Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

1950s

Années 50, toujours le '' modernisme '' et L'Eglise.

Publié le par Régis Vétillard

Depuis l'encyclique Humani Generis d'août 1950, le CCIF se sent menacé, le Saint-Office dénonce un « goût très prononcé pour la liberté ». la crise des prêtres-ouvriers présage de nouvelles tensions. En 1953, on s'interroge, avec Jean Lacroix, personnaliste, sur la compatibilité entre le christianisme et le monde moderne, et « sur le sens et la valeur de l’athéisme » ; ne contribue t-il pas, par exemple, à purifier notre foi ? Ce choix de sujet, a choqué quelques-uns.

1953

L'année suivante, la Semaine des intellectuels catholiques propose des conférences-débats centrées sur l'homme. L'homme Jésus, la sexualité, la mort etc... On pouvait y rencontrer : Henri Bartoli, René Rémond, Georges Suffert et le père Thomas ; Jean Guitton, Pierre-Henri Simon et le père Carré ; Gabriel Marcel et Robert Garric, Étienne Borne et le père Hans Urs von Balthasar.

La Semaine 1955, s’interroger sur la valeur des civilisations, et constitue un véritable plaidoyer pour une Église ouverte et moderne : L’Église n’est pas cléricale, l’Église conteste et comprend le communisme, (…) l’Église parle toutes les langues humaines, l’Église ne redoute pas une civilisation de la science et la technique et l’Église croit à l’avenir du monde »; participent le Père Danielou, François Mauriac, René Rémond... On s'interroge sur une institution qui serait trop attachée à un pouvoir politique et sur le concept de la laïcité. Henri-Irénée Marrou montre les ambiguïtés de la civilisation médiévale.

La Semaine 1956, avec le sujet « Monde moderne et sens du péché », doit se préparer sous la responsabilité de l'épiscopat. Son programme et surtout ses intervenants sont revus. François Mauriac et l’abbé Oraison ne sont pas sollicités, Albert Béguin et Julien Green se désistent, et on fait appel à Daniel-Rops, André Frossard et Gustave Thibon.

 

Le désarroi des lendemains de guerre, cède la place à une certaine confiance dans l'avenir et le progrès. La société est en mutation autour de l'attrait des villes, et l'exode rural, avec le progrès des moyens de communication, de transport. Les structures traditionnelles sont remises en question, et l'american way of life nous inspire. Face au matérialisme marxiste athée, s'oppose un matérialisme occidental, à propos duquel on pourrait se demander si le Vatican, ne le néglige pas.

La Descente des Modernistes 1922.

Depuis le XIXè siècle, l'Eglise bute sur une controverse : le ''modernisme'' . Que signifie t-il ?

Lancelot répondrait : une émancipation de la conduite et de la pensée par rapport à la foi religieuse, ce mot pourrait s'opposer au médiévalisme quand la ''loi chrétienne'' régnait sur les individus et les sociétés... Le modernisme commencerait alors au XVè siècle, et signifierait déviation , erreur... Le protestantisme était qualifié de ''modernisme'' . Le modernisme pourrait encore remonter aux encyclopédistes et à Rousseau. Pour Loisy, il est beaucoup plus récent et provient des adversaires orthodoxes. Pie X, l'aurait repris des pères jésuites de Rome - à l'origine un sobriquet méprisant - en ce début du XXème siècle.

Le pape Pie X a condamné le ''modernisme'' parce qu'il soumet l'interprétation du message chrétien aux méthodes de la critique historique et philosophique. Il est vrai que cette approche historique de l'écriture de la Bible, interroge ensuite la nature du dogme, et le mode de connaissance de Dieu.

Finalement : s'agit-il de moderniser le christianisme, ou de christianiser la modernité ; sans pour autant, tomber dans certaines dérives ? Charles Journet, lui-même, s'en inquiète : «Un jour le monde risque de se réveiller complètement privé de Dieu transcendant, ou, si l’on peut dire, de se réveiller dialectico-matérialiste-chrétien»

 

Ernest Renan (1823-1892) aurait dit – à juste titre – « Ce sont les idées qui mènent le monde », après Friedrich Hegel (1770-1831) « l’idée est en vérité ce qui mène les peuples et le monde, et c’est l’Esprit, sa volonté raisonnable et nécessaire, qui a guidé et continue de guider les événements du monde » ( La Raison dans l'Histoire) et avant Antonio Gramsci (1891-1937) qui préconisait avant toute prise de pouvoir de privilégier la culture, les valeurs, l'idéologie...

