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1956 – L'Algérie

Publié le par Régis Vétillard

Alors que Lancelot, retrouvait un poste au Ministère des affaires Étrangères, en 1950 ; il suivait avec intérêt la fondation du Congrès international pour la liberté de la culture (CILC) à Berlin-Ouest le 26 juin 1950. Étaient notamment présents Denis de Rougemont, Jaspers, John Dewey, Bertrand Russell, Raymond Aron, Jacques Maritain, Arthur Koestler..etc

Il se souvient aussi du « Manifeste Russell-Einstein », publié en 1955, signé de neuf prix Nobel , qui tentait de mettre en garde l’humanité contre les dangers des armes atomiques et nucléaires.

Connaissant quelques éminents membres, Lancelot se désole que le CILC soit confronté à présent à une dispute en haut rang : alors que Russell avait condamné les crimes de la CIA, après l'exécution des Rosenberg. Rougemont s'en prenait à présent aux communistes ( Figaro du 10 nov.): « Serrer la main d’un communiste occidental, qui approuve “librement” son parti, c’est saluer un complice du crime de Budapest. » Russell alors déplore que ce texte ne soit pas « contre-balancé » par une dénonciation de l’intervention anglo-française en Égypte... Chacun pense démissionner !

Marguerite Duras ( Jacques Haillot)

A Paris, dans une petite salle de la rue de Grenelle, mais pleine ; sont présents André Breton, Maurice Nadeau... Ce meeting est organisé par Edgar Morin, Dionys et Marguerite Duras, et le Comité contre la Guerre d'Algérie. Ils tiennent à dénoncer à la fois, la guerre en Algérie, la répression soviétique en Hongrie et l'intervention anglo-française à Suez. Le Comité va se disloquer, et le meeting sans suite.

Marguerite Duras, est désespérée par l'actualité, et lui prend beaucoup de temps, qu'elle ne consacre pas à l'écriture.

Elle vient de publier un étrange roman, ''Le Square'' qui n'est constitué que d'un dialogue entre une jeune fille, gardienne d'un enfant, et un voyageur de commerce. Chacun veut tromper son ennui. Lancelot évite de lui dire que sa lecture l'a déconcerté, pourtant le charme a opéré. Il ne sait pas l'expliquer. Ce n'est pas réaliste, peut-être poétique.

L'importance du dialogue ? - C'est plus fort qu'elle, dit-elle. Le langage, c'est universel. Elle tente d'écrire un roman sur l'amour fou d'une mère pour son enfant ; et les personnages parlent, parlent...

Elle confirme que Barrage contre le Pacifique va donner un film, de René Clément. Elle appréhende le résultat, d'autant qu'on ne la consulte pas pour le scénario...

Fin 1956, Lancelot s'irrite du manque de vision politique de Guy Mollet ( SFIO), pendant que Robert Lacoste ; ministre résident en Algérie donne tous les pouvoirs à l'armée. La position de la France à l'Internationale devient très embarrassante pour justifier de cette ''guerre'' ( qualifiée pudiquement d’événements).

A partir de mars 1956, suite aux ''pouvoirs spéciaux'' votés, 400 000 appelés vont rejoindre l’Algérie ; c'est la société française qui à présent se sent concernée.

Des personnalités tentent de convaincre l'opinion publique de l'importance de garder l'Algérie française : pour Debré ce serait la fin de notre régime, pour le Maréchal Juin, l'Algérie représente la vitalité française. Jacques Soustelle, ethnologue et prédécesseur de R Lacoste affirme :« L'Algérie perdue, la France cesserait d'être une puissance » et Jean Berthoin, ministre, sénateur : « C'est toute une civilisation qui est aujourd'hui menacée »

L'indépendance du Maroc, puis de la Tunisie, sont reconnues depuis le mois de mars 56. Beaucoup de français espèrent que l'intervention franco-anglaise à Suez, calme l'influence néfaste de l’Égypte sur la rébellion en Algérie.

A partir de 1957, l'opinion envisage l'abandon des départements algériens.

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Dès 1956, des intellectuels catholiques s'engagent et dénoncent le recours à la torture par l'armée.

Dans le Monde en avril 56, Henri-Irénée Marrou, écrit en titre « France ma patrie » et rappelle les méthodes de la Gestapo : « partout en Algérie, la chose n'est niée par personne, ont été installés de véritables laboratoires de torture, avec baignoire électrique et tout ce qu'il faut, et cela est une honte pour le pays de la Révolution française et de l'affaire Dreyfus ». il dénonce également les ''ratissages'' : «  l’opération consiste toujours à frapper indistinctement innocents et coupables, combattants et désarmés. ». Lancelot remarque qu'il évite de prendre position dans le conflit, par contre, Marrou souligne qu’« on ne défend pas une noble cause par des moyens infects » ; cependant cette tribune sera suivie d'une perquisition de la DST, le 10 avril, dans son bureau de Châtenay-Malabry.

Pierre-Henri Simon publie Contre la torture en 1957, qu'il dédie « aux Françaises et aux Français qui ont résisté à Hitler, à celles et ceux qui ont affronté les périls, défié la mort et subi la torture afin que cette ombre recule au ciel de l’histoire »

 

Le CCIF ( cf 1953 – le Maroc) , préfère ne pas trop évoquer les événements d'Algérie. Cependant, le 2 décembre 1957, Raymond Aron lors d'une présentation de son ouvrage '' La Tragédie algérienne '' est reçue par les sifflets des partisans de l'Algérie française, il est accusé de défaitisme.

Seuls Mauriac et Marrou le soutiennent. En effet, Aron affirme que l’indépendance de l’Algérie est inéluctable.

Il soutient qu'il n'y a pas de relations entre 'perte des colonies' et 'déclin économique' ; il s'appuie sur la prospérité économique des Pays-Bas, après la perte de l'Indonésie. Aron tente de convaincre que la fin de l'empire colonial n'est pas un signe de décadence.

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