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La Quête du Graal - 2– Béguin

Publié le par Régis Vétillard

Nos héros chevaliers, tentent de retrouver Galaad qui les précède, loin devant eux sur le chemin de la perfection; même lorsqu'il vient à leur secours et les délivre de l'ennemi, il les quitte aussitôt. La Quête s'attache aux seuls chevaliers qui conservent pendant celle-ci, leur parfaite chasteté, des trois chevaliers qui achèveront les aventures du Graal, deux sont vierges: Galaad et Perceval ; le troisième est le chaste Bohort.

Perceval, Bohort et Galaad, et le Graal

Perceval, finalement, a vaincu l'Ennemi ; et depuis ce moment il devient véritablement le chevalier du Christ. Une dernière et profonde transformation s'opère dans l'âme de notre héros naissant à la vie spirituelle. Sur la nef blanche, la nef de Salomon, il rencontre avec ses amis élus, sa soeur, devenue la vierge sainte, vouée au martyre. Pendant des années il accompagnera partout Galaad,

dont il sera le bras droit, l'aidant à abolir les « mauvaises coutumes » du royaume de Logres, à en achever les hautes aventures. Il ceindra l'épée merveilleuse que le « bon chevalier » a retiré du perron flottant le jour de la Pentecôte à Camelot et que ce dernier lui cède, une fois armé lui-même de l'épée du roi David. Ensemble, avec Bohort, ils entreront au château de Corbenic, ensemble ils participeront au banquet de la Cène ; ensemble ils emporteront le Graal et la lance qui saigne dans la Jérusalem céleste, à Sarras. Si les trois compagnons sont admis à la liturgie secrète du Graal , seul Galaad pourra contempler ce qu'il y a dans le Graal.

Là Perceval, témoin fidèle de la disparition des reliques ravies au ciel avec l'âme de Galaad, meurt ermite, en odeur de sainteté, pour reposer aux côtés de sa soeur et du Rédempteur au Palais spirituel.

Seul Galaad, le pur, le parfait, accédera à la vision du Graal, à Sarras qu'ils ont enfin abordé avec le navire construit jadis par le roi Salomon : c’est là que se perpétue la liturgie du Graal. Mais on ne survit pas à une telle vision : Galaad demande à Dieu de quitter cette terre. Perceval à son tour mourra. Bohort reviendra à la cour du roi Arthur, c’est lui qui racontera à un clerc chargé de les mettre par écrit les aventures de la quête du saint Graal.

Le Graal et la Lance, ont disparu dans les airs définitivement ; comme à la fin de l'épopée arthurienne, l'épée d'Arthur disparaîtra dans les eaux.

Nos héros, recherchent un mystère plus élevé, et reçoivent souvent le « corpus domini » ( l'Eucharistie) ; cette connaissance est selon les mots de Galaad : « voir ouvertement ce que l'esprit ne peut concevoir ni langue décrire »

Mais... Saint-Bernard ne condamnait-il pas, que : « apprendre pour savoir est vaine curiosité.... » ?

Madame Lot-Borodine ( cahiers du Sud ) nous enseigne qu'il y avait chez les cisterciens deux courants différents de pensée : celui qui se réclame de Saint-Bernard et celui qui dérivait de Guillaume de Saint-Thierry. Ce denier inspiré par les pères grecs, en particulier les Cappadociens, n'avait pas condamné la connaissance. Il y voyait un moyen d'aimer Dieu. C'est de lui que dériverait la Queste.

Gautier_Map: Aliénor_d'Aquitaine,_Henri_II_Plantagenêt

 

La fin du roman, tient à nous renseigner sur l'origine du texte de la Quête : il serait écrit par Gautier Map à partir des notes prises par les clercs d’Arthur lors du récit fait par Bohort à son retour de la Queste. Gautier Map (1130/1135-1210) a réellement existé. C’était un ecclésiastique et écrivain anglais qui a vécu à la cour du roi Henri II Plantagenêt (1133-1189), qui régna de 1154 à 1189.

