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1965 - Les Nouveaux Prêtres
Le père Clavel, curé près de Fléchigné, et Lancelot se sont échangés un livre, au thème similaire : Lancelot apporte, Les Saints vont en enfer de Gilbert Cesbron, paru en 1952, contre Les nouveaux prêtres de Michel de Saint-Pierre qui vient de paraître en janvier 1965.
Le livre de Cesbron, était paru la même année, où le livre de Béatrix Beck, Léon Morin, prêtre, avait obtenu le prix Goncourt. L'année précédente était sorti au cinéma : Le Journal d’un curé de campagne ( Bernanos) de Robert Bresson, prix Louis Delluc en 1951.
Aujourd'hui, Les nouveaux prêtres de Michel de Saint-Pierre (1916-1987), paraît en plein Vatican 2. Père Clavel, considère ce livre, comme une œuvre clairvoyante. Il est nécessaire, dit-il, de rappeler que le prêtre a pour objectif de proposer le salut à tous les hommes, non d'en faire des militants.
Le roman s'attache à l'expérience d'un jeune prêtre, nommé troisième vicaire à Villedieu, grande paroisse de la banlieue ouvrière de Paris. Dès son arrivée, il ressent le malaise qui règne entre le curé Florian et ses deux vicaires Barré et Reismann.
Le père-curé s'est retiré dans la sécurité de sa piété personnelle et secrète, et a laissé à ses deux vicaires – entièrement dévoués - l'évangélisation de cette partie majoritaire ( 65%) de la population, ouvrière, et qui ne représente que 1,5% des ''pratiquants''. Ils sont exemplaires, simples et pauvres, et ont abandonnés la soutane.
Le père Barré est persuadé que l'Eglise doit "faire un bout de chemin'' avec les marxistes. Dans son zèle moderniste, il a vidé l'église de tout ornement. Son sermon iconoclaste lors de funérailles, révèle au grand jour, le mécontentement des paroissiens habituels. Les différents personnages vont s'affronter avec douleur et passion ; alors que l'abbé Paul Delance, par sa seule spiritualité répond, lui, aux attentes religieuses des gens.
A l'opposé, le roman de Cesbron, valorise l'expérience des prêtres-ouvriers. Pierre est un jeune prêtre, ouvrier, en pleine banlieue parisienne, il se met au service des habitants et se lie d'amitié avec un communiste, une prostituée, un opposant espagnol... De très nombreux dialogues entre les personnages, nous font comprendre combien la misère peut leur enlever de dignité, et parfois leur envie de vivre.
- « Oh que je les aime, pense Pierre, que je les aime ! … . »
Son zèle effraie ses supérieurs.
Le livre interroge l'engagement, la foi et la fraternité : il ne s'agit pas tant de religion, de spiritualité, que de compassion, de bienveillance et d'entraide...
Michel de Saint-Pierre donnent la parole à ceux qui constatent l’échec du témoignage par l’exemple et contestent en outre cette méthode parce qu’elle détourne le prêtre de sa vraie mission de messager.
- « ( …) Vous autres, les jeunes, les nouveaux prêtres, vous avez tendance à vous arrêter là. Vous dites : « Je témoigne par ma vie. Le reste ne le regarde pas ». Mais oui ! Vous dites : « L’important n’est pas que l’on se convertisse. Il faut redonner audience et crédit à l’Église, qui ne doit pas apparaître comme une assemblée de bourgeois ». Témoignons donc en silence. Nous n’avons plus de croisade à prêcher. Allons, Joseph, ne me dis pas le contraire […] Tu sais ce que disait le père Chevrier, fondateur du Prado ? Il disait : « La mission de prêcher est la plus importante de toutes ».
Gilbert Cesbron accusa Saint-Pierre d'être un des « enfants gâtés » de l'Église qui, pour lui, sont déjà sauvés car ils sont comme les ouvriers de la première heure, ou le frère aîné de la parabole de l'enfant prodigue; ils ne se soucient pas, selon Cesbron, des brebis perdues de la classe ouvrière, le vaste troupeau que l'Église se doit de sauver
Pierre-Henri Simon , dans le Monde, regrette que Michel de Saint-Pierre, s'oppose ainsi à « l'effort de l'Eglise conciliaire pour rentrer dans le monde moderne en mettant à jour la formulation de sa doctrine et le style de sa pastorale » (Le Monde, 7 octobre 1964, p. 12).