 

Le marxisme, comme idéologie, donne un sens à la réalité comme organisation d'une société, et du sens à l'action politique. Il y a la critique du capitalisme, et la promesse d'une libération des ''exploités'', et des exclus... Ce thème de la libération n'est-il pas commun au christianisme et au marxisme. La revue ''Esprit'' milite à démontrer que la religion n'est pas une aliénation, une résignation, un opium... Mauriac aurait même dit : « seuls les esprits religieux comprennent à fond les communistes » Paul Ricoeur n'est pas insensible à cette attraction marxiste, mais il prévient qu'il ne s'agit pas de collaborer dans la confusion : pour les chrétiens les enjeux sont spirituels.

 

Le marxisme peut-il se séparer de son athéisme ?

Si l'on nie Dieu, la morale peut-elle encore exister ? « Une fois supprimé le respect dû à Dieu législateur et juge, le droit et sa violation sont des mots vides de sens, la loi morale est réduite à néant » (Pie X II, exhortation Conflictatio bonorum aux évêques du monde entier, 11 février 1949, AAS, 41 (1949) 60).

Le père Dubarle admet qu'une morale individuelle a besoin d'un horizon de réalité supérieure à cette réalité ; et qu'il peut exister une morale athée ( Pour un dialogue avec le marxisme, p 97). Ses contradicteurs, ajoutent, que oui, de fait, un athée peut avoir le sens moral, mais n'est ce pas qu’un conformisme sociologique ou un choix gratuit personnel ?

 

Cependant :

Les valeurs de l'Evangile engagent le chrétien à rechercher la justice, donc à s'engager et rejeter un certain apolitisme religieux, et affirmer '' le primat de la conscience sur l’obéissance ''.

Pourtant :

Le pape Pie X -1903

La revue des dominicains, ''La Quinzaine'', est condamnée en 1955 par le Saint-Office, et cesse de paraître, sa devise était ''Le journal de ceux qui se veulent « des chrétiens dans le temps présent » '' . Dans l'éditorial du dernier numéro, on pouvait lire : « Depuis plusieurs années des coups répétés frappent les efforts entrepris pour assurer la présence de l'Église dans les milieux déchristianisés. Condamnations et mises en garde interrompent successivement toutes les recherches d'ordre doctrinal et, ainsi, c'est le cas pour " la Quinzaine ", toute appréciation de la situation présente et tout comportement qui s'écartent des habitudes de penser et d'agir de la civilisation " chrétienne ".

«  Dans la crainte de voir les laïcs et les prêtres entièrement absorbés par le milieu dans lequel ils travaillent et ils luttent, l'Église se replie sur elle-même. Certains semblent vouloir utiliser l'Église comme puissance d'ordre et la lancer dans une croisade contre les forces du mal. » 

Voir les commentaires

Le Vatican et la guerre froide 3

Publié le par Régis Vétillard

Le point de vue anti-communiste, est ancré dans le stalinisme, avec le soutien sans faille du PCF, et son secrétaire national Maurice Thorez qui conduit le culte de Staline.

Raymond Aron, 1954

La personnalité qui est la plus consciente des dangers d'une idéologie qui se cache derrière la défense des opprimés est Raymond Aron. Déjà avec avec le nazisme ; il prend conscience que chaque système totalitaire se présente comme une « religion séculière ». Pour ce qui est du communisme, dès avant la guerre, il remarquait qu' « en dépit de Staline, à cause de Hitler, nous inclinions à mettre le communisme du bon côté de la barricade. »

Raymond Aron (1905-1983) , est un philosophe, sociologue, politologue, historien et journaliste français. Le plus célèbre représentant de la pensée libérale en France après 1945

A Londres, Aron a entendu parler les polonais des massacres de Katyn : en 1940, 4000 officiers polonais furent exécutés d'une balle dans la tête, par les agents du NKVD ( police politique soviétique). En 1944, il constate la tentative d’hégémonie soviétique sur une partie de l'Europe. En 1945, il envisage sous le titre « La chance du socialisme », la perspective d’une alliance entre le libéralisme politique et le socialisme démocratique. Il dénonce « par voie d’autorité un socialisme d’État. », et estime qu' « un socialiste partisan de la famille occidentale s’oppose à un communiste dévoué au destin de l’Union soviétique »

