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pflimlin

1958 - Pierre Pflimlin – 2

Publié le par Régis Vétillard

Raymond Aron

Lancelot s'interroge sur la possibilité d'un retour du Général. Malgré son âge, peut-il apparaître, à nouveau, le recours qu'attend la France ? Lui-même semble en douter, quand il exprime fermement sa répugnance à se présenter comme un chef de parti. S'il a rendu leur liberté, à ceux qui le soutenaient au sein du RPF ; et admit l'échec du Rassemblement, quelle stratégie reste t-il à cette forte personnalité pour arriver au pouvoir ? Entrevoit-il un changement de régime ? La République, et même la démocratie ne seraient-elles pas en danger ?

 

Raymond Aron, exprime qu'il ne croit plus à l'efficacité du mythe gaulliste. A l'opposé '' les barons '' du gaullisme, Malraux, Debré, Soustelle, Pompidou, Fouchet, Guichard... entretiennent l'idée du Général, que « plus cela irait mal, plus son heure approcherait. »

En ce début d'année 1958, la « traversée du désert » du Général apparaissait, subitement, à beaucoup, sur la fin.

De Gaulle l'exprime à divers interlocuteurs : « je suis prêt » ! De pus, il invite les journalistes à une conférence de presse le lundi 19 mai, dans un salon de l'Hôtel d'Orsay, la télévision est là ; mais la majorité des auditeurs, d'Alger à Paris, l'écoutent sur leur poste de radio.

Le Général évoque la «crise nationale extrêmement grave» que traverse le pays depuis six jours comme le début possible «d’une sorte de résurrection».

Le général de Gaulle - Palais d’Orsay, 19 mai 1958

Duverger pose la question que l'on attendait : « Est-ce que vous garantiriez les libertés publiques fondamentales ? »

« - Est-ce que j'ai jamais attenté aux libertés publiques fondamentales ? Je les ai rétablies. - Y ai-je une seconde attenté jamais ? Comment voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ?! » - La presse semble conquise.

 

Pierre Pflimlin confie à Lancelot, les pressions de Guy Mollet ( SFIO) pour qu'il se rapproche du Général.

Pierre Mendès France à l'opposé, déplore qu'aucune condamnation ne soit portée contre la sédition algéroise.

Lancelot rapporte qu'une opération dite ''Résurrection'' est en cours pour une prise du pouvoir par les gaullistes ( Debré, Chaban, Soustelle...).

La rumeur se concrétise le 24 mai, la réplique d'Alger s'effectue en Corse, à Ajaccio, avec un appel à constituer des comités de salut public. Des ''paras'' appuient le mouvement.

Le ministre de l'Intérieur, Jules Moch ( SFIO) envoie un télégramme aux préfets. « Une poignée de factieux vient d'annuler en Corse un siècle d'effort démocratique ».

Alger

Lancelot est témoin dans l'entourage ministériel, que chacun se rend compte qu'un ''coup d'état militaire'' est en œuvre, et que la presse et l'opinion s'en désintéressent ( ou l'espèrent ?). Pflimin fait une allocution radiodiffusée, et dit notamment : «  il ne serait pas admissible qu'une fraction de la nation tente d'imposer sa volonté au pays tout entier. »

Nous sommes le 26 mai, un lundi de Pentecôte, férié. Sauf peut-être , ces jours derniers, des queues devant les magasins d'alimentation afin d'accumuler des denrées en prévision d'une crise ; les français profitent de leur grand week-end. Les stations balnéaires connaissent une affluence exceptionnelle.

De Gaulle répète qu'il ne serait « chef du gouvernement que dans la légalité ». Informé qu'une opération de type corse, serait projetée pour Paris ; il propose le soir même, un entretien avec Pflimlin, lui signalant que s'il refuse, il le ferait savoir publiquement !

A l'issue de cette rencontre, aucun accord ne peut être trouvé ; cependant, le lendemain, de Gaulle, comme si la chose était acquise, publie un communiqué : « J’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain capable d’assurer l’unité et l’indépendance du pays.»