Le père Clavel répond :- Oui, en effet, les saints pourraient aller en enfer ! Le Vatican avait pris soin dès 1937, de qualifier le communisme d'athéisme « intrinsèquement pervers ».
Hormis les soins d'urgence nécessité, évidemment... Les bénéfices de l'action sociale et les bénéfices des sacrements ne sont pas à confondre. Les uns concernent l'amélioration matérielle des conditions de vie, elle trouve son idéal dans un futur matérialiste, ou du moins politique ; les autres, concernent les besoins de l'âme.
Lancelot avance un propos du père Chenu en 1965 : « il y a deux espérances, résume t-il, la temporelle et la chrétienne. Non seulement elles ne s'opposent pas, mais elles embrayent l'une sur l'autre ».
Pour ce qui est des écrivains catholiques, le Père Clavel assure à Lancelot, modestement, en être resté, pour ses goûts, aux Pensées de Pascal, à Péguy, surtout à Bernanos ou même Mauriac ...
Lancelot le rejoint facilement sur ces goûts, cependant, il ne peut s'empêcher d'ajouter :
- Savez-vous ce que Mauriac, a écrit de Cesbron ? C'est dans son '' Bloc-Notes '' : « Ce chrétien qui nous raconte une histoire n’escamote pas le mal : ni le mal physique, ni le mal moral, ni la chiennerie du sexe, mais tout ce qu’il regarde lui apparaît dans une lumière qui à moi m’a toujours manqué. Gilbert Cesbron est accordé au monde tel qu’il est. […] Ce « Tout est grâce ! » que j’aurai toute ma vie répété les yeux fermés, il le répète lui aussi, mais les yeux ouverts, sans jamais céder au dégoût, et débordant visiblement d’amour pour les créatures . »
Années 50, toujours le '' modernisme '' et L'Eglise.
Depuis l'encyclique Humani Generis d'août 1950, le CCIF se sent menacé, le Saint-Office dénonce un « goût très prononcé pour la liberté ». la crise des prêtres-ouvriers présage de nouvelles tensions. En 1953, on s'interroge, avec Jean Lacroix, personnaliste, sur la compatibilité entre le christianisme et le monde moderne, et « sur le sens et la valeur de l’athéisme » ; ne contribue t-il pas, par exemple, à purifier notre foi ? Ce choix de sujet, a choqué quelques-uns.
L'année suivante, la Semaine des intellectuels catholiques propose des conférences-débats centrées sur l'homme. L'homme Jésus, la sexualité, la mort etc... On pouvait y rencontrer : Henri Bartoli, René Rémond, Georges Suffert et le père Thomas ; Jean Guitton, Pierre-Henri Simon et le père Carré ; Gabriel Marcel et Robert Garric, Étienne Borne et le père Hans Urs von Balthasar.
La Semaine 1955, s’interroger sur la valeur des civilisations, et constitue un véritable plaidoyer pour une Église ouverte et moderne : L’Église n’est pas cléricale, l’Église conteste et comprend le communisme, (…) l’Église parle toutes les langues humaines, l’Église ne redoute pas une civilisation de la science et la technique et l’Église croit à l’avenir du monde »; participent le Père Danielou, François Mauriac, René Rémond... On s'interroge sur une institution qui serait trop attachée à un pouvoir politique et sur le concept de la laïcité. Henri-Irénée Marrou montre les ambiguïtés de la civilisation médiévale.
La Semaine 1956, avec le sujet « Monde moderne et sens du péché », doit se préparer sous la responsabilité de l'épiscopat. Son programme et surtout ses intervenants sont revus. François Mauriac et l’abbé Oraison ne sont pas sollicités, Albert Béguin et Julien Green se désistent, et on fait appel à Daniel-Rops, André Frossard et Gustave Thibon.
Le désarroi des lendemains de guerre, cède la place à une certaine confiance dans l'avenir et le progrès. La société est en mutation autour de l'attrait des villes, et l'exode rural, avec le progrès des moyens de communication, de transport. Les structures traditionnelles sont remises en question, et l'american way of life nous inspire. Face au matérialisme marxiste athée, s'oppose un matérialisme occidental, à propos duquel on pourrait se demander si le Vatican, ne le néglige pas.
Depuis le XIXè siècle, l'Eglise bute sur une controverse : le ''modernisme'' . Que signifie t-il ?
