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communisme

1947 - Un monde bipolaire.

Publié le par Régis Vétillard

1947 : Une année en France, dont on se souviendra : c'est l'année de la mise en place de la IVe République, qui doit immédiatement faire face à la menace du Parti communiste ( « ils ne sont pas à gauche, ils sont à l'Est. » comme dira V. Auriol ) et à celle du Général de Gaulle, tous deux s'estimant incarner le recours à la politique du passé.

L'hiver toujours froid oblige à gérer avec soin son attribution de charbon. Les repas chez soi, ou au restaurant, sont qualifiés de jours ''avec'' ou jour ''sans'' (viande) ; d'ailleurs les boucheries ou les boulangeries n'ouvrent que deux ou trois jours par semaine.

Le ministère de la Défense où travaille Lancelot, vit difficilement l'entrisme des communistes au sein de sa direction. En septembre 45, Charles Tillon, nommé ministre de l’Air, met ses services civils sous la tutelle du PC, son départ en fin novembre soulage le commandement militaire.

Le 16 janvier 1947, c'est l'élection de Vincent Auriol à Versailles, comme président. Il rejoint l'Elysée, ''vide'' depuis 7 années. Le gouvernement est socialiste, gouverné par Paul Ramadier.

Le communiste Pierre Billoux devient ministre de la défense, et va proposer un projet d'une « nation en armes ».

De Gaulle à Strasbourg 1947

Ainsi, s'installe un tripartisme : PCF, Socialistes, MRP. Le général de Gaulle propose le 7 avril 1947, devant une foule immense : un Rassemblement du peuple français (RPF) qui se veut '' au dessus des partis '' ou du moins au dessus des clivages politiques. Beaucoup s'interrogent : un militaire, qui se pose au-dessus des partis, ne deviendra t-il pas, un autocrate ?

Les ministres socialistes et démocrates-chrétiens se désolidarisent des ministres communistes, alors que les mouvements sociaux se multiplient, que la guerre continue en Indochine et à Madagascar ; et qu'enfin Ramadier, les congédie du gouvernement ( 5 mai 1947 ).

La situation internationale se tend, entre le plan américain Marshall de reconstruction économique et le rapport soviétique Jdanov qui fixe à tous les partis communistes une nouvelle ligne anti-impérialiste.

La pénurie en Europe inquiète les américains. Un risque de faillite peut amener des révolutions. Il s'agit de freiner l’expansion soviétique et d'ouvrir de nouveaux marchés à l'économie américaine.

Les USA proposent leur aide à tous : il s'agit d'aider ''les amis'' de l'Amérique, sans être accusé de couper le monde en deux. Staline refuse, et exerce des pressions contre les pays qu'elle occupe et qui montrent leur intérêt.

Le Plan Marshall a, de fait, l'objectif d'aider les pays à se réformer, s'enrichir, et à résister au communisme; ses adversaires y voient une colonisation américaine ; et ses partisans un des bastion du monde libre. C'est le début de la guerre froide, et peut-être de la reconstruction européenne...

 

Déjà, le 5 mars 1946 au Westminster College, de Fulton (Missouri), en présence du président Truman, Winston Churchill prévenait dans un discours :« De Stettin dans la Baltique jusqu'à Trieste dans l'Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. » . C'était la première fois que l'on employait l'expression de ''rideau de fer ''.

 

De début avril à la fin octobre 47, chaleur et sécheresse obligent la population à subir des restrictions d’eau ; et en même temps, la ration quotidienne de pain est ramenée, au 1er mai, de 300 à 250 grammes, en cause une récolte peu satisfaisante due aux gelées.

Au ministère, ce 1er juillet 1947, la parole se lâche avec l'annonce dans les journaux de la découverte dans la cheminée du château de Lamballe, d'un « plan bleu », un projet d'attaque armée contre les institutions actuelles. Nous avions connaissance, depuis l'année dernière, sans l'évoquer librement, de l'existence d'un ''maquis noir'' qui groupait des ''vichyssois'', des collaborateurs, des résistants d'extrême droite. M. de Vulpian ( château de Lamballe), le général Guillaudot, le commandant Loustaneau-Lacau et Max Jacquot, ont été arrêtés. On parle aussi de maquis rouge , avec des communistes, et de maquis blanc, avec des gaullistes, des catholiques.

Le ministre de l'Intérieur Edouard Depreux a tenu à dévoiler à la presse cette opération, et rallier autour du gouvernement toutes les forces démocratiques, au moment du départ des députés communistes.