La ''Queste '' n'est qu'un élément d'un grand ensemble ( un avant-dernier chapitre) , et suppose la lecture de l’œuvre complète.

Lancelot, père de l'élu Galaad, représente la Fin'amors et le passé du temps du Graal.

La Quête – qui se passe dans une forêt magique propice aux aventures – est une recherche dans une forêt de symboles, ou d'allégories.

Albert Béguin, dit à propos du Graal, qu'il s'est servi des travaux de Myrrha Lot-Borodine (1882-1957), pour lui servir de guide.

Lancelot ne manqua pas d’aller la voir lors de sa dernière maladie, à Fontenay-aux-Roses, dans la maison-pension de Melle Blanc au 1 rue Jean Jaurès. S'y croisèrent également, Jean Daniélou qui découvrit avec elle la théologie mystique de l'Orient, et le théologien Vladimir Lossky.

 

A Fléchigné, visites fréquente de Robert Buron, un homme politique avec qui on a plaisir à débattre. Démocrate-chrétien, ses années de jeunesse parlent beaucoup à Lancelot. Fondateur et député MRP, il est très sensible à l'urgence sociale qui se manifeste dans ces années, il soutient son ami l'abbé Pierre. Maire en 1953, il va beaucoup faire pour ouvrir Villaines-la-Juhel à la modernité.

'' L'autre personnalité que nous avons en haute estime est le libraire de la ville.

La boutique paraît intimidante aux gens du bourg, elle fait aussi papeterie et vend les livres scolaires ; mais elle est le lieu de passage de l'élite lettrée et cultivée du pays. Si nous sommes accueillis par un jeune homme en blouse grise, que l'on appelle le grouillot, celui-ci en nous reconnaissant, appelle aussitôt son patron. En blouse blanche, celui-ci, après une conversation polie, prend connaissance de la liste que nous lui proposons. Il nous installe alors dans un petit salon ouvert ; et nous rejoint avec une pile d'ouvrages disponibles. Parmi ceux-là, il y a quelques propositions de sa part.'' Ce jour-là Lancelot revient avec la traduction française, d'un ouvrage de Stefan Zweig, Trois Maîtres, Balzac, Dickens, Dostoïevski.

Honoré de Balzac

Pour nous, La Comédie Humaine de Balzac, tient une place de choix dans notre bibliothèque ; c'est à dire que la série d'ouvrages est régulièrement feuilletée, jusqu'à l'envie de reprendre l'un des vingt-quatre volumes.

Le dernier repris était '' le Colonel Chabert'' qui, précisément, fait référence à un point que Zweig souligne : Balzac naît au commencement de l'Empire ; son enfance coïncide avec l'époque héroïque de l'Empire, il en fait son mythe. L'exemple de Napoléon « fait naître en lui le désir de n 'aspirer toujours qu'à l'ensemble, de chercher avidement à saisir non pas quelque richesse isolée mais toute la plénitude de l'univers... », « il comprime l'univers qu'il a ainsi dompté dans le grandiose carcan de la Comédie humaine. ». Balzac veut être le Napoléon de la plume ! Et, il montre que le pouvoir suprême est à la merci de l'homme de la plus humble extraction.

Les héros de Balzac, sont, comme lui, des ''hommes à passion'', des ''monomanes'' . Lui est créateur d'univers, un forcené du travail. « Avec chacun de ses nouveaux livres, avec chaque désir qu'il mettait ainsi en œuvre, sa vie se rétrécissait comme la magique peau de chagrin de son roman mystique. » Zweig estime que Balzac, ne pouvait pas avoir de philosophie à lui ; il épousait chacune de ses personnages. Son principe de vie était la Volonté. Une autre idée forte, source de réalité est la valeur de l'Argent. L'argent, force agissante de la vie sociale.