Lancelot répondrait : une émancipation de la conduite et de la pensée par rapport à la foi religieuse, ce mot pourrait s'opposer au médiévalisme quand la ''loi chrétienne'' régnait sur les individus et les sociétés... Le modernisme commencerait alors au XVè siècle, et signifierait déviation , erreur... Le protestantisme était qualifié de ''modernisme'' . Le modernisme pourrait encore remonter aux encyclopédistes et à Rousseau. Pour Loisy, il est beaucoup plus récent et provient des adversaires orthodoxes. Pie X, l'aurait repris des pères jésuites de Rome - à l'origine un sobriquet méprisant - en ce début du XXème siècle.
Le pape Pie X a condamné le ''modernisme'' parce qu'il soumet l'interprétation du message chrétien aux méthodes de la critique historique et philosophique. Il est vrai que cette approche historique de l'écriture de la Bible, interroge ensuite la nature du dogme, et le mode de connaissance de Dieu.
Finalement : s'agit-il de moderniser le christianisme, ou de christianiser la modernité ; sans pour autant, tomber dans certaines dérives ? Charles Journet, lui-même, s'en inquiète : «Un jour le monde risque de se réveiller complètement privé de Dieu transcendant, ou, si l’on peut dire, de se réveiller dialectico-matérialiste-chrétien»
Ernest Renan (1823-1892) aurait dit – à juste titre – « Ce sont les idées qui mènent le monde », après Friedrich Hegel (1770-1831) « l’idée est en vérité ce qui mène les peuples et le monde, et c’est l’Esprit, sa volonté raisonnable et nécessaire, qui a guidé et continue de guider les événements du monde » ( La Raison dans l'Histoire) et avant Antonio Gramsci (1891-1937) qui préconisait avant toute prise de pouvoir de privilégier la culture, les valeurs, l'idéologie...
Le marxisme, comme idéologie, donne un sens à la réalité comme organisation d'une société, et du sens à l'action politique. Il y a la critique du capitalisme, et la promesse d'une libération des ''exploités'', et des exclus... Ce thème de la libération n'est-il pas commun au christianisme et au marxisme. La revue ''Esprit'' milite à démontrer que la religion n'est pas une aliénation, une résignation, un opium... Mauriac aurait même dit : « seuls les esprits religieux comprennent à fond les communistes » Paul Ricoeur n'est pas insensible à cette attraction marxiste, mais il prévient qu'il ne s'agit pas de collaborer dans la confusion : pour les chrétiens les enjeux sont spirituels.
Le marxisme peut-il se séparer de son athéisme ?
Si l'on nie Dieu, la morale peut-elle encore exister ? « Une fois supprimé le respect dû à Dieu législateur et juge, le droit et sa violation sont des mots vides de sens, la loi morale est réduite à néant » (Pie X II, exhortation Conflictatio bonorum aux évêques du monde entier, 11 février 1949, AAS, 41 (1949) 60).
Le père Dubarle admet qu'une morale individuelle a besoin d'un horizon de réalité supérieure à cette réalité ; et qu'il peut exister une morale athée ( Pour un dialogue avec le marxisme, p 97). Ses contradicteurs, ajoutent, que oui, de fait, un athée peut avoir le sens moral, mais n'est ce pas qu’un conformisme sociologique ou un choix gratuit personnel ?
Cependant :
Les valeurs de l'Evangile engagent le chrétien à rechercher la justice, donc à s'engager et rejeter un certain apolitisme religieux, et affirmer '' le primat de la conscience sur l’obéissance ''.
Pourtant :
La revue des dominicains, ''La Quinzaine'', est condamnée en 1955 par le Saint-Office, et cesse de paraître, sa devise était ''Le journal de ceux qui se veulent « des chrétiens dans le temps présent » '' . Dans l'éditorial du dernier numéro, on pouvait lire : « Depuis plusieurs années des coups répétés frappent les efforts entrepris pour assurer la présence de l'Église dans les milieux déchristianisés. Condamnations et mises en garde interrompent successivement toutes les recherches d'ordre doctrinal et, ainsi, c'est le cas pour " la Quinzaine ", toute appréciation de la situation présente et tout comportement qui s'écartent des habitudes de penser et d'agir de la civilisation " chrétienne ".