En novembre 1946 devant les élèves de l’ENA (  Perspectives sur l’avenir de l’Europe) Aron rejetait une fois de plus le modèle soviétique : « Quoi que l’on pense du communisme, ce n’est pas un rêve, c’est un cauchemar »

Aron s'interroge sur la participation des communistes à un gouvernement pluraliste : peut-on rejeter « ceux qui ne songent qu'à le détruire ? L’anticommunisme finira peut-être, entraîné par sa logique, par détruire la démocratie. La non-résistance au communisme la détruirait plus sûrement encore. »

Comme religion séculière, et parce que « le marxisme est une hérésie chrétienne. », le communisme est « l’incarnation actuelle de l’anticatholicisme », et « se pose en Eglise rivale. »

Eglise persécutée en URSS, 1930

 

Début des années 50, par ses contacts avec Rome, Lancelot comprend que le but des soviétiques serait d'utiliser, en France en particulier, l'institution de l'Eglise pour détruire la foi populaire. Il s'agirait de la stigmatiser comme oppressive, autoritaire, emplie de préjugés et arrogante afin que le clergé n'ait pas d’autre choix que de l'ouvrir au monde et affaiblir l'institution romaine.

Derrière le rideau de fer, le clergé catholique est persécuté, le plus souvent accusé d'espionnage.

Cette prise de contrôle soviétique est à l’œuvre en Pologne. Boleslaw Piasecki , un ex-agent nazi, a lancé le réseau Pax, un service de propagande soviétique, dirigé par un prêtre orthodoxe et colonel du NKVD, Vassili Gorelov qui contrôle l'ensemble des publications religieuses polonaises et diffusent une pensée ''progressiste''... Gorelov aurait mis en place à Lviv en Pologne, une école de formation religieuse pour ''faux prêtres'' ?

L'objectif est aussi d'étendre l'influence de Pax en dehors du monde communiste, en France notamment. L'abbé Jean Boulier, en 1946, avait emmené Emmanuel Mounier en Pologne, en vue d'une collaboration entre Esprit et Pax.

Après la création de l'OTAN ( avril 1949) pour « la sauvegarde de la liberté et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires. » par douze pays occidentaux, dont la France. Lancelot apprend la mise en place par les Américains et les Britanniques de réseaux appelés «Stay Behind», destinés à réagir en cas d’invasion soviétique, pour mener la résistance, et dépendant de la CIA, et du MI6. En Italie, un réseau similaire serait sous la supervision du ministre de l'intérieur. Il est censé rester passif et s'activer en cas de danger. Il pourrait agir également en cas de «subversion interne», comme empêcher le Parti communiste italien (PCI) de former un gouvernement.

Lancelot prend ses renseignements auprès des diplomates qui se doivent de répondre aux différentes sollicitions tels que les réceptions, événements ; mais aussi auprès de nos services de renseignements qui traitent avec le Vatican, en particulier dans ce contexte de guerre froide.

Aristocrate, Wladimir d’Ormesson, est au cœur d'une vie mondaine romaine ( ancrée Villa Bonaparte) qui contraste avec la progression du communisme en Italie et à l'étranger ; par exemple, il sert d'intermédiaire entre une certaine ''noblesse pontificale'' et l'Ordre de Malte. L'ambassadeur se définit comme d'Eglise, qui a la confiance des évêques, et se veut le porte-parole de l’Église de France. « Il devient paroissien de Saint-Louis-des-Français, il reçoit à genoux la bénédiction du pape quand il le voit, il choisit un confesseur, communie et se confesse souvent. Il admire aussi la grandeur des rites romains. » ( Thèse de Sophie Gauthier )

padre Pio

Émouvant, ce que l'ambassadeur raconte à Lancelot, à propos de la messe de padre Pio, à laquelle il avait assisté : « Je le dis parce que c’est la vérité, jamais de ma vie je n’ai assisté à une messe aussi bouleversante. Et cependant toute simple. Le Padre Pio n’agissait que selon les rites traditionnels. Mais il récitait les textes liturgiques avec une telle netteté et une telle conviction ; il se dégageait de ses invocations une telle intensité ; ses gestes, si sobres qu’il fussent, étaient d’une telle grandeur que la messe prenait je ne sais quelles proportions et devenait – ce qu’en réalité elle est et ce que précisément nous avons trop oublié qu’elle est – un acte absolument surnaturel. » ( Wladimir d'Ormesson - Le Figaro, 28-29 septembre 1968. )

Mais, d'Ormesson, lui-même se plaint de n'avoir qu'un Mgr Montini, avec de grandes qualités mais sans pouvoir, ou Mgr Tardini proche de l'Opus Dei, comme interlocuteurs. Tardini est un expert en relations internationales. L'ambassadeur joue de passer de l'un à l'autre, pour arriver à ses fins.

