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1958 - Pierre Pflimlin – 2

Publié le par Régis Vétillard

Raymond Aron

Lancelot s'interroge sur la possibilité d'un retour du Général. Malgré son âge, peut-il apparaître, à nouveau, le recours qu'attend la France ? Lui-même semble en douter, quand il exprime fermement sa répugnance à se présenter comme un chef de parti. S'il a rendu leur liberté, à ceux qui le soutenaient au sein du RPF ; et admit l'échec du Rassemblement, quelle stratégie reste t-il à cette forte personnalité pour arriver au pouvoir ? Entrevoit-il un changement de régime ? La République, et même la démocratie ne seraient-elles pas en danger ?

 

Raymond Aron, exprime qu'il ne croit plus à l'efficacité du mythe gaulliste. A l'opposé '' les barons '' du gaullisme, Malraux, Debré, Soustelle, Pompidou, Fouchet, Guichard... entretiennent l'idée du Général, que « plus cela irait mal, plus son heure approcherait. »

En ce début d'année 1958, la « traversée du désert » du Général apparaissait, subitement, à beaucoup, sur la fin.

De Gaulle l'exprime à divers interlocuteurs : « je suis prêt » ! De pus, il invite les journalistes à une conférence de presse le lundi 19 mai, dans un salon de l'Hôtel d'Orsay, la télévision est là ; mais la majorité des auditeurs, d'Alger à Paris, l'écoutent sur leur poste de radio.

Le Général évoque la «crise nationale extrêmement grave» que traverse le pays depuis six jours comme le début possible «d’une sorte de résurrection».

Le général de Gaulle - Palais d’Orsay, 19 mai 1958

Duverger pose la question que l'on attendait : « Est-ce que vous garantiriez les libertés publiques fondamentales ? »

« - Est-ce que j'ai jamais attenté aux libertés publiques fondamentales ? Je les ai rétablies. - Y ai-je une seconde attenté jamais ? Comment voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ?! » - La presse semble conquise.

 

Pierre Pflimlin confie à Lancelot, les pressions de Guy Mollet ( SFIO) pour qu'il se rapproche du Général.

Pierre Mendès France à l'opposé, déplore qu'aucune condamnation ne soit portée contre la sédition algéroise.

Lancelot rapporte qu'une opération dite ''Résurrection'' est en cours pour une prise du pouvoir par les gaullistes ( Debré, Chaban, Soustelle...).

La rumeur se concrétise le 24 mai, la réplique d'Alger s'effectue en Corse, à Ajaccio, avec un appel à constituer des comités de salut public. Des ''paras'' appuient le mouvement.

Le ministre de l'Intérieur, Jules Moch ( SFIO) envoie un télégramme aux préfets. « Une poignée de factieux vient d'annuler en Corse un siècle d'effort démocratique ».

Alger

Lancelot est témoin dans l'entourage ministériel, que chacun se rend compte qu'un ''coup d'état militaire'' est en œuvre, et que la presse et l'opinion s'en désintéressent ( ou l'espèrent ?). Pflimin fait une allocution radiodiffusée, et dit notamment : «  il ne serait pas admissible qu'une fraction de la nation tente d'imposer sa volonté au pays tout entier. »

Nous sommes le 26 mai, un lundi de Pentecôte, férié. Sauf peut-être , ces jours derniers, des queues devant les magasins d'alimentation afin d'accumuler des denrées en prévision d'une crise ; les français profitent de leur grand week-end. Les stations balnéaires connaissent une affluence exceptionnelle.

De Gaulle répète qu'il ne serait « chef du gouvernement que dans la légalité ». Informé qu'une opération de type corse, serait projetée pour Paris ; il propose le soir même, un entretien avec Pflimlin, lui signalant que s'il refuse, il le ferait savoir publiquement !

A l'issue de cette rencontre, aucun accord ne peut être trouvé ; cependant, le lendemain, de Gaulle, comme si la chose était acquise, publie un communiqué : « J’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain capable d’assurer l’unité et l’indépendance du pays.»