« Dans la crainte de voir les laïcs et les prêtres entièrement absorbés par le milieu dans lequel ils travaillent et ils luttent, l'Église se replie sur elle-même. Certains semblent vouloir utiliser l'Église comme puissance d'ordre et la lancer dans une croisade contre les forces du mal. »
Au XIXe siècle, la piste des Templiers -2/2-
La route de Ch.-L. De Chateauneuf, est bordée d'étonnants personnages qui vont le conduire dans sa Quête : des femmes ( et leurs salons …) d'abord qui lui ouvrent des espaces du possible : la sensibilité, avec ce que l'on nomme à l'époque par ''les sentiments'' et un chemin de connaissance avec toujours les mathématiques ( Wronski, Sarrazin de Montferrier, lui-même est un Maître de l'ordre moderne du Temple. ); et l'ésotérisme ( en opposition parfois à la doctrine catholique de ce XIXe siècle, comme on va le voir ici - avec la résurgence templière …
Le Chevalier de Fréminville, publie la charte Larménius de transmission de la Grande Maîtrise des Templiers depuis 1324, jusqu’à l’année 1804.
Ce serait Philippe, duc d'Orléans (le futur Régent), qui en 1705 fit promulguer les statuts de l'ordre moderne du Temple, qui se présentait comme le successeur de l'ordre du même nom, supprimé en 1312 à la demande de Philippe IV le Bel. Cet ordre maçonnique aristocratique se reforma sous le Directoire.
De tendance libérale, l'Ordre du Temple devient suspect sous la Restauration. Le 4 novembre 1804, le médecin Fabré-Palaprat (1773-1838) est proclamé grand maître de l'ordre, sous le nom de Bernard-Raymond...
Le père F.F. Chatel ( 1795-1857), curé de Lèves, dès 1829 est inquiété par sa hiérarchie pour ses positions libérales... Le dimanche 23 janvier 1831, Chatel annonce l’ouverture à Paris d’une '' nouvelle église française''. On y préconise le français dans la liturgie, et le retour aux doctrines primitives de l’Église (le célibat des prêtres remis en question); le refus de la confession obligatoire, l'élection populaire des prêtres et des évêques,et le refus de l’excommunication et de l’interdit… ... La Profession de foi annonce fièrement parmi les réformes, l’emploi de « la langue nationale », mais aussi la volonté d’être citoyen autant que prêtre, l’amour de la patrie et de la liberté, « travailler au bonheur de la classe indigente ».... Chatel prêche le retour à une religion naturelle fondée sur la raison, débouchant sur le socialisme, le recours au suffrage universel, l’égalité de l’homme et de la femme, l’abolition de la peine de mort, etc...
Alexandre Dumas, qui a assisté à un culte à Lèves (Eure-et-Loir), conclut dans ses Mémoires : « C’était un peu plus ennuyeux qu’en latin, en ce qu’on était à peu près forcé d’écouter. Voilà la seule différence que nous trouvâmes entre les deux cultes ».
Châtel reconnaît être ''Johannite''... Il a fait partie de l’Ordre du Temple de Fabré-Palaprat qui comptait dans ses rangs d’illustres ecclésiastiques, comme Mgr. Mauviel, évêque constitutionnel de Saint-Domingue et Mgr. Salamon évêque in partibus d’Orthose. Palaprat est le médecin du célèbre abbé Grégoire, qui a permis la rencontre entre Chatel et Palaprat...
Un mot sur l'abbé Grégoire : Jean-Baptiste Grégoire, est né le 4 décembre 1750 à Vého et mort le 28 mai 1831 à Paris... Prêtre catholique, il devient évêque constitutionnel et l'une des principales figures de la Révolution française.
La légende de la filiation Larmenius est propagée par l’abbé Grégoire ; je rappelle qu'elle raconte que Larménius, commandeur de Jérusalem, aurait été désigné par Jacques de Molay comme futur Grand-Maître. L’Ordre serait alors resté dans l’ombre jusqu’en 1804 avec la résurgence officielle orchestrée par Fabré-Palaprat, Chevillon et Ledru. Cette année là, l’ordre des « Chevaliers de l’Ordre du Temple », avec Fabré-Palaprat comme Grand Maitre est autorisé par l’Empereur Napoléon 1er. De nombreux maçons de la loge Sainte-Caroline rejoignent cette nouvelle association templière.