 

A l'automne, aux élections municipales, le RPF obtient déjà 36% des voix, et s'empare des grandes villes de France.

En France, à présent le RPF mène l'opposition, et les communistes animent les grèves, aux côtés de la CGT. Une partie non-communiste du syndicat, va faire scission et former la CGT-FO.

Le gouvernement Ramadier quitte le pouvoir en novembre 47, pour être remplacé par un gouvernement MRP ( démocrate chrétien ), mené par Robert Schuman.

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1946 - L'existentialisme – Baden – D. Desanti.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot et Geneviève trouvaient un intérêt commun à la philosophie abordée par Jean-Paul Sartre ; même si une personnalité comme Camus semblait mieux convenir à Lancelot, alors que Geneviève reprenait volontiers quelques critiques communistes à propos de Sartre. Bien-sûr Lancelot conteste que l'absurde puisse faire partie de la condition humaine ; mais le doute - partie prenante de la foi – ne cesse de le renvoyer à cette tentation ; dans cette hypothèse les questions posées par Sartre, nous permettent de rester lucide. Pour Camus, c'est « la révolte qui joue le même rôle que le ''cogito'' dans l'ordre de la pensée. ». Camus propose la figure du révolté de Dostoïevski qui voudrait s'émanciper de toute divinité ; Nietzsche annonce lui, la conscience du nihilisme ; et pour Camus, la conjonction de Nietzsche et de Marx donne en Russie, le totalitarisme !

Albert Camus 1946 au journal Combat

Geneviève demande à Lancelot ce qu'il en est, pour Camus, du Parti communiste ?

- Selon Camus, et je partage son opinion, Staline - le révolutionnaire - n'est plus '' l'homme révolté '' ( si, il l'a été...), il est devenu « le policier, le fonctionnaire qui se tourne contre la révolte. (…) tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique. » ( Camus).

 

Aux élections du 21 octobre 1945 le Parti Communiste est la première force politique et obtient 26,2 % des suffrages exprimés (contre 14,76 % en 1936), il dépasse la SFIO. Son image repose sur celle d'être le « parti des 75 000 fusillés ».

Le PCF bénéficie, de ses forts liens avec les autres partis qui, en Italie, en Yougoslavie et en Grèce, ont contribué à la défaite du nazisme et surtout, du rôle joué par l’URSS et l’Armée rouge avec le fort impact de la bataille de Stalingrad.

 

Geneviève reprend la crainte communiste que l'existentialisme ne soit qu'une manifestation d'un idéalisme bourgeois; en effet, ne s'inscrit-il pas dans une ligne métaphysique ; et les questions posées ne sont-elles pas qu'individuelles, abstraites et théoriques ?

Lancelot ne comprend pas cette réserve ''idéologique'':

- Nous ne cessons de vouloir nous baser sur la vérité ! Ce que les communistes refusent, c'est que l'homme est d'abord, un homme libre. « Nous voulons la liberté pour la liberté et à travers chaque circonstance particulière. » ( Sartre). Et Roger Garaudy de répondre à Sartre : pour vous, « Être libre, c’est refuser. La liberté est une négation : c’est le point de vue de ceux qui appartiennent au passé. »

L'esprit très rationnel ( et scientiste...) de Geneviève, est entièrement séduit par la dialectique marxiste. Il me semble qu'après cette période trouble de l'occupation, pendant laquelle seule la force semblait justifier la bonne attitude ( selon l'autorité civile) ; le marxisme offre un socle idéologique qui sécurise la raison, justifie des choix de vie non individualistes, pour une société juste dont on comprend tous les rouages. Geneviève souhaiterait-elle, également, tordre le coup à une suspicion douloureuse de sympathie envers le diable ; le parti communiste lui-même n'est-il pas fréquemment tourmenté par le pacte germano-soviétique de 1939 ?

Elaine va passer sa première année aux côtés de sa maman à Paris, avec l'aide d'une gouvernante Madeleine, qui va beaucoup s'attacher à elle. A partir du printemps 46, Elaine et sa gouvernante passent une très grande partie de leur temps à Fléchigné, en compagnie d'Anne-Laure. Notre ''bonne'' Louise nous a subitement quittés pour être hospitalisée, et y mourir rapidement. C'est ainsi, d'ailleurs, que Madeleine va devenir, de gouvernante d'Elaine, la gouvernante de Fléchigné.