Mardi 27 mai, Pflimin, tendu, espère trouver une majorité à l’autorisation d'une révision constitutionnelle de grande ampleur, sans les voix du parti communiste, précise t-il.

Pendant ce temps, ordres et contrordres, désespèrent les militaires... De Gaulle, dans son communiqué à l'AFP, met fin au suspens : « toute action, de quelque côté qu'elle vienne, qui met en péril l'ordre public, risque d'avoir de graves conséquences. Tout en faisant la part des circonstances, je ne saurais l'approuver. »

Le message du Général, signifie qu'il gouverne, dans les faits.

Dans Le Monde du 28 mai, Duverger écrit, et se résigne : « Cette République agonise.... Qu'on appelle de Gaulle avant que la nation soit tout à fait déchirée, avant que lui-même soit devenu tout à fait l'otage d'un clan. »

Le 28 mai à 3 heures du matin, Pierre Pflimlin démissionne. De Gaulle reçoit à Colombey un émissaire de Salan, le général Dulac. L'opération ''Résurrection '' est close.

Une manifestation de la gauche se lance sur le pavé parisien. Entre cent mille ou deux cent mille personnes, et en tête, Daladier, Mitterrand, Mendès-France. Mais, dans le fond, les gens sont soulagés.

Le président Coty a la main et le 29 mai, à 15 heures, il annonce : « J’ai décidé de faire appel au plus illustre des Français". Il ajoute en présentant le général de Gaulle comme chef du gouvernement, que si l’Assemblée le repousse, il se retirera aussitôt de l’Elysée.

De Gaulle, estimant que ses conditions sont reçues : - pleins pouvoirs, - congé donné au Parlement, - constitution nouvelle à préparer par son gouvernement et à soumettre au référendum ; se présentera devant l'Assemblée le 1er Juin.

 

Le 1er Juin, l’Assemblée donne sa confiance à de Gaulle et mandat au gouvernement d’élaborer, puis de proposer au pays une réforme constitutionnelle qui respectera trois principes : – le suffrage universel source de tout pouvoir – la séparation des pouvoirs exécutif et législatif – un gouvernement responsable devant les Chambres.

Ces engagements vont satisfaire les "démocrates" ; puisque 77 députés S.F.I.O. voteront l’investiture et 74 contre. Les communistes rejette la confiance.

Au total, l’Assemblée Nationale accorde son investiture par 329 voix contre 224.

 

Au soir du 3 juin, la loi constitutionnelle donne à M. Charles de Gaulle, nommé président du Conseil, le pouvoir de rédiger une nouvelle Constitution ; la IVe République continue. M. René Coty demeure président de la République au palais de l’Élysée.

L’ambiguïté c'est que le Général est attendu, avant tout, pour régler l'affaire algérienne.

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1958 - Pierre Pflimlin – 1 -

Publié le par Régis Vétillard

Fin 1957 : Lancelot se désole, rattaché au cabinet de la présidence du Conseil, il assiste à la chute du gouvernement et à la nomination d'un nouveau président, qui ne tiendra pas plus longtemps que les autres. Renversé le 15 avril 1958, le gouvernement reste vacant pendant un mois... !

France-Soir - 6_Janvier_1957 - Alger

Précédemment, ce sont les événements du 8 février 1958 qui vont entraîner la chute du ministère. Des avions français sont entrés dans le territoire tunisien, bombardent Sakhiet Sidi Youcef, un jour de marché et causent la mort de 75 civils. Cette action dirigée contre le FLN, est réprouvée internationalement.

Le monde politique semble se défausser en démissionnant l'un des siens, devant chaque décision prise. Les partis : Radical, SFIO, et MRP à vocation gouvernementale s'affaiblissent ; chacun semble choisir la politique du pire, jusqu'à la déstabilisation d'un système qui n'en peut plus....

En ce mois de mai 1958, Lancelot craint même, une exploitation de cette crise de la part des milieux poujadistes, et de l'extrême droite.

