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1935

La Question de la ''Quête du Graal'' – S. Weil.

Publié le par Régis Vétillard

Lorsque Lancelot lui parle de son intérêt pour la littérature et la spiritualité médiévale ; Simone Weil montre alors un enthousiasme rare chez les intellectuels du moment : elle parle même du « génie de la civilisation d'Oc », qui a su mêler « la chevalerie venue du Nord et les idées arabes, et qui ressemble à une petite réplique de la Grèce Antique »

Pour Simone Weil, le Christianisme a redonné vie à l'héritage grec ( contre Rome). Ensuite, la renaissance carolingienne s'ouvrait à une civilisation de liberté spirituelle, la seule tradition chrétienne vivante et libre... Puis, l'Europe a fait le choix de la force, contre l’esprit, de « l’alliance du trône et de l’autel ». Alliance impossible, puisque ce n'est pas la même logique !

Le catharisme s'opposait à cela, en pays d'Oc « Les richesses spirituelles affluaient de toutes parts sans obstacle. La marque nordique est assez visible dans une société avant tout chevaleresque ; l’influence arabe pénétrait facilement dans des pays étroitement liés à l’Aragon ; un prodige incompréhensible fit que le génie de la Perse prit racine dans cette terre et y fleurit, au temps même où il semble avoir pénétré jusqu’en Chine. »

La « civilisation chevaleresque » de l’Occitanie médiévale s'opposait à la centralisation ; elle estimait que, ce que les seigneurs « désignaient par patrie ; ils l’appelaient langage » : un langage commun.

Le roman et les gothique représentent deux options religieuses antithétiques au sein du monde chrétien.

L'art roman, comme l'amour courtois est inspiré par l'amour surnaturel, qui est attente et nécessite le consentement. Les troubadours appelaient cet amour : Merci.

L'art roman, n’a aucun souci de la puissance ni de la force, mais uniquement de l’équilibre ».

A l'inverse, « Le Moyen Âge gothique, qui apparut après la destruction de la patrie occitanienne, fut un essai de spiritualité totalitaire » 

Lancelot, aborde le conte du Graal ''Perceval '' de Chrétien de Troyes. Simone Weil semble mieux connaître le Parsifal de Wagner. Il parle de La Coupe, et elle voit plutôt une Pierre.

Je rappelle qu'au château du Graal, Munsalvaesche, le roi du Graal, Anfortas, souffre d’une blessure faite par une lance empoisonnée, et dépérit. Parzival observe dans le château maintes choses merveilleuses, avec le Graal ( pas défini), qui pourvoit toute la compagnie abondamment de mets et de boissons. Parzival se garde de poser quelque question que ce soit... Le lendemain matin, le château est vide.

Au livre XV, Parzival retourne au château du Graal et par la question salvatrice : « Mon oncle, quel est ton tourment ? », délivre Anfortas de son supplice. 

 

Pour Simone Weil, le sujet de cette histoire c'est la découverte de l'attention à l'autre, la charité.

« La plénitude de l’amour du prochain, c’est simplement d’être capable de lui demander « Quel est ton tourment ? ». C’est savoir que le malheureux existe, non pas comme unité dans une collection, non pas comme un exemplaire de la catégorie sociale étiquetée « malheureux », mais en tant qu’homme, exactement semblable à nous, qui a été un jour frappé et marqué d’une marque inimitable par le malheur. Pour cela il est suffisant, mais indispensable, de savoir poser sur lui un certain regard. »

Anfortas

 

Le Conte du Graal, met en question une énigme à deux niveaux... Il ne s'agit pas seulement, de trouver une réponse à une question... Il s'agit d'abord de trouver la Question. Et la question n'est pas forcément la même pour chacun...

Pour Simone Weil, sans-doute, sa question concerne le mal, le malheur précisément.

Pour Perceval, j'y vois une question en lien avec la culpabilité ( la mort de sa mère) ; et la réponse en lien avec la Grâce...

Lancelot, cherchait encore sa question : elle commence à résonner ( raisonner) en lui : '' Qu'est-ce que l'homme '' ( l'homme que je suis...) ?

Il faut préciser que '' La Question '' n'est pas Le Graal.

 

Simone Weil, prévient Lancelot :«  La quête du Graal, peut être un détournement, ou un dévoiement, de l’attention. Vouloir trouver le Graal, c’est privilégier la volonté au détriment de l’attention. » ( M.Zinc) L'exemple type, dans le conte, en est Gauvain.

Au début de la Quête, « Perceval ne sait pas que les êtres existent... », insiste Simone Weil.

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Bertrand Russell et l'Entropie

Publié le par Régis Vétillard

Bertrand Russell (1872-1970)

En 1936 - juste après son mariage avec Patricia et avant qu'il parte vers les États-Unis - Bertrand Russell a fait un court séjour à Paris. L'occasion pour lui de rencontrer des scientifiques, et des philosophes engagés dans l'éducation populaire. En effet, Russell s'intéresse à la transmission des savoirs, contre l’obscurantisme. Athée, il dénonce les religions qui se nourrissent de l’ignorance scientifique ; et sur le même plan il s'en prend au nationalisme alimenté par l'école actuelle...

Anne-Laure de Sallembier, même si elle n'est pas souvent de son avis, aime bien Russell : avec sa distinction de lord britannique et beaucoup d'humour, il n'hésite pas à scandaliser l'opinion commune. Elle organise à Paris, une soirée intime et savante, à sa demande avec notamment Paul Langevin et Frédéric et Irène Joliot Curie ; tous curieux de rencontrer cet intellectuel excentrique et respecté. Russell, alors qu'il vient de publier ''Science et religion'' est très intéressé par les récentes découvertes scientifiques.

Paul Langevin (1872-1946) est également préoccupé d'éducation, et défend « la science comme facteur d’évolution morale et sociale », selon le titre de l'un de ses ouvrages.

Irène et Frédéric Joliot-Curie - 1935

Le couple Joliot-Curie a obtenu le prix Nobel en 1935, pour leur découverte de la radioactivité artificielle, créée en laboratoire ; découverte précédée de celle du neutron, particule présente dans le noyau de l'atome.

Tous sont préoccupés de la situation politique en France, et autour de la France. Les récents événement sociaux laissent présager une réaction du peuple français, à l'opposé des allemands, du moins, dit Langevin, si la mobilisation anti-fasciste permet d’entraîner un gouvernement de front populaire qui seul peut combattre une droite tentée par l'expérience fasciste. Anne-Laure de Sallembier, soutenue mollement par Lancelot, semble bien être la seule présente à défendre des valeurs nationales et chrétiennes ; par contre, Russell rejoint la comtesse sur son opinion opposée au communisme. Il n'admet pas que l'on puisse considérer cette idéologie comme libératrice...

Russell, qui a visité l'Union soviétique dès mai 1920, avec une délégation du British Labour, est bien avant Victor Serge ou Souvarine, conscient de la démarche totalitaire du communisme russe.

« Le communisme est enseigné avec le même dogmatisme que la religion en Occident ». Il donne une vision du monde extrêmement simpliste : « le monde est plus riche et plus varié que la formule marxiste »  De plus, « le dogmatisme risque à terme de devenir un grand obstacle pour le développement intellectuel » et en particulier pour le progrès scientifique, comme l’avait été le christianisme, en son temps ; le rejet de la théorie quantique en fournit déjà un exemple...

En effet, la critique marxiste dénonce les penchants idéalistes et bourgeois des scientifiques qui travaillent sur les théories de la relativité et quantiques... La première privilégiant l'énergie sur la matière – au détriment donc du matérialisme – et la mécanique quantique permettant l'abandon de la causalité.

