soit la nature des projectiles, soit la nature de la cible.

 

Je rappelle que les Joliot-Curie recevant en 1935 le prix Nobel de chimie, vont attirer par leur notoriété de jeunes chercheurs brillants comme Hans von Halban et Lew Kowarski. En 1939, l'équipe expérimente que ce phénomène de cassure des noyaux d’uranium - la fission nucléaire-s’accompagne d’un intense dégagement de chaleur.

Pourquoi... ?

Je simplifie ; sachez que si on mesure la masse d'un atome d'hélium, elle vaut moins que la masse de ses constituants : on découvre alors ce '' défaut de masse '' : que se passe t-il ? C'est Einstein qui nous apporte une réponse. Ce défaut de masse est équivalent à l'énergie libérée par l'assemblage de ces ingrédients.

'' E=mc2 '', ou lorsque qu'un système gagne en énergie, sa masse augmente ; et lorsqu'il perd en énergie, sa masse diminue. Le changement de masse est égal à un changement d'énergie... C'est ce qui se passe quand nous prenons un ascenseur, nous augmentons notre masse ( très, très légèrement) mais au niveau d'un noyau cette différence n'est pas anodine ! Einstein nous dit que cette perte de masse entraîne une libération d'énergie.

Par exemple, un neutron qui entre en interaction avec un noyau d'Uranium 235 se scinde en deux noyaux ce qui produit beaucoup d'énergie et, également ( autre intérêt) engendre la production de deux neutrons et chaque neutron ira à son tour interagir avec un noyau d'uranium, c'est ce qu'on appelle une réaction en chaîne.

 

Halban et Kowarski, sont arrivés à Londres avec un stock d'eau lourde du laboratoire. Je rappelle que : composée d'oxygène et d'hydrogène lourd (le Deutérium), difficile à obtenir en grandes quantités, l'eau lourde ralentit les neutrons lors de la réaction de fission. Ils rédigent le résumé et les conclusions des derniers travaux de l’équipe ; ils terminent par les phrases suivantes : « Deux voies sont préconisées pour la production d’énergie : la méthode des neutrons lents avec un petit enrichissement en uranium 235 ; ou l’espoir que la capture de neutrons par l’uranium 238 conduise en fin de compte à un nouveau noyau fissile. » (Ce sera en effet le plutonium 239, découvert à Berkeley en 1940/1941. ).

L'équipe du Collège de France, dirigée par Joliot, signe ainsi une découverte majeure : la fission nucléaire. En démontrant la possibilité d'une réaction en chaîne, l'équipe Joliot-Curie ouvre la porte à l'utilisation de l'énergie nucléaire.

Voir les commentaires

1940 - La guerre et l'énergie nucléaire ( l'eau lourde)

Publié le par Régis Vétillard

Je rappelle que Lancelot est chargé de la liaison entre les secteurs de la Défense et les ministres ou leur cabinet. Lancelot établit des rapports le plus souvent confidentiels, voire secrets sur des conclusions établies par nos Services de Renseignements et se doit de les annoter et les rendre abordables par des non-spécialistes.

Irene et Frederic Joliot-Curie vers 1935

C'est ainsi qu'il est devenu un temps l'interlocuteur administratif de Irène et Frédéric Joliot-Curie, physiciens ( Nobel 1935).

Et, je profite des documents et notes de Lancelot pour rappeler l'importance du travail de ce couple de physiciens.

Frédéric Joliot et sa femme, Irène Curie ont mis en évidence avec d'autres ( allemands en particulier) la fission de l'uranium, c'est-à-dire l'éclatement du noyau de l'atome sous l'impact d'un neutron, avec un dégagement d'énergie considérable. Ils sont allés jusqu'à constater un phénomène qui déclenche une réaction en chaîne et, par là, la production d'énergie atomique. Pour ralentir cette réaction en chaîne, Joliot opte pour l'eau lourde.

Le ministre de l'Armement Raoul Dautry soutient et approvisionne le laboratoire d'oxyde d'uranium ( UO2) et d'eau lourde.

En urgence, lors de l'invasion de la France, notre stock d'oxyde d'uranium, 8 tonnes dans les sous-sols du Collège de France, est envoyé en 130 caisses, à Clermont-Ferrand, villa Clair-Logis, 85 rue Etienne Dolet, où se sont repliés Irène et Fred. Joliot-Curie ; avec leur documentation et travaux de recherche. Le 18 juin minerai et papiers sont chargés à bord de trois camions Citroën P45 qui rejoignent, sur les routes de l'exode, Bordeaux. Le minerai est chargé le 20 juin sur le cargo Île de Brehat à destination de Casablanca. A noter que , l'uranium naturel est peu radioactif.