Georges Bidault, partisan de l’Algérie française, n'est plus soutenu par son parti, le MRP, pour former un gouvernement. A son tour, René Pleven, qui prône une réforme de la Constitution, tente l'Union nationale et bute sur la question de l'Algérie, avec le refus du parti Radical.

Début mai 58, de Gaulle est satisfait que le chef de l'Etat - en toute discrétion - ''s'informe de ses intentions''. Il répond qu'il ne demande qu'à être officiellement sollicité.

Aussi, c'est une surprise d'apprendre, le 12 mai 1958, que le président Coty fasse appel au MRP Pierre Pflimlin (1907-2000) pour former le gouvernement.

Dès le lendemain, cet appel à un politique qui ne cachait pas qu'il était prêt à dialoguer avec le FLN, met le feu aux poudres parmi les partisans de l'Algérie française, et parmi les militaires.

Mardi 13 mai, Alger est appelé à manifester au prétexte de la mémoire de trois militaires du contingent tués par les fellaghas. Les gaullistes, les partisans de l'Algérie française, et même l'extrême droite, comptent profiter de cette occasion.

Alger 13 mai 1958

A Alger, dès 13heures l'activité de la ville s'interrompt. Des émeutiers prennent d'assaut le Gouvernement général ( CG), avec la complicité de l'armée. Un Comité de Salut public, formé d’officiers et présidé par le général Massu, exige la constitution à Paris d’un gouvernement de Salut public . Au balcon du CG, le général Massu lit le communiqué suivant :

« Nous apprenons à la population d’Alger que le gouvernement d’abandon de Pflimlin vient d’être investi (.. ) par suite de la complicité des voix communistes… Le comité supplie le général de Gaulle de vouloir bien rompre le silence en s’adressant au pays, en vue de la formation d’un gouvernement de Salut Public qui, seul, peut sauver l’Algérie de l’abandon » .

 

Le gouvernement Pflimlin est investi vers deux heures du matin du 14 mai avec 274 voix ( les communistes s'abstiennent) , et 129 contre (de la droite).

Pierre Pflimlin, se sachant le dernier recours de Coty, ne songe pas à se dérober. Sa préoccupation première n'est pas de mettre fin à la guerre d'Algérie, mais de réformer la Constitution. Il a partagé les vicissitudes de la IVe République, et souffert de cette instabilité gouvernementale.

Le nouveau président du conseil a réussi à convaincre Guy Mollet (SFIO) de l'accompagner, mais a tenté en vain d'obtenir le concours de M. Antoine Pinay.

Pierre Pflimlin (1907-2000)

Lancelot, écœuré par la politique songeait à démissionner d'un poste qu'il juge de plus en plus sans objectif, et sans intérêt. Seulement, quelques jours après l'installation du nouveau Président du Conseil, Lancelot est convoqué; ils se connaissent ' de vue' depuis longtemps, Pflimlin ne lui cache pas l'avoir reconnu, en effet, ils étaient tous deux à Vichy, tous deux travaillant alors au Secrétariat Général de la Jeunesse. Pierre Pflimlin y était, en1940-41 et pendant neuf mois, le chef de bureau de la propagande.

Sur ces expériences passées, va s'établir entre eux une connivence, pendant ces quelques mois. Le président demande à Lancelot de ne jamais évoquer avec d'autres personnes cet épisode passé, et il s'empresse d'affirmer que l'antisémitisme est depuis toujours, « un sentiment qui m'est étranger ».

Pierre Pflimlin est républicain,'' démocrate chrétien'' (MRP), ancien partisan de la CED, européen convaincu. Avec '' ses yeux d'acier '' il semble bien rigide, il n'est pas homme à faire paraître ses émotions.

Pour beaucoup, le Comité de salut public de Massu ( couvert par Salan) est qualifié de ''factieux '' ; pourtant, Pfimlin, confirme les pleins pouvoirs de Salan.

Le nouveau président du conseil, n'ignore pas que les partisans du Général, tentent le coup de force. De Gaulle, reste ambigu et souffle le chaud et le froid.