Voir les commentaires

Années 50 – Un parti chrétien a t-il du sens ?

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot a accepté l'opportunité de loger au Séminaire français de Rome, comme Maurice Maillard. Cela lui donne l'occasion de rencontres intéressantes.

L'ambassade au Vatican, est occupée par le comte Wladimir d’Ormesson ( oncle de l'écrivain et journaliste Jean d’Ormesson.) de 1948 à 1956, après l'avoir été par le philosophe Jacques Maritain.

De la fin de la guerre à 1968, Joseph Delos dominicain, à Rome, est le conseiller ecclésiastique de l’ambassadeur de France près le Saint-Siège.

Thomas-Joseph Delos, « l’homme du bon conseil » est à la droite de l’ambassadeur, Wladimir d’Ormesson

Lancelot sera en contact régulier avec le père Delos très soucieux des liens entre l’Eglise de Rome et les catholiques de France. Le dominicain est un spécialiste de droit international, professeur la Faculté libre de droit de Lille de 1924 à 1940.

Il développe une thèse intéressante sur la distinction entre l'Etat et la Nation. L'un est une organisation politique, la seconde est une communauté culturelle.

Il est intéressant, de lire dans les contacts de Lancelot avec le père Delos, des développements sur un programme politique. Ainsi, cette proposition d'un état fédéral afin d'associer les diverses minorités nationales, basée sur le '' Bien Commun'' notion avancée par Thomas d'Aquin ( reprise d'Aristote), qui se formaliserait dans les institutions.

Si la politique internationale se fonde sur les nations, elle peut être « définitivement, complètement perturbée et menacée par le nationalisme » ; la nation n'étant qu'un prétexte au totalitarisme. Les nations – selon le principe thomiste de la « sociabilité naturelle » entre les hommes – doivent être protégées et régulées, afin d'établir entre elles des relations de « libre commerce ». Le ''commerce '' comprend les échanges économiques, culturels et de solidarité. Ceci, serait la base « d’une communauté internationale, protectrice de la civilisation, et du développement humain »

Lancelot et le père Maillard discutent de la question, en politique : un parti chrétien a t-il du sens ?

- Effectivement, Maritain, parle de ''nouvelle chrétienté''

- Un concept critiqué par Mounier, rappelle Lancelot, il relevait l'illusion d'une '' domination parfaite de la société par l’organisme chrétien '' ( conférence de 1949 : '' Foi chrétienne et civilisation ''). Il ne s'agit pas aux chrétiens de reconquérir mais de témoigner... Mounier ( mort en mars 1950) récusait l'idée que l'on puisse se dire « monarchiste parce que chrétien » ou « de gauche parce que chrétien ».

- Il y a chez le chrétien, cette image du ''Royaume'' : il n'est pas la fin de l'histoire, il a déjà commencé en nous, puis par nous...

- Lancelot reprend aussi cet optimisme teilhardien du sens de l'histoire. Et dans ce sens, Mounier, pense que  l’histoire et les civilisations sont « dans notre condition, des médiations nécessaires ».

- L’Église, travaille à l’avènement du Royaume. Mounier ajoute aussi, que la société ne doit pas rejeter, exclure ce qu'il nomme le ''surnaturel'' : L’ouverture au surnaturel « est la condition radicale de la sauvegarde des personnes et, par elles, de la civilisation tout entière »

 

En France, même, on s'interroge sur l'opportunité d'un parti '' Démocratie Chrétienne'' ( D.C.). Seulement, les français peuvent-ils accepter qu'un parti politique puisse s'affirmer lié à une Église ?

- Le MRP, le Mouvement républicain populaire créé en 1944, se situe dans cette tradition du catholicisme social, et renvoie dos à dos le libéralisme et le socialisme. Toujours cette recherche d'une ''troisième voie'', qui semble se pervertir devant la réalité de l'économie.

Hors de France, la D.C. ne veut pas être le ''bras politique'' des Eglises ; elle peut soutenir d'ailleurs, la séparation de l’Etat et de l’Eglise ; tout en reconnaissant partager les même valeurs.