L'abbé Grégoire prêta serment à la Constitution civile du clergé, c'est - ainsi qu'il l'a précisé dans le discours qu'il prononça alors, « parce qu'après le plus mûr examen » - il « déclare ne rien y apercevoir qui puisse blesser les vérités saintes que nous devons croire et enseigner »
Franc-maçon l'abbé Grégoire, après avoir été le défenseur des juifs de Lorraine, se consacre à la cause des Noirs et fit voter le 4 février 1794 l'abolition de l'esclavage. Jusqu'à sa mort Grégoire mène la plus ardente campagne pour obtenir l'abolition définitive de l’esclavage et de la traite.
Bernard Lecache (1895-1968): journaliste, franc-maçon, membre du Grand Orient de France, fonde la loge « Abbé Grégoire ». il est le fondateur de la Ligue contre les pogroms en 1927, devenue la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) en 1979.
Il est curieux de constater également, qu'à cette époque, l'Eglise de Saint-Sulpice à Paris, aujourd'hui considéré par certains comme le temple de l'ésotérisme, avec : le gnomon initiatique, les peintures mystérieuses de Delacroix, les symboles maçonniques dispersés... Donc, que l'église sert de siège social à de nombreuses sociétés secrètes. Elle est déjà le lieu des alchimistes, rosicruciens et francs-maçons, le lieu est surnommé «Nouveau temple de Salomon».
Sanctuaire de saint Sulpicius le Pieux, la fondation est fort ancienne... la vaste crypte souterraine rend compte à quel point le Saint-Sulpice actuel est rehaussé par rapport à la vieille chapelle... La construction de l'Eglise actuelle ( première pierre en 1732) fut longue. Le Maître-autel était de marbre bleu turquin, il avait la forme d'un tombeau ; et le tabernacle représentait l'Arche d'Alliance... Et, les templiers, sont censés être les dépositaires de l'Arche d'Alliance...
Victor Hugo s’est marié à Saint-Sulpice, Baudelaire et Robespierre y ont été baptisé...
Même les surréalistes, avaient prévu de se réunir, à ses côtés : au café de la Mairie, 8, place Saint-Sulpice; sont venus là: Beckett, Perec, Hemingway, Fitzgerald...
Emile Signol (1804-1892), et Eugène Delacroix ( trois fresques dans la Chapelle des Anges...) ont semé divers indices dans leurs peintures, pour attiser notre curiosité …
Barrès - Dans un livre intitulé Le Mystère en pleine lumière, paru en 1926 - explique comment Delacroix a orienté le choix de ses tableaux: « Il va à la partie héroïque du drame angélique, et le 2 Octobre 1849, le jour même de la fête des Anges, dans un entretien avec le curé de Saint-Sulpice, il s'arrête à trois grands sujets: La lutte de Jacob avec l'ange, Héliodore chassé du Temple par les anges, et puis pour le plafond, l'archange Michel qui terrasse Lucifer. Durant douze ans il y va travailler de tout son instinct et de toute sa science. »
Le tableau '' La lutte avec l'ange '' va inspirer un roman à Anatole France (La révolte des anges): « J'ai pénétré les antiquités orientales, la Grèce et Rome, j'ai dévoré les théologiens, les philosophes, les physiciens, les géologues, les naturalistes. J'ai su, j'ai pensé, j'ai perdu la foi .»
La commanderie de Paulhac en Creuse.
Il y a … bien longtemps, des jardiniers s'activant autour de l'Eglise de la commanderie templière de Paulhac, trouvent … un trésor !
Pour rendre grâce à la providence, ils construisent une chapelle dédiée à leur saint patron : saint-Fiacre ( le patron des jardiniers...). Cette chapelle remonte au XVe siècle. Peut-être également était-elle l'oratoire d'un cimetière … ?
Une commanderie est un lieu à triple vocation, sécurité et accueil, religieuse et agricole, et se composait généralement d'un logis, d'une chapelle et d'un bâtiment accueillant pèlerins et malades
Aujourd'hui, Lavaufranche, les chapelles de Paulhac et de Pallier, l'église St Jean de Bourganeuf, témoignent de cette période de l'histoire de la Creuse.
Dans un bourg, l’église de Paulhac (commune de Saint-Etienne de Fursac, 23/Creuse) apparaît dans son étrange silhouette avec ses contreforts massifs à talus ressautés, son clocher bas et trapu, chichement ajouré, son portail en cintre aigu, seule coquetterie de cet ensemble sévère.
La commanderie de Paulhac, fondée en 1197, fut une des plus importantes d'Auvergne.
(Ancienne paroisse puis commune jusqu'en 1824).
Des bâtiments de la commanderie ne restent que l'église Saint-Jean et la chapelle Saint-Fiacre, classées Monuments historiques en 1938.