Anne -Laure de Sallembier, ponctue les conversations à propos de Balzac, par des anecdotes qu'elle destine à la petite Elaine. Notre aïeul Charles-Louis de Chateauneuf, fréquentait le salon de Delphine Girardin, et pouvait croiser Balzac avec d'autres grands écrivains comme Musset, ou Hugo. Chateauneuf va s'approcher, pour une femme, d'une société secrète, dont s'inspire Balzac dans Ferragus ; et c'est chez la duchesse d'A. qu'il eut la chance de pouvoir, avec lui, converser avec passion de science et de philosophie ( Swedenborg, l'alchime et Catherine de Médicis, etc..).

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La Quête du Graal - 1– Béguin

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot, avec le désir de se remettre à l'équitation, fait une chute et se retrouve contraint à l'immobilisation et au port du corset. Dès ce mois passé plutôt douloureux; Lancelot est à présent poursuivi par une fièvre incessante, sans symptôme particulier, sinon un état maladif qui le renvoie à la maladie, la mort, et la réflexion.

Lancelot a donc profité de ce congé, pour se réfugier plusieurs semaines à Fléchigné ; un livre l’accompagne : La Quête du Graal, transcription de Béghin, qu'il lui a lui-même offert ( voir précédemment : La Quête du Graal, par A. Béguin ) .

Anne-Laure lui propose d'en faire lecture, en soirée. Ainsi, Elaine entend l'intégralité d'un texte, si important pour nous. Elaine connaît déjà de nombreux personnages de la légende ; Lancelot s'étonne d'ailleurs de la fréquence à laquelle, elle trouve, dans ses jeux ou dans la vie quotidienne, des analogies pour en faire référence.

 

L'entrée dans la Quête du Graal, par la porte de Béguin ; arrive au bon moment pour Anne-Laure et Lancelot. De lecture aisée, nous entrons de plain pied dans la spiritualité de la Quête ; il s'agit d'un ouvrage que certains qualifieraient de religieux, déçus de n'y pas trouver les récits courtois et chevaleresques qu'a préféré retenir quelqu'un comme Jacques Boulenger dont nous avons déjà parlé, et que Lancelot avait rencontré.

Béguin, s'il est parti des manuscrits qu'avait rapportés Albert Pauphilet (1884-1948), a tenté d'offrir une traduction, plutôt qu'une adaptation de ce texte : la '' Queste del Saint-Graal'', qui date des environs de 1220.

Etienne Gilson (1884-1978)

Etienne Gilson ( 1925 dans Romania) explique que cette oeuvre exprime une conception chrétienne sous influence cistercienne, avec un Graal qui représente la Grâce.

La morale courtoise y est jugée et condamnée, à l'image de la relation entre Lancelot et Guenièvre.

L'idéal, écrit-il, « ne saurait être la connaissance de Dieu par l'intelligence, mais la vie de Dieu dans l'âme par sa charité, qui est la grâce ; d'un mot La Queste serait principalement organisée, non autour de la connaissance, mais autour du sentiment. »

 

Lecture :

Apparaît à la cour du Roi Arthur, le chevalier seul digne d'occuper le '' Siège Périlleux'' de la Table Ronde : Galaad (fils de Lancelot, et de la fille du Roi Pêcheur ). Le jour de Pentecôte, « le Saint-Graal parait, couvert d'une soie blanche », personne ne le voit, et qui le porte ; il garnit chacun de mets qu'il désire ; et chacun remercie Notre Seigneur, de les nourrir de la grâce du Saint-Graal. Chaque chevalier, fait vœu de retrouver le Graal.

E. Gilson, note que le jour de Pentecôte est l'anniversaire de la descente de la grâce du Saint-Esprit sur les Apôtres : « Le Graal, c'est la grâce du Saint-Esprit, source inépuisable et délicieuse à laquelle s'abreuve l'âme chrétienne. »

Si le Roi Arthur se désole de voir partir ses meilleurs chevaliers, nombreux sont ceux qui veulent s'engager dans la Quête. C'est Galaad qui formule le serment repris par tous : « en loyal chevalier, il maintiendra la Quête un an et un jour et plus encore s'il le fallait, et que jamais il ne reviendrait à la cour qu'il n'eût appris la vérité du Saint-Graal, s'il pouvait l'apprendre. »

Ensuite, c'est séparé, chacun son chemin, qu'ils se dispersent dans la forêt, pénétrant là où elle était la plus épaisse.

