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tisserant

1955 La Terre Sainte, l'Etat d'Israël et la Palestine.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot réussit à obtenir, pour Edmund Wilson qu'il va accompagner, un entretien avec le cardinal Tisserant. Officiellement, il s'agit d'entretenir le Préfet de la Congrégation pour les Eglises d’Orient, sur la situation des catholiques en Israël.

Le cardinal tient - sitôt les présentations, avec les questions du cardinal sur la carrière de Wilson – à présenter la situation de ce qu'il appelle la ''Terre Sainte'', et non Israël.

Cardinal Tisserant

Il rappelle la fondation du royaume de Jérusalem, le jour de Noël 1100, suite aux croisades. Saladin qui prend Jérusalem en 1187. En 1229, l’empereur du Saint Empire romain germanique, Frederick II, réussit à négocier le retour de Jérusalem, Nazareth et Bethléem dans le royaume latin. Finalement, en 1244, les Ayyoubides rétablissent définitivement la souveraineté musulmane sur Jérusalem.

Cependant depuis 1535, lorsque François 1er signe les premières capitulations ( possessions en Terre Sainte) avec le Sultan Soliman le Magnifique ; la France possède un patrimoine religieux et la religion catholique est protégée.

Après la première guerre mondiale, l'empire britannique évince l'empire ottoman qui a duré plus de six siècles. La Terre sainte n'est pas restituée à la Turquie, et la SDN attribue au Royaume-Uni un mandat sur la Palestine.

Wilson se demande si ce n'est pas là que vont commencer les ennuis.

Vous connaissez sans-doute l'histoire tragique de Thomas Edward Lawrence (1888-1935), plus connu sous le nom de « Lawrence d'Arabie » qui disait vouloir donner l'indépendance aux arabes et créer un Empire allant de l’Egypte à la Mésopotamie. Dans cet objectif, il s’assure de la participation à la guerre de Hussein Ibn Ali, le chérif de la Mecque et roi du Hedjaz, et de son fils Fayçal afin de les inciter à la révolte contre les Ottomans...

Lors de la Conférence de la paix ( à Paris en 1919) la délégation arabe n’obtient rien, la France et la Grande-Bretagne deviennent puissances mandataires, la première en Syrie et au Liban, la seconde en Palestine, Transjordanie et Irak.

Fayçal, craint s'être fait manipuler par l'agent secret britannique Lawrence... - Je pense, dit Wilson, que les Britanniques n'ont pas honorer leurs promesses.

- Peut-être, répond Tisserant, d’autant que les puissances victorieuses ont décidé le démembrement de l’Empire ottoman ; et lors de la déclaration Balfour ( Nov 1917) ont promis aux Sionistes de soutenir la création d’un foyer national juif en Palestine.

Ensuite, le cardinal Tisserant rappelle la position du Saint-Siège, en 1921-22 (cf la lettre du cardinal Gasparri du 15 mai 1922) : les juifs en Palestine doivent avoir des droits civils égaux à ceux dont jouissent les autres nationalités et confessions, ils ne peuvent disposer d’une position privilégiée et dominante . En ce qui concerne les Lieux saints, le Vatican propose leur internationalisation.

- Voulez-vous dire que le Saint-Siège est alors opposé à un foyer national juif ?

- Exactement ; d'ailleurs n'oubliez pas que les chrétiens palestiniens étaient bien représentés dans le mouvement national arabe, et soutenus par le Saint-Siège...

En 1947, le Vatican est plus prudent, il reste hostile au projet d’Etat juif mais aussi à un vaste Etat unitaire arabe au Proche-Orient ; et surtout rappelle les droits de l’Église Catholique en Terre Sainte.

Pie XII, a dénoncé l'épuration ethnique consistant à chasser de nombreux arabes de leur terre et leur maison et repris le terme de ''Nakba'' ( terme arabe signifiant « catastrophe »).

Lancelot reconnaît que la légitimité politique et théologique du nouvel état d'Israël pose en France beaucoup de questions. Emmanuel Mounier, et Mauriac ont exprimé leur sympathie sioniste ; mais Louis Massignon parle d'imposture de l'Histoire. La France a attendu un an, et a reconnu Israël après avoir eu l'assurance de la protection des Lieux saints et des établissements français.