Les templiers étaient des religieux qui ont combattu en terre sainte entre 1139 et 1307. Pour financer les guerres, l'ordre possédait des commanderies en Occident, dirigées par des templiers. Une trentaine d'entre elles étaient installées dans la région limousine.
La commanderie de Paulhac, en ce début du XIIIe siècle, faisait partie des terres du comté de la Marche, qui dépendait de la province d'Auvergne-Limousin. Cette commanderie fut probablement l'une des plus importantes de la province. La grandeur de son église, ses peintures murales, la tenue d'assemblées provinciales templières (chapitres) ou le fait d'apparaître un grand nombre de fois dans les actes du procès des Templiers en sont la preuve.
On y nota la tenue de chapitres par Gérard de Sauzet, Pierre de Madic, et Raymond de Mareuil, qui furent les maîtres successifs de cette province de 1284 à 1299.
En 1245, elle s'agrandit des bois de Fursac que donna Guillaume Masgelier partant pour la croisade avec les troupes de Louis IX.
Après l'arrestation des templiers, la commanderie est dévolue aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en 1312, qui construisent le clocher massif actuel et la chapelle Saint-Fiacre (XVe siècle) dont on remarque la magnifique porte surmontée d'un linteau en accolade.
Lors du procès, le frère Bertrand de Villars avoua que pendant la célébration de la messe, le prêtre omettait la parole « ceci est mon corps »...
Du fait des actes de ce fameux procès, nous connaissons : Jean de Las Chaussade, responsable des deux maisons de Paulhac et La Croix, Jean de Saint-Hilaire, Pierre du Queyroix, simple servant, auxquels s'ajoute au XIVe siècle Humbert de Comborn. Après le rattachement aux hospitaliers, certains commandeurs du lieu deviendront prieurs d'Auvergne.
Il ne reste aujourd’hui de l'ancienne commanderie que l'église Saint-Jean (dite église de la Décollation-de-Saint-Jean-Baptiste) et la chapelle Saint-Fiacre.
L'église des XIIIe et XIVe siècles, est de style gothique (arche et intérieurs) et roman (intérieurs), avec un vaisseau unique à cinq travées et chevet plat.
L'édifice est homogène. Indépendamment de la reprise d'un contrefort, il n'y a eu que des compléments la surélévation de la première travée, d'assez médiocre qualité, probablement liée à des fins défensives, qui dénature une silhouette autrefois continue, et la construction en 1449 d'un petit oratoire isolé, la chapelle Saint- Fiacre, dont la réalisation est au contraire extrêmement soignée. L'église, consacrée à la Décollation de saint Jean-Baptiste, correspond à une définition quasi générale en Limousin à cette époque : un rectangle composé de plusieurs travées dont la dernière forme choeur.
Il s'agit de la première oeuvre d'une série de quatre chapelles gothiques édifiées par les templiers de la Creuse : les églises de Paulhac, Blaudeix, Chambéraud et Charrières présentent toutes une suite de voûtes d'ogives à liernes (non bombées) dont les articulations retombent sur de courtes colonnettes juchées sur des consoles ; mais c'est aussi la plus longue, avec cinq travées. Le parti est donc une invention de l'architecte, qui a réalisé une synthèse originale entre des influences venues du monde Plantagenêt et des goûts pour la sévérité propres à la région.
C'est ici qu'avaient lieu les adoubements des commanderies voisines de Blaudeix et de Chambéraud.
Dans l'église, on peut y voir un bénitier sculpté ( un loup ?) en granit, un intéressant retable-tabernacle (2e moitié du XVIIe siècle), une tapisserie d’Aubusson du 18e siècle offerte par le dernier commandeur hospitalier juste avant la Révolution., et une vierge de bois du 18e siècle.
Et, surtout... : des peintures murales illustrant en particulier les tourments endurés par des apôtres : des scènes violentes, édifiantes destinées à servir de modèle ...
Les peintures murales ont été repérées en 1935 mais elles ont été restaurées en 1971 puis de 1982 à 1991. Sur le mur nord et sur celui du chevet, elles sont datées de la seconde moitié du XIIIe siècle (entre 1250 et 1280).
Ces superbes fresques illustrent des martyrs de saints, la crucifixion, l'arbre de Jessé, le calendrier des mois, des croix de consécration et toute la symbolique templière.