Commencent les aventures de Galaad.

Chaque aventure de la Quête , n'est en rien semblable de celle d'un chevalier qui n'y serait pas inscrit. Sur le chemin, un sage prud'homme se charge d'en expliquer le sens.

Galaad est comparé ( par la semblance) au Christ ; et les moines rappellent que les aventures du royaume de Logres ne disparaîtront qu'avec la venue de Galaad et l'issue de la Quête. La Quête ici n'est pas présenté comme la recherche de la Sainte Coupe ; mais comme un chemin aux diverses épreuves.

A la suite de la faute du jeune chevalier adoubé par Galaad, Mélyant, le péché d'orgueil, qui lui valut d'être blessé lors de la joute ; le moine qui lui explique le sens de l'aventure ; ajoute qu'il a confondu '' chevalerie célestielle'' et '' chevalerie du siècle ''.

L'écoute de la messe fait partie du quotidien du chevalier.

Le château des pucelles, que délivre Galaad de la mauvaise ''coutume'', était sous la coupe de sept chevaliers ( qui représentent les sept péchés capitaux). Il délivre les pucelles ( c'est à dire les âmes pures), à l'image du Christ.

La présence du diable constante. Les aventures ''terriennes'' , devenues des symboles de la lutte de Dieu et de l'Ennemi ...

A la différence de Galaad, qui se bat mais ne tue pas ; Gauvain est qualifié de mauvais chevalier ; de plus, il ne répond pas aux sollicitations du prud'homme et prêtre, de se confesser.

Les aventures de Lancelot, le conduisent d'une chapelle devant laquelle, alors que le Graal lui apparaît, il reste ''endormi'' ; jusqu'à un ermitage, où il se accepte le discours de l'ermite qui l'enjoint de croire en la miséricorde de Dieu, et de se confesser. Lancelot finit pas avouer sa faute avec la Reine Guenièvre.

Les aventures de Perceval, mettent le chevalier aux prises de l'Ennemi, qui prend la forme d'un cheval noir, d'un serpent ou d'une belle demoiselle... Perceval, perd son cheval, et s'épuise à pied à rattraper Galaad.

« Ah ! Perceval ! Dit le prud'homme, tu seras toujours aussi candide ! » ; mais, il est sauvé par la grâce.

 

Les aventures et les échecs de Gauvain et d'Hector : Gauvain est trop sensible à la gloire et aux amours d’ici-bas. Il est le pécheur endurci ; ses actions, belles en soi, vont à rebours de celles des saints ; elles sont donc condamnables et le héros tue à son insu son ami Yvain et devient un réprouvé.

Les aventures de Bohort – un saint laborieux - et l'échec de Lionel.

Les aventures de Galaad, avec l'Arbre de vie qui servit le bois dont est fait le navire de Salomon , les retrouvailles avec Bohort et Perceval ; arrivée de la sœur de Perceval. Si la femme de Salomon représente « l'ancienne loi », la sœur de Perceval représente la « nouvelle loi ».

Aventure et histoire de la ''nef de Salomon" ( le Temple, ou l’Église) et des objets merveilleux qu'elle abrite. Les trois compagnons prennent la mer avec la sœur de Perceval, qui mourra après avoir donné son sang à la châtelaine du château de la lépreuse.

On retrouve les aventures de Lancelot – le pécheur repentant - qui l'amènent à retrouver Galaad, quelques jours, avant d'errer de nouveau ; et parvenir au château du Graal. Il combat des lions fantasmagoriques, et trouve un château vide. Cependant, il s'approche d'une salle où se passe un rituel, mais l'entrée lui est interdite. Il est écarté du bénéfice de la grâce, Lancelot préférerait-il Guenièvre au Graal … ?