 

Le cardinal rappelle aussi que si l’État israélien a rejoint l’ONU en mai 1949. En revanche, la Palestine n'a toujours pas pu le faire... Jusqu'à quand ?

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La guerre froide - 1952 - Un espion au Vatican

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot découvre le fonctionnement de la Secrétairerie d'État, à la tête de laquelle Pie XII, s’abstient de nommer un responsable autre que lui-même ; avec l'assistance de Mgr Domenico Tardini, qui est à la tête de la première section de la Secrétairerie d'Etat, et avec Mgr Giovanni Battista Montini ( le futur Paul VI) placé à la tête de la seconde section, avec le titre de substitut de la Secrétairerie d'État.

Pour ce qui est de la stratégie internationale, s'expriment et se concurrencent alors au sein de la Curie, une ligne résolument anticommuniste avec des cardinaux très proches du pape et une ligne plus neutraliste (autour de Mgr Montini ).

 

La guerre froide et la politique italienne, se répercutent sur le Vatican. En effet, tandis que la Démocratie Chrétienne ( DC) et le Parti Communiste ( PCI) s'affrontent lors de la campagne pour les élections municipales romaines, le 25 avril 1952, un jésuite de l’Université pontificale grégorienne, Alighiero Tondi, quitte ouvertement la Compagnie de Jésus pour rejoindre le Parti communiste italien, et annonce la révélation de prétendus secrets du Vatican.

Mgr Eugène Tisserant

 

A Rome, le personnage incontournable est le cardinal Tisserant (1884-1972), avec qui Lancelot eut déjà des contacts rapides à propos de l'Allemagne. En effet, il a participé à la réconciliation entre Paris et Bonn après la guerre, et pendant laquelle il aida à cacher au monastère de Maria Laach, Konrad Adenauer, qu'il présente au Général de Gaulle, et soutient pour en faire l'interlocuteur de la reconstruction. En septembre 1949, Adenauer occupe le poste de chancelier de la République fédérale d’Allemagne, nouvellement créée.

Le cardinal Tisserant est un contact privilégié par le gouvernement français, il va tenir un rôle important dans les relations entre l’Église et l’État. Sa priorité est le combat anticommuniste et il compte sur le courant catholique en France pour efficacement le soutenir.

 

Lancelot est mal à l'aise avec cette très forte et rude personnalité, et cela d'autant plus quand il découvre la variété du réseau d'influence mis en jeu.

Parmi les protégés de Tisserant : Claude Arnould - un ancien du 2è bureau, fondateur avec le jésuite Antoine Dieuzayde, du réseau de résistance Jade-Amicol dès 1940, et en liaison avec le MI6 britannique - s'est mis à disposition du Vatican. Ils organisent ensemble un combat contre le communisme. Ils rencontrent des personnalités comme Emile Roche ( pendant les années trente un ancien ''jeune radical '' avec Bertrand de Jouvenel et a créé avec Jean Luchaire le journal ''Notre Temps '' ) ; le secrétaire d'état Raymond Marcellin, qui, sous Vichy fut chargé de « diffuser les idées sociales de la Révolution nationale », puis participera à la résistance dans le réseau ''Alliance''.

Effectivement, nombreux sont ceux qui ont cru pouvoir faire confiance à Pétain, au début...

Mais le réseau s’élargit aussi, à des personnes comme Georges Albertini, collaborationniste, adjoint de Déat, devenu expert dans l'anti-communisme et conseiller de nombreux politiques....

Alighiero Tondi

 

Arnould et Mgr Tisserant sont convaincus qu'un informateur pour le compte des soviétiques est à l’œuvre au Vatican. En effet des prêtres envoyés clandestinement, sont arrêtés dès leur passage derrière le ''rideau de fer'' ( expression de Churchill en 1946). Un agent du contre-espionnage français, Jacques de Pressac, devient le collaborateur du cardinal et enquête sur cette affaire.

Depuis les années 30, le collège ''Russicum'' forme des missionnaires pour l'Union Soviétique. Et, précisément, après un passage par le Russicum , le jésuite Alighiero Tondi avait intégré pendant le second conflit mondial la Secrétairerie d'Etat et était devenu l'adjoint du substitut, Mgr Giovanni Batista Montini ( futur Paul VI) .