 

En février 1946, Lancelot retourne à Baden Baden, pour un court séjour qu'il effectue avec Geneviève. C'est l’opportunité d'y rencontrer un jeune homme, Edgar Morin (1921-), afin de rapporter au ministère un état de la dénazification de l'opinion publique allemande.

Alfred Döblin (1947)

En 1946, E Morin est nommé Chef du bureau ''Propagande '' à la Direction de l'information au Gouvernement militaire français en Allemagne, il publie son premier livre ''L'An zéro de l'Allemagne'', dans lequel il pose la question de savoir comment le pays le plus cultivé d’Europe a pu produire cette monstruosité qu’est le nazisme.

Sur place également, Alfred Döblin (1878-1957), officier culturel français à Baden-Baden, juif allemand exilé en France depuis 1933, puis ayant acquis la nationalité française, et présent à titre d'occupant. Ce médecin psychiatre classé très à gauche est connu pour son roman ''Berlin Alexanderplatz''. Il a en charge le Bureau des Lettres au Service de l'Éducation Publique du Gouvernement Militaire ; et prépare un projet d’académie de littérature et des arts, à Mayence.

 

L'administration doit reconstituer une presse locale. Lancelot s'engage à défendre certains projets, et permettre quelques largesses dans la répartition du papier, et pour quelques subventions de la part des autorités militaires. C'est parmi d'autres, que voit le jour une publication appelée : '' Lancelot : der Bote aus Frankreich'' - créée et dirigée par Jacqueline Grappin-Prévost, la revue s'est donné pour but de faire connaître aux Allemands, par la traduction d’articles parus dans des revues françaises, la culture française contemporaine dont les avait tenus éloignés douze années de dictature et de guerre.

La revue '' Lancelot '' a profité de deux patronages: celui du gouverneur militaire de la zone, le général Pierre Koenig, et à Paris, de celui de Louis Aragon.

Trois vers tirés de son Cantique à Elsa servent de devise à tous les numéros de la revue :

« La terre accouchera d’un soleil sans bataille
Il faut que la guerre s’en aille.
Mais seulement que l’homme en sorte triomphant. 
»

Aragon explique le sens du titre : « …Lancelot-du-Lac est l’image la plus pure de la chevalerie de la France, de cet esprit de générosité qui s’oppose à la morale des maîtres, à la loi des seigneurs de la tradition germanique, codifiée par les nazis. Lancelot, c’est celui que n’arrêtent ni le qu’en dira-t-on, ni la règle établie, imposée. C’est celui qui met sa fidélité plus haut que son orgueil. Celui qui, par obéissance à sa dame (comme hier les vrais Français à leur patrie) n’hésita point à monter dans la charrette des condamnés, parmi les voleurs et les assassins, et calmement traversa la ville sous les crachats et les huées. Lancelot le chevalier à la charrette, jamais humilié des refus qui lui viennent de l’objet de son amour, mais l’inlassable champion de cet amour. Lancelot le contraire de Machiavel, Lancelot qui a rompu tant de lances pour les faibles et les asservis, qu’on l’imagine arrivant aux portes de Buchenwald ou de Dachau » (Cité d’après V. Wackenheim '' création de Lancelot) )

Dominique Desanti 1949

 

Enfin, c'est à Baden, au centre de presse, que Geneviève rencontre Dominique Desanti (1919-2011), une jeune femme d'origine polonaise mariée à un philosophe, qui travaille pour le journal communiste ''Action''. Geneviève sera emballée par le couple Desanti, et les retrouvera à Paris, dès que possible. Les Desanti souhaitent rencontrer le philosophe Heidegger, chez lui et Lancelot leur facilite la démarche.

 

Lors de la démission du général de Gaulle (20 janv 46), Lancelot comprend avec les responsables de son ministère que son retour sera cautionné par une nouvelle constitution qui lui convienne. La crainte d'une prise de pouvoir par les communistes reste vive ; mais à la différence de la Yougoslavie, en France, nous n'avons pas l'armée rouge mais des troupes américaines. Le PCF avec à sa tête Maurice Thorez revendique la présidence du Conseil.

Un projet de constitution est rejeté par le suffrage universel ( mai 46). Une nouvelle Assemblée Nationale est élue en juin, et De Gaulle définit, dans son coin, les grandes lignes d'un projet de constitution, marqué par un pouvoir exécutif qui procéderait directement du chef de l'état.

Selon Léon Blum : il en est du principe républicain d'avoir une Assemblée directement issue du suffrage universel ; et c'est elle, qui doit avoir le premier et le dernier mot.