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La Quête du Graal, par A. Béguin

Publié le par Régis Vétillard

La maison d'édition ''Le Seuil'', menée par Paul Flamand et Jean Bardet, était le lieu où se retrouvait certains anciens de l'association ''Jeune France'' ( Lancelot y participa en 1941) et, surtout, il y régnait un esprit d'équipe intelligent et bienveillant... Maison catholique, de gauche, mais davantage éclectique.

Le Seuil, édite la revue Esprit de Mounier, qui y conduit également plusieurs collections. Louis Pauwels, vient d'y publier son roman, '' Saint Quelqu'un ''.

Lancelot profite de l’intérêt de Paul Flamand pour le rapprochement de la France avec une ''nouvelle Allemagne'' pour visiter régulièrement l'équipe du Seuil, au 27 rue Jacob, avec le prétexte de partager ses découvertes d'auteurs allemands à traduire.

Lancelot, remplit le rôle de ''médiateur'', ainsi nommé au Seuil. Il présente Joseph Rovan ( d'origine allemande), résistant, envoyé à Dachau. Il collabore déjà à Esprit, et en 1947, il traduit « La lettre sur l'humanisme » d'Heidegger.

Albert Béguin

En 1946, Albert Béguin s'installe à Paris, pour devenir le directeur littéraire des éditions du Seuil.

Depuis quelques temps, Lancelot espérait pouvoir rencontrer Albert Béguin (1901-1957), dont il connaissait son intérêt pour '' la Quête du Graal '' . De plus, il connaît bien l’Allemagne, et vient de publier un ouvrage '' Faiblesse de l'Allemagne '' déjà écrit en grande partie en 1940. Il veut rassurer quand il écrit que nous n'avons eu affaire qu'aux allemands hitlériens ; mais cependant affirme un besoin de «  réhumaniser ces êtres entrés si profondément dans l’abjection... » ; croire en la ''nouvelle Allemagne'' c'est ne pas « désespérer du destin de l'Europe ». La résolution du problème allemand, écrit-il, tient aussi à la possibilité qu'a l’humanité moderne de répudier son culte de la matière, de la technique et de l’État....

 

Béguin offre à Lancelot, son édition de 1945 de La quête du Graal, qu'il a traduite en langue moderne, dans une collection de l’Université de Fribourg : Le Cri de la France.

Béguin explique à Lancelot comment, il a reconnu dans '' La Queste del Saint-Graal'', les éléments de sa propre biographie.

Comment cela s'est-il fait ? - Cela se fait à ce fameux point dont parle Breton « d'où la vie et la mort ne sont plus perçues contradictoirement. »

- ? Quel est ce point ? - Celui que l'on entend, quand on parle de réincarnation d'un personnage ancien, ou d'une mémoire mystérieuse... Dans cet objectif, les surréalistes testaient le pouvoir de mots lors de jeux littéraires....

Pour Albert béguin, le mythe de la Quête contribue, dit-il, à unifier sa vie. Dès seize ans, il aspire à s'engager en politique, alors que ses rencontres littéraires vont marquer sa vie : Péguy, Claudel, Gide, puis Proust. En 1934, il doit quitter l'Allemagne pour s'être opposé au nazisme. C'est dit-il le poids de la réalité, qui s'inscrit dans une quête intérieure. A vingt ans, il découvre Péguy, il est ébloui, mais n'est pas prêt à recevoir le message de la foi ; tout comme Perceval après avoir été reçu dans le château du Graal. Ce n'est qu'au terme d'un long cheminement dans une nuit magique, qu'il revient vers cette source de lumière. Pour n'avoir pu poser la question, il dut errer longtemps dans le gaste pays, avant de retrouver le haut lieu de Montsalvage.

Au retour d'un séjour en Bretagne, Béguin est reçu par Aragon, qui lui fait découvrir la forêt magique des surréalistes. Par la bouche d'André Breton, le roi Arthur annonce les grandes merveilles du Graal. Breton cherchait alors à constituer une nouvelle et intransigeante chevalerie de l'imaginaire. Si le Surréalisme lui ouvre les portes de la merveille, du rêve et du signe, la Quête de Béguin est l'aventure de l'âme plus que de l'esprit.