Langevin tente d'expliquer qu'en France, le parti communiste accompagne un grand espoir à l'intérieur des couches populaires ; les intellectuels ont décidé d'accompagner cette révolution pour rejoindre le peuple dans une réelle volonté de justice sociale; et ils s'engagent aussi à défendre la liberté qui ne peut qu'accompagner cet élan... Condamner le communisme sous prétexte de dérapages propres à la société russe, serait décevoir nos ouvriers, et les pousser dans les bras des fascistes...

Langevin a le souci d'ouvrir la science aux classes populaires, il a créé l’Université ouvrière créée avec Romain Rolland et Henri Barbusse (1932). Il compte beaucoup sur ce nouveau moyen de communication qui est la radio, il est d'ailleurs membre du conseil supérieur des émissions de la radiodiffusion.

Frédéric Joliot, réagit à cette argumentation matérialiste, en relativisant la portée de l'incertitude quantique ; en effet, si certaines choses sont incertaines, cela ne veut pas dire qu'elles sont indéterminées... La science a toujours cherché à établir des liens de causalité entre les phénomènes, et cette pratique est extrêmement féconde...

Lancelot demande si l'enseignement n'amène pas le maître à paraître dogmatique, et faire penser qu'il n'y a jamais de doute dans nos connaissances ?

Russell approuve et confirme son intérêt pour l'éducation au doute...

Russell revient sur cette prétention des idéologies à prétendre détenir une vérité, qui permettrait de contrôler la véracité des résultats scientifiques !

- Mais enfin, sir Russell – intervient Anne-Laure, permettez-moi de reprendre les valeurs, et même la conception du monde que m'ont légué mes ancêtres - férus des ''Lumières'' d'ailleurs - ; elles me permettent de donner un sens au progrès dont nous sommes témoin, et auquel vous participez aussi...

-Ma très chère amie, loin de moi l'idée de nous empêcher de bâtir un idéal qui conduirait nos vies. Je distingue la vérité de la véracité, le fait de fonder ses opinions sur des preuves.

 

A la lecture des notes de Lancelot sur cette soirée mémorable, je retiens aussi les propos de Russell sur un argument scientifique qui semblait essentiel dans sa réflexion.

Une future « mort universelle » est inévitable et prouvée par le second principe de la thermodynamique. Tout dans l'Univers est dominé par une tendance à s'épuiser ou se dégrader... Ce que l'on appelle l'Entropie, est toujours plus élevée dans le sens du temps. « Tous les grands travaux de l'histoire, tout l'éclat aveuglant du génie humain, tout est destiné à s'éteindre dans l'immense anéantissement du système solaire, et le temple des exploits de l'Homme à être enfouis sous les débris d'un univers en ruine » B. Russell ( Pourquoi je ne suis pas chrétien)

- Continueriez-vous vos recherches, l'écriture de vos livres, si vous saviez que votre mort serait suivie aussitôt de la disparition de notre planète ?

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1935 - Le nazisme, et les fascismes. 3 - Philosophie

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot est resté secoué par cette rencontre. Il lui a fallu plusieurs jours pour digérer les réponses des uns et des autres... Et surtout, finalement, le manque de réponses satisfaisantes.

Comment peut-on ainsi échanger et mettre en perspective des arguments idéologiques qui sont en train de se mettre en œuvre et de transformer notre vie et qui vont nous donner des raisons de vivre ou de mourir, ou de tuer...

Peut-on d’ailleurs imaginer, ou espérer même, pouvoir se comprendre, et négocier quelque chose de recevable... Alors que l'enjeu est existentiel !

 

Lancelot assume mal, notre apathie, qui ne répond en rien à l'urgence du moment.

Et plus profondément, Lancelot est insatisfait de lui-même... Sur quels fondements repose sa foi en la vie ? Un socle qui lui permettrait d'être certain de ses convictions, de ne plus avoir peur et d'être mu par un volonté de servir la vérité... ?

Ne s'agit-il pas également des fondements de notre société d'après-demain ! Pour demain, que peut-ont-on attendre d'états fascistes en guerre les uns contre les autres, sinon le chaos ? Et donc, aujourd'hui, n'est-il pas essentiel d'être sûr de nous, pour ce que nous allons décider ?

 

Lancelot ne s'est jamais senti aussi proches de ses chevaliers, qui errants et en Quête, étaient plus ou moins prêts à suivre l'Aventure qui allait les conduire à une rencontre, à une épreuve, et leur donner le sens et même l'objet de la Quête...

 

Lancelot a la chance de pouvoir partager son trouble, ses incompréhensions avec sa mère, et avec Elaine.

Anne-Laure connaît bien l'Allemagne, et ses philosophes; la conception du monde d'Hitler, dit-elle est une macédoine d'ingrédients germaniques : l'esprit guerrier pour exalter le surhomme aryen, l'idée d'un état qui s'impose sur l'individu, le conflit des races comme force de l'histoire, le dogmatisme médiéval des Eglises chrétiennes réfuté par Kant. De Fichte, Hitler aurait repris le nationalisme, et l'antisémitisme... Et Schopenhauer lui aurait appris qu'il fallait glorifier la volonté plus que la raison...

Bien sûr, ce fatras d'idées philosophiques pourraient être démenti par chacun des philosophes qui en seraient, dit-on, l'inspirateur : de Nietzsche à Hegel, de Fichte à Kant ; ils ne s'y retrouveraient pas ! - Je ne pense pas, dit-elle, que la pensée allemande soit responsable de la déraison nazie...

Je me demande si la responsabilité ne tient pas à l'élaboration occidentale d'une eschatologie de l'histoire qui se présenterait comme une théologie sans Dieu, et qui satisfait aux aspirations de beaucoup, aujourd'hui... ?

Kant pointe une maladie, qu'il appelle le ''fanatisme moral'' et qui consiste à se sentir possédé par le bien, sans ressentir de contrainte morale, et à exalter le sacrifice de soi... D'ailleurs, Kant dénonce le choix qui en a été fait pendant la Révolution...

 

- Tu remarques, que les nazis n'osent pas rejeter le monument qu'est Kant ; pourtant en totale contradiction... Le ressort de la morale, c'est l'universalisme ( impératif catégorique) ; alors que pour eux, c'est le Führer - porte parole du peuple - qui est le garant de ce qui est bon pour le peuple ( allemand).

 

Pour Elaine, nous avons besoin de comprendre la finalité des enjeux qui se posent aujourd'hui, nous avons besoin de raison, donc de philosophie; mais nous avons besoin de sens, donc de théologie.

Pourquoi ne pas revenir aux sources de notre Tradition : Aristote, Thomas d'Aquin ...

Maritain pointe le néo-paganisme antisémite et anti-chrétien de l’hitlérisme : « Il rive les hommes à des catégories et à des fatalités – biologiques – auxquelles aucun usage quel qu’il soit de leur liberté ne leur permet d’échapper. »

 

Tu remarques, note Lancelot, que les nazis semblent fasciné par l'antiquité, plutôt grecque; et élaborent un curieux mélange gréco-germain. Pour eux, le christianisme - avec sa doctrine universaliste et égalitaire - serait une invention juive pour subvertir l'ordre hiérarchisé germain...

 

Les chrétiens, reconnaît Lancelot, ont la chance de connaître la ''fin''... Une fin inaccessible à la raison, car au-delà de notre existence... Cette connaissance est offerte par la Révélation : elle est pour tous, mais elle est théologique... Est-il possible que Théologie et philosophie se complètent naturellement... ?