Mauriac réagit : « Nous espérons toujours en de Gaulle, mais non en un de Gaulle qui répondrait à l’appel d’un Massu. Puisse-t-il ne pas dire un mot, ne pas faire un geste qui le lierait à des généraux de coup d’État. »

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1957- Camus – l'Algérie

Publié le par Régis Vétillard

Le contingent pour l'Algérie

L'actualité de 1957, pour un métropolitain comme Lancelot, porte son attention, le plus souvent, de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, un prolongement de la France que connaît bien peu de français. De jour en jour, Lancelot observe que les français comprennent qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de maintien de l'ordre public. De plus, l'envoi d'appelés du contingent en Algérie ne transforme t-il pas ces ''événements'' en ''guerre'' ?

Enfin, le 8 janvier 1957, 8000 paras investissent Alger pour ''rétablir l'ordre'' ; le gouvernement français Guy Mollet ( SFIO) vient de confier au général Jacques Massu les pleins pouvoirs de police.

 

En ce mois d'Octobre 1957, alors que l'on pressentait Malraux ( ou Boris Pasternak, ou Saint-John Perse ou Samuel Beckett...  ) accéder au Nobel ; c'est un homme de 44ans, Albert Camus (1913-1960), qui reçoit le prix le plus prestigieux des prix littéraires.

Camus est né et a vécu en Algérie dans un quartier populaire, sa mère est illettrée ; il s'est engagé jeune (1935) au Parti communiste. Avant la guerre, il dénonce le sort réservé aux musulmans. Il réfléchit à la notion de ''fédéralisme'' des cultures qu'il oppose au ''nationalisme'' d'un pays.

Il constatait dans le journal ''Alger républicain'' du 6 octobre 1938 « (...) nous comptons lutter contre le conservatisme social qui entend maintenir nos amis indigènes sur un plan d’infériorité ». En juin 1939, déjà, il publiait un reportage « Misère de la Kabylie », et en mai 1945, il écrivait une série d’articles, sous le nom de « Crise en Algérie ».

Albert Camus - 17 octobre 1957

En 1955, dans l'Express, au regard des ''événements'', il précise sa pensée : « Il faut choisir son camp”, crient les repus de la haine. Ah ! je l’ai choisi ! J’ai choisi mon pays, j’ai choisi l’Algérie de la justice, où Français et Arabes s’associeront librement ! »

 

Ensuite, Camus semble ne plus choisir, les intellectuels dénoncent son silence.

Puis, à l'occasion de la remise de son Nobel, Lancelot lit le compte-rendu dans le Monde (14 dec 1957) d'un exposé d'Albert Camus fait aux étudiants suédois sur son attitude devant le problème algérien. 

Une phrase lui est alors attribuée et choque beaucoup d'entre nous : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère »...

Camus choisirait sa famille, c'est à dire sa communauté, celle des français d'Algérie plutôt que la justice, c'est à dire la lutte contre le colonialisme...

Pourtant, il ne s'agissait pas de cela : plus tard, le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l'échange, rapportera une version différente, et reconnue par d'autres témoins :
« J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément.. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »

Camus dénonce le terrorisme.

Voici un extrait du discours du banquet Nobel, qui exprime l'état d'esprit d'Albert Camus, en cette fin d'année 1957 :« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui nous détruire mais ne savent plus convaincre… »

 

Le 1er janvier 1958, entre en vigueur, le Traité de Rome signé, le 25 mars 1957, par six pays : la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne de l'Ouest. Il instaure la Communauté Economique Européenne (CEE). Après l'échec de la CED ( sur la Défense, donc) , se met en place une coopération économique.

Ce 1er jour d'an est également diffusé, sur la seule chaîne de télévision de RTF, le premier épisode des ''Cinq dernières minutes'', une série d'émissions policières de Claude Loursais, avec Raymond Souplex dans le rôle de l’inspecteur Bourrel. En radio, France IV, laisse la place à France / Paris-Inter.

