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Edith Wharton et Morton Fullerton

Publié le par Perceval

Edith Wharton

Aujourd'hui, nous savons bien qu'il a existé un tel personnage ''haut en couleur'' : Morton Fullerton serait diplômé de Harvard et correspondant du Times à Paris ; et également un escroc, sans principes et sans morale... Un beau garçon, libertin et bisexuel, qui a su éblouir Henry James. Il est régulièrement endetté parce qu’il serait soumis au chantage d’une ancienne maîtresse... !

C'est à Paris, qu'Edith Wharton va vivre sa seule histoire d'amour sensuelle... Elle dit ne pouvoir vivre ce genre d'aventure, clandestine et de plaisir, que dans l'atmosphère de la capitale française... Cette expérience, dit-elle, va « couler dans son sang » ; elle ajoute : «  Je suis submergée par le bonheur... »

Paris, en effet, est devenu un lieu de libération, pour des femmes intellectuelles comme elle. Ce qui arrive là - un adultère discret - n'aurait jamais pu avoir lieu en Amérique … De plus, la messagerie postale de l'époque permet un échange rapide de lettres livrées plusieurs fois par jour par la poste parisienne et permet de planifier rapidement une rencontre :

- «Au Louvre à une heure dans l'ombre de Diane », écrit-elle dans une note ; la sculpture en marbre blanc de Diane, la déesse de la chasse, nue et allongée, son bras droit enroulé autour du cou d'un cerf, repose dans une pièce peu visitée... C'est un excellent lieu de rendez-vous pour une entrevue privée. Ensuite, ils se rendent dans les anciennes arènes romaines de Lutèce près du jardin des plantes, puis font le tour du jardin du Luxembourg.

Ils se retrouvent au Théâtre, à la Comédie-Française ou au Marigny. Ils dînent dans des restaurants situés dans les coins obscurs de la Rive Gauche, qu’elle décrit comme « le bout du monde… où la nourriture est mauvaise et où il n’y a aucune chance de rencontrer des connaissances».

 

Une autre fois, Edith et Morton vont prendre le train pour Senlis... A son retour Edith confie : « J'ai vécu, ma très chère amie, tout ce que je n'avais jamais connu auparavant, l'interférence de l'esprit et du sens, la double attirance, la communion mêlée du toucher et de la pensée. »

Ce qui est intéressant, c'est ce témoignage de femme sur la sensualité, et plus précisément sur le plaisir sexuel en 1908, qu'elle découvre à quarante-six ans, pour avoir fait fi des contraintes sociales entravant une femme mûre, et qui vante à présent les émotions de tous ceux qui, un jour, se sont « aimés une heure sur le rebord du monde ».

W. M. Fullerton (1865-1952), ici en 1887

Mais, que sait-on encore de ce '' Morton Fullerton ''.. ?

Fullerton a décidé de s’installer à Paris, peut-être pour fuir un passé ''complexe ''...

A Paris, il fréquente la société édouardienne de la classe supérieure, celle de Henry James. De son charme irrésistible, il attire hommes et femmes....

Au moment où il aurait rencontré Edith Wharton, il était divorcé de la chanteuse d'opéra Camille Chabert (mariés en 1903) qui ne pouvait tolérer ses liaisons... Il est encore empêtré par des aventures simultanées avec au moins deux autres Françaises - Adèle Moutot, une actrice mineure qui s'appelait Madame Mirecourt, et Hélène Pouget, un modèle d'artiste de Nîmes. Fullerton entretient également une «relation quasi incestueuse» avec Katherine Fullerton, sa cousine et sœur adoptive...

 

photographié par Annie Leibovitz - magazine- Edith Wharton

Le 15 février 1908, selon H. James, Edith et Morton se sont rendus à Herblay, pour visiter la maison d'Hortense Allart (1801-1879), dernière maîtresse de Chateaubriand ( 1768-1848)... Sa beauté et son charme - elle a 28 ans - ont ébloui l’ambassadeur sexagénaire....

Tous deux sont admirateurs de l'écrivaine, en particulier de sa correspondance … Edith écrit à son propos, qu'elle admire « son intrépide manière de regarder la vie dans les yeux ». Ce jour même, Edith relate des moments d'intimité avec Morton... ou avec Henry ( se demande Anne-Laure..) ou plutôt avec … Walter Berry le seul homme qu'elle ait vraiment aimé... . Diplomate et expert en droit international, il vit aussi à Paris... ? Edith va brûler toutes ses lettres écrites pendant quarante-cinq ans ...

Aujourd'hui, nous savons par des lettres, qu' Edith Wharton après un retour en Amérique, a retrouvé Morton à Londres.

William Morton Fullerton 1909

Le 1er juin 1909, Edith, Morton et Henry James se sont rencontrés pour un dîner... Il y avait beaucoup de champagne et une conversation foisonnante où, selon le biographe F Kaplan , les trois amis étaient assis ensemble « dans l'antichambre de la passion amoureuse ».

Elle passa la nuit avec Morton à l'hôtel Charing Cross, à Londres.

 

Après cette nouvelle nuit de passion au Charing Cross Hotel de Londres, Edith écrivit à Morton des lettres qui ensuite seront laissées sans réponse :

« Ce que vous souhaitez, apparemment, c'est prendre de ma vie, ce que j'ai de plus intime et ce qu'une femme - une femme comme moi - peut donner, pendant une heure, de temps en temps, quand cela vous convient. »

Ce qui reste de cette histoire d’amour est un recueil de poèmes écrits pour son amant et qu'elle a accepté de publier en 1909 : Artemis to Actaeon. Des poèmes, et d'autres textes étonnent par leur érotisme...

Au numéro 53 de la rue de Varennes, une plaque commémore le temps passé par Edith Wharton en France

Anne-Laure a retenu de cette amitié, la passion d'Edith pour la beauté, l'esthétique et sa répulsion pour ce qui lui paraît laid. Edith note sa culpabilité que son éducation lui a léguée, avec l'impérieuse nécessité de se taire en particulier sur ce qui concerne le corps, le sexe et le plaisir...

Edith souffre, qu'une communication intime avec un homme, puisse être si difficile..

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Edith Wharton – une américaine à Paris.

Publié le par Perceval

Elles sont nombreuses, les américaines, mondaines, actrices, mécènes, écrivaines, danseuses... ; dans le Paris de la ''Belle Epoque''... Leur point commun est d'être éprises de liberté... Sans-doute fuient-elles une Amérique puritaine.... ?

Mariage de Boni de Castellane et Anna Gould

Parmi les plus connues, qui sont-elles ?

Anna Gould (1875-1961), ''héritière'', épouse le comte Boni de Castellane. Les excentricités dispendieuses de Boni finirent par inquiéter la famille Gould... Les citoyens américains s'émeuvent que d’authentiques et solides fortunes américaines, s'en aillent chercher en Europe, de la frivolité ou simplement un titre de comtesse ? Anna Gould se remarie civilement le 7 juillet 1908 avec un cousin de son premier mari, Hélie de Talleyrand-Périgord, prince de Sagan (1859-1937).

Winnareta Singer

Winnaretta Singer (1865-1943), héritière des machines à coudre Singer, se marie en 1893 avec le prince Edmond de Polignac, compositeur aristocrate, et lui ouvre les portes de l'élite de la société française. Tous deux homosexuels, ils partagent la même passion du mécénat artistique. Admiratrice des œuvres d'Edgar Degas et de Claude Manet ; elle est très amie avec Gabriel Fauré et Proust est un habitué de son salon. 

Isadora Duncan (1877-1927), danseuse américaine, elle révolutionne la pratique de la danse par un retour au modèle des figures antiques grecques. Femme libre, parfois extravagante et danseuse magique aux pieds nus et aux voiles vaporeux; elle s’installe à Paris au printemps de l’année 1900 avec sa famille. Peu après, elle débute dans les salons parisiens les plus réputés, puis en 1903, fait sa première apparition publique, au Théâtre Sarah Bernhardt.

Alice Toklas

Alice Toklas (1877-1967), femme de lettres américaine. Elle est la compagne de l'écrivaine Gertrude Stein, dès 1907. Ensemble elles tiennent au 27, rue de Fleurus un salon qui attire des écrivains tels que Ernest Hemingway, Scott Fitzgerald, Thornton Wilder, Paul Bowles et Sherwood Anderson ainsi que des peintres avant-gardistes comme Picasso, Matisse et Braque.