- Thomas d'Aquin nous ouvre une porte . Enfin, c'est Maritain, via Thomas qui – pour moi – le fait, répond Elaine

 

Lancelot rencontre un prêtre.

- Vos politiciens parlent de nationalisme ; les chrétiens s'intéressent à l'humanité, l'humain transcende la nationalité. La Vérité n'intéresse pas Hitler, il pense que c'est lui qui construit la vérité. Il pense que la guerre va lui permettre d'affirmer cette vérité. C'est une folie...

 

Le prêtre demande à Lancelot ce qu'il aimerait devenir : Président du Conseil, Général..., un héros ? Lancelot, ne sait pas...

Le prêtre lui dit : moi, j'aimerais devenir un saint..

Lancelot répond : « j’aimerais apprendre à croire ».

Le prêtre ajoute : vous êtes plus près du but, que moi... Puisque le christianisme n'est pas réservé à une élite, il est ouvert à tout homme désireux de devenir humain, pleinement humain...

Pourtant, dit le prêtre, vous n'y arrivez pas seul ; c'est bien ça ? Ce manque que vous ressentez me dit, que vous êtes prêt du but que vous recherchez...

 

Il est difficile de savoir à quoi l'on croit et si l'on croit vraiment...

Qui est Jésus-Christ pour aujourd'hui... quel rapport entre la foi et le fascisme ( qui est un monde sans Dieu )... Comment ce monde s'accomplit-il en Dieu ?

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1935 - Le nazisme, et les fascismes. 2

Publié le par Régis Vétillard

Cette réunion fait ensuite le point sur la politique étrangère, et soumet des axes de réflexion pour de futurs articles sur l'année 1935-1936... Ensuite la réunion est, semble t-il, devenue plus informelle et les notes relevées par Lancelot reflètent l'intensité des échanges.

 

- Le fascisme, dit Drieu, ne présente pas de dialectique au contraire du communisme, comme lui il est pragmatique. On juge la société qu'il prône à ses résultats . Il n'y a pas de fascisme universel, il n'y a que des fascismes, chacun étant lié à un espace national, culturel...

- Pragmatique, je le suis aussi, quand je prend acte de l'existence du nazisme et de ce qu'il apporte à la communauté allemande. Il a mis fin à une période de désordre ; pour une Allemagne dynamique qui s'est relevée des pires difficultés économique.. !

Sans-doute est-ce le témoignage vibrant de Drieu sur ce qu'il a vu à Nuremberg qui a délier les langues sur nos craintes pour les uns, nos aspirations pour les autres...

- Cent mille personnes qui regardent défiler et danser cinquante mille jeunes gens. Des chœurs et des chants admirables : une tragédie antique. C'était écrasant de beauté !

Bien qu’essentiellement pragmatique, il y a une dimension spirituelle dans le fascisme : il s'agit d'une mystique nationale, liée au paganisme, aux forces du milieu présentes dans la tradition...

 

- Remarquez ceci, dit Alfred Fabre-Luce – L'Europe a voulu lutter contre la Révolution Française. Et, qu'ont fait nos voisins ? ils ont fait des concessions à la démocratie... Et bien, il nous faut aujourd’hui faire des concessions au fascisme pour lutter contre le nazisme ( un fascisme étranger). D’un certain point de vue, défense de la liberté, limitation de la liberté sont devenues synonymes. 

Je ne veux pas rester tourné vers le passé. Observons notre temps, avec la volonté d'en saisir les mécanismes, d'en démonter les rouages, pour aller hardiment au cœur des choses, à l'essentiel.

 

Drieu la Rochelle reprend :

- Je refuserais volontiers que la politique ne soit que fonctionnelle, je souhaiterais qu'elle soit éruptive, une révolution permanente et non statique Le communisme en URSS est devenu une forme dénuée de mouvement..

- Les événements de février 1934, ne sont redevables ni à la droite, ni à la gauche … ! C'est l'expression d'un rejet de la politique ; et j'ai reconnu là, le miracle de la vie...

L'agent de cette force, c'est la jeunesse ; elle est force de destruction et ne peut s'opposer aux partis de gauche et de droite...

Pour aller de l'avant, il faut un tiers parti, fasciste c'est à dire social et national. Fasciste parce qu'en rupture... Fasciste parce qu'en fidélité exclusive à un chef.

Doriot - PPF - 1936

Qui, en France, serait le chef ?

- Il n'existe pas encore... Peut-être, sûrement ... Doriot.

« La grande pensée, c’est celle-ci: l’homme s’est aperçu qu’il était en train de mourir et il a voulu se sauver. L’homme s’est aperçu qu’il était en train de mourir dans son corps et qu’il ne pouvait se sauver qu’en sauvant son corps. » «Le PPF, est le parti du corps vivant» (1937), dans Chroniques politiques de Drieu.

- Le corps sportif, jeune est une bonne image ; parce que le corps biologique, comme le corps politique, sont condamnés à se restaurer sans cesse dans le mouvement.

 

Une argumentation opposée s'exprime, en particulier avec Pierre Brossolette.

P.Brossolette 1903-1944

Il reconnaît avoir pensé qu'Hitler ne préparait que le retour des Hohenzollern, et un retour du conservatisme passé. Aujourd'hui, on assiste au déchaînement de la plus violente et la plus décourageante des frénésies nationalistes ; et dont on ne peut attendre que la guerre.

Le fascisme allemand, mais également tout fascisme, déshumanise l'homme.

L'humaniste, le républicain aussi, a foi en l'homme, mais il parie sur la personne. Le fascisme a foi dans le sang de la race au mépris de l'individu. L'individu y abdique sa liberté. Le fascisme excite la haine du peuple contre l'étranger..

 

Lancelot reprend quelques arguments de Jean Cavaillès. - Premier point : le nazisme consiste dans la haine et le refus de l'universel. - Un deuxième point caractéristique du fascisme: l'uniformité et la disparition de l'homme derrière le parti. - Un troisième point : le germain aurait recours au cœur, à l'intuition de la race, contre le rationnel, l'intellectualisme, qui ne serait qu'un jeu des juifs et des étrangers... Simpliste et absurde!

Enfin en Allemagne, la propagande massive n'est possible qu'avec une puissante aide financière, et le soutien des petits bourgeois ( fonctionnaires, commerçants, industriels..) exaspérés qui aspirent à l'ordre.

 

De la discussion animée qui suit, Lancelot a noté que le fascisme parlerait plus de fraternité que de liberté, et d'égalité;  parce que le fasciste abandonne une partie de sa liberté au profit de la collectivité ; et l'égalité au profit de la hiérarchie.

Cependant : tous considèrent que, on peut craindre une Allemagne nazie qui militarise et affirme la supériorité de la race aryenne ; même si certains minimisent le danger et doutent qu'elle puisse signifier la disparition physique de la race juive, ils ajoutent : on peut déplorer la cruauté, mais cela ne peut faire oublier le problème de la ''question juive''...

Hitler en parade à Nuremberg, novembre 1935

Drieu, continue :

- Il y a une ''joie fasciste '' manifestée par ses adhérents ; on peut la critiquer, mais elle est là.

On est frappé en Allemagne de ressentir l'enthousiasme du peuple pour fêter sa poésie, son romantisme wagnérien...

- L'impérialisme allemand ne doit pas être oublié ! C'est à nous de nous présenter aussi forts ! Nous pourrions faire aussi bien, mais notre démocratie est décadente, passive avec une morale de midinette … Il nous faut retrouver le sens d'un ordre nouveau, le goût de l'héroïsme, l'exigence de la grandeur.