Sous le gouvernement Bidault, le Référendum ( Oct 46) adopte la nouvelle constitution, celle de la IVe république. Le président du Conseil est investi par l’Assemblée nationale et responsable devant elle.

Les élections législatives du 10 novembre 1946 font du PC le premier parti politique de France avec 28,8 % des suffrages exprimés et la plus forte représentation à l’Assemblée nationale.

Une certaine désillusion politique, s'ajoute aux difficultés de la vie quotidienne : il est toujours difficile de se chauffer, se ravitailler. Selon votre classe sociale, vous vivez plus ou moins difficilement cette période d'après-guerre, Les grands rêves des jours d'après, seraient-ils déjà abandonnés ?

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Juin 1935 : Congrès international des écrivains

Publié le par Régis Vétillard

Aragon, André Gide et Malraux

Ce soir d'ouverture, à la mutualité, prend place jusqu'au balcon, une foule ardente composée d'une majorité de jeunes. A la tribune, André Gide et André Malraux président ; ils sont entourés d’écrivains soviétiques, mais aussi d'Heinrich Mann, Egon Erwin Kisch pour l’Allemagne, d'E. D'Ors pour l'Espagne, de Sforza pour l'Italie, de Forster pour l'Angleterre, et aussi de Barbusse, Benda, Bloch, Guehenno, Cassou, Vaillant-Couturier, Nizan pour la France.

Ilya Ehrenbourg, est là, ambassadeur culturel de Moscou. La politique des communistes est alors à l’ouverture et le congrès de la Mutualité veut accueillir toutes les tendances antifascistes, tant qu’elles ne critiquent pas l’Union soviétique.

André Malraux lit un télégramme de Romain Rolland. A part Forster qui déclare ne pas être communiste, mais le serait s'il était plus jeune et plus brave, et Julien Benda, courageux, qui tient à clarifier que pour lui il y a une conception occidentale de l'Art qui s'appuie sur la métaphysique grecque, et une conception communiste de l'Art, matérialiste et qui annihilerait la culture du passé ; à part ces deux orateurs, le congrès s'annonce dans sa participation très favorable à la révolution communiste... Sauf encore, Robert Musil, mais il s'adresse en allemand ; et la presse se plaint de ne pas avoir reçu la traduction. Seuls les auditeurs connaissant la langue allemande, entendent un discours qui renvoie dos à dos bolchévisme et fascisme... !

Palais Mutualité-Le congrès des écrivains de juin 1935

« Je crois que ce qui retient bon nombre de nos écrivains, c’est leur manque de confiance dans le prolétariat, et même… un manque de confiance en l’homme. » selon André Malraux, à la tribune.

 

Le discours d'Erwin Kisch, lui, est lu en français par Vaillant-Couturier... Le soviétique Luppol, reprend le débat sur la culture, et les valeurs du passé ; valeurs que seul le prolétariat est en mesure de critiquer.

Barbusse n'est pas en forme et ennuie l'assemblée. Klaus Mann pétrifie la salle en lisant des témoignages d'artistes restés en Allemagne. Malraux improvise, s'agite... Le cas de ''Victor Serge '' divise la salle; mais la tribune clôt le débat et affirme sa confiance à l'égard de l'Union soviétique.

Haldous Huxley

Lancelot parvient à saluer Aldous Huxley qui le reconnaît, malgré l'épaisseur de ses verres. S'il ne croît pas à un régime fasciste dans son pays ; il remarque une fascisation des esprits ; pourtant il doute que l'on puisse longtemps – comme en Allemagne – réduire un peuple au rang de primitif, et enrégimenter la science comme le font les nationaux-socialistes. Michaël Gold du Daily Worker de New-York, note que même aux Etats-Unis des écrivains comme Mencken ou T.E. Elliot peuvent se fasciser... Si certains magnifient les pionniers du passé... Nous autres, dit-il, nous sommes pour les ouvriers, les pionniers de l'avenir... ! Les intellectuels lui semblent bien impuissants ; les ouvriers s'il s'organisent, peuvent vaincre le fascisme...

 

Lancelot et Elaine sont frappés par cet espoir que tous ( presque ) ici, semblent mettre dans la vocation collective des ouvriers, des paysans, des travailleurs... Voilà une foi, qu'ils ont du mal à partager...

Ils ont pu entendre la réponse que fait Alexis Tolstoï à un journaliste, qui lui demande si un tel congrès serait possible en Union Soviétique ?

- Dans notre pays, un tel congrès n'aurait pas de sens, puisque chez nous, cent soixante-dix millions de volontés sont tendues justement vers la conquête de la culture. Il n'est pas question de défendre celle-ci, mais de la répandre, de la répandre toujours davantage.

-Riche de l'expérience soviétique, pensez-vous que les intellectuels soient capables de défendre efficacement la culture ?

- Non, non, proteste Tolstoï. Je vous le dis très sérieusement. Les intellectuels isolés de la masse des lecteurs prolétariens doivent à tout prix modifier leurs conceptions...

Henri_Barbusse, Alexej_Tolstoi, Boris_Pasternak - Paris_1935

Lancelot se rapproche de Gide, qui explique que l'important c'est que les écrivains aient compris la nature du danger qui les menace et que, dans ce sentiment, ils se soient réunis par-dessus toutes les divergences particulières. La culture est menacée par le fascisme, n'est- ce pas la pensée profonde de chacun de nous ?

Beaucoup – parmi les radicaux et les socialistes – veulent rester confiants, l'antifascisme relève d'un contenu républicain, et donc d'une culture nationale... La France ne peut être fasciste !

 

Une question reste sous-jacente difficilement abordable, c'est '' la question russe '' et la possible critique du régime soviétique, avec l'actualité des premiers procès de Moscou.

Cette question est sans-doute la raison d'un certain malaise qui empêche Lancelot de communier à la ferveur communiste. Elaine l'explique plus fortement encore, par un confusionnisme ici entretenu. Le communisme chercherait dans notre culture, nos traditions, de quoi se masquer pour nous vendre leur révolution ; et plus exactement dit-elle – alors qu'elle vient de lire le ''Staline : Aperçu historique du bolchevisme '' de Boris Souvarine – pour vendre la dictature de Staline... !

L'ordre du jour, ici serait plutôt de défendre l'idée qu'en Union Soviétique la pensée libre y reçoit les plus grandes possibilités de développement. André Gide déclare : « Je n'admire rien tant en U.R.S S. que ce grand souci de protection, de respect des particularités de chaque peuple, de chaque petit Etat compris dans la grande Union soviétique; respect de la langue, des mœurs, des coutumes, de la culture, particulières à chaque petit Etat.

Lequel respect va directement à l'encontre de ce reproche courant fait au communisme et à l'U.R.S.S. de tenter d'égaliser, de niveler et d'uniformiser tous les hommes de l'immense Russie, en attendant de pouvoir opérer sur la terre entière. (...)

Ce que nous attendons de lui, et ce que commence à montrer l'U.R.S.S. après une dure période de luttes et de contrainte momentanée en vue d'une libération plus complète, c'est un état social qui permette le plus grand épanouissement de chaque homme, la venue au jour et la mise en vigueur de toutes ses possibilités. »

Le soir , dans la journée, les discussions se poursuivent au bar de la Mutualité ou autour des cafés alentour, en particulier pour Lancelot, à une table des Deux Magots.

 

Le 24 juin après-midi, Lancelot dut se rendre à la garden-party organisée au ministère des affaires étrangères par M. Pierre Laval, en l'honneur des congressistes, non pas des écrivains, mais des chambres de commerce mondiales qui étudient les causes et les remèdes du marasme économique actuel...

Ce congrès permit à de nombreux intellectuels de proclamer leur admiration pour l'URSS, et leur leur solide attachement au prolétariat qui édifie le socialisme. André Gide y a affirmé que « C'est dans une société communiste que chaque individu, que la particularité de chaque individu, peut le plus parfaitement s'épanouir. »

Le congrès se clôt par la fondation de l'association internationale des écrivains pour la défense de la culture, dirigée par un bureau international qui a pour mission le maintien et l'élargissement des contacts que le congrès a permis d'établir.

Elle s'assigne - selon les termes mêmes de la résolution adoptée - « à lutter sur son propre terrain, qui est la culture, contre la guerre, le fascisme, d'une façon générale contre toute menace affectant la civilisation ». A sa tête un présidium de douze membres, quelques-uns des plus grands noms de la littérature mondiale: André Gide, Henri Barbusse,, Heinrich Mann, Thomas Mann, Maxime Gorki, Forster, Aldous Huxley, Bernard Shaw, Sinclair Lewis, Selma Lagerlof, Romain Rolland, les quatre prix Nobel. Le siège de l'organisation est à Paris.

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