Deux consoles à trois têtes, peut-être un Chevalier, une Dame et un Moine, l'une près du choeur avec des visages gracieux, et une autre plus près de l'entrée avec des visages moins exemplaires ( la femme ''en cheveux''). Également en console, le beau visage d'une femme ''couronnée'' semble t-il … ! ?
La chapelle Saint Fiacre construite au XVème siècle était autrefois reliée à l'église par un passage couvert. La porte de la chapelle avec ses moulures et ses colonnettes fleuronnées est typique de l'art flamboyant. La clé de voûte de la première travée porte les armes de Pierre d'Aubusson, grand maître de l'Ordre de Malte.
Un habitant du village nous parle d'une cave souterraine, dont le pilier central s'orne d'une tête de bélier, remonte à la fondation de Paulhac.
Dans la maison voisine, on peut accéder à une ''Cave de la Commanderie", sans doute la chapelle souterraine de cette commanderie. « On y descendait, il y a encore deux ou trois dizaines d'années, par quatorze marches... Veugnet en dénombrait 16, le 15 mai 1865...
« Revenons au centre de cette "cave de la commanderie". Un lourd pilier cylindrique assure toute la tenue de la construction souterraine. Basile-François Veugnet donnait un relevé (croquis) des sculptures qui le décoraient... et d'une plaque de pierre de petite taille comportant plusieurs tracés rapportés au tracé d'une constellation étoilée et deux personnages tenus dans une sorte de coffre, le tout accompagné de plusieurs dates dont les plus anciennes étaient 1197 et 1248, cette dernière répétée deux fois. »
« Veugnet relate qu'à son époque il entend un récit légendaire expliquant que ce dessin serait en fait un tracé conduisant à un coffre confié aux sous-sols de la maison templière de Paulhac par un certain Marcellain de Faud.
Peut-être, faut-il trouver dans ce récit un bien fondé lié avec les sculptures du chapiteau ornant le pilier massif central (axe de l'édifice) et représentant des feuillages aquatiques (symbolisant des textes) et une face animale désignée comme celle d'un bélier ou d'un veau... »
- Sur la ''cave souterraine de la commanderie'' : Sources : André Gouzet, citant Roger Guinot dans "Creuse Secrète", et Norbert de Florigney (notaire royal au XVe siècle).
Les fées, ça n'existe plus ! -3/3-
Aux XIIe et XIIIe siècles, alors que s'écrit la légende arthurienne ; le merveilleux païen fait irruption dans la la culture savante sans grande opposition de l’Église, car elle ne représente plus un véritable danger.
Cependant, l'opposition entre l'interprétation des chevaliers et une interprétation des clercs, s'exprime clairement.
Les clercs veulent intégrer au surnaturel chrétien une mythologie assez irréductiblement étrangère, et les chevaliers et troubadours exploitent cette mythologie parce qu'elle est précisément étrangère à l’Église… L'Eglise va jouer la rationalisation, et assimiler les fées aux sorcières. Ce phénomène de rationalisation et de diabolisation va dénaturer – radicalement - la fonction des fées. La nature fantastique de la fée du lai de Lanval n'est jamais mise en doute par Marie de France. Mais dans les romans en prose à partir du du XIIIe s., les fées vont devenir des mortelles douées de pouvoirs surnaturels.
Vers 1220, le Lancelot en prose donne une définition des fées dans la littérature profane, à propos de la Dame du Lac qui enlève l'enfant Lancelot à sa mère pour l’élever dans son royaume aquatique :
« Le conte dit que la demoiselle qui emporta Lancelot dans le lac était une fée. En ce temps-là, on appelait fées toutes celles qui se connaissaient en enchantements et en sorts; et il y en avait beaucoup à cette époque, en Grande Bretagne plus qu'en tout autre pays. Elles savaient, dit le Conte des Histoires bretonne, la force des paroles, des pierres et des herbes, par quoi elles se maintenaient en jeunesse, en beauté et en richesse, autant qu'elles le désiraient. Et tout cela fut institué à l'époque de Merlin, le prophète des Anglais, qui savait toute la science qui des diables peut descendre. C'est pourquoi il était tant redouté des Bretons et tant honoré que tous l'appelaient leur saint prophète, et les petites gens leur Dieu. Cette demoiselle, dont le conte parle, tenait de Merlin tout ce qu'elle savait de science occulte; et elle l'apprit par une très subtile ruse. »
Si la dame du lac, est réduite à l'état de magicienne, elle n'habite plus qu'un fantôme de lac :
« La dame qui l'élevait ne résidait jamais ailleurs que dans des forêts grandes et profondes ; et le lac, dans lequel elle avait sauté avec lui, lorsqu'elle l'avait emporté, n'était que d'enchantement. Et cette habitation était si bien cachée que personne ne pouvait la trouver ; car l'apparence du lac la protégeait de telle manière qu'on ne pouvait pas la voir. »
Les fées ont acquis la science des clercs et se posent en rivales de ceux-ci, possédant une autre forme de maîtrise du surnaturel. Cette opposition en recouvre deux autres : clercs/laïcs et masculin/féminin.