On dit la France en plein essor : le PIB, la natalité, les ''vedettes'' du cinéma avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau, Lino Ventura et Gérard Philippe

Lancelot tient beaucoup à sa Traction Avant de Citroën, seule la future DS pourrait lui donner envie de changer de voiture.

La SNCF est aimée des français ; l'image des cheminots est bonne ( célébrée avec un film la Bataille du Rail (1946) ), on annonce de nouveaux records de vitesse, et le slogan « Une gare dans chaque commune » permet d'envisager d'échapper aux embouteillages ( Nous avons très peu d'autoroutes). Lancelot admire la Caravelle, un biréacteur qui peut atteindre 770km/h. qui va effectuer son premier vol vers New-York.

Le point noir reste le téléphone : '' la moitié de la France attend le téléphone, tandis que l'autre attend la tonalité. '' : bien trop souvent, il faut encore passer par l'intermédiaire d'une opératrice. ; on s'amuse d'entendre Fernand Raynaud, avec le ''22 à Asnières''. Les gens veulent le téléphone chez eux ; mais les listes d'attente s'allongent d'année en année.

A la surprise du monde, le 4 octobre 1957, l’URSS met en orbite Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de l’Histoire. Nous en reparlerons. Nous déplorons, en France, en 1957, seulement 9500 nouveaux bacheliers scientifiques; 30.000 seraient nécessaires.

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1956 – L'Algérie

Publié le par Régis Vétillard

Alors que Lancelot, retrouvait un poste au Ministère des affaires Étrangères, en 1950 ; il suivait avec intérêt la fondation du Congrès international pour la liberté de la culture (CILC) à Berlin-Ouest le 26 juin 1950. Étaient notamment présents Denis de Rougemont, Jaspers, John Dewey, Bertrand Russell, Raymond Aron, Jacques Maritain, Arthur Koestler..etc

Il se souvient aussi du « Manifeste Russell-Einstein », publié en 1955, signé de neuf prix Nobel , qui tentait de mettre en garde l’humanité contre les dangers des armes atomiques et nucléaires.

Connaissant quelques éminents membres, Lancelot se désole que le CILC soit confronté à présent à une dispute en haut rang : alors que Russell avait condamné les crimes de la CIA, après l'exécution des Rosenberg. Rougemont s'en prenait à présent aux communistes ( Figaro du 10 nov.): « Serrer la main d’un communiste occidental, qui approuve “librement” son parti, c’est saluer un complice du crime de Budapest. » Russell alors déplore que ce texte ne soit pas « contre-balancé » par une dénonciation de l’intervention anglo-française en Égypte... Chacun pense démissionner !

Marguerite Duras ( Jacques Haillot)

A Paris, dans une petite salle de la rue de Grenelle, mais pleine ; sont présents André Breton, Maurice Nadeau... Ce meeting est organisé par Edgar Morin, Dionys et Marguerite Duras, et le Comité contre la Guerre d'Algérie. Ils tiennent à dénoncer à la fois, la guerre en Algérie, la répression soviétique en Hongrie et l'intervention anglo-française à Suez. Le Comité va se disloquer, et le meeting sans suite.

Marguerite Duras, est désespérée par l'actualité, et lui prend beaucoup de temps, qu'elle ne consacre pas à l'écriture.

Elle vient de publier un étrange roman, ''Le Square'' qui n'est constitué que d'un dialogue entre une jeune fille, gardienne d'un enfant, et un voyageur de commerce. Chacun veut tromper son ennui. Lancelot évite de lui dire que sa lecture l'a déconcerté, pourtant le charme a opéré. Il ne sait pas l'expliquer. Ce n'est pas réaliste, peut-être poétique.

L'importance du dialogue ? - C'est plus fort qu'elle, dit-elle. Le langage, c'est universel. Elle tente d'écrire un roman sur l'amour fou d'une mère pour son enfant ; et les personnages parlent, parlent...

Elle confirme que Barrage contre le Pacifique va donner un film, de René Clément. Elle appréhende le résultat, d'autant qu'on ne la consulte pas pour le scénario...