Romaine Brooks (1874-1970), peintre américaine, elle a 31 ans quand elle achète un grand studio, rive gauche, à Paris...

Anne Morgan (1873-1952), fille d'un grand banquier américain, elle milite pour les conditions de travail et le droit de vote des femmes. À partir de 1908, elle vit à Versailles avec deux amies. En 1914, la guerre la surprend dans toute son horreur. Loin de rentrer à New York, Anne Morgan reste pour venir en aide aux blessés.

Romaine Brooks

 

Anne Morgan 1910

 

Natalie Barney 1900

 

Natalie Clifford Barney (1876-1972), grande amoureuse homosexuelle au charme exceptionnel, et d'une grande intelligence, elle est une femme de lettres américaine qui a son salon littéraire, rue Jacob. Dans ce ''temple de l’amitié'' on croise Colette, André Gide, Ernest Hemingway, Adrienne Monnier, Jean Cocteau…

Mary Cassatt

Mary Cassatt (1844-1926), peintre américaine, elle a choisi de vivre et de travailler à Paris, où elle intègre le groupe des impressionnistes.

Dorothea Klumpke (1861-1942), la plus jeune des trois sœurs Klumpke, est la première femme à soutenir, en 1893, une thèse de doctorat en mathématiques et astronomie à la Sorbonne. Elle sera aussi la première à effectuer des ascensions en ballon libre destinées à des observations astronomiques. Directrice du Bureau des mesures de l'Observatoire de Paris, elle a été nommée chevalier de la Légion d'honneur.

Anna, l’aînée des sœurs Klumpke, elle-même peintre, devient la compagne de Rosa Bonheur. Vivant à ses côtés au château de By, près de Fontainebleau, elle en devient la mémorialiste.

Dorothea Klumpke, astronome

 

Américaines ou Anglaises, je pourrais citer encore Djuna Barnes, Sylvia Beach, Caresse Crosby, Nancy Cunard, Hilda Doolittle, Janet Flanner, Anaïs Nin, Jean Rhys,... etc...

 

 

Et, Edith Wharton (1862-1937), que je vais évoquer bien plus longuement ; parce que cette femme issue d'une bonne famille de la haute bourgeoisie du « vieux New York », intellectuelle, établie à Paris a rencontré Anne-Laure de Sallembier ; et que j'ai quelques documents qui me permettent d'en parler …

E. Wharton

Enfant, Edith a étudié le français et s'était déjà rendue à Paris avec ses parents... Elle a parcouru toute l'Europe et découvert Paris, Rome, mais aussi l'Espagne et l'Allemagne.

Dès 1880, elle publie ses créations, elle connaît le succès avec « The Decoration of Houses » (1897) et surtout avec ''Chez les heureux du monde'' (The House of Mirth) , son premier roman, en 1905.

Dans les années 1880, Edith se fiance, et rompt : elle est courtisée par deux hommes. Walter Van Rensselaer Berry qui partage son esprit intellectuel et littéraire ; mais sans fortune, il n'ose pas la demander en mariage... Edith Jones, âgée de 22 ans, épouse un rentier, neurasthénique et infidèle, Edward (Teddy) Wharton, issu du même milieu qu'elle mais avec qui elle ne partage rien de ses intérêts intellectuels et artistiques...

E. Wharton

Walter Berry va devenir en 1916 un ami de Proust, son livre ''Pastiches... '' lui sera dédié...

 

En 1903, Edith Wharton rencontre Henry James (1843-1916) en Angleterre, avec lequel elle restera liée jusqu’à la mort...

En 1907, elle s'installe à Paris. L’écriture et les mondanités la distraient d'une vie familiale triste et sans enfants. Elle habite place des Etats-Unis...

Lorsqu'elle a besoin d'un hébergement temporaire, elle utilise l'Hôtel de Crillon , qui vient d'ouvrir ses portes dans un immeuble de la fin du XVIIIe siècle situé Place de la Concorde, et qui, à son avis, accueillait une foule cultivée. Elle déteste le Ritz, où séjournent les Américains nouvellement riches mais non cultivés...

Edith Wharton

En 1910, elle va emménager 53 rue de Varenne et y reçoit Paul Bourget, Anna de Noailles,… Dans la même rue, travaillent ensemble l’écrivain Rainer Maria Rilke et Auguste Rodin … Elle écrit là Le Temps de l’innocence, tableau cynique de la haute bourgeoisie américaine pour lequel elle reçoit le premier prix Pulitzer féminin en 1921. 

Le style d'Edith Wharton pourrait se rapprocher de Balzac, Zola, Flaubert, qu'elle lit en français ; il s'approche du ''naturalisme'' tant elle observe d'un œil et d'une plume documentée les agissements de la société qui l'entoure... Selon les mots de Henry James ,dans ses romans, elle dit "plus" et dit "mieux".

The House of Mirth - Edith Wharton -

Teddy aime sans-doute sa femme ; ils voyagent, pratiquent les sports de plein air ; mais Teddy est atteint d'une maladie nerveuse, et dès 1907, dépression et manies font qu'il est difficile à vivre...

The House of Mirth - Edith Wharton - film 2000

En 1907, Edith Wharton, a quarante-cinq ans. Elle est déjà un écrivain reconnu. Son roman ''The House of Mirth'' rencontre un grand succès en Amérique, et elle est riche...

Au cours d'une soirée chez la comtesse Rosa de Fitz-James, au 142, rue de Grenelle, Edith Wharton aurait été présentée à William Morton Fullerton (1865-1952) par son ami Henry James. Morton Fullerton travaillerait comme journaliste à Paris pour le London Times.

Elle confie à Anne-Laure de Sallembier, le trouver mystérieux et très intelligent... Mais... Ce qui m’apparaît vraiment mystérieux ; c'est que la suite des documents indiquent que Anne-Laure ne croit pas à '' l'existence '' de Morton … ! Elle semble convaincue que H. James et Edith sont complices dans cette aventure fictive qu'elle attribue à leur imagination de romanciers... Jusqu'au jour, où Edith Wharton et M.F. vont proposer à Anne-Laure de l'emmener en Italie...

A suivre... 

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Une histoire de fantôme...

Publié le par Perceval

Comme vous le savez, par quelques pages précédentes, Anne-Laure de Sallembier, fréquente des personnes qui pratiquent avec beaucoup de conviction la communication avec des esprits, j'entends par là des âmes de personnes décédées...

Dans ses notes, Anne-Laure relève le cas d'un jeune homme devenu amoureux de l'esprit d'une femme.

Cela a commencé dans son manoir de Fléchigné...

Et le plus émouvant, c'est que cette histoire me permet permettre d'en connaître un peu plus sur la famille de la mère d'Anne-Laure : Cécile-Joséphine J. (1851-1885) (la fille de Charles-Louis de Chateauneuf et de Mme J. ) et Louis-Ferdinand Vétillard, sont les parents d'Anne-Laure de Sallembier....

Ce qui reste mystérieux c'est le peu de renseignements que nous avons sur ces deux femmes: Mme J., et sa fille Cécile-Joséphine J.

Anne-Laure - la fille de Cécile-Joséphine - , elle-même ne portera jamais le nom de Vétillard (nom de son père) ; mais avant son mariage, celui d'Anne-Laure de Chateauneuf, ou même d'Anne-Laure J....

 

Que sait-on de Cécile-Joséphine J....?

Elle est née en 1851, fille de Charles. L. de Chateauneuf... et de Mme J. , reconnue par son père adoptif, époux de sa mère... Cécile-Joséphine J. vécut enfant, avec sa mère et son époux, mais connut semble t-il assez bien son vrai père ( Charles-L.) .

Elle épousera l'héritier d'une famille de commerçants, Louis-Ferdinand Vétillard, qui est donc le père d'Anne-Laure ( fille unique), un notable commerçant de Paris...

Cécile-Joséphine, après son mariage et la naissance de sa fille (1875), vécut à Fléchigné; elle fut peu présente à Paris, où vivait et travaillait son mari ... Sa santé fragile, aujourd'hui on dirait sa dépression, explique pourquoi sa fille Anne-Laure, dès son adolescence s'est partagée entre l'hôtel parisien de son père, l'appartement de son grand-père ( Charles-Louis de Chateauneuf) à Paris et Fléchigné...