« Ainsi les thèmes féeriques peuvent être compris comme une manière, pour la littérature aristocratique, de conférer dans l'imaginaire aux chevaliers des pouvoirs surnaturels indépendants de ceux qui, dans le fonctionnement réel de la société, en constituent le pôle central et dominant : le sacré défini par les théologiens et dont la mise en œuvre est contrôlée par l’Église. »
Deux textes, deux discours parallèles qui exaltent l'idéal chevaleresque, sont révélateurs à cet égard ; tous deux, étonnamment, sont placés dans la bouche d'une fée, prêtés à la dame du lac et à Mélusine.
La Dame du lac tient le premier jour au jeune Lancelot avant de la conduire à la cour d'Arthur où il recevra l'adoubement. Ce discours est très orthodoxe : il définit les devoirs du chevalier, qui doit défendre les faibles et les opprimés et servir fidèlement la sainte Église.
Le discours de Mélusine à ses deux fils Urien et Guy, est plus pragmatique, et concerne le bon gouvernement... Il faut être un bon seigneur, attentif aux besoins de son peuple ….
Le plus remarquable est que ces discours soient placés dans la bouche et d'une femme et d'une fée. C'est que le savoir des fées rivalise une fois de plus avec celui des clercs. Les forces féeriques sont mises au service de la chevalerie pour lui donner un caractère héroïque et sacré. ] Briton Riviere (British, 1840-1920), Una and the Lion, from Spenser's Faerie Queene (1880)[
Chrétien de Troyes, joue avec subtilité sur les incertitudes : Laudine est-elle une fée ou non ? Les pucelles ponctuant le parcours de Lancelot en sont elles ?
Espace de l’interrogation qui permet plusieurs lectures, mais qui montre aussi que la fée, en dépit de son originelle ambivalence, peut avoir une place véritable dans l’imaginaire médiéval et chrétien. Morgane a perduré sous le nom de fée Margot et l’on trouve un peu partout en France des « Caves à Margot », des « chambres de la fée Margot », des « fuseaux de Margot », des « Roche Margot ».
] St. Margaret of Antioch (France, 1490-1500)[
Si la christianisation a diabolisé Morgane, tout comme elle l’a fait de Gargantua et de Mélusine. Elle l’a christianisée en sainte Marguerite, représentée « issourt » du dragon, ou avec le dragon à ses pieds, le dragon-vouivre symbolisant alors les énergies telluriques.
Après les déesses, les fées, on observe le triomphe d'une autre femme : Marie (Notre-Dame, la Vierge Marie) au début du XII° siècle, qui change terriblement le regard porté sur les fées et les dames.
Notre-Dame donne son nom aux 3/4 des grands édifices gothiques qui s’érigent dans un monde nouveau qui explose. L’évangélisation souvent brutale des populations n’avait jamais aboli l’héritage des fées maîtresses de la pierre, des eaux et du vent.
On conserve des témoignages de la fin du XVII° siècle selon lesquels les druidesses de l’île de Sein seront alors et seulement, converties au christianisme.
Sources : Un livre important sur le sujet des fées, si on souhaite comprendre la place qu'elles avaient au Moyen-âge : - Laurence Harf-Lancner, Le Monde des fées dans l’Occident médiéval, Paris, Hachette (« Littératures »), 2003
Les fées, ça n'existe pas ! -2/3-
Les textes profanes, défendent les valeurs de l'aristocratie chevaleresque et interprètent la culture populaire selon une autre idéologie, celle de la société féodale, et les fées y bénéficient d'un traitement beaucoup plus favorable. Il peut être glorieux pour un lignage aristocratique de se doter d'une ancêtre surnaturelle...
Les seigneurs poitevins de Lusignan se proclameront les descendants de la fée Mélusine.