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science

Une science prolétarienne

Publié le par Régis Vétillard

Eugénie Cotton et M-C. Vaillant-Couturier

Geneviève par l'intermédiaire de son intérêt pour les sciences, se rapproche d'Eugénie Cotton, la présidente d’honneur de l'UFF qui vient de recevoir le prix Staline pour la Paix. Eugénie Cotton (1881-1967) est une scientifique française, physicienne et directrice de l’École normale supérieure de jeunes filles

Elle a publié plusieurs articles et contribué à la compréhension du paramagnétisme et à son application à la chimie analytique.

Geneviève est très fière de fréquenter quelques férus de science matérialiste ; certains lui auraient ''ouvert les yeux'', notamment, sur la Relativité et Einstein que personne n'ose critiquer.

Ainsi, Geneviève soutient à Lancelot que la Relativité avait été abordé avant Einstein, que c’est Lorentz qui l’a créée, et Poincaré qui l’a complétée et généralisée. Lancelot veut bien l'envisager ainsi, pour un début de réflexion ; mais - répond Lancelot - c'est quand même Einstein qui a éliminé l'hypothèse de l'éther, et affirmé que la vitesse de la lumière était constante, indépendamment de la vitesse de la source ou de l'observateur ! Et, surtout : c'est Einstein qui a généralisé sa théorie pour inclure une nouvelle proposition d'explication de la gravitation...

Geneviève répond que les deux hypothèses de la constance de la vitesse de la lumière, et aussi de l’équivalence entre la masse et l’énergie, sont arbitraires et sans fondement. Elles conduisent à des résultats absurdes et incompatibles avec les faits observés.

Lancelot s'étonne de ce genre de propos ; mais Geneviève insiste et prétend qu'Einstein n'a fait qu'obscurcir et déformer, ce que l'on avait découvert avant lui.

- L'Amérique veut nous faire croire qu'il s'agit là d'une révolution scientifique, « alors qu’il ne s’agit que d’une régression idéologique. Einstein a servi les intérêts de la bourgeoisie capitaliste, qui cherchait à discréditer la science classique et à imposer sa vision du monde. » 

Frederic Joliot-Curie

 

C'est ainsi, que la notion de ''science prolétarienne'' vient s'affronter à ce qu'elle nomme la ''science bourgeoise''

Étonnamment, Frédéric Joliot-Curie, lui-même, défend le concept dans la revue “Les Lettres françaises” en 1948.

  • « La science prolétarienne est une science qui se développe dans les pays socialistes, sous la direction du Parti communiste. Elle est fondée sur le matérialisme dialectique et historique, qui est la philosophie du marxisme-léninisme. Elle vise à découvrir les lois de la nature et à les utiliser pour transformer le monde en fonction des besoins du peuple et du progrès social. »

  • « La science prolétarienne est une science qui se distingue de la science bourgeoise par son contenu, sa méthode et son but. La science bourgeoise est une science qui reflète les intérêts de la classe dominante, qui s’appuie sur des dogmes et des préjugés, qui s’isole de la réalité concrète et qui sert à justifier l’exploitation et la guerre. La science prolétarienne est une science qui reflète les intérêts de la classe ouvrière, qui s’appuie sur l’expérience et la pratique, qui s’intègre à la réalité concrète et qui sert à libérer l’humanité de l’oppression et de la misère. »

  • « La science prolétarienne est une science qui se manifeste par des résultats concrets et révolutionnaires dans tous les domaines. Elle a permis à l’URSS de réaliser des exploits sans précédent dans l’industrie, l’agriculture, la médecine, la culture, la défense nationale et la conquête spatiale. Elle a permis aux pays socialistes de se développer rapidement et harmonieusement, en assurant le bien-être matériel et moral du peuple. Elle a permis aux pays coloniaux et semi-coloniaux de se libérer du joug impérialiste et de s’engager sur la voie du socialisme. »

 

Lancelot s’interroge : comment une vision politique peut-elle influer sur la science et ses découvertes, ou inversement ?

-La science communiste, qui s'affirme progressiste et matérialiste, s'enracine dans les enseignements de Mitchourine, qui soutenait lui-même : « C'est uniquement sur la base de la doctrine de Marx, d'Engels, de Lénine et de Staline qu'on peut réorganiser entièrement la science. »

La science bourgeoise, idéaliste et mystique, fondée par des biologistes réactionnaires , défendrait donc la « théorie de la mutation », et serait l’ennemie de toute la pensée rationnelle.

Lyssenko et Staline

 

