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malraux

Juin 1935 : Congrès international des écrivains

Publié le par Régis Vétillard

Aragon, André Gide et Malraux

Ce soir d'ouverture, à la mutualité, prend place jusqu'au balcon, une foule ardente composée d'une majorité de jeunes. A la tribune, André Gide et André Malraux président ; ils sont entourés d’écrivains soviétiques, mais aussi d'Heinrich Mann, Egon Erwin Kisch pour l’Allemagne, d'E. D'Ors pour l'Espagne, de Sforza pour l'Italie, de Forster pour l'Angleterre, et aussi de Barbusse, Benda, Bloch, Guehenno, Cassou, Vaillant-Couturier, Nizan pour la France.

Ilya Ehrenbourg, est là, ambassadeur culturel de Moscou. La politique des communistes est alors à l’ouverture et le congrès de la Mutualité veut accueillir toutes les tendances antifascistes, tant qu’elles ne critiquent pas l’Union soviétique.

André Malraux lit un télégramme de Romain Rolland. A part Forster qui déclare ne pas être communiste, mais le serait s'il était plus jeune et plus brave, et Julien Benda, courageux, qui tient à clarifier que pour lui il y a une conception occidentale de l'Art qui s'appuie sur la métaphysique grecque, et une conception communiste de l'Art, matérialiste et qui annihilerait la culture du passé ; à part ces deux orateurs, le congrès s'annonce dans sa participation très favorable à la révolution communiste... Sauf encore, Robert Musil, mais il s'adresse en allemand ; et la presse se plaint de ne pas avoir reçu la traduction. Seuls les auditeurs connaissant la langue allemande, entendent un discours qui renvoie dos à dos bolchévisme et fascisme... !

Palais Mutualité-Le congrès des écrivains de juin 1935

« Je crois que ce qui retient bon nombre de nos écrivains, c’est leur manque de confiance dans le prolétariat, et même… un manque de confiance en l’homme. » selon André Malraux, à la tribune.

 

Le discours d'Erwin Kisch, lui, est lu en français par Vaillant-Couturier... Le soviétique Luppol, reprend le débat sur la culture, et les valeurs du passé ; valeurs que seul le prolétariat est en mesure de critiquer.

Barbusse n'est pas en forme et ennuie l'assemblée. Klaus Mann pétrifie la salle en lisant des témoignages d'artistes restés en Allemagne. Malraux improvise, s'agite... Le cas de ''Victor Serge '' divise la salle; mais la tribune clôt le débat et affirme sa confiance à l'égard de l'Union soviétique.

Haldous Huxley

Lancelot parvient à saluer Aldous Huxley qui le reconnaît, malgré l'épaisseur de ses verres. S'il ne croît pas à un régime fasciste dans son pays ; il remarque une fascisation des esprits ; pourtant il doute que l'on puisse longtemps – comme en Allemagne – réduire un peuple au rang de primitif, et enrégimenter la science comme le font les nationaux-socialistes. Michaël Gold du Daily Worker de New-York, note que même aux Etats-Unis des écrivains comme Mencken ou T.E. Elliot peuvent se fasciser... Si certains magnifient les pionniers du passé... Nous autres, dit-il, nous sommes pour les ouvriers, les pionniers de l'avenir... ! Les intellectuels lui semblent bien impuissants ; les ouvriers s'il s'organisent, peuvent vaincre le fascisme...

 

Lancelot et Elaine sont frappés par cet espoir que tous ( presque ) ici, semblent mettre dans la vocation collective des ouvriers, des paysans, des travailleurs... Voilà une foi, qu'ils ont du mal à partager...

Ils ont pu entendre la réponse que fait Alexis Tolstoï à un journaliste, qui lui demande si un tel congrès serait possible en Union Soviétique ?

- Dans notre pays, un tel congrès n'aurait pas de sens, puisque chez nous, cent soixante-dix millions de volontés sont tendues justement vers la conquête de la culture. Il n'est pas question de défendre celle-ci, mais de la répandre, de la répandre toujours davantage.

-Riche de l'expérience soviétique, pensez-vous que les intellectuels soient capables de défendre efficacement la culture ?