Drieu maintient que l'esprit fasciste est anti-conformiste, donc anti-bourgeois...

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1935 - Le nazisme, et les fascismes. 1

Publié le par Régis Vétillard

Ce devait être en Octobre 1935.

Drieu la Rochelle rentre d'Allemagne et d'URSS. En début d'année, il a publié ''Socialisme fasciste'' ; insensible au rassemblement des gauches, il recherche l'homme providentiel et pense déjà à Doriot.

Brossolette s'est engagé dans les instances de la SFIO et travaille à Radio-PTT.

Lancelot participe à une réunion peu ordinaire dans les locaux de '' L'Europe Nouvelle '' 73bis, quai d'Orsay. Cette revue politique est spécialisée dans les questions de politique étrangère, fondée dans le sillage de la S.D.N était dirigée par Louise Weiss, qui la quitte en 1934 déçue par le contexte international et la perte de prestige de la S.D.N. L'un de ses derniers éditoriaux est titré : « On ne pactise pas avec Hitler ».

Madeleine Gex-Le Verrier reprend la direction autour de collaborateurs renommés mais divisés sur l'esprit à donner à cette revue qui conserve une grande influence auprès des élites, et qui se rattache à l'idéal de la politique de Briand.

Sont présents une douzaine de personnes dont, le rédacteur en chef, Alfred Fabre-Luce, Pierre Dominique, René Esbly, Pierre Brossolette, Henri Noyelle, Drieu la Rochelle...

Lancelot accompagne Max Hermant, agrégé de l’université et économiste, spécialisé de l’Allemagne, qu'il a proposé pour un exposé sur ce qui caractérise l’Allemagne et son régime actuel, le nazisme.

 

Max Hermant explique un sentiment largement partagé en Allemagne actuellement, et qui explique, partiellement, la montée du nazisme (une force politique intrinsèquement anti-démocrate) : ce sentiment serait que la démocratie est un système qui ne correspond en rien à la tradition et à la culture germanique ; est visée précisément la République de Weimar, vue comme un régime politique en quelque sorte étranger, et ne pouvant fonctionner en Allemagne. Ce régime serait lié au '' Diktat '', c'est-à-dire au traité de Versailles, jamais accepté en Allemagne.

 

Max Hermant a lu et étudié Mein Kampf d'Adolf Hitler, dans sa traduction intégrale de Gaudefroy-Demombynes et Calmettes, de 1934.

Mein Kampf n'est pas qu'un livre politique ; même s'il est mal écrit, il sous-tend une conception du monde.

Quelques exemples : pour ce qui est de l'Education : la culture physique vient d’abord, la formation du caractère ensuite, l’instruction en dernier lieu. Il s’agit, d'abord, de stimuler des énergies, à base de santé physique. ( Mein Kampf, p. 430)

Le racisme, un des aspects du nazisme, représente un but : la race se doit de prendre conscience d'elle-même en vue de constituer un Etat. Si Dieu a donné aux hommes leur nature, alors : «détruire son oeuvre, c’est déclarer la guerre à la création du Seigneur, à la volonté divine» ( Mein Kampf, p. 558.). Notre effort doit être de se conformer à la nature : croire qu’il faut la vaincre, c’est une «absurdité d’origine juive».

L’effort physique, la guerre, la concurrence des races sont dans la nature : « L’homme ne doit jamais tomber dans l’erreur de croire qu’il est véritablement parvenu à la dignité de seigneur et maître de la nature. Il doit, au contraire, comprendre la nécessité fondamentale du règne de la nature et saisir combien son existence reste soumise aux lois de l’éternel combat et de l’éternel effort, nécessaires pour s’élever » ( Mein Kampf, pp. 286, 243.). La race conditionne toute culture; son abâtardissement est à l’origine de toute décadence. « C’est dans le sang, seul, que réside la force ou la faiblesse de l’homme » ( Mein Kampf, p. 338.) .

L'âme de la race, est une force primitive dont les parties agissent chez chaque homme sous forme d’âmes individuelles. L'âme est donc collective. D’où la subordination de l’intelligence à la communauté, faute de quoi l’intelligence est destructrice. ( Mein Kampf, p. 297.)

Le chef : « tout ce qui est, en ce monde, véritablement grand... a toujours été conquis par un vainqueur unique » ( Mein Kampf, p. 513.)

L’homme est une composante de la nature, indissolublement et totalement liée à elle, il ne prospérera qu’en retrouvant la loi de la jungle, la sélection animale basée sur la reproduction des forts, l’élimination des faibles et l’entretien de la force corporelle par l’exercice; il visera à sélectionner un peuple de maîtres, et, dans ce peuple, des chefs, en fonction non du savoir mais du pouvoir et de la volonté; il dirigera l’éducation par des «mythes», le Sang, la Terre ; les illustrations seront tirées des éléments vitaux de la nature, ces forces agissantes vont détrôner les valeurs spirituelles actuelles..

Le nazisme « est le contraire même d’une religion catholique » : par la négation de l’âme humaine en ce qu’elle a d’individuel et de non animal; par la morale du groupe, qui en découle; et par la résorption de Dieu dans l’Etat, dans la race élue, dans son chef «Verbe et Médiateur».

( à suivre)

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1935 – Le danger d'une Allemagne nazie.

Publié le par Régis Vétillard

Dans les couloirs de la Chambre, et au ministère, Lancelot croise et rencontre fréquemment le député Gaston Bergery. Il a plaisir à échanger avec cet homme dont les propos sont rigoureux et rationnels. Il réussit à entraîner autour de lui des personnes un peu plus originales que les adhérents partisans des grandes organisations. A la suite de Jouvenel, Lancelot est séduit par cet homme promis certainement à un grand avenir. Conseiller général et député radical de Seine et Oise, Bergery est éditeur depuis 1933 de la revue frontiste ''La Flèche''.

Gaston Bergery

Bergery tente de promouvoir, un projet antifasciste, au-delà des partis traditionnels, et sans ceux de La Rocque qui, dit-il, prépare les français à l'acceptation du fascisme ( dans L'Europe Nouvelle, 1er déc. 1934)

Jouvenel le suit, il parle d'un rassemblement large des dissidents, jusqu'à des partisans de la Rocque qui sont déçus par la faiblesse de son programme politique et doutent de sa capacité d'homme d'état. Quelle forme donner à ce rassemblement ?

Les groupes Esprit et Ordre Nouveau sont intéressés par une troisième voie, Rougemont écrit : « une masse croissante d'hommes savent ce qu'ils ne veulent pas : la guerre, l'anarchie capitaliste, la dictature, le Comité des Forges, la diplomatie moscoutaire, le parlementarisme, la grande presse. Rien de plus frappant que cette communauté de refus à gauche et à droite. Il est temps de donner à ces troupes une volonté commune constructive à la fois contre Wendel et contre Mitvinov » (Où en est la France 1935).

Un Front Populaire, avec les communistes... ? Une idée de Staline, selon Bergery, qui se sent menacé par les allemands et les japonais. Actuellement, « un front populaire ne réunirait que des réformistes sans réforme et des révolutionnaires sans révolution ! » dit-il.

Cependant, Bergery accepte de participer au Front populaire qui se forme sur un programme ; même s'il s'attend aux élections de 1936 à un échec. Il appelle à une ''réconciliation française'' dirigée contre la classe des 200 familles... Mussolini et Hitler doivent trouver en France, un gouvernement jeune, audacieux, et ayant le sens de la grandeur... Nos nations sont sensibles aux prestige des autres...