Fin 1956, Lancelot s'irrite du manque de vision politique de Guy Mollet ( SFIO), pendant que Robert Lacoste ; ministre résident en Algérie donne tous les pouvoirs à l'armée. La position de la France à l'Internationale devient très embarrassante pour justifier de cette ''guerre'' ( qualifiée pudiquement d’événements).

A partir de mars 1956, suite aux ''pouvoirs spéciaux'' votés, 400 000 appelés vont rejoindre l’Algérie ; c'est la société française qui à présent se sent concernée.

Des personnalités tentent de convaincre l'opinion publique de l'importance de garder l'Algérie française : pour Debré ce serait la fin de notre régime, pour le Maréchal Juin, l'Algérie représente la vitalité française. Jacques Soustelle, ethnologue et prédécesseur de R Lacoste affirme :« L'Algérie perdue, la France cesserait d'être une puissance » et Jean Berthoin, ministre, sénateur : « C'est toute une civilisation qui est aujourd'hui menacée »

L'indépendance du Maroc, puis de la Tunisie, sont reconnues depuis le mois de mars 56. Beaucoup de français espèrent que l'intervention franco-anglaise à Suez, calme l'influence néfaste de l’Égypte sur la rébellion en Algérie.

A partir de 1957, l'opinion envisage l'abandon des départements algériens.

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Dès 1956, des intellectuels catholiques s'engagent et dénoncent le recours à la torture par l'armée.

Dans le Monde en avril 56, Henri-Irénée Marrou, écrit en titre « France ma patrie » et rappelle les méthodes de la Gestapo : « partout en Algérie, la chose n'est niée par personne, ont été installés de véritables laboratoires de torture, avec baignoire électrique et tout ce qu'il faut, et cela est une honte pour le pays de la Révolution française et de l'affaire Dreyfus ». il dénonce également les ''ratissages'' : «  l’opération consiste toujours à frapper indistinctement innocents et coupables, combattants et désarmés. ». Lancelot remarque qu'il évite de prendre position dans le conflit, par contre, Marrou souligne qu’« on ne défend pas une noble cause par des moyens infects » ; cependant cette tribune sera suivie d'une perquisition de la DST, le 10 avril, dans son bureau de Châtenay-Malabry.

Pierre-Henri Simon publie Contre la torture en 1957, qu'il dédie « aux Françaises et aux Français qui ont résisté à Hitler, à celles et ceux qui ont affronté les périls, défié la mort et subi la torture afin que cette ombre recule au ciel de l’histoire »

 

Le CCIF ( cf 1953 – le Maroc) , préfère ne pas trop évoquer les événements d'Algérie. Cependant, le 2 décembre 1957, Raymond Aron lors d'une présentation de son ouvrage '' La Tragédie algérienne '' est reçue par les sifflets des partisans de l'Algérie française, il est accusé de défaitisme.

Seuls Mauriac et Marrou le soutiennent. En effet, Aron affirme que l’indépendance de l’Algérie est inéluctable.

Il soutient qu'il n'y a pas de relations entre 'perte des colonies' et 'déclin économique' ; il s'appuie sur la prospérité économique des Pays-Bas, après la perte de l'Indonésie. Aron tente de convaincre que la fin de l'empire colonial n'est pas un signe de décadence.

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1956 – Événements d'Algérie

Publié le par Régis Vétillard

Albert Camus

Marcel Camus, qui a rejoint le mouvement des ''Libéraux d'Algérie'' lance à Alger, le 22 janvier 1956, un ''Appel pour une trêve civile''. Le mouvement dénonce le comportement méprisant de l'ensemble de la population européenne à l'égard des musulmans. Le courant chrétien progressiste, ( avec l'archevêque d'Alger Monseigneur Duval ) le rejoint. Malheureusement s’enchaînent des réactions de haine, jusque dans la presse locale, de la part des opposants.