- Qu'elles sont-elles ?

- La liberté, la justice et la solidarité ; basées sur une conception chrétienne de l'homme, ''personnaliste'', c'est à dire reconnaissant dans chaque humain la dignité inaliénable de l'être, unique, perfectible ( pour exprimer l'avènement d'un homme nouveau). Ces valeurs, aujourd'hui, ne peuvent développer que dans une démocratie, qui promeut une économie sociale de marché ( selon la doctrine sociale des Églises chrétiennes) et un état protecteur.

Dans l’éthique sociale chrétienne une notion est primordiale : la subsidiarité. Du latin 'subsidium' qui signifie, recours, appui ; ainsi l'Etat ne rentre en jeu que lorsque les plus petites unités n’arrivent plus à mener une vie autonome et responsable. Ce qui se traduit par la préférence d'une décentralisation administrative assez poussée.

Ensuite, certains thèmes sont privilégiés : - la primauté de la famille comme cellule de base de la société et premier lieu d'éducation, de responsabilité et de solidarité. - Un souci de l'environnement, très bien représenté par le mouvement scout, prisé dans ces années 50.

 

Pourtant, l’Église elle-même, a du mal à se réformer. Elle semble figée par la peur du modernisme et par la crainte d’une recherche intellectuelle qui ne conduirait qu'à l'éloignement de la foi. Un enseignement classique, fondé sur le thomisme traditionnel, s'oppose à l’approfondissent des grandes philosophies contemporaines.

Pour les conservateurs, un parti catholique devrait être le parti - en conformité avec les enseignements pontificaux - qui réagit au libéralisme accusé de désorganiser la société, et au socialisme qui la trompe.

Un parti catholique se confondrait donc avec le conservatisme ; il serait le garant de la survivance du passé dans un monde qui change et de plus, assurerait la sécurité de la patrie.

Ce parti serait celui de tous les chrétiens qui souhaitent mieux défendre l’Eglise dans une société libérale, contre le communisme.

 

Lancelot et Maurice, s'accordent à constater que la société se modernise et se déchristianise. Le Vatican, dans sa tour d'ivoire, ne voit pas la crise arriver, avec la baisse des vocations et des laïcs en mal de pouvoir se situer.

Des prêtres dénoncent l'écart entre la vie catholique et le monde ouvrier. La Mission de France, voulue par le cardinal Suhard ( archevêque de Paris) a donné naissance entre 1943 et 1947, aux ''prêtres-ouvriers''. Ils vont apporter la contradiction dans l'Eglise ; contradiction entre un ordre social chrétien et conservateur, opposé à la modernité et un catholicisme social progressiste fondé sur la JOC, et - il est vrai - proche du PC parfois.

Voir les commentaires

Paul Ricoeur

Publié le par Régis Vétillard

Paul Ricoeur

Paul Ricoeur (1913-2005) a commencé sa collaboration avec la revue Esprit en 1946. Après-guerre il va accompagner tous les engagements de la revue, notamment celui de l'anti-colonialisme.

Lancelot, sans le connaître personnellement, apprécie toutes ses interventions. Pour cela de nombreuses occasions sont produites par les groupes ''Esprit'', lors de congrès, de cessions, ou pour des textes de travail...

Ricoeur, philosophe et enseignant à l'Université de Strasbourg, apporte la rigueur de l'universitaire. C'est un éducateur. Lancelot se souvient de son intervention ''La parole est mon royaume'' reprise dans la revue en 1955. Ricoeur confiait que chaque année, il se donnait l'objectif de lire l’œuvre complète d'un grand philosophe.

Lancelot utilise, les propositions de Ricoeur, pour enrichir ses réflexions et ses discussions avec le père Maillard, en particulier:

Paul Ricoeur va s'élever contre cette ''facilité'' que nous avons de décider qu'il existe, d’un côté, le « monde libre » et, d’un autre côté, le « monde totalitaire » ; et que nous n'avons d'autre choix, que de décider de quel côté nous sommes...

Il s'inscrit dans cette recherche ''personnaliste'' d'une troisième voie, et nous interroge : ne pourrait-on pas conserver, « du libéralisme politique, le respect de l’autonomie de la personne humaine, et du communisme, l’idéal d’une communauté égale et fraternelle. » ?

- Sauf que la société soviétique, n'est pas une communauté égale et fraternelle !