Mardi 27 mai, Pflimin, tendu, espère trouver une majorité à l’autorisation d'une révision constitutionnelle de grande ampleur, sans les voix du parti communiste, précise t-il.

Pendant ce temps, ordres et contrordres, désespèrent les militaires... De Gaulle, dans son communiqué à l'AFP, met fin au suspens : « toute action, de quelque côté qu'elle vienne, qui met en péril l'ordre public, risque d'avoir de graves conséquences. Tout en faisant la part des circonstances, je ne saurais l'approuver. »

Le message du Général, signifie qu'il gouverne, dans les faits.

Dans Le Monde du 28 mai, Duverger écrit, et se résigne : « Cette République agonise.... Qu'on appelle de Gaulle avant que la nation soit tout à fait déchirée, avant que lui-même soit devenu tout à fait l'otage d'un clan. »

Le 28 mai à 3 heures du matin, Pierre Pflimlin démissionne. De Gaulle reçoit à Colombey un émissaire de Salan, le général Dulac. L'opération ''Résurrection '' est close.

Une manifestation de la gauche se lance sur le pavé parisien. Entre cent mille ou deux cent mille personnes, et en tête, Daladier, Mitterrand, Mendès-France. Mais, dans le fond, les gens sont soulagés.

Le président Coty a la main et le 29 mai, à 15 heures, il annonce : « J’ai décidé de faire appel au plus illustre des Français". Il ajoute en présentant le général de Gaulle comme chef du gouvernement, que si l’Assemblée le repousse, il se retirera aussitôt de l’Elysée.

De Gaulle, estimant que ses conditions sont reçues : - pleins pouvoirs, - congé donné au Parlement, - constitution nouvelle à préparer par son gouvernement et à soumettre au référendum ; se présentera devant l'Assemblée le 1er Juin.

 

Le 1er Juin, l’Assemblée donne sa confiance à de Gaulle et mandat au gouvernement d’élaborer, puis de proposer au pays une réforme constitutionnelle qui respectera trois principes : – le suffrage universel source de tout pouvoir – la séparation des pouvoirs exécutif et législatif – un gouvernement responsable devant les Chambres.

Ces engagements vont satisfaire les "démocrates" ; puisque 77 députés S.F.I.O. voteront l’investiture et 74 contre. Les communistes rejette la confiance.

Au total, l’Assemblée Nationale accorde son investiture par 329 voix contre 224.

 

Au soir du 3 juin, la loi constitutionnelle donne à M. Charles de Gaulle, nommé président du Conseil, le pouvoir de rédiger une nouvelle Constitution ; la IVe République continue. M. René Coty demeure président de la République au palais de l’Élysée.

L’ambiguïté c'est que le Général est attendu, avant tout, pour régler l'affaire algérienne.

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1958 - Pierre Pflimlin – 1 -

Publié le par Régis Vétillard

Fin 1957 : Lancelot se désole, rattaché au cabinet de la présidence du Conseil, il assiste à la chute du gouvernement et à la nomination d'un nouveau président, qui ne tiendra pas plus longtemps que les autres. Renversé le 15 avril 1958, le gouvernement reste vacant pendant un mois... !

France-Soir - 6_Janvier_1957 - Alger

Précédemment, ce sont les événements du 8 février 1958 qui vont entraîner la chute du ministère. Des avions français sont entrés dans le territoire tunisien, bombardent Sakhiet Sidi Youcef, un jour de marché et causent la mort de 75 civils. Cette action dirigée contre le FLN, est réprouvée internationalement.

Le monde politique semble se défausser en démissionnant l'un des siens, devant chaque décision prise. Les partis : Radical, SFIO, et MRP à vocation gouvernementale s'affaiblissent ; chacun semble choisir la politique du pire, jusqu'à la déstabilisation d'un système qui n'en peut plus....

En ce mois de mai 1958, Lancelot craint même, une exploitation de cette crise de la part des milieux poujadistes, et de l'extrême droite.

Georges Bidault, partisan de l’Algérie française, n'est plus soutenu par son parti, le MRP, pour former un gouvernement. A son tour, René Pleven, qui prône une réforme de la Constitution, tente l'Union nationale et bute sur la question de l'Algérie, avec le refus du parti Radical.