Une semaine après l'appel de Camus, à Paris, salle Wagram, un « Comité des intellectuels contre la poursuite de la guerre », le 27 janvier 56, représenté par Jean-Paul Sartre, André Mandouze notamment, reconnaît l’existence de la « Nation algérienne » et organise en France le soutien militant à une « résistance » identifiée au seul Front de libération nationale (FLN).

Lancelot, en curieux, se rend au meeting du 27, salle Wagram, il y croise Edgar Morin qui lui explique que le Comité est déchiré par l'opposition entre pro-FLN et défenseurs de Messali Hadj, fondateur du Mouvement national algérien (MNA) ; et lui fait part de ses réticences à l'égard du Front.

Les événements d'Algérie vont occuper toute l'attention des présidents du Conseil ; ce qui ne va pas empêcher la dérive militariste qui finira même par s'affranchir du pouvoir civil – le 22 octobre 1956, l'armée arraisonne sans ordre du gouvernement l'avion transportant Ben Bella et quatre autres dirigeants du FLN.

 

Guy Mollet fait en Algérie la politique inverse de celle que Mendès avait préconisée. Mal reçu en Algérie sous une pluie de tomates, Guy Mollet nomme ministre résident Robert Lacoste pour en finir avec une « guerre imbécile ». Fin 1956, Lacoste va ordonner au général Massu, commandant de la 10e division aéroportée, de ''pacifier'' Alger ; tandis que la France s'engage dans une nouvelle crise, celle du '' Canal de Suez ''.

 

En lecteur de l'Express, Lancelot semble avoir des difficultés à prendre position. Peut-être est-il aussi sensible à cette dénonciation d'un « nouvel impérialisme arabe, dont l’Egypte, présumant de ses forces, prétend prendre la tête et que, pour le moment la Russie utilise à des fins de stratégie antioccidentale. » ( Camus, dans l'Express ). Les arabes d'Algérie seraient manipulés, les ''pieds noirs'' seraient des victimes collatérales d'une mauvaise administration, que d'autres appellent un système colonialiste.

Lancelot pense aussi à René Guénon, arrivé au Caire en 1930, et mort en 1951 en Égypte ; à Massignon qui y a étudié l'islam, et se bat toujours pour l'amitié christiano-musulmane. En témoignage de cette fraternité, il a créé - le 25 juillet 1954 - avec Lounis Mahfoud, le pèlerinage des Sept Dormants en Bretagne, qui se renouvelle depuis chaque année.

 

Rappel: 1956

Le 6 février : Mollet est accueilli à Alger par de vives manifestations d’hostilité.

Du 23 octobre au 10 novembre 1956 : insurrection à Budapest ( Hongrie) - Le 4 novembre, une importante armée soviétique envahit Budapest et les autres régions du pays.

Du 29 octobre au 7 nov. : intervention franco-britannique en Égypte (crise et guerre de Suez)

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1956 – Elections

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot se dit déçu, le 5 février 1955, de cette continuelle instabilité ministérielle. Le gouvernement de Pierre Mendès France aura tenu deux cent trente jours. Il faut attendre le 23 février pour qu'Edgar Faure soit investit. Nous sentons à présent qu'une crise est latente ; elle se nourrit de la ''question algérienne'' et de l'instabilité politique.

Déjà lors de cette Toussaint sanglante de 1954, une série d'attentats sont perpétrés sur le territoire de la République, en Algérie, par des fellagas et dit-on par des éléments étrangers tunisiens ou égyptiens … Mauriac dira dans son ''Bloc-Notes'' « la guerre d'Algérie commence. ». Le peuple algérien en appelle à des réformes de structure.

Et pour la politique : « Nous avons vu de nos yeux les horreurs du fascisme et nous redoutons le carcan concentrationnaire; mais la démocratie telle que nous la pratiquons, à quoi bon se boucher les yeux? C'est la décomposition ininterrompue, c'est la mort lente » ( Mauriac, Bloc-Notes)

Pierre Mendès France a fait la paix en Indochine et en Tunisie en 1954, Edgar Faure a réussi à ramener le calme au Maroc en 1955. En 1956, réussirons-nous à ramener la paix républicaine française en Algérie ?