- Mais, cela ne nous amènera t-il pas à nous mettre au diapason des fascismes ?

- Non, il nous faut sauvegarder la démocratie, et rivaliser en ardeur et en cohésion, afin d'établir avec eux une paix durable.

- Et l'alliance avec les russes ?

- Peut-être ; mais sans heurter l'Allemagne... De toute manière, le Traité de Versailles n'étant plus opératif; il serait temps d'une négociation d'ensemble …

Lancelot lui, n'a pas de doute sur les intentions guerrières d'Hitler. Au mieux on peut, éventuellement, espérer sur une chance de rester hors des nouveaux conflits qui s'annoncent...

Depuis 1933, nous connaissons le contenu de Mein Kampf, mais Hitler refuse une traduction en Français ; cependant réalisée en 1934 par Calmette. Un procès ne permet pas de la publier.

 

Comme nos renseignements nous l'avaient prédit... Prétextant du pacte franco-soviétique, les troupes allemandes occupent la Rhénanie démilitarisée, le 7 mars 1936.

Otto Abetz

 

Lancelot est également informé, des renseignements que nos services peuvent reconstituer sur des allemands présents sur le sol français, en particulier :

Otto Abetz, l'ami allemand de Jean Luchaire a épousé en 1932 sa secrétaire Suzanne de Bruyker. En 1935, Abetz qui a rejoint le NSDAP depuis 1931, est l'homme de confiance de Joachim von Ribbentrop, le conseiller officieux de Hitler pour les affaires étrangères. Agent d'influence en France, il convainc des dirigeants d'associations d'anciens combattants français, notamment Jean Goy pour l'UNC et Henri Pichot pour l'UF de fonder une association française militant pour un rapprochement franco-allemand, en jouant sur les sentiments pacifistes et anticommunistes des Français, tout en exaltant l'œuvre d'Hitler ; son nom : le Comité France-Allemagne , siège social au 94, boulevard Flandrin. Henri de Kérillis n'aura de cesse, de dénoncer les agissements du Comité, en particuliers ceux de Fernand de Brinon et d'Otto Abetz. Le gouvernement, informé bien-sûr, ne tient pas à intervenir pour ne pas fâcher l'autorité allemande.

Aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, les membres du C.F.A. seront somptueusement reçus. En retour, ils vont s'efforcer de bien accueillir les allemands nazis en France...

 

Le baron von Dincklage, est attaché de presse à l’ambassade d’Allemagne, rue Huysmans. Il participe pour Berlin au financement d'une presse nationaliste et antisémite française, comme le quotidien Le Jour, fondé en 1933 par Léon Bailby.

Avant cela, en 1928, il s'est installé avec sa femme Maximiliana von Schoenebeck, à Sanary, dans le sud de la France. Un modeste village de pêcheurs, découvert par quelques artistes dont Cocteau ; et populaire chez les compatriotes de von Dincklage, pour beaucoup des exilés juifs... En 1933, il se présente comme le représentant national d’une entreprise de caisses enregistreuses, et se rend régulièrement en Allemagne.

Von Dinklage vers 1935

Le baron Dincklage prend ses fonctions à l'ambassade d'Allemagne en octobre 1933. La domestique du couple, Lucie Braun, est membre de la section française du NSDAP, et participe à alerter les services de la Sûreté ( ministère de l'intérieur). On surveille leur train de vie, deux appartements pour ceux qui se disaient réfugiés à Sanary, et on note leurs contacts avec des ingénieurs allemands qui travaillent dans des usines de la banlieue de Paris.

Une cellule nazie de deux , puis trois centaines de membres se réunit au 53, boulevard Malesherbes.

En novembre 1935, les lois de Nuremberg considère Maximilienne von Dincklage comme juive ; le baron avait anticipé et divorcé de sa femme trois mois plus tôt..

 

Le 9 octobre 1934 à Marseille, Le roi de Yougoslavie Alexandre Ier et le ministre français des Affaires étrangères, Louis Barthou, furent victimes d'un attentat commis par un nationaliste bulgare. Dincklage est soupçonné par nos services, d'avoir participé à l'organisation de l'attentat contre le roi venu soutenir la France contre l’Allemagne nazie. Dincklage quitte alors l’ambassade pour Londres, en particulier le Dorchester Hotel à Mayfair, où il retrouve Stephanie von Hohenlohe, amie intime de dirigeants nazis, propagandiste et espionne nazie.

 

Karl Heinz Bremer enseigne l’allemand à la Sorbonne et à l’École normale ; il se dit proche du parti nazi..., ami de Robert Brasillach.

Karl Epting, proche d'Otto Abetz, travaille à Paris depuis 1933, comme directeur du bureau parisien de l'« Office allemand d'échanges universitaires ». Il soutient l'auteur français Céline, et tente, dit-il, de faire connaître Voyage au bout de la nuit, en Allemagne. Il soutient à ses amis qu'une nouvelle guerre est inévitable ; justifié par le « refus permanent des droits vitaux allemands par l’Occident » et sachant que « l’interventionnisme fait apparemment partie du caractère français ». la solution ''autoritaire est la seule qui peut libérer l'Allemagne du « diktat de Versailles ». Karl Epting aime reprendre le terme allemand de '' Auseinandersetzung '' pour expliquer le rapprochement France – Allemagne ; ce terme ambiguë exprime le dialogue par la confrontation ; et «  met chacun à la place qui lui est propre » !

Friedrich Sieburg, est un auteur allemand qui a l'estime des milieux parisiens. Ainsi sa biographie de Robespierre, publiée en allemand en 1935 et presque aussitôt traduite en français chez Flammarion, par Pierre Klossowski (1936). Auparavant c'est '' Dieu est-il français ?'' (Gott in Frankreich ?), publié par Bernard Grasset en 1930, qui obtient un certain succès. En 1933, il publie ''Que l’Allemagne advienne''. Sa vision de la France est celle d'un pays, aimablement arriéré, figé dans l’esprit « latin », qui s'attribue le monopole de la civilisation, animé d’un « esprit de croisade ». En 1933, rival d'André Malraux, il eut une liaison avec Louise de Vilmorin.

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Oct. 1935 : L’Éthiopie et le Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et la paix en Europe.

Publié le par Régis Vétillard

Le 3 octobre 1935, l'invasion de l'Éthiopie par l'Italie de Mussolini, fait la une des quotidiens... Cette nouvelle, n'est pas seulement celle d'un incident colonial ; chacun ressent qu'elle peut annoncer un emballement selon les réactions de nos pays. Faut-il réagir contre l'Italie comme le demande l'Angleterre ? Ne sommes-nous pas nous-mêmes comblés de colonies ? Devons-nous choisir entre une Angleterre ''injuste et excessive '' et une Italie accusée d'agression, et contre laquelle Léon Blum demande à ce que les sanctions prévues soient appliquées. «  les peuples doivent rester solidaires malgré les efforts de Mussolini pour les diviser ». Hitler n'attend-il pas l'occasion de proposer tout son soutien à Mussolini ?

 

Luchaire se veut toujours un profond défenseur de la paix, et s'oppose aux sanctions évoquées contre l'Allemagne, puis l'Italie …

Très vite s'exprime le Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et la paix en Europe, paru dans l'Action Française, et le Temps du 4 octobre 1935.

« A l'heure où l'on menace l'Italie de sanctions propres à déchaîner une guerre sans précédent, nous, intellectuels français, tenons à déclarer, devant l'opinion tout-entière, que nous ne voulons ni de ces sanctions, ni de cette guerre.