Précédemment, au mois de Février 1940, Joliot-Curie s'inquiète : L’eau lourde, élément indispensable à la recherche atomique, est produite exclusivement en Norvège. Impossible de la laisser aux mains des nazis.

Qu'est-ce que '' l'eau lourde '' ?

L'eau lourde ( D2O ou oxyde de deutérium) est une molécule d'eau composée d'oxygène et de deutérium (isotope de l'hydrogène, à la densité plus élevée.).

« Pour réduire la vitesse de tout ou partie des neutrons émis, on introduit au sein de la masse d’uranium, des éléments très légers tels que l’hydrogène ».

Pourquoi n'utilise t-on pas de l'eau ordinaire ?

Effectivement, l’eau légère nous offre de l’hydrogène et de l’oxygène facilement accessible, et à profusion.

« De plus, la masse du neutron étant (presque) égale à celle du proton, le ralentissement est idéal avec l’hydrogène (constitué seulement d’un proton). Ainsi, l’eau légère ralentit mieux les neutrons que l’eau lourde... Mais, si l’eau légère ralentit mieux les neutrons, elle les absorbe trop pour obtenir une réaction en chaîne avec de l’uranium naturel. »

Aussi, on remplace l'hydrogène par du deutérium.

Pour obtenir de l'eau lourde, un procédé d’électrolyse permet d’isoler l’eau lourde présente en quantité infinitésimale dans l’eau légère (une molécule D2O pour 41 millions de molécules H2O).

L’usine de Vemork ( à 120 kilomètres d'Oslo.) de la société Norsk Hydro en Norvège est la seule au Monde à en produire en quantité industrielle

Le danger, est que nous avons que l’Allemagne nazie mène un programme nucléaire depuis avril 1939 (Uranprojekt) et souhaite également mettre la main sur ce stock.

 

Lancelot contacte Jacques Allier fondé de pouvoirs à la Banque de Paris et des Pays-Bas (devenue Paribas) et chargé des relations avec la société Norsk Hydro dont la banque est actionnaire majoritaire

Le 20 février 1940, le ministre de l'armement Dautry – en présence de Lancelot - a convoqué Frédéric Joliot, et Jacques Allier, mobilisé à la direction des poudres . Il confie au Deuxième Bureau la très délicate mission de prendre les Allemands de vitesse et de rapatrier ce stock norvégien.

 

Le 4 mars, Allier rencontre le directeur de la Norsk Hydro favorable aux alliés, et conscient de la menace nazie ( et alors qu'il a refusé de le vendre à IG Farben une société allemande ) ; il accepte un ''prêt avec option d’achat'' de la totalité du stock d’eau lourde, soit environ 185 kg.

L’eau lourde est répartie en 26 petits bidons, et transportée à Oslo ( 10 mars) dans la légation française ; puis envoyée à Amsterdam - mais cela est une fausse information diffusée - en réalité elle voyage pour Perth en Ecosse le 12 mars; puis Edimbourg, Londres et arrive à Paris le 16 mars.

Daladier démissionne après un vote de défiance du parlement, considérant le soutien, de la France à la Finlande, insuffisant. Reynaud est nommé, le 22 mars 1940, président du Conseil, ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense.

Le 9 avril 1940, l'Allemagne envahit la Norvège puis le Danemark.

Le 10 mai, c'est autour de la Belgique, des Pays-Bas et de la France.

Le 15 mai, Reynaud est persuadé de la déroute, « nous sommes battus, nous avons perdu la bataille ! »

Joliot confie à son collaborateur Henri Moureu le soin de transporter l’eau lourde vers Clermont-Ferrand.

Le 16 mai, les bidons d'eau lourde sont à Clermont-Ferrand, et enfin à l'abri de la prison de Riom.

Maxime Weygand est nommé le 17 mai 1940, par le président du Conseil Paul Reynaud, commandant en chef de l'armée française en remplacement du général Gamelin.

A Paris, le 3 juin, la Luftwaffe bombarde les usines Renault et Citroën. Il y a près de 200 morts.

Le 6 juin, Reynaud cumule la présidence du Conseil, la Défense ( avec De Gaulle comme secrétaire d'état), les affaires étrangères. Le 10 juin, le gouvernement se replie sur Tours et les environs.