La mort de Cécile-Joséphine, en 1885, est restée elle aussi mystérieuse... On évoque, à mots couverts, un suicide, ou une anorexie fatale ... des mots qui - si on les emploie aujourd'hui - ne sont pas utilisés alors...

 

Au cours de séances de spiritisme organisée chez Anne-Laure, à Fléchigné, un homme ''rencontre'' l'esprit de Cécile-Joséphine qui va l'inviter à se déplacer dans un autre logis où elle serait morte ...! Il s'agit de René Bauchesnes, que sa naissance illégitime contraint à vivre en marge de sa mère, malgré ses soins... Il va être connu pour ses ouvrages sur l'histoire locale et ses légendes...

Ce qui va alors se passer, alors, ressemble à une passion amoureuse entre cet homme et le fantôme de la mère d'Anne-Laure...!

René Bauchesnes, va acquérir cette maison bourgeoise ( et hantée, donc) pour écrire des contes et légendes locales, voire peut-être des histoires qui se seraient véritablement passées, inspirées par la fantôme...

Il le décrit lui-même dans un de ces plus beaux textes... !

 

Amoureux d'une revenante, donc, René Bauchesnes va reconstruire le fil de la vie de cette femme, et dévoiler sa forte personnalité, doublée d'une vive sensibilité que les règles de bienséance inculquées ne parvenaient pas à masquer et étouffer. Cécile-Joséphine n'a pu supporter la lancinante difficulté d'être une femme prisonnière d'un rôle assigné. L'instruction soignée dont elle a bénéficié lui permit de se passionner pour la chose intellectuelle, de s'y réfugier dans les heures de terrible souffrance...

Ensuite, après un temps d'enfermement volontaire; René Bauchesnes retrouve la société et va tomber amoureux d'une femme bien réelle...

Mais, c'est sans compter sur la belle revenante... ! Jalouse, elle va lui gâter la vie, jusqu'à le faire mourir... On parlera dans les alentours d'un suicide, et on oubliera très vite ce personnage qui dès sa naissance dut vivre, dissimulé en quelque sorte...

Le plus étrange, c'est que c'est lui-même qui écrivit cette histoire, à la manière d'une nouvelle.. avant de mourir .. !!

 

Anne-Laure sera persuadée d'être ''accompagnée'' par la présence de sa mère...

De plus, la connaissance de sa généalogie ( décrite dans des articles anciens) va la persuader d'une ascendance maternelle qui relève de la féérie et que portent des figures commes Mélusine, ou Viviane, ou Morgane ( voir la ''Margot'' de Roger de Laron...).

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La terre tourne t-elle ? -2/2-

Publié le par Perceval

Après l'affaire Dreyfus, une autre affaire nourrit la controverse entre catholiques et laïques... L’abbé Loisy (1857-1940), théologien exégète de l’Église, a publié en 1902 un ouvrage intitulé L’Évangile et l’Église dans lequel son approche historique et philologique des textes de la Bible remet en cause un certain nombre de dogmes de l’Église. La condamnation de cet ouvrage par décret du Saint Office en décembre 1903 suscite l’émotion; l’anathème envenime le débat, qui se transforme vite en une opposition entre l’Église et la science.

Dans Le Matin du 28 décembre 1903, un entrefilet intitulé Propos d’un Parisien, rédigé par le journaliste d’opinion Henri Harduin, reprend la polémique sur la rotation de la Terre et la porte dans un champ idéologique que Poincaré n’envisageait pas. Il utilise la condamnation de Loisy pour mettre en lumière l’immobilisme de l’Église, opposé à la perpétuelle et saine remise en question de la science par elle-même...

 

Édouard Drumont, fondateur du journal politique antisémite, La Libre Parole, du 9 janvier 1904, répond à Harduin en retournant l'objection, au risque de trahir les propos de Poincaré:

« Des journalistes en quête d’un thème pour une chronique, comme notre confrère Harduin, qui a pris la tâche d’amuser les lecteurs du Matin, ne perdent pas cette occasion de faire solennellement la leçon à l’Église ; ils sortent immédiatement Galilée : “ Vous voyez, s’écrie M. Harduin, quel contraste entre la science et l’Église ! L’Église condamne Galilée ; la science dès qu’un fait nouveau lui est démontré, s’incline et reconnaît ses erreurs passées. ”

L’argument aurait quelque valeur si la science était arrivée à une certitude quelconque, alors qu’en réalité, elle en est toujours aux conjectures et aux hypothèses. Il n’est pas démontré du tout que la Terre tourne, comme le prétendait Galilée, et qu’elle ne soit pas le centre du système planétaire. M. Harduin, qui n’est pas plus savant que moi, affirme imperturbablement que la terre tourne ; mais M. Poincaré, qui est, à l’heure actuelle, le premier des géomètres physiciens français et qui est probablement plus instruit que M. Harduin et que moi, n’a nullement ce ton affirmatif qui est celui des demi-ignorants. »

A noter que l'on mélange ici : la rotation diurne de la Terre autour de son axe, la révolution annuelle autour du Soleil, le pendule de Foucault, le procès de Galilée...

Un journaliste du Figaro reprend la question devenue populaire, dans un article publié le 2 février 1904 et intitulé Tournons-nous ?:

« C’est un problème qui n’a peut-être pas beaucoup d’actualité; mais enfin nous voudrions bien savoir à quoi nous en tenir. »

 

André Beaunier la reprend dans le Journal des débats politiques et littéraires du 23 mars 1904. Le lendemain, le chroniqueur scientifique François Peudefer signe un long article intitulé La Terre tourne-t-elle? dans lequel il rappelle au grand public toutes les preuves tangibles de la rotation diurne de la Terre tout en faisant l’historique de la polémique. Une semaine plus tard, Le Petit Parisien propose sous le même titre un article de Jean Frollo dans lequel Poincaré se trouve de nouveau impliqué.

Le_Matin___derniers_télégrammes_[...] 7 mai 1904 PoincaréLe_Matin___derniers_télégrammes_[...] 7 mai 1904 Poincaré

Le_Matin___derniers_télégrammes_[...] 7 mai 1904 Poincaré

Poincaré rédige, alors, une lettre ouverte adressée à Flammarion intitulée La Terre tourne-t-elle ?, publiée dans le Bulletin de la Société astronomique de France de mai 1904 et reproduite dans le journal Le Matin du 7 mai 1904 :

« Je commence à être un peu agacé de tout le bruit qu’une partie de la presse fait autour de quelques phrases tirées d’un de mes ouvrages – et des opinions ridicules qu’elle me prête. Les articles auxquels ces phrases sont empruntées ont paru dans une revue de métaphysique [...]. Je parlais le langage de la métaphysique moderne. Dans le même langage, on dit couramment “Les deux phrases le monde extérieur existe, et il est commode de supposer que monde extérieur existe, n’ont, qu’un seul et même sens. ”

La rotation de la Terre est donc certaine, précisément dans la même mesure que l’existence des objets extérieurs. Je pense qu’il y a là de quoi rassurer ceux qui auraient pu être effrayés par un langage inaccoutumé. Quant aux conséquences qu’on a voulu en tirer, il est inutile de montrer combien elles sont absurdes. Ce que j’ai dit ne saurait justifier les persécutions exercées contre Galilée, d’abord parce qu’on ne doit jamais persécuter même l’erreur, ensuite parce que même au point de vue métaphysique, il n’est pas faux que la Terre tourne, de sorte que Galilée n’a pu commettre d’erreur.

Cela ne voudrait pas dire non plus qu’on peut enseigner impunément que la Terre ne tourne pas, quand cela ne serait que parce que la croyance à cette rotation est un instrument aussi indispensable à celui qui veut penser savamment, que l’est le chemin de fer, par exemple, à celui qui veut voyager vite.

Quant aux preuves de cette rotation, elles sont trop connues pour que j’insiste. Si la Terre ne tournait pas sur elle-même, il faudrait admettre que les étoiles décrivent, en 24 heures, une circonférence immense, que la lumière mettrait des siècles à parcourir. »

La polémique va poursuivre Poincaré jusqu’à la fin de sa vie, en particulier lorsqu’il est élu à l’Académie française en 1908.