Ce refus ne nous est pas seulement dicté par notre gratitude à l'endroit d'une nation qui a contribué à la défense de notre sol envahi : c'est notre vocation qui nous l'impose.

Lorsque les actes des hommes, à qui le destin des nations est confié, risquent de mettre en péril l'avenir de la civilisation, ceux qui consacrent leurs travaux aux choses de l'intelligence se doivent de faire entendre; avec vigueur la réclamation de l'esprit. .

On veut lancer les peuples européens contre Rome.

On n'hésite pas à traiter l’Italie en coupable, à la désigner au monde comme l'ennemi commun - sous prétexte de protéger en Afrique l'indépendance d'un amalgame de tribus incultes ».. (…)

Ce conflit fratricide qui mettrait la sécurité de notre monde à la merci de quelques tribus sauvages, mobilisées pour d'obscurs intérêts, ce conflit ne serait pas seulement un crime contre la paix, mais un attentat irrémissible contre la civilisation d'Occident, c'est-à-dire contre le seul avenir valable qui, aujourd'hui comme hier, soit ouvert au genre humain. Intellectuels, qui devons protéger la culture avec d'autant plus de vigilance que nous profitons davantage de ses bienfaits, nous ne pouvons laisser la civilisation choisir contre elle-même. Pour empêcher un tel suicide, nous en appelons à toutes les forces de l'esprit. » Extraits...

L'Ethiopie face à la Société des Nations

 

Dans le Populaire du 5 octobre, une réponse collective est formulée par Jules Romains: elle regrette que le manifeste soutienne une guerre «  sous sa forme la plus odieuse, la guerre d'agression ». Dans cet article, les signataires « s'étonnent aussi de trouver sous des plumes françaises l'affirmation de l'inégalité en droit des races humaines, idée contraire à notre tradition.»

Emmanuel Mounier, François Mauriac et Jacques Maritain répondent par un « manifeste d'intellectuels catholiques pour la justice et la paix », dénonçant toute guerre de conquête au nom « du Christianisme et de la raison d'être de la civilisation occidentale », manifeste qui fut publié dans la revue Esprit de novembre 1935.

Le 18 novembre 1935, la SDN condamne l'Italie par des sanctions économiques ; mais l'Allemagne nazie approvisionne l'Italie...

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1935 – Pierre Laval.

Publié le par Régis Vétillard

Josée et son père Pierre Laval

Le 19 août 1935, Josée Laval épouse le comte René de Chambrun en la basilique Sainte-Clotilde de Paris. Anne-Laure de Sallembier reçoit une invitation pour la réception du mariage ; non du fait de sa proximité avec la famille ; mais parce qu'elle appartient au réseau d'influence entourant Florence Gould, qui reçoit à l'hôtel Meurice à Paris où elle tient salon, le jeudi. Florence Gould avaient, dès 1924, créé ses repas littéraires : les Meuriciades, auxquels participent encore Mauriac, Léautaud, Paul Morand, Gide...

La mère de Lancelot a en tête - pour faciliter la carrière de son fils – de pallier à l'absence de son mentor Painlevé ; en présentant son fils au ministre Laval. Il ne s'agit pas d'un choix influencé par le charme de l'homme ; mais, peut-être, par celui dégagé par sa fille, et son entrain qui remédie fortement au manque de charisme du père...

Pierre Laval (1883-1945)

Lancelot explique à sa mère, pour la dissuader, que l'homme Laval est à mille lieux de ce que pouvait représenter Painlevé. Ce n'est pas un intellectuel, encore moins un littéraire ou un scientifique. C'est un ''beau-parleur'', il semble avoir peu approfondi son sujet, et y pallie par une attitude à coller à ce que son interlocuteur souhaite de lui ; mais ne prend jamais une position définitive.

Pierre Laval fait partie de cette classe politique qui tient les rennes de la IIIème République, les ministres se cooptent, s'échangent leurs bureaux, partent et reviennent...

Anne-Laure a du mal à cerner la position de son fils à l'intérieur du ministère. Sans doute ne lui a t-il pas préciser ses fonctions exactes ; nous-mêmes avons du mal à les reconstituer. Lancelot est au service des politiques qui passent dans les ministères, et en particulier celui de la Guerre et du président du Conseil. Il est chargé d'informer les décisionnaires politiques des résultats de l'investigation des services de renseignements à l'étranger. Lancelot est également documenté par le renseignement militaire sur des allemands présents en France et classés par la Sûreté comme ''agents de propagande nazie'' ; certains dépendent, mais pas seulement, de l’ambassade ou ou de l'office de tourisme allemand, avenue de l'Opéra.

En 1931, Pierre Laval devenu Président du Conseil, s'est rendu aux États-Unis. Sur place le franco-américain , René De Chambrun, a déjà fait visiter le pays au Maréchal Pétain, qu'il connaît depuis son enfance... Cette même année, il a donc aussi reçu Laval et sa fille ( premier contact entre René et Josée ) et ont rencontré le Président Hoover.

Pierre Laval serait le disciple d'Aristide Briand. La France reste encore puissante, il séduit Hoover et les américains et affirme à chacun qu'il veut la paix.

 

Jean Luchaire, s'est dit impressionné par son voyage à Berlin, en mai 1934. Il a 33ans, il garde son brio, son entrain ; sort beaucoup, s'affirme dandy et esthète ; le ''maître à penser'' de cette génération est Paul Morand.

Sa revue '' Notre Temps '' constitue sa ''tribu'', autour du« trio de grands inséparables » - que sont Jean Giraudoux, Luchaire, et Drieu la Rochelle - comme les appelait Natalie Clifford. Il invite des grands auteurs, incite au débat. Il côtoie de près Drieu, Giraudoux, Sarment, Dekobra, Pierre Benoît ou Mac Orlan, Julien Green, Jean Prévost ou Simenon, Claude Aveline, ou le journaliste littéraire Marcel Espiau ( qui se dit luchairien).

Pierre Laval signe un accord avec Benito Mussolini (à droite) en 1935

L'actualité est fournie et il est laborieux de décrire et défendre les positions exactes des pays voisins de la France ; par exemple, pour ce qui est de l'Italie : rappelons, qu'en 1934 Mussolini ( qui dirige l’Italie fasciste depuis 1925) a envoyé des troupes sur la frontière du Nord pour faire échouer la tentative d'annexion de l'Autriche, par Hitler... Mussolini dénonce le national-socialisme comme une « barbarie » qui « serait la fin de notre civilisation européenne ».

Le 9 octobre 1934, Laval est revenu au ministère des affaires étrangères, après la mort de Barthou. Depuis 1933, l'Allemagne ne paye plus les réparations, elle a claqué la porte de la Conférence du désarmement, et quitté la SDN.

Lors de la conférence de Stresa qui se déroule du 11 au 14 avril 1935, l'Italie, le Royaume-Uni et la France condamnent conjointement les violations allemandes du traité de Versailles.

 

Jean Luchaire se veut être, plus qu'un politique, un patron de presse( ''Notre Temps''). Toujours à cours d'argent, il en vient à accepter de l'argent, du quai d'Orsay ( sur fonds secrets) , mais aussi d'Allemagne. Pierre Brossolette le soupçonne de recevoir les fonds d'Otto Abetz... Des amis partent, Pierre Brossolette en 1934 à Robert Lange en 1935.

 

Vendredi 7 juin 1935, Pierre Laval est nommé Président du Conseil, pour un nouveau gouvernement, le troisième en un peu plus d’une semaine. Il affirme à chacun qu'il veut la paix.