Des tonnes d'archives, ont déjà été déplacées. Lancelot et les responsables de cabinet de Reynaud ont rejoint à la porte d'Orléans le cortège de voitures officielles. Elle profitent de leur statut pour doubler le flux de gens ordinaires. Lancelot ressent une certaine honte de se dire que les ''responsables'' profitent de leur autorité pour rejoindre l'arrière, plus vite que ceux dont ils ont la charge...

Le 12 juin, Joliot rejoint Clermont-Ferrand avec le stock français de radium ☢ (1,5 grammes)

Pourquoi le radium ? : « Afin d’amorcer une réaction en chaîne, des sources de neutrons, appelées “source de démarrage”, sont parfois nécessaires. Des émetteurs α comme le radium peuvent être utilisés comme sources de neutrons. »

 

Weygand est à Briare, où se tient le 13 juin, un conseil de guerre Interallié, avec Winston Churchill. Weygand évoque la possibilité de l'armistice. Reynaud et le conseil s'y refusent : il faut continuer le combat, jusqu'au bout, éventuellement à partir de l'Afrique du Nord.

Le 14 juin, les troupes allemandes entrent à Paris.

Ce même jour le président du conseil et ses ministres prennent la route en direction de Bordeaux.

Lancelot est chargé de transmettre un ordre oral du ministre Dautry, qui propose à l’équipe Joliot la mission de se rendre à Londres avec les 26 bidons d’eau lourde, dans le but de poursuivre au Royaume-Uni les travaux menés jusque-là en France.

Joliot hésite, mais ne peut se résoudre à quitter la France. En France, il a le Collège, son matériel ; et surtout Irène ne veut pas partir, ses enfants sont en Bretagne. Langevin a rejoint Toulouse.

Weygand, Baudoin, Reynaud, et Pétain

A Bordeaux : Le 15 juin, Weygand rencontre Reynaud, Lancelot est présent, le président du conseil lui fait part de son choix, d'amener le gouvernement en Afrique du Nord pour y poursuivre la lutte; pendant que le commandant en chef capitulerait. Weygand exprime son opposition, au nom de l'honneur des drapeaux dont il est le garant. Il veut sauvegarder le prestige de l’armée française qui n'a pas démérité... Lancelot, rappelle la proposition de son ministre de ''couvrir'' la capitulation d’un ordre écrit ; Weygand maintient que la cessation des hostilités comme l'entrée en guerre sont l'affaire du gouvernement ; il laisse entendre que si les ministres pensent '' jouer les héros à bon compte en quittant la métropole'' ; ils risquent davantage d'être qualifiés de fuyards...

A Bordeaux règne une cohue indescriptible. Sa population a triplé, et plus de mille fonctionnaires cherchent à s'organiser. Lancelot, profite des locaux qui hébergent l'entourage de Reynaud, rue Vital-carles.

Devant l'avancée allemande, Bichelonne directeur de cabinet du ministre Dautry, signe le 16 juin, l'ordre de mission qui permet  à Hans von Halban et Lew Kowarski de gagner la Grande-Bretagne avec le stock d'eau lourde français ; et le remet à Lancelot. L'eau lourde est chargée dans des camions à destination de Bordeaux.

Voir les commentaires

1939 – Le nucléaire et les armes destructrices.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot, s'informe le plus possible sur les avancées de la recherche scientifique à propos de ce que nous pourrions imaginer comme armes destructrices... Une personne, assez originale et forte savante, ne se fait pas prier pour lui brosser un tableau de la situation et de ce qui pourrait se préparer ; son nom : Jacques Bergier.

En 1936, lors d'une visite à Paris de Bertrand Russell, Anne-Laure et Lancelot lui avaient fait rencontrer Langevin et les Joliot-Curie. Ils avaient alors évoqué le travail en ''aparté'' d'un groupe de chimistes autour d'André Helbronner (1877-1945) physicien et chimiste français, récompensé ( prix Franklin) pour ses travaux sur la liquéfaction des gaz. Curieux, Lancelot avait pu être reçu au domicile du chercheur dans son labo, qui n'était autre que son domicile, 49 rue St Georges. C'est lors de cette visite que Lancelot fit la connaissance d'un étrange personnage, qu'il retrouve toujours avec beaucoup de plaisir et de curiosité. Il s'agit donc de Jacques Bergier, ingénieur chimiste, qui a travaillé avec Helbronner de 1934 à 1940.