Un soir d’avril 1952, de Pressac surprend Tondi en train d’ouvrir la chambre forte de Mgr Montini.

Alighiero Tondi, en 1936, après son diplôme d'architecte était entré, à vingt-huit ans, dans la Compagnie de Jésus, et espionnait pour Moscou, via Palmiro Togliatti le Secrétaire Général du P.C italien. Le père Tondi considère que les riches possédants se servent de l'Eglise pour convaincre les démunis que leur souffrance est la volonté de Dieu. Le communisme permet de leur rendre leur dignité. Tondi reconnaît avoir dérobé des renseignements sur les prêtres préparés à être envoyés dans les pays de l'Est.

Le 25 avril, le jésuite annonce par la presse sa ''conversion'' au communisme, et son départ de l'Eglise. Il épousera la militante communiste Carmen Zanti et se fixera à Berlin-Est pour enseigner à l'université Humboldt.

Arnould après la défection de Tondi, ira jusqu'à mettre en cause Mgr Montini et obtient son départ du Vatican. Il partage à Lancelot son inquiétude du progressisme dans la presse catholique française, et aussi des mouvements d'émancipation en Afrique.

Lancelot, malgré les recommandations de beaucoup, se sent bien plus proche de Mgr Montini, plus discret, pétri de culture française et ami de Jacques Maritain, et qui échange avec beaucoup de tact et de sensibilité. Malheureusement, sa nomination à Milan ( en 1954), semble signifier la victoire des ''zelanti'' ( ''intransigeants'' en français).

 

Après la guerre, le PCF est fort de ses combats dans la résistance, fort d'un espoir pour une sociétaire plus égalitaire.

Avec Maurice Maillard, Lancelot va reconnaître à travers divers points de vue, ce qui est en train de se jouer... par exemple, le jésuite Emile Rideau ( et disciple de Teilhard de Chardin) reconnaît la ''séduction communiste '' (1946) qui s'exerce sur le chrétien, en ce qu'elle contient une promesse de salut et s'inscrit dans le sens de l'Histoire.

Joseph Robert disant la messe sur la table de la salle à manger d’une famille ouvrière avant 1955

Cependant certains, comme le père Gaston Fessard, jésuite, résistant, philosophe politique, craignent que l'avènement d'une société communiste, soit une menace pour le christianisme, et plus généralement une menace totalitaire, comme l'est le fascisme. Le père Fessard, rejette l'adage selon lequel « l’intérêt général prime l’intérêt particulier », cet intérêt général doit aussi demeurer particulier. Il tente une définition du ''bien commun '' : définition économique avec les biens publics mis en commun ; définition sociale : avec l'accès de chacun aux biens communs ; définition éthique avec la nature de la relation entre les individus de la communauté.

« Pour que puisse être comblé ce désir vivant au plus intime de chaque individu et le constituant personne, il faut que la communauté dont il est membre ne soit pas close sur elle-même et que le Bien commun qu’elle vise assure son ouverture sur l’infini vers lequel se tend la personne . » ( G Fessard : Autorité et bien commun - 1944)

A l'opposé, Jean Boulier prêtre jésuite aussi, se fait le compagnon de route des communistes. En 1948, il participe au congrès mondial des intellectuels à Wroclaw ( Pologne), et siège ensuite au conseil national du ''Mouvement de la Paix'' (1951). « Loin d’y voir une trahison, une atténuation, une dilution de ma foi, comme on m’en accuse, c’est de tout l’élan de ma foi, de ma foi catholique intégrale que je m’engage dans cette bataille, dans la lutte des classes, pour l’appeler par son nom, et que j’en souhaite la victoire ». Sanctionné par la hiérarchie, frappé d’interdit personnel en 1950, il est finalement réduit à l’état laïc en 1952.

De jeunes prêtres renouvellent le sens du mot ''mission'' et se tournent vers le monde ouvrier. Le syndicalisme est dominé par le marxisme. Le père Henri Perrin devient ouvrier à Paris. Il quitte la Compagnie de Jésus quand le Saint Office condamne en 1949, toute forme de collaboration entre chrétien et communiste.

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