Extrait de l’article de l’évêque BOLO

 

Un évêque à la une du journal Le Matin du 20 février 1908, écrit une virulente attaque contre les philosophes et les scientifiques...

La Revue Illustrée du 5 avril 1908 consacre quant à elle un long dossier à Poincaré pour marquer son élection à l’Académie. Il est en partie composé d’extraits d’une interview qu’il y accorde au journaliste et dans laquelle il rassure encore une fois le public profane : la Terre tourne !

Enfin, dans l’ouvrage Ce que disent les choses, qui rassemble des textes publiés en 1910 dans une revue pour enfants, Poincaré revient sur le mouvement des planètes et des étoiles, et la rotation de la Terre. Une phrase y rappelle ses réflexions : « Un seul des mouvements apparents est réel, la Lune tourne réellement autour de la Terre ; c’est elle en effet qui est la plus petite. »

 

Cette affaire de savoir si oui ou non, la terre tourne... illustre l'effervescence intellectuelle qui règne aussi bien du côté de l'Eglise, que du côté des sciences...

Il y a, la condamnation du modernisme par Pie X, avec le décret Lamentabili et l’encyclique Pascendi, date de 1907 ; et par ailleurs la remise en cause d'un positivisme étroit, qui avait dominé jusqu’alors...

Henri Poincaré, en particulier ouvre un débat qui va renouveler notre vision de la science et qui va se concrétiser à travers des avancées scientifiques majeures, d’Heisenberg à Einstein, de la physique quantique à la théorie de la relativité...

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La terre tourne t-elle ? -1/2-

Publié le par Perceval

La terre tourne t-elle ? -1/2-

Anne-Laure de Sallembier a gardé des notes concernant la réinstallation du pendule de Foucault au Panthéon, à l’initiative de Poincaré et de l’astronome Camille Flammarion.

A deux heures de l'après-midi du 22 octobre 1902, eut lieu en présence de savants, de professeurs et d'une assemblée nombreuse représentante de la notabilité parisienne, dans le cadre glorieux du Panthéon, l'inauguration de la réinstallation du pendule de Foucault en présence de M. Chaumié, ministre de l’Instruction publique.

Cette expérience est au cœur d'une polémique entourant des propos de Henri Poincaré, et représentative d'un époque …

 

Cela commence pendant l’Exposition universelle de Paris, début août 1900. Lors du Congrès international de philosophie, Henri Poincaré (1854-1912), présente ses idées sur les principes de la mécanique lors de la session Logique et histoire des sciences. Dans son exposé, il remet en cause l’existence d’un espace absolu :

« Il n’y a pas d’espace absolu et nous ne concevons que des mouvements relatifs ; cependant on énonce le plus souvent les faits mécaniques comme s’il y avait un espace absolu auquel on pourrait les rapporter. » Puis, il ajoutait : «Cela n’empêche pas que l’espace absolu, c’est-à-dire le repère auquel il faudrait rapporter la Terre pour savoir si réellement elle tourne, n’a aucune existence objective. Dès lors cette affirmation: “ la Terre tourne” n’a aucun sens, puisqu’aucune expérience ne permettra de la vérifier; puisqu’une telle expérience ne pourrait être ni réalisée, ni rêvée par le Jules Verne le plus hardi, mais ne peut être conçue sans contradiction; ou plutôt ces deux propositions : “ la Terre tourne”, et : “ il est plus commode de supposer que la Terre tourne”, ont un seul et même sens; il n’y a rien de plus dans l’une que dans l’autre.»

 

Naît alors un débat entre Poincaré et le philosophe Édouard Le Roy, mais aussi le mathématicien Georges Lechalas et d’autres savants qui refusent de rejeter le principe newtonien de l’existence d’un référentiel absolu.

La Presse s'en fait l'écho; ainsi, dans le Journal des débats politiques et littéraires du 10 novembre 1900:

« M. Poincaré a soutenu sur les vérités scientifiques une thèse fort originale. Les vérités scientifiques ne seraient pas vraies à l’ancien sens du mot, en ce sens qu’elles se conformeraient à une nature des choses, elles sont de simples arrangements conventionnels, que l’esprit préfère à d’autres, pour de simples raisons de commodité. Que la terre tourne autour du soleil, cette thèse n’est pas plus vraie que la thèse inverse ; elle est seulement plus commode et plus simple. Voilà qui renverse toutes nos idées.»

A l'occasion de la réinstallation du pendule de Foucault au Panthéon, en 1902 ; cette controverse devient une polémique dans l'espace public, d'autant que Poincaré publie '' La science et l’hypothèse '', le premier de trois ouvrages de philosophie des sciences ; et enfin la condamnation en 1903, par l’Église, de l’abbé Alfred Loisy (1857-1940).

 

La Croix propose, dans une rubrique intitulée Causerie scientifique, une explication détaillée de l’expérience de Foucault. Le chroniqueur scientifique, Somsoc, commence ainsi son article :

« Sous l’action de la pesanteur, le pendule, écarté de la verticale, y reviendra par une série d’oscillations successives s’effectuant dans un plan fixe, puisqu’aucune force n’agit pour changer ce plan, et comme la terre tourne au dessous du pendule, le plan d’oscillation de ce dernier paraîtrait tourner relativement à la terre en sens contraire de la rotation, c’est-à-dire dans le même sens que la sphère céleste et cela en 24 heures. En visant une étoile située dans le plan d’oscillation, le pendule ne la quittera donc pas, tant que durera l’expérience [...] Le plan d’oscillation n’est pas un objet matériel... Il appartient à l’espace, l’espace absolu. »

Ceux qui pensent que l’expérience de Foucault ne prouve rien s’en prennent à Camille Flammarion.

au Panthéon de Paris, en 1851

Poincaré, dans son ouvrage, réaffirme la non-existence d’un espace absolu.

Et pour certains, Poincaré se contredit, puisqu’il participe à une expérience visant à prouver la rotation de la Terre tout en publiant un texte où il affirme que rien ne permettait d’en être assuré en l’absence de référentiel absolu.

Il est vrai que son texte peut prêter à confusion, semblant tout à la fois accepter les preuves de la rotation de la Terre autour de son axe et se demander si cette rotation a un sens:

« Si le ciel était sans cesse couvert de nuages, si nous n’avions aucun moyen d’observer les astres, nous pourrions, néanmoins, conclure que la terre tourne ; nous en serions avertis par son aplatissement, ou bien encore par l’expérience du pendule de Foucault. Et pourtant, dans ce cas, dire que la terre tourne, cela aurait-il un sens ? S’il n’y a pas d’espace absolu, peut-on tourner sans tourner par rapport à quelque chose, et d’autre part comment pourrions-nous admettre la conclusion de Newton et croire à l’espace absolu ? »

 

Dans L’Illustration du 29 novembre 1902, un article anonyme signé d’« un polytechnicien sceptique »

Début 1903 dans le Bulletin de la Société astronomique de France, il est reproduite avec une réponse de Flammarion. Une question est au cœur de la discorde: des étoiles suffisamment éloignées pour sembler immobiles, telles l’Étoile polaire ou Bêta du Centaure, sont-elles immobiles de façon absolue ou relative ?

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Henri Bergson, philosophe.

Publié le par Perceval

Henri Bergson, philosophe.
Henri Bergson, vers 1912

Plusieurs heures avant le début du cours de Henri Bergson (1859-1941), le valet de pied de la comtesse de Sallembier, retient sa place; puis une procession de voitures s'aligne devant le Collège de France. Bergson parle sans notes, parmi les auditeurs beaucoup d'hommes et de femmes du monde, et aussi des sténographes assermentés qui retranscrivent la parole du Maître avec exactitude...

Anne-Laure y croise également Charles Péguy, qui est un disciple fervent du philosophe... Depuis quelque temps elle fréquente le salon de Geneviève Bizet ( ex Straus, et née Halevy) au 104, rue de Miromesnil, et rencontre avec plaisir le clan Halevy, des gens cultivés et sans le moindre snobisme, en particulier Daniel Halévy (1872-1962), ami de Péguy et condisciple de Proust ... Geneviève Bizet lit tout ce qui parait et adore la conversation d'intellectuels... plutôt masculins; les femmes y sont moins nombreuses qu'ailleurs.