Luchaire se réjouit de la constitution du cabinet Laval lequel serait « déjà en passe de recueillir, sur le terrain international, l'héritage de Briand » ( Luchaire, « Ministère Laval, ministère de trêve », Notre Temps, n°562, 14/06/1935.) »

« L'expérience Laval techniquement bien conduite, constitue la dernière chance de l'économie libérale » ( Luchaire, « Suprême tentative de déflation », Notre Temps, n°568, 26/07/1935). »

 

Mardi 18 juin 1935, est signé un accord naval entre les britanniques et l’Allemagne ce qui trahit les accords de Stresa, et constitue, de fait, l'abrogation du traité de Versailles !

Mercredi 26 juin 1935 est institué en Allemagne le travail obligatoire : la jeunesse allemande durant les six mois qui précèdent le service militaire, est rassemblée dans des camps, hommes et femmes construisent des routes, des casernes ou encore des logements.

En 1935, la ''crise'' est là. En juillet, Pierre Laval met en place une sévère politique d'austérité. La grande majorité des dépenses publiques sont réduites de 10% tout comme les salaires des fonctionnaires et les pensions des millions d’anciens combattants. L’impôt sur le revenu lui, est majoré de 10%. En contrepartie, les ménages français voient leurs loyers et factures de gaz, d’électricité diminuer de 10%.

Josée Laval (1911-1992)

Pierre Laval s'est rendu à Moscou en mai 1935. A Staline, il soutient le rapprochement... et espère faire peur à Hitler.

Le 15 septembre 1935, en Allemagne sont adoptées les lois de Nuremberg : les Juifs sont privés de leur citoyenneté et de leurs droits politiques. Le drapeau à croix gammée est officiellement adopté comme drapeau national du Reich allemand, en remplacement du drapeau impérial.

Pour le ''Time'' : Pierre Laval est l'”homme de l’année” 1935. Sa fille Josée a épousé le comte René de Chambrun ; le couple fait des affaires, va aux courses, et le soir s'habille de haute couture.

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Juin 1935 : Congrès international des écrivains

Publié le par Régis Vétillard

Aragon, André Gide et Malraux

Ce soir d'ouverture, à la mutualité, prend place jusqu'au balcon, une foule ardente composée d'une majorité de jeunes. A la tribune, André Gide et André Malraux président ; ils sont entourés d’écrivains soviétiques, mais aussi d'Heinrich Mann, Egon Erwin Kisch pour l’Allemagne, d'E. D'Ors pour l'Espagne, de Sforza pour l'Italie, de Forster pour l'Angleterre, et aussi de Barbusse, Benda, Bloch, Guehenno, Cassou, Vaillant-Couturier, Nizan pour la France.

Ilya Ehrenbourg, est là, ambassadeur culturel de Moscou. La politique des communistes est alors à l’ouverture et le congrès de la Mutualité veut accueillir toutes les tendances antifascistes, tant qu’elles ne critiquent pas l’Union soviétique.

André Malraux lit un télégramme de Romain Rolland. A part Forster qui déclare ne pas être communiste, mais le serait s'il était plus jeune et plus brave, et Julien Benda, courageux, qui tient à clarifier que pour lui il y a une conception occidentale de l'Art qui s'appuie sur la métaphysique grecque, et une conception communiste de l'Art, matérialiste et qui annihilerait la culture du passé ; à part ces deux orateurs, le congrès s'annonce dans sa participation très favorable à la révolution communiste... Sauf encore, Robert Musil, mais il s'adresse en allemand ; et la presse se plaint de ne pas avoir reçu la traduction. Seuls les auditeurs connaissant la langue allemande, entendent un discours qui renvoie dos à dos bolchévisme et fascisme... !

Palais Mutualité-Le congrès des écrivains de juin 1935

« Je crois que ce qui retient bon nombre de nos écrivains, c’est leur manque de confiance dans le prolétariat, et même… un manque de confiance en l’homme. » selon André Malraux, à la tribune.

 

Le discours d'Erwin Kisch, lui, est lu en français par Vaillant-Couturier... Le soviétique Luppol, reprend le débat sur la culture, et les valeurs du passé ; valeurs que seul le prolétariat est en mesure de critiquer.

Barbusse n'est pas en forme et ennuie l'assemblée. Klaus Mann pétrifie la salle en lisant des témoignages d'artistes restés en Allemagne. Malraux improvise, s'agite... Le cas de ''Victor Serge '' divise la salle; mais la tribune clôt le débat et affirme sa confiance à l'égard de l'Union soviétique.

Haldous Huxley

Lancelot parvient à saluer Aldous Huxley qui le reconnaît, malgré l'épaisseur de ses verres. S'il ne croît pas à un régime fasciste dans son pays ; il remarque une fascisation des esprits ; pourtant il doute que l'on puisse longtemps – comme en Allemagne – réduire un peuple au rang de primitif, et enrégimenter la science comme le font les nationaux-socialistes. Michaël Gold du Daily Worker de New-York, note que même aux Etats-Unis des écrivains comme Mencken ou T.E. Elliot peuvent se fasciser... Si certains magnifient les pionniers du passé... Nous autres, dit-il, nous sommes pour les ouvriers, les pionniers de l'avenir... ! Les intellectuels lui semblent bien impuissants ; les ouvriers s'il s'organisent, peuvent vaincre le fascisme...

 

Lancelot et Elaine sont frappés par cet espoir que tous ( presque ) ici, semblent mettre dans la vocation collective des ouvriers, des paysans, des travailleurs... Voilà une foi, qu'ils ont du mal à partager...

Ils ont pu entendre la réponse que fait Alexis Tolstoï à un journaliste, qui lui demande si un tel congrès serait possible en Union Soviétique ?

- Dans notre pays, un tel congrès n'aurait pas de sens, puisque chez nous, cent soixante-dix millions de volontés sont tendues justement vers la conquête de la culture. Il n'est pas question de défendre celle-ci, mais de la répandre, de la répandre toujours davantage.

-Riche de l'expérience soviétique, pensez-vous que les intellectuels soient capables de défendre efficacement la culture ?

- Non, non, proteste Tolstoï. Je vous le dis très sérieusement. Les intellectuels isolés de la masse des lecteurs prolétariens doivent à tout prix modifier leurs conceptions...

Henri_Barbusse, Alexej_Tolstoi, Boris_Pasternak - Paris_1935

Lancelot se rapproche de Gide, qui explique que l'important c'est que les écrivains aient compris la nature du danger qui les menace et que, dans ce sentiment, ils se soient réunis par-dessus toutes les divergences particulières. La culture est menacée par le fascisme, n'est- ce pas la pensée profonde de chacun de nous ?

Beaucoup – parmi les radicaux et les socialistes – veulent rester confiants, l'antifascisme relève d'un contenu républicain, et donc d'une culture nationale... La France ne peut être fasciste !

 

Une question reste sous-jacente difficilement abordable, c'est '' la question russe '' et la possible critique du régime soviétique, avec l'actualité des premiers procès de Moscou.

Cette question est sans-doute la raison d'un certain malaise qui empêche Lancelot de communier à la ferveur communiste. Elaine l'explique plus fortement encore, par un confusionnisme ici entretenu. Le communisme chercherait dans notre culture, nos traditions, de quoi se masquer pour nous vendre leur révolution ; et plus exactement dit-elle – alors qu'elle vient de lire le ''Staline : Aperçu historique du bolchevisme '' de Boris Souvarine – pour vendre la dictature de Staline... !