La seconde aventure l’entraîne sur la voie de l'âme romantique. Béguin découvre l’oeuvre de Jean-Paul, en 1930 il traduit Hespérus, puis en 1937 il publie l'âme romantique et le rêve. Pendant sept ans, il traverse la romantisme allemand comme les chevaliers de la quête traverse l'aventure s'engageant corps et âme. Tel Gauvain au château des merveilles ou Galaad au château des pucelles ; il se confronte à la Reine, car c'est au-delà et non en-deçà que le Graal dispense lumière et nourriture.

Béguin parle d'une « aventure nocturne qui n'a été qu'une sorte d'accident, et finalement une déception inavouée. » ; en effet, après la poésie allemande du XVIIIe et les surréalistes ; il trouve finalement dans le catholicisme ce qui lui a manqué : une ouverture sur le monde. En effet, il ajoute : « c'est pour avoir connu le vertige stérile d'une poésie de désincarnation que j'ai accédé à la foi chrétienne. » C'est aussi pour avoir connu la Reine de la nuit au château des Pucelles que Galaad a pu parvenir jusqu'au château de Corbénic.

Albert Béguin est baptisé le 15 novembre 1940. Pour lui, ce passage évoque celui qui permet à Perceval, sa sœur, Bohort et Galaad, de rejoindre Sarraz, avec le Graal. Traversée avec la nef, en particulier, la nef de Salomon.

- ? L'ouverture au monde ? - Je pense à Mounier avec ce mot dont il a fait la fortune : '' l'engagement ''. Il ne s'agit pas d'embrigadement, mais de présence dans l'histoire avec un choix personnel de la conscience. C'est une des questions que nous pose Mounier : la question de la présence chrétienne dans le monde, dans l'histoire...

- Advient donc ce moment, où je suis prêt à pénétrer - de nouveau et en conscience - dans le château du Roi Pécheur. Pour Béguin, ce roi, c'est Bernanos ; celui dont il sent sa capacité à l'accompagner jusque dans la mort ; au mieux à la manière de Galaad, qui se plonge dans la lumière du Graal, quitte à en mourir.

 

- Pourquoi avoir choisi cette version tardive de la légende du Graal ? - Parce que, peu de temps après ma conversion, c'est celle qui me concernait personnellement. Elle se situe dans la perspective mystique de Bernard de Clairvaux ; mais reste reliée à ses obscures origines celtiques.

La version de Chrétien de Troyes, me semblait n'être qu'une version de cour, destinée à divertir. Avec Robert de Boron, ce patrimoine mythique est christianisé. La version cistercienne date de 1220, et comme nous le montre Etienne Gilson, le Graal apparaît comme le symbole de la Grâce. Le récit s'enrichit de références évangéliques et prend parti dans le débat en cours, celui de la transsubstantiation. Malheureusement, il efface des épisodes plus ''magiques'', comme celui des '' trois gouttes de sang sur la neige '', ou même celui de la fantastique procession du Graal.

 

Pour Albert Béguin, le Graal serait plus la raison de la quête que son terme. Pour garder sa véritable dimension mythique, l'image du Graal, ne peut se réduire à une interprétation ; et la quête à un simple itinéraire. Le château du Roi Pécheur est un point de départ, tout autant que le terme.

Béghin, cite C.G. Jung : « Les grands problèmes de la vie ne sont jamais résolus définitivement. S'ils le paraissent parfois, , c’est toujours à notre détriment. Leur sens et leur but ne semblent pas résider dans leur solution, mais dans l’activité que nous dépensons inlassablement à les résoudre. Cela seul nous préserve de l’abrutissement et de la fossilisation.»

 

Avec le Graal, Galaad trouve en même temps l'accomplissement et la mort. Le Graal disparaît avec lui. Ce signe du Graal, que nous emportons dans la mort, est notre mystère ; il peut être ce manque primordial, ce signe dont parle l'Apocalypse (2:17) : « un caillou blanc portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit. »

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