Ainsi, ils auraient effectué la synthèse du polonium à partir du bismuth et de l'hydrogène lourd. Ces recherches de transmutation le fascinaient au point de parler d'alchimie ; et de prétendre avoir réalisé une synthèse de l'or à partir de bore et d'un filament de tungstène, à plus de 10000000 de °C. Il aurait travaillé sur l'utilisation de l'eau lourde sans la pile atomique et imaginé l'ensemble réaction et fusion dans une bombe à hydrogène ( ce dossier a été déposé à l'académie des sciences, peu avant la débâcle) ...

Bergier, n'était pas son vrai nom, il était né dans l'Empire russe à Odessa en 1912. Il parlait onze langues , il gardait un accent alors qu'il était déjà en France comme lycéen au Lycée Saint-Louis, puis étudiant à l'École nationale supérieure de chimie de Paris.

De taille moyenne, le cheveu rare, le nez pointu avec de petits yeux très mobiles. Il parle beaucoup ; on a du mal à le suivre, et à le croire...

Juif, il va préférer dès l'occupation, rejoindre Lyon, et s'occuper de gérer plusieurs postes émetteurs ; et sans-doute d'autres activités clandestines...

 

- Quel est l'état de nos connaissances en matière de nucléaire, et d'armes destructrices ?

Une équipe de chercheurs allemands menée par Otto Hahn en janvier 1939, découvre la fission, tout juste avant l’équipe française dirigée par Frédéric et Irène Joliot-Curie. Des gens comme Léo Szilard, Niels Bohr ou Enrico Fermi ( émigrés aux Etats-Unis) comprennent qu’une réaction en chaîne est possible grâce à la libération de plus d’un neutron, lequel provoque une nouvelle fission dans une masse d’uranium. Une telle réaction est susceptible de dégager une énorme quantité d’énergie en un temps infime.

Possible oui ; mais faisable ? En ce début 39, Niels Bohr développe 15 raisons à son collègue Wigner de l'impossible exploitation du processus de fission... Otto Hahn, aurait déclaré« Dieu ne le permettra pas ! ».

Leó Szilárd lui, prédit la bombe , et pense qu'Hitler la prépare. Aussi, le nucléaire devient la priorité absolue : il demande à Joliot de cesser toute publication ouverte sur ce sujet; il convainc Albert Einstein d'adresser une lettre au Franklin Roosevelt ( 2 août 1939).

Et, ce n'est qu'au début de l’année 1942 que les États-Unis lanceront un programme ( Projet Manhattan) visant à développer l’arme atomique.

Joliot ne va pas répondre à Szilard ; et après la réussite de ses expériences, il va confier sa communication à la revue anglaise Nature ( avril 1939).

En Allemagne, Siegfried Flügge (1912-1997) physicien nucléaire - au courant d'une réunion au plus haut niveau - se dit qu'au contraire, l'extrême dangerosité des suites de la recherche atomique, nécessite une publicité : il écrit pour le numéro de juillet 39 de Naturwissenschaften un rapport circonstancié sur les réactions en chaîne dans l’uranium. Cet article effraie les américains.

Au cours de l’été 1939, Heisenberg est en visite aux U. S. A. On tente de retenir le physicien aux États-Unis en lui offrant une chaire de professeur. Heisenberg refuse, il pense qu'Hitler perdra la guerre ; et qu'il doit rester pour aider à sauver ce qui mérite d’être sauvé. Il n'envisage pas la possibilité d’employer des bombes atomiques au cours de la guerre imminente...

 

Je reprendrai un peu plus tard les notes de Lancelot sur la physique de la matière ( l'infiniment petit) qui expliqueront l'histoire de l'Energie. Je saute au-dessus de ces connaissances, pour pointer trois découvertes que vont utiliser les ''atomistes'' :

- Les neutrons ralentis ont une efficacité beaucoup plus grande que les neutrons ordinaires. Résultat paradoxal qui s'explique par la physique quantique. Des matériaux ralentisseurs, ''modérateurs'', comme l'eau lourde, seront à prévoir. ( FERMI, 1934)

- Des deux isotopes contenus dans l'uranium naturel : U238 et U235, seul le second se prête à la fission (on dit qu'il est «fissible»). C'est malheureusement le plus rare (0,72 % de l'uranium). ( Niels BOHR, en février 1939 )

- La fission du noyau de l'uranium s'accompagne de l'émission de 3,5 neutrons (le chiffre exact sera de 2,4) qui peuvent à leur tour fragmenter d'autres noyaux et ainsi de suite, par un phénomène de «réaction en chaîne». ( JOLIOT, PERRIN, KOWARSKI et HALBAN - C'est ce que contient la publication dans Nature ( avril 1939) )

Voir les commentaires