Bergson semble bien frêle, avec son col empesé ; mais quand il enseigne, ses paroles débordent d'énergie... Il propose de voir le monde dans leur épaisseur, et pour cela de ralentir le temps... Le réel c'est la durée, et « percevoir c'est immobiliser »... L'espace se loge dans les plis du temps, dans ses ondulations...

" (...) si vous voulez vous préparer un verre d'eau sucrée, fait-il remarquer à ses auditeurs du Collège en 1901, il faut attendre que le sucre fonde. Le temps de la fonte peut sembler inutile à celui qui a soif, il n'en a pas moins une valeur absolue. Car c'est à l'intérieur de ce temps que quelque chose de nouveau advient. Or ce quelque chose se donne à nous comme un bloc de durée, sans division possible. Ce que j'éprouve dans mon attente, ce n'est pas le "temps-longueur" des mathématiciens et des pendules, mais le "temps-invention", flux universel qui se creuse, s'intériorise, au lieu de s'écouler mécaniquement d'un point à un autre. C'est l'univers même en train de se faire. Décomposer la fonte en une infinité de petits morceaux de sucre qui se meuvent dans l'eau, c'est rater sa vérité profonde, car le monde n'est pas une somme de petits morceaux, pas plus que mon attente n'est faite de petites impatiences."

Bergson éclaircit des notions, qui sont traversées par le concept de durée, et qui vont occuper bien des scientifiques: le fini, l’infini, le relatif, l’absolu, le mouvement…

«Si j’envisage non plus du dedans mais du dehors le mouvement de mon bras qui se lève, si au lieu de le sentir, de me sentir l’accomplissant, je le regarde du dehors s’accomplissant, je vois qu’il traverse un point puis un autre point et ainsi de suite ; il parcourt autant de points qu’on voudra, et ce mouvement n’est pas autre chose, pour moi, que la succession des positions du mobile le long de sa trajectoire.»

La connaissance venue de dedans est absolue, «simple» et «indivisible». Celle que l’on a du dehors est relative, obtenue par «composition». C’est pourtant cette dernière qui est la connaissance d’usage, «car nous avons contracté l’habitude de considérer le mouvement comme étant essentiellement cela», une suite divisible de «positions qui se succèdent», mais qui, prises une à une, seraient autant…d’arrêts ( sources: Bergson côté cours de Robert Maggiori)

Le symbolisme est finalement une abstraction générale assez forte où les humains vont progresser de représentations en représentations pour signifier le plus de choses communes avec le moins de mots possibles.

La Quête qui nous motive ici, utilise le signe du Graal; ce signe fixe une attitude que nous exprimons par rapport à ce que nous souhaitons signifier... Le signe est un pont entre moi et la chose, il m'indique le trajet à suivre ... Le concept lui, s'inscrit plutôt dans une saisie intellectuelle...

Bergson emmène le lecteur vers une psychologie originale de la relation du sujet aux choses.

la Durée - Bergson - Alice Dell'Arciprete

Pour ''connaître ''; il est nécessaire de conceptualiser, et de percevoir; le concept a tendance à figer...

« Il faut que, par un effort d’intuition, nous cherchions à nous replacer dans la chose que nous voulons penser. Au lieu de prendre, du dehors, des vues sur elle, il faut que nous cherchions à sympathiser avec elle » Henri Bergson, Histoire de l’idée de temps. Cours au Collège de France

 

La pensée religieuse ou magique comme la pensée « scientifique » ne nous montrent qu’un aspect relatif de la réalité : ils symbolisent le monde plus qu’ils ne nous le montrent tel qu’il est.

 

La Quête du Graal, interroge l'âme, la mort et l'existence d'un ''au-delà''. Anne-Laure en cherche un écho dans l'oeuvre de Bergson...

Bergson entend intégrer dans sa réflexion, les témoignages de la science, mais aussi l'expérience mystique...

Dans le contexte de la psychologie de l’époque de Bergson, l’hypnose ( par exemple) renverse la subordination de l’esprit au corps en montrant l’action causale de l’esprit sur le corps.

Bergson au Collège de France

Dans le contexte de la IIIe République, la raison doit empêcher un retour en arrière vers la superstition... A l'inverse, Bergson pense que le fait religieux exprime un besoin biologique de l’espèce qu’aucune morale laïque ne saurait satisfaire.

Par la croyance, la nature humaine réagit en défense contre sa raison qui désenchante, contre l'inévitable mort et le néant possible, contre l'annihilation de la personne... Ces scénarios sont eux-même produits par l'intelligence ( la raison) parce que l'homme a la possibilité d'accéder à l'être, par sa négation ...

« Les philosophes ne se sont guère occupés de l’idée de néant. Et pourtant elle est souvent le ressort caché, l’invisible moteur de la pensée philosophique. Dès le premier éveil de la réflexion, c’est elle qui pousse en avant, droit sous le regard de la conscience, les problèmes angoissants, les questions qu’on ne peut fixer sans être pris de vertige » L’évolution créatrice, H Bergson

L'angoisse du néant, chez l'homme, est pour Bergson consubstantielle à l'intelligence; c'est en quelque sorte le ''péché originel'' de l'homme...

La mort est un ''scandale'' pour l'esprit. Nous avons l'expérience de la durée, et nous ne pouvons envisager l'instant dernier... Notre seule expérience est celle de la mort d'autrui...

Cette faculté créatrice qu'est l'intuition nous amène au coeur de l'être. La conscience nous permet d'affirmer l'existence: entre, penser un objet et le penser existant, il n’y a absolument aucune différence...

L’expérience de la conscience révèle notre participation à un principe conscient plus grand et impérissable... Et, l’impossibilité à se représenter le néant pourrait signifier l'existence de l'Etre même ...

« Quand un instinct puissant proclame la survivance probable de la personne, (on a) raison de ne pas fermer l’oreille à sa voix . » L’Evolution créatrice.

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Henri Poincaré, mathématicien et philosophe.

Publié le par Perceval

Il est vrai que le ''tout Paris'' connaît mieux Caroline Otero que Marie Curie, ou Boni de Castellane que Henri Poincaré... Cependant un grand siècle scientifique se met en place...

Collège-de-France-1904

La France et le pays de Descartes ( on vient de fêter en 1896 le tricentenaire de la naissance de Descartes) , la raison est déterminante et chacun a foi en une vérité absolue ... Pourtant des penseurs et savants questionnent la connaissance en soi... Poincaré proclame que la géométrie d'Euclide n'est la plus vraie que parce que, elle est la plus commode... Le positivisme est mis à mal, alors que la science ouvre des portes: la théorie atomique, la radioactivité ...etc

N'oublions pas - parmi ceux qui réagissent au positivisme scientiste - la mouvance symboliste et décadentiste, la mode de l’occultisme, l’attrait pour le spiritisme et, d’une manière générale, le renouveau du spiritualisme dont Bergson reste le principal représentant au tournant du siècle.

La foule se presse aux portes du Collège de France

Comme de nombreux parisiens cultivés, Anne-Laure de Sallembier se presse devant le Collège de France, pour entrer dans la salle n°8 et écouter notamment Bergson; ou courre les conférences données par Henri Poincaré ( ainsi, celle donnée à ''Foi et Vie'' sur '' La morale et la science''...

Poincaré ne publiait pas lui-même ses cours à la Sorbonne et ses conférences... Ses étudiants ou ses collaborateurs ( comme JBV) s'en chargeaient.

 

Sans-doute est-ce le goût de l'érudition, de la Quête, qui ont réunit Anne-Laure et Jean-Baptiste; en particulier ce sur quoi - de la littérature à la science, en passant par la philosophie - la Connaissance s'enrichit chaque jour au point de nous faire penser que nous pouvons peut-être accéder à la Vérité...

Ce siècle nouveau leur permettra t-il de conclure la Quête du Graal ...?

Henri Poincaré (1854-1912), est un personnage qui passerait facilement inaperçu... Il est petit, myope. Enfant, il voit mal au tableau et développe une mémoire auditive. Il se souvient de ses cours, sans prendre de notes. Il dessine mal, mais possède une vision spatiale, qu'il développe en géométrie... Il peut effectuer toute une suite de calculs mentalement, et les coucher sur papier en rentrant chez lui... Après avoir compris, il écrit vite, très vite au point de commettre des erreurs...