- Non, non, proteste Tolstoï. Je vous le dis très sérieusement. Les intellectuels isolés de la masse des lecteurs prolétariens doivent à tout prix modifier leurs conceptions...

Henri_Barbusse, Alexej_Tolstoi, Boris_Pasternak - Paris_1935

Lancelot se rapproche de Gide, qui explique que l'important c'est que les écrivains aient compris la nature du danger qui les menace et que, dans ce sentiment, ils se soient réunis par-dessus toutes les divergences particulières. La culture est menacée par le fascisme, n'est- ce pas la pensée profonde de chacun de nous ?

Beaucoup – parmi les radicaux et les socialistes – veulent rester confiants, l'antifascisme relève d'un contenu républicain, et donc d'une culture nationale... La France ne peut être fasciste !

 

Une question reste sous-jacente difficilement abordable, c'est '' la question russe '' et la possible critique du régime soviétique, avec l'actualité des premiers procès de Moscou.

Cette question est sans-doute la raison d'un certain malaise qui empêche Lancelot de communier à la ferveur communiste. Elaine l'explique plus fortement encore, par un confusionnisme ici entretenu. Le communisme chercherait dans notre culture, nos traditions, de quoi se masquer pour nous vendre leur révolution ; et plus exactement dit-elle – alors qu'elle vient de lire le ''Staline : Aperçu historique du bolchevisme '' de Boris Souvarine – pour vendre la dictature de Staline... !

L'ordre du jour, ici serait plutôt de défendre l'idée qu'en Union Soviétique la pensée libre y reçoit les plus grandes possibilités de développement. André Gide déclare : « Je n'admire rien tant en U.R.S S. que ce grand souci de protection, de respect des particularités de chaque peuple, de chaque petit Etat compris dans la grande Union soviétique; respect de la langue, des mœurs, des coutumes, de la culture, particulières à chaque petit Etat.

Lequel respect va directement à l'encontre de ce reproche courant fait au communisme et à l'U.R.S.S. de tenter d'égaliser, de niveler et d'uniformiser tous les hommes de l'immense Russie, en attendant de pouvoir opérer sur la terre entière. (...)

Ce que nous attendons de lui, et ce que commence à montrer l'U.R.S.S. après une dure période de luttes et de contrainte momentanée en vue d'une libération plus complète, c'est un état social qui permette le plus grand épanouissement de chaque homme, la venue au jour et la mise en vigueur de toutes ses possibilités. »

Le soir , dans la journée, les discussions se poursuivent au bar de la Mutualité ou autour des cafés alentour, en particulier pour Lancelot, à une table des Deux Magots.

 

Le 24 juin après-midi, Lancelot dut se rendre à la garden-party organisée au ministère des affaires étrangères par M. Pierre Laval, en l'honneur des congressistes, non pas des écrivains, mais des chambres de commerce mondiales qui étudient les causes et les remèdes du marasme économique actuel...

Ce congrès permit à de nombreux intellectuels de proclamer leur admiration pour l'URSS, et leur leur solide attachement au prolétariat qui édifie le socialisme. André Gide y a affirmé que « C'est dans une société communiste que chaque individu, que la particularité de chaque individu, peut le plus parfaitement s'épanouir. »

Le congrès se clôt par la fondation de l'association internationale des écrivains pour la défense de la culture, dirigée par un bureau international qui a pour mission le maintien et l'élargissement des contacts que le congrès a permis d'établir.

Elle s'assigne - selon les termes mêmes de la résolution adoptée - « à lutter sur son propre terrain, qui est la culture, contre la guerre, le fascisme, d'une façon générale contre toute menace affectant la civilisation ». A sa tête un présidium de douze membres, quelques-uns des plus grands noms de la littérature mondiale: André Gide, Henri Barbusse,, Heinrich Mann, Thomas Mann, Maxime Gorki, Forster, Aldous Huxley, Bernard Shaw, Sinclair Lewis, Selma Lagerlof, Romain Rolland, les quatre prix Nobel. Le siège de l'organisation est à Paris.

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