L'ordre du jour, ici serait plutôt de défendre l'idée qu'en Union Soviétique la pensée libre y reçoit les plus grandes possibilités de développement. André Gide déclare : « Je n'admire rien tant en U.R.S S. que ce grand souci de protection, de respect des particularités de chaque peuple, de chaque petit Etat compris dans la grande Union soviétique; respect de la langue, des mœurs, des coutumes, de la culture, particulières à chaque petit Etat.

Lequel respect va directement à l'encontre de ce reproche courant fait au communisme et à l'U.R.S.S. de tenter d'égaliser, de niveler et d'uniformiser tous les hommes de l'immense Russie, en attendant de pouvoir opérer sur la terre entière. (...)

Ce que nous attendons de lui, et ce que commence à montrer l'U.R.S.S. après une dure période de luttes et de contrainte momentanée en vue d'une libération plus complète, c'est un état social qui permette le plus grand épanouissement de chaque homme, la venue au jour et la mise en vigueur de toutes ses possibilités. »

Le soir , dans la journée, les discussions se poursuivent au bar de la Mutualité ou autour des cafés alentour, en particulier pour Lancelot, à une table des Deux Magots.

 

Le 24 juin après-midi, Lancelot dut se rendre à la garden-party organisée au ministère des affaires étrangères par M. Pierre Laval, en l'honneur des congressistes, non pas des écrivains, mais des chambres de commerce mondiales qui étudient les causes et les remèdes du marasme économique actuel...

Ce congrès permit à de nombreux intellectuels de proclamer leur admiration pour l'URSS, et leur leur solide attachement au prolétariat qui édifie le socialisme. André Gide y a affirmé que « C'est dans une société communiste que chaque individu, que la particularité de chaque individu, peut le plus parfaitement s'épanouir. »

Le congrès se clôt par la fondation de l'association internationale des écrivains pour la défense de la culture, dirigée par un bureau international qui a pour mission le maintien et l'élargissement des contacts que le congrès a permis d'établir.

Elle s'assigne - selon les termes mêmes de la résolution adoptée - « à lutter sur son propre terrain, qui est la culture, contre la guerre, le fascisme, d'une façon générale contre toute menace affectant la civilisation ». A sa tête un présidium de douze membres, quelques-uns des plus grands noms de la littérature mondiale: André Gide, Henri Barbusse,, Heinrich Mann, Thomas Mann, Maxime Gorki, Forster, Aldous Huxley, Bernard Shaw, Sinclair Lewis, Selma Lagerlof, Romain Rolland, les quatre prix Nobel. Le siège de l'organisation est à Paris.

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André Gide, le communisme et l'antifascisme.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot, et il n'est pas le seul, est étonné de la conviction communiste qui semble animer André Gide depuis quelques temps ; sa notoriété est telle que '' l'Union pour la Vérité '' organise un débat sous le titre '' André Gide et notre temps '' avec divers contradicteurs. C'est un 26 mars 1935, rue Racine, qu'André Gide se plie à l'exercice accompagné par la NRF au complet.

Le communisme est au centre de l'affrontement orchestré par Henri Massis. Lancelot regrette la contradiction de Daniel Halévy hostile et personnelle, basée sur la dimension religieuse que Gide était censé rejeter parce que dogmatique, pour finalement se convertir à la religion communiste... !

Guilloux, Aragon, Gide - 1935

Gide explique, avec sincérité son attachement plus sentimental que intellectuel, au communisme qu'accompagne une sorte de culpabilité, et comme il le dit : « En face de certains riches, comment ne pas se sentir une âme de communiste ? ». Il rapproche même le communisme d'un christianisme qui reviendrait aux sources ; ce que lui reproche fermement Maritain.

Henri Massis lui, tente de révéler les contradictions de l'auteur des '' Faux-Monnayeurs'' ; il termine : « Aussi est-ce le drame de notre civilisation qui se joue comme dans un microcosme, dans la personne d'André Gide, personne qui à son propre sujet, met en cause les valeurs humaines sur lesquelles cette civilisation est tout entière établie. »

Sur le plan strictement politique, Gide n’apparaît pas comme crédible... Lui-même reconnaît qu'au cours de la Grande Guerre, c'est '' L'Action Française'' qui lui paraissait le parti « le plus sûr et le plus solide ». Pourquoi ce besoin d'un parti ?,- la nécessité de se grouper : « Oui c'est un besoin d'adhérer pour lutter contre une dissolution, qui était au fond de tout cela »

Gillouin ironise un peu quand il décrit Gide, dupe d'une foi ingénue dans la vocation messianique du prolétariat exempt du péché originel d'exploitation... Mais alors, que penser du péché de tyrannie, du péché contre l'esprit, de la suppression des élites...etc ?

Lancelot remarque que Gide n'écrit plus... Le communisme aurait-il désarmé son angoisse ? Vivement, qu'il retourne à ses démons … !

Ce temps du milieu des années trente, est à rapprocher de celui de l'affaire Dreyfus ; avec de nouveaux enjeux pour des intellectuels de gauche, et de droite.

Le parti communiste exerce une attraction auprès des intellectuels soucieux de s'engager, alors que chacun ressent une montée de grands périls. Le 6 février 34, résonne encore...

La culture paraît alors le fer de lance d'un combat contre la barbarie, barbarie à laquelle on donne un nom : le fascisme.

Des communistes aux radicaux, chacun défend son modèle ; mais tous reconnaissent une culture nationale, voire une civilisation, en danger.

 

Lancelot, à la lumière du personnalisme de Rougemont, définit ainsi le fascisme :

- Le fascisme exige un état fort, dispensateur de tous les biens, méritant donc tous les sacrifices. L’État fasciste met fin aux luttes politiques : il supprime les partis et jugule la presse. Il s'en prend aux valeurs occidentales ; il subordonne à l'Etat divinisé, les libertés fondamentales de la personne et des églises, ainsi que toute espèce de création spirituelle.

Un mot allemand : Gleichschaltung - mise au pas - résume le fascisme et justifie les coups de force hitlériens.

La Mutualité - 1935

 

Dans l'engagement antifasciste, la prochaine étape est le Congrès international des écrivains pour la défense de la culture qui se tient à Paris du 21 au 25 juin 1935.

Il a lieu au moment même où les britanniques sont à Paris pour s'expliquer sur la signature de leur accord naval avec l'Allemagne, et qui autorisent  le Troisième Reich à disposer d'une flotte de guerre au tonnage limité ; et ceci, sans accord de leurs alliés !

En réaction, sans-doute, Pierre Laval, sera amené à consolider notre entente avec l’Italie de Mussolini. L’Allemagne se réarme, l'Angleterre s'y résigne et certainement surveille l'entente entre Paris et Rome...

Lancelot a pu échapper aux entretiens annexes à cette rencontre des ministres ; et beaucoup plus intéressé, a obtenu de participer à ce Congrès des écrivains... C'est près de deux cent cinquante écrivains, de trente-huit pays, qui ont été invités... !

En possession des tickets d'entrée nécessaires pour lui et Elaine, ils peuvent prendre place au parterre. Devraient être présents : Pasternak - qui remplace Gorki - Heinrich Mann, Bertolt Brecht, Robert Musil, Aldous Huxley, H. G. Wells, Giono, Barbusse, Dabit, Guéhenno, Mounier, Rolland, Vitrac, E. M. Forster, Max Brod, Paul Nizan, Julien Benda, Aragon, Roger Martin du Gard, Guilloux... James Joyce, Queneau, Prévert se sont abstenus... Deux, peut-être trois milliers de personnes sont attendus ; des hauts parleurs sont installés dans les couloirs du Palais de la Mutualité et à l’extérieur.

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