- Je suis d'accord ; et de même : « Comment nos plus justes plaidoyers pour les plus légitimes libertés seraient-ils entendus quand nous appelons “homme libre” le pauvre planteur du Guatemala ou le chômeur des bidonvilles nord-africains ? ».

 

Acceptons, avec le marxisme, de nous situer au niveau idéologique ; avant de revenir à la pratique quotidienne, et donc aux faits..

- Ne peut-on pas échapper au pouvoir de l'idéologie... ?

- Pour un communiste, tout développement intellectuel est idéologique... A contrario, penses-tu que l'idéologie pourrait n'être que systématiquement mauvaise... ?

Pourrait-on se passer de théories pour penser le monde et agir sur lui ? L'idéologie – à la différence de la religion, peut-être – propose un destin collectif, et non un salut individuel.

Les vacances de Monsieur Hulot - Jacques Tati - 1953

Chacun a son analyse du bon fonctionnement d'une société.

Nous ne partons pas de rien, nous participons déjà à une certaine vie sociale. Si on étudie les faits socioculturels, Claude Levi-Strauss, affirme mettre en évidence une ''structure symbolique '', qui permet de comprendre “l’esprit humain”, car elle est le produit d’une “fonction symbolique”, commune à tous les hommes.

Cette '' fonction symbolique '' est tout simplement la capacité d’avoir des représentations mentales. Elle permet à tout individu d’habiter pleinement son humanité en transcendant la matérialité de son existence et en s’affranchissant du déterminisme de l’instinct. L'intérêt de mettre en valeur cette fonction permet de comprendre comment nous mettons du sens sur le monde, comment nous le vivons et comment nous communiquons à son sujet...

 

Paul Ricoeur reprend le concept de fonction symbolique comme une fonction de l’imagination qui permet de donner un sens à l’expérience humaine.

L'idéologie, nous dit-il, est cet ensemble cohérent « de médiations symboliques (mythes, légendes, récits historiques, valeurs structurantes…) par lesquelles se structure la réalité sociale et politique. »

« Si l’on n’accorde pas que la vie sociale a une structure symbolique, il n’y a aucun moyen de comprendre comment nous vivons, faisons des choses et projetons ces activités dans des idées, pas le moyen de comprendre comment la réalité peut devenir une idée ou comment la vie réelle peut produire des illusions ; elles ne seront toutes que des événements mystiques et incompréhensibles. » ( P. Ricœur, L’idéologie et l’utopie )

 

Le marxisme se méfie d'une idéologie qui serait une forme de ''fausse conscience'' qui cacherait la réalité, comme par exemple la domination de classe, l'exploitation sous l'apparence des institutions.

Le marxisme prétend accéder à une réalité cachée derrière les apparences. Cette réalité est considérée comme la véritable nature des choses et est souvent appelée la '' réalité à nu ''.

Un exemple de la «réalité à nu» pourrait être la relation entre les travailleurs et les propriétaires des moyens de production. Selon le marxisme, cette relation est cachée par les phénomènes qui sont visibles à la surface de la société, tels que les relations salariales et les contrats de travail. La «réalité à nu» est que les travailleurs sont exploités par les propriétaires des moyens de production qui tirent profit du travail des travailleurs.

 

Pourtant, Ricoeur, critique cette prétention à « accéder à une '' réalité à nu '', à une pure praxis désymbolisée.. » et le concept de ''fausse conscience'' du marxisme. Il affirme que la conscience n’est jamais complètement fausse ou vraie. Selon Ricoeur, la conscience est toujours en mouvement et est influencée par des facteurs tels que l’expérience personnelle et les relations sociales.

 

Toutefois, il est vrai que l'idéologie est souvent présentée de manière négative, parce qu'opposée au réel. L'idéologie peut amener à distordre le réel.

 

Marxiste ou libéral, nous devrions parler d'un système, qui aurait fait la preuve de la démocratie, et de la justice... Mais, entre communisme et capitalisme, existe-t-il ?

Ricoeur imagine un régime basé sur « les principes du libéralisme politique au cœur même de l’État planificateur »

 

Le piège du marxisme, et de sa notion de classes sociales, et de classe dominante, c'est de rester fasciné par le problème de la ''domination''.

Et en premier lieu, se demande Lancelot, peut-être celle de la domination de l'homme sur la nature...

Un deuxième piège est celui de s'ériger en science... Nous avons vu précédemment le problème que pose la ''science prolétarienne''. !

Voir les commentaires