Il aime lire, et écrire... Il s'essaie sur un roman, et des pièces de théâtre...

Henri Poincaré souffre d'insomnies, et de troubles de l'attention. Il ne pratique pas le sport. Il n'est pas liant et peu enclin aux confidences. Il se soumet aux règles de vie par désintérêt, et provoque ainsi des fautes par distraction....

Depuis l'âge de 18ans, il se considère agnostique et se méfie de l'institution catholique, de ses positions anti-intellectuelles, et son influence sur la vie sociale... Il professe le droit à '' la libre pensée''. Il est républicain, et pour la propriété individuelle. Il est pour que les femmes se libèrent de l'influence cléricale et acquièrent tous les droits civiques ...

Dreyfusard, il critique les méthodes d'analyse du bordereau qui semble accuser Dreyfus...

Henri Poincaré, mathématicien et philosophe.

En ce début de siècle, Henri Poincaré est considéré comme l'un des derniers savants ''universels''; que l'on questionne sur des domaines qui s’étendent des mathématiques à la physique aussi bien que de l’astronomie à la philosophie. Il œuvre, toute sa carrière durant, à la vulgarisation de ses résultats et des grands travaux de la science.

La science dévoile la Vérité - 1900

Pour Poincaré, une formation littéraire ( avec pratique du thème et de la version latine...) est mieux formée pour suivre les subtilités du raisonnement mathématique que le bachelier scientifique... Pour lui Science et philosophie ne s'opposent pas; la philosophie étant le cadre réflexif de diverses activités.

La recherche de la vérité est au coeur de l'activité humaine.

« Vouloir faire tenir la nature dans la science, ce serait vouloir faire entrer le tout dans la partie »; la science ne peut pas nous faire connaître "la véritable nature des choses", mais "les véritables rapports des choses"

La science nous fait connaître quelque chose de la réalité : « les rapports entre les choses ; en dehors de ces rapports il n’y a pas de réalité connaissable »

 

Poincaré parle de ''relativité"... Relativité, parce que si, un système est connu par l'observation du scientifique, cette observation donne lieu à un modèle, qui n'est qu'une convention... Les principes de la mécanique, les axiomes géométriques... sont des conventions... La science ne dit pas le ''vrai'', elle dit ce qui est commode pour notre raison...

Ce modèle est rationnel, et interdépendant de celui qui l'observe et d'autres systèmes ... Tout est interdépendant, et non pas soumis au hasard...

Anne-Laure extrapole les propos de Poincaré, sur la philosophie, et sur la religion... Les dogmes ne sont que des conventions...

Henri Poincaré en famille - 1904

« Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir. » (Extrait de La Science et l’hypothèse, 1908)

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Mondanités et érudition.

Publié le par Perceval

Vous pensez peut-être que la mondanité d’Anne-Laure de Sallembier l'écarte d'une véritable vie intellectuelle... Au contraire : en ce début du siècle, le public des salons est constitué d'une élite de politiques, hommes et femmes de lettres, et de personnes qui tiennent à incarner l'esprit français, celui qui se rattache au goût de la ''conversation'' … Même Marcel Proust, qui place la littérature bien-au-dessus de la ''conversation'' ( Contre Sainte-Beuve), sera qualifié de mondain … C'est qu'un salon est bien utile pour la création littéraire ; même si les goûts nouveaux tels le naturalisme, se sont éloignés des sphères mondaines... Anatole France, fait remarquer que « les passions d'une femme du monde sont aussi intéressantes et fécondes en observation que celles des laveuses de vaisselle et des filles » ( Enquête sur l'évolution littéraire)

 

Paul Hervieu (1857-1915) fait dire à un artiste, personnage d'un de ses romans : « J'aime le spectacle du monde parce que - si vil et si imparfait qu'il soit - je considère qu'il représente encore les résultats de civilisation les plus perfectionnés, jusqu'à nouvel ordre [...].

D'abord, un salon est l'endroit de civilisation d'où l'on a le plus banni tous ces genres de moyens matériels, affectés ailleurs à l'animalité des gens. Quelle qu'en soit la valeur, une salle à manger, un cabinet de toilette, même du dernier confort, une chambre à coucher (pour ne rien dire de plus), tout cela s'adresse aux nécessités de la bête humaine. Mais un salon, dont l'utilité n'est que d'être inutile, qui est un lieu paré pour de perpétuelles parades, où tous les actes sont oisifs et toutes les paroles convenues, tandis que le temps qu'on y passe est lui-même de luxe, ne saurais-tu.vraiment concevoir qu'il y ait un état d'art dans cette atmosphère artificielle ? »

 

Dans la mesure où il est théâtral et artificiel, ''le monde'' permet de s’abstraire des réalités matérielles et des nécessités qui nous régissent. Sa fonction même est d'être inutile puisqu'on y perd son temps, au milieu d'une société qui a pour moteur l'utile et le profit. Il serait donc de façon surprenante, le lieu même de la liberté … ( Extrait de '' Les Salons de la IIIe République'' un excellent ouvrage très documenté de Anne Martin-Fugier)

Ces ''gens du monde'' ont ce privilège - d'avoir le temps – et de pouvoir s'intéresser à la psychologie, à ''l'âme humaine''... Certains encore s’intéressent au savoir intellectuel et scientifique... Bien sûr en ce siècle bourgeois, c'est une conception toute aristocrate, qui a de moins en moins de réalité … Le mot même d'érudit va perdre de son prestige, au profit de ce qui est artistique... L'affaire Dreyfus va dans un certain milieu valoriser l'intellectuel ( substantif forgé à cette occasion) qui connaîtra ensuite sa notoriété...

Ainsi vient le temps, où l'on va mépriser Mme de Cambremer, bonne connaisseuse de Schopenhauer... Le Narrateur de La Recherche s'en étonne... :

«  (…) j’étais tellement habitué depuis que je les avais vus pour la première fois à considérer la femme comme une personne malgré tout remarquable, connaissant à fond Schopenhauer et ayant accès en somme dans un milieu intellectuel qui était fermé à son grossier époux, que je fus d’abord étonné d’entendre Saint-Loup répondre : « Sa femme est idiote, je te l’abandonne. Mais lui est un excellent homme qui était doué et qui est resté fort agréable. « Par l' idiotie » de la femme, Saint-Loup entendait sans doute le désir éperdu de celle-ci de fréquenter le grand monde, ce que le grand monde juge le plus sévèrement.. » ( le Temps Retrouvé)

 

Si il y a quelque intérêt, donc, dans les passions des femmes du monde... Alors, je n'ai encore rien dit de ces très nombreuses lettres, amoureuses, signée par Jean-Baptiste de V. et adressées à Anne-Laure de Sallembier entre 1902 et 1915...

Quelques notes d'Anne-Laure, de voyage en particulier, font souvent allusion à JB, avec qui elle entretient beaucoup de complicité, mais dont elle semble se plaindre assez souvent pour sa conduite... JB, en effet, est amoureux, mais peu fidèle ...!

Mes recherches m'incitent à penser qu'il s'agit d'un même personnage et qu'il devrait s'agir du baron Jean-Baptiste de Vassy, originaire d'Alençon. Le baron est plus jeune qu'Anne-Laure; né en 1880, il sera tué en 1915 pendant la grande guerre... Il vit à Paris et jouit d'une petite fortune, qui lui permet de se consacrer à l'érudition; et en particulier à approfondir ses connaissances scientifiques...

En effet, il a trouvé chez Henri Poincaré (1854-1912), l'intérêt affectueux d'un professeur pour un ancien élève ( il avait envisagé l'entrée à Polytechnique ...). Soutenu par le mathématicien (.« il a de l’aisance ; il peut suivre une carrière lente et peu avantageuse du côté de la fortune..» précise t-il), il a sollicité - et obtenu - auprès du ministre de l’Instruction publique une place d’employé surnuméraire à la bibliothèque du Collège de France... Ainsi, tout en négligeant une carrière plus lucrative à laquelle il se formait, il préfère ce modeste poste et servir l'illustre savant Henri Poincaré...

JBV va consacrer sa courte vie, au service et à l'admiration de deux personnalités la comtesse de Sallembier et Henri Poincaré...

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A la recherche de Marcel Proust - Hélène Standish -

Publié le par Perceval

A l'intérieur de la malle que nous a léguée mon aïeule Anne-Laure de Sallembier, il y a un dossier empli de documents ( articles, journaux, notes...) autour de Marcel Proust, composé après sa mort... Cependant, rien n'indique qu'elle ait de près partagé quelque lien avec l'écrivain ; aucune autographe, lettre ou photo...

Marcel Proust

Je sais pourtant qu'elle eut plusieurs fois l'occasion de le croiser, non seulement lors de cette soirée chez la princesse de Polignac le 4 juin 1908 ; mais également au cours du mois d'août 1907 à Cabourg, comme je vais avoir l'occasion d'en raconter quelques péripéties dignes d'un vaudeville...

 

Je vais remonter le temps encore, pour évoquer les liens relationnels qui me permettent de penser que Marcel Proust et Anne-Laure de Sallembier ont eu bien d'autres raisons de se croiser...

 

La personne qui ferait le lien, serait Hélène Standish (1847-1933), née Hélène de Pérusse des Cars, épouse d'Henry Standish...

Helène Standish, est une femme du monde connue pour sa beauté, et bien connue de la société française et britannique.. Elle a reçu dans son salon parisien de nombreux artistes de renom et inspiré Marcel Proust.

Mme Henry Standish née Hélène de Pérusse des Cars (28 mars 1882). Paul Nadar (1856-1939)

Le prince de Galles, futur souverain du Royaume-Uni sous le titre d'Édouard VII (1841-1910), est un francophile ardent. Il est reçu dans les grandes maisons de l'aristocratie, notamment chez la comtesse Élisabeth Greffulhe rue d'Astorg à Paris, le duc et la duchesse de La Trémoille à Rambouillet ainsi que Lord et Lady Standish dans leur Hôtel particulier, au no 3 rue de Belloy dans le 16e arrondissement de Paris. Parmi ses liaisons, la rumeur rapporte la relation passionnelle en 1874 tissée entre le prince et la belle Mme Standish...

Plus tard, le couple royal et la famille Standish resteront des amis proches...

 

A propos de la passion qu'inspire Hélène Standish, il y a celle du général Gaston de Galliffet (1831-1909) - le massacreur de la Commune – et qui va inspirer à Marcel Proust le vaniteux personnage du général de Froberville. La confidence est rapportée par Alfred de Gramont, alors que le Général loge chez Henry Standish; il n'hésite pas à le critiquer, alors qu'il lui donne l'hospitalité, mais plus par jalousie, car il avoue au prince de Gramont sa passion pour la maîtresse de maison : « Il m'a répété souvent qu'il n'avait jamais aimé et qu'il n'aimait qu'une seule femme au monde plus que tout, c'était Mme Standish » Galliffet est à ce moment, Inspecteur général de la cavalerie, avant de devenir Ministre de la Guerre de 1899 à 1900.

 

Anne-Laure a passé une grande partie de son enfance à Fléchigné (en Mayenne).

Mariée, puis enceinte et mère, elle se retrouve ''coincée'' sur ses terres, alors que la vie mondaine de Paris, n'a cessé de l’éblouir et de l'attirer...

Le 10 janvier 1900, elle met au monde un fils, qu'elle appelle Lancelot... Quelques années après son mariage, Georges de Sallembier, meurt subitement ( 1902) d’une fièvre typhoïde, à Paris...

La belle Anne-Laure navigue alors entre Paris, le château de Fléchigné, et les loisirs de la vie mondaine parisienne qui prend villégiature, en bord de mer ...

 

Non loin des terres et du manoir de Fléchigné - à quelques kilomètres - se situe le château d'Hauteville. Des liens amicaux se sont tissés entre Anne-Laure de Sallembier et Émilie de Pérusse des Cars (1844-1901) qui a hérité en 1882 du château de Hauteville et de son domaine à Charchigné. Emilie est mariée depuis 1874 avec le comte Bertrand de Montesquiou-Fezensac. Ils ont une fille, Mathilde née en 1883, qui y passe une jeunesse heureuse aux côtés de sa mère protectrice pendant les périples de son père - capitaine de frégate - sur de lointains océans.

le Château_de_Hauteville à Charchigné propriété de Mathilde de Montesquiou-Fézensac depuis 1902

"Le château à l'époque de sa splendeur employait une cinquantaine de domestiques. Il comprenait 99 chambres. L'entretien de l'aile principale occupait une personne l'année durant. Il permettait à plusieurs familles de vivre sur les terres. Les fermiers étaient en métayage. Ils n'étaient pas riches, mais ne manquaient cependant pas du nécessaire. Tout devait être partagé de moitié avec le château. Des règles étaient à respecter de façon draconienne : les fermiers n'étaient pas assurés de rester d'une année sur l'autre sur la même exploitation. L'intendant régnait en maître. Un certain Galereau, un novateur dans l'agriculture, qui introduisit le chou cavalier dans la région, et fit le premier coucher les vaches dehors, était particulièrement craint." (wiki)

 

Le 1er mars 1901, la mère de Mathilde, Emilie, meurt de maladie, en son château de Hauteville; puis son père, l'année suivante... Ils sont inhumés en la chapelle de Hauteville dans le cimetière de Charchigné.

Mathilde est alors mineure et elle est prise en charge par sa tante Hélène Standish, née de Pérusse des Cars...

Hélène est l'épouse de Lord Henry Noailles Widdrington Standish of Standish, une très ancienne famille aristocratique britannique.

Hélène Standish accueille sa nièce et l'installe en son hôtel parisien au no 3 rue de Belloy dans le 16e arrondissement de Paris. Leur salon est l'un des plus réputés de la capitale avec celui de leur amie, la comtesse Élisabeth Greffulhe rue d'Astorg à Paris. Élisabeth Greffulhe est la fille de Marie Joséphine Anatole de Montesquiou-Fézensac, nièce du contre-amiral Bertrand de Montesquiou-Fézensac et donc cousine de Mathilde.

à l’Opéra de Paris (1907) par Jean Béraud

 

Marcel Proust s'est inspiré pour son personnage de la duchesse de Guermantes de plusieurs grandes dames comme Laure de Chevigné, la comtesse Jean de Castellane, Mme Straus, la comtesse Greffulhe et son amie Mme Standish.

Pendant un gala, à l’Opéra de Paris, le narrateur contemple la société aristocratique installée dans les baignoires, sortes de loges disposées derrière les fauteuils d’orchestre. La scène où la duchesse et la princesse de Guermantes côte à côte et « s'admirant mutuellement », aurait été inspirée par la vision de Mme Standish en 1912, auprès de la comtesse Greffulhe dans l'illustre loge où Marcel Proust était invité pour la représentation de Sumurum, pantomime inspirée des Mille et Une Nuits montée par Max Reinhardt le 24 mai 1912 au Vaudeville.

Le journaliste Saint-Simon du Gaulois, décrit Lady Standish au cours d'un bal organisé à l'hôtel Continental au mois de mai 1883, au profit de l'œuvre de l'Hospitalité de nuit

« Mme Standish est la belle des belles. L'admiration de tous court au devant d'elle comme les yeux vont à la lumière. Elle n'est pas la plus distinguée des Parisiennes ; elle est la distinction incarnée. Sa robe est noire et relevée de nœuds-blancs. Elle porte en sautoir une écharpe de perles, et comme une reine, elle a le front ceint d'un diadème. »

La gouvernante de Marcel Proust, Céleste Albaret, évoque Mathilde de Montesquiou-Fézensa :

« Je me rappelle… Pendant les deux dernières années, quand nous étions rue Hamelin, après avoir quitté le boulevard Haussmann, il y avait une dame du monde [Hélène Standish] qui avait son hôtel particulier juste au coin de la rue La Pérouse […] Cette dame avait été très belle et gardait une élégance très stricte […] M. Proust la connaissait pour l'avoir vue chez la comtesse Greffulhe, je crois, et avait été fasciné par sa mise. Elle avait une nièce qui vivait avec elle comme sa fille, parce qu'elle n'avait pas eu d'enfant, et cette nièce, me racontait M. Proust en riant, avait une telle admiration pour lui que, disait-elle, si elle ne parvenait pas à l'épouser, elle ne voyait qu'un autre homme avec qui se marier : le célèbre organiste Widor, qui était beaucoup plus âgé qu'elle. De fait, elle s'est mariée avec Widor, qui est venu partager l'hôtel particulier de la rue La Pérouse. »
d'Albert Guillaume

Ainsi, Anne-Laure de Sallembier fréquentant le salon d'Hélène Standish, n'a pas manqué de croiser Marcel Proust et la comtesse Élisabeth Greffulhe; elle-même recevant Hélène Standish dans son salon de la rue d'Astorg à Paris.

Il est intéressant aussi de constater qu'Anne-Laure ait pu rencontrer chez Hélène Standish, Raymond Poincaré, républicain laïque, est plusieurs fois ministre puis président du conseil et enfin président de la République. Elles apprécient et estiment cet homme d'État pour sa modération, son attitude tolérante envers la religion et son opposition à l'anticléricalisme.

Mathilde est une jeune femme qui n'a pas la beauté et surtout la force de caractère de sa tante; et elle finit par abandonner la gestion du domaine de Hauteville à Hélène et Henry Standish... Ils entreprennent des travaux de rénovation et installe un calorifère afin d'assurer le chauffage de la propriété. Ils viennent régulièrement séjourner dans le prestigieux domaine avec leur nièce.

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Jules de Gaultier – le Bovarysme.

Publié le par Perceval

En particulier au Mercure, les préoccupations et les discussions tournent beaucoup autour des relations entre les hommes et et les femmes … A ce propos, une figure de femme entretient de longues discussions, celle d'Emma Bovary... !

 

Madame Bovary est parue pour la première fois, en 1856, dans La Revue de Paris.

Nous dirions que c'est une histoire banale... et précisément, fait scandale à cause de sa banalité même : deux adultères et un suicide. Un fait divers, marqué par son époque.. Une femme insatisfaite, qui, après avoir cherché des sensations intenses dans la littérature, les images de la religion et la relation amoureuse, n’échappe à son milieu que par la mort. Ce portrait fait par Flaubert (1821-1880) semble si juste, réaliste ; qu'est adopté un néologisme basé sur ce personnage : « le bovarisme » ou « bovarysme »... Ce terme est employé une première fois en 1880 dans le Siècle pour qualifier la ''maladie'' ( Flaubert était médecin) dont souffre Emma...

Jules de Gaultier (1858-1942) - (Paris, entre 1901 et 1905)

L'homme qui entretient Anne-Laure de Sallembier, de ce sujet est Jules de Gaultier (1858-1942), que nous avons déjà évoqué...

Jules – homme élégant, à l'attitude noble - est un simple receveur des finances, qui va faire de la philosophie et publier dans les revues les plus prestigieuses… Il connaît bien la Normandie, qu'il apprécie ( Anne-Laure y est bien-sûr attachée …) ; à Paris, dit-il, il est comme « dans une chambre sans fenêtre » ...

Il soutient que le bovarysme, qui toucherait beaucoup de femmes, serait d'être amoureuse de l'amour, au lieu d'être amoureuse d'un homme ( bien réel...)... Comme Don Quichotte ( pour l'homme...), Emma Bovary mélange la vie, et ses illusions ; et ils ne peuvent pas supporter la réalité...

- Il s'agit donc d'une maladie... ?

- Non …. C'est un état de fait … !

- Vous exagérez...

- Pensez-vous que chacun d'entre nous puissions avoir la connaissance effective de la réalité … ? Le premier pas – disons créateur - de l'homme, c'est de distinguer le moi du monde extérieur … Il voit la diversité du monde, il distingue des ''phénomènes''...

- Il se fait une idée du monde qui l'entoure ….

- Oui, mais attention... Ce monde n'est pas figé. Il évolue...

- Mais, ce qui se montre à nous, peut nous mentir ! ?

- Oui... et de plus, notre perception aussi … Le tout repose nécessairement sur une illusion... !

- Alors... Comment accéder à la Vérité … ?

- « Croire ! Contempler ! ce double vœu a hanté de tout temps les cervelles philosophiques ; il a partagé le monde des philosophes en deux types rivaux et ennemis : le sacerdote et l’artiste. »

En fait, Jules de Gaultier pense « que toute vérité, qu’elle soit morale ou scientifique, n’est jamais vraie en soi, mais qu’elle ne l’est qu’en fonction de son utilité présente ou passée. »

Jules de Gaultier se rattache à à Schopenhauer, par son éducation philosophique...

« Le monde est un spectacle à regarder et non un problème à résoudre » dit-il.

Anne-Laure de Sallembier, découvre Nietzsche, grâce à Gaultier qui tient la chronique philosophique du Mercure... Il ne réside pas à Paris, mais Anne-Laure le voit régulièrement lors de ces passages. Élégant, physique d'officier de cavalerie, il parle posément en bon professeur. Il semble ne parler que de ''bovarysme'' ; il en a fait la clé de voûte de sa philosophie. C'est une manière de parler de la limite de la Connaissance ; et concerne l'humain en général... « toute réalité qui se connaît elle-même, se connaît autre qu’elle n’est. Ainsi s’énonce, resserrée en la forme d’un aphorisme, la notion du Bovarysme ».

Ce que nous appelons connaissance est en fait une création de notre part. La réalité phénoménale est autre qu'elle n'est ! Notre perception repose sur une illusion... Il ne resta au philosophe que de croire ou contempler...

Proche de Nietzsche, Gaultier reste fondamentalement persuadé que toute vérité, qu’elle soit morale ou scientifique, n’est jamais vraie en soi, mais qu’elle ne l’est qu’en fonction de son utilité présente ou passée.

Le « rationalisme » lui apparaît comme étant « une confusion des catégories de l’intelligence et de la croyance ».

Seuls les artistes ne sont pas dupes des illusions qu'ils créent. L'art est essentiel, c’est un des moyens que la vie choisit pour manifester « qu’elle veut aussi prendre conscience d’elle-même ». C'est ce que Gaultier appelle : la « justification esthétique de l'existence ». Le philosophe-artiste est critique du monde, même s'il reste sensible aux idées du temps...

 

Le philosophe tente de comprendre le mécanisme des actions humaines et de chercher quel peut bien être leur but, et si elles en ont un, ou si la vie n'est pas autre chose qu'un ensemble de gestes évoluant parmi les ténèbres du hasard.

La philosophie rejoint les mythes qui ré-enchantent la banalité du quotidien, non que ce quotidien soit banal, mais parce qu'ils en traitent avec génie ( analogue à un sujet traité avec art, ou sans art …) Schopenhauer dit, comme Shakespeare... Frédéric Nietzsche, est en même temps un grand poète et un grand philosophe.

Je peux imaginer comment ce discours a pu émouvoir Anne-Laure ; elle, qui tentait de comprendre comment l'histoire du Graal, de Perceval, des chevaliers de la Table Ronde, et des femmes-fées, pouvaient encore parler à des hommes et femmes de raison en ce début du siècle … !

 

La question posée par ''le bovarysme'', est qu'il peut se développe dans un sens absolument opposé à la personnalité réelle de l'individu. On parle alors de maladie, s'il s'agit de fausse passion, fausse vocation. Le ''non-vrai'' devient une condition de l'existence ; jusqu'au moment où le rêve se brise au contact de la réalité... Par exemple, quand Emma imite la signature de son mari sur les billets qu'elle a souscrits, malheureusement, son imagination ne change pas la loi du monde. Les effets souscrits sont représentés à leur échéance. Impayés, ils sont protestés. Emma, plutôt que d'avouer, choisit la mort.

 

Pour Gaultier, encore, l''instinct de vie'' pousse l'individu à créer de l'illusion pour vivre ( idoles …) ; à l'opposé'' l'instinct de connaissance'' en doute et démystifie...

Baudelaire disait : « … Je sortirai quant à moi satisfait d'un monde où l'action n'est pas la sœur du rêve. » ( Reniement de saint Pierre, des Fleurs du Mal )

 

Nietzsche affirme que le mythe est d'une manière générale « le lit de paresse de la pensée » … Et donc, s'il s'agit de nourrir sa pensée par les mythes, il faut ne pas s'y laisser enfermer, telle une croyance ; mais s'y laisser inspirer, interroger... Le mythe a cette faculté de proposer une multiplicité de sens …

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