 

En décembre 1955, la crise politique qui couvait, produit la dissolution de l'Assemblée Nationale, deux jours après que le gouvernement Edgar Faure ait été renversé par un vote de l'assemblée .

Le conseil des ministres dissout l'assemblée nationale, contre l'avis du Président René Coty.

 

Lancelot assiste à de nombreuses fractures aussi bien dans le parti radical que dans le paysage politique français.

Quinze gouvernements vont se succéder de 1950 à 1958 ( dont six entre juin 1957 et juin 1958 !)

De plus, le ''régime des partis'' pousse le travail de l'administration à ses limites. Le manque de solidarité ministérielle, les fuites, sont exacerbés par l'emprise de la presse toujours à l’affût de nouvelles péripéties. Chacun se plaint du sens perdu de l'Etat, et de la difficile continuité du service.

Il reste également, en sourdine, le ressentiment d'une très légère épuration, à la fin de la guerre, parmi la haute administration ; de nombreux directeurs ont servi, jusqu'au bout, Vichy.

Par contre, depuis le statut de 1946, le fonctionnaire titulaire de son grade, ne dépend plus du pouvoir politique.

De nombreux jeunes administrateurs investissent les ministères et vont modifier les méthodes, et améliorer les conditions de travail. Les bureaux étaient surpeuplés, un seul appareil téléphonique pour trois ou quatre personnes, juché sur un bras mobile métallique qui tourne ; pas de ligne directe, cela oblige à passer d'un standard à un autre standard... Un pool dactylographique ne délivre une sténodactylo que pour une vingtaine de minutes, pour n'obtenir la note qu'une demi-journée plus tard...

Tintin souhaite une Bonne année 1956

 

La dissolution de l'Assemblée nationale a été très critiquée par les ''mendésistes'', qui représentent l'aile gauche du parti radical. Pour ces élections législatives du 2 janvier 56, ils vont s'allier avec la SFIO, des gaullistes (républicains sociaux) et l'UDSR ( Mitterrand) , et se regrouper pour former un Front Républicain, constitué à l’initiative de Pierre Mendès France. Ce ''Front'' s'oppose au centre droit d'Edgar Faure et d'Antoine Pinay, au PCF et au tout nouveau mouvement poujadiste.

 

Pierre Poujade, est libraire-papetier à Saint-Céré dans le Lot, il a créé en 53, un mouvement de défense des commerçants, qui rapidement après s'en être pris aux '' contrôles fiscaux'' reprend des thèmes comme l'antiparlementarisme, le nationalisme et l'Algérie aux français, et même l'antisémitisme, pour se présenter aux élections.

 

Edgar Faure est exclu du Parti radical le 1er décembre 1955 : « J’ai été en l’espace de 24 heures renversé, dissout et exclu ». Il se présente sous une nouvelle étiquette (RGR).

Jean-Jacques Servan-Schreiber, dans son éditorial de l'Express du 30 décembre 1955 ( créé en 1953, il a accueilli François Mauriac et son 'Bloc-Notes', puis en 1955-56, Albert Camus ) appelle au retour de Mendès.

Pierre Poujade, au centre

À Alger, les ultras de l'Algérie française se mobilisent violemment aux cris de « À bas Mendès ! »

 

Aux élections du 2 janvier 1956, les listes sous l'étiquette "Front républicain" obtiennent près de 28% des voix et 172 sur 594 sièges à l'Assemblée. La droite parlementaire regroupée obtient plus de 30% et 214 députés. Le Parti communiste, 26% et 150 élus. La surprise vient avec le mouvement de Poujade, et ses 13%, il conquiert 52 sièges. Parmi les députés poujadistes, Jean-Marie Le Pen, le plus jeune député de France.

On s'attend à ce que Mendès forme un nouveau gouvernement et prenne des initiatives sur la question algérienne. Le président René Coty, par excès de prudence et afin de continuer la construction européenne, choisit de confier la présidence du Conseil au dirigeant socialiste Guy Mollet.

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