Début mai 58, de Gaulle est satisfait que le chef de l'Etat - en toute discrétion - ''s'informe de ses intentions''. Il répond qu'il ne demande qu'à être officiellement sollicité.

Aussi, c'est une surprise d'apprendre, le 12 mai 1958, que le président Coty fasse appel au MRP Pierre Pflimlin (1907-2000) pour former le gouvernement.

Dès le lendemain, cet appel à un politique qui ne cachait pas qu'il était prêt à dialoguer avec le FLN, met le feu aux poudres parmi les partisans de l'Algérie française, et parmi les militaires.

Mardi 13 mai, Alger est appelé à manifester au prétexte de la mémoire de trois militaires du contingent tués par les fellaghas. Les gaullistes, les partisans de l'Algérie française, et même l'extrême droite, comptent profiter de cette occasion.

Alger 13 mai 1958

A Alger, dès 13heures l'activité de la ville s'interrompt. Des émeutiers prennent d'assaut le Gouvernement général ( CG), avec la complicité de l'armée. Un Comité de Salut public, formé d’officiers et présidé par le général Massu, exige la constitution à Paris d’un gouvernement de Salut public . Au balcon du CG, le général Massu lit le communiqué suivant :

« Nous apprenons à la population d’Alger que le gouvernement d’abandon de Pflimlin vient d’être investi (.. ) par suite de la complicité des voix communistes… Le comité supplie le général de Gaulle de vouloir bien rompre le silence en s’adressant au pays, en vue de la formation d’un gouvernement de Salut Public qui, seul, peut sauver l’Algérie de l’abandon » .

 

Le gouvernement Pflimlin est investi vers deux heures du matin du 14 mai avec 274 voix ( les communistes s'abstiennent) , et 129 contre (de la droite).

Pierre Pflimlin, se sachant le dernier recours de Coty, ne songe pas à se dérober. Sa préoccupation première n'est pas de mettre fin à la guerre d'Algérie, mais de réformer la Constitution. Il a partagé les vicissitudes de la IVe République, et souffert de cette instabilité gouvernementale.

Le nouveau président du conseil a réussi à convaincre Guy Mollet (SFIO) de l'accompagner, mais a tenté en vain d'obtenir le concours de M. Antoine Pinay.

Pierre Pflimlin (1907-2000)

Lancelot, écœuré par la politique songeait à démissionner d'un poste qu'il juge de plus en plus sans objectif, et sans intérêt. Seulement, quelques jours après l'installation du nouveau Président du Conseil, Lancelot est convoqué; ils se connaissent ' de vue' depuis longtemps, Pflimlin ne lui cache pas l'avoir reconnu, en effet, ils étaient tous deux à Vichy, tous deux travaillant alors au Secrétariat Général de la Jeunesse. Pierre Pflimlin y était, en1940-41 et pendant neuf mois, le chef de bureau de la propagande.

Sur ces expériences passées, va s'établir entre eux une connivence, pendant ces quelques mois. Le président demande à Lancelot de ne jamais évoquer avec d'autres personnes cet épisode passé, et il s'empresse d'affirmer que l'antisémitisme est depuis toujours, « un sentiment qui m'est étranger ».

Pierre Pflimlin est républicain,'' démocrate chrétien'' (MRP), ancien partisan de la CED, européen convaincu. Avec '' ses yeux d'acier '' il semble bien rigide, il n'est pas homme à faire paraître ses émotions.

Pour beaucoup, le Comité de salut public de Massu ( couvert par Salan) est qualifié de ''factieux '' ; pourtant, Pfimlin, confirme les pleins pouvoirs de Salan.

Le nouveau président du conseil, n'ignore pas que les partisans du Général, tentent le coup de force. De Gaulle, reste ambigu et souffle le chaud et le froid.

Mauriac réagit : « Nous espérons toujours en de Gaulle, mais non en un de Gaulle qui répondrait à l’appel d’un Massu. Puisse-t-il ne pas dire un mot, ne pas faire un geste qui le lierait à des généraux de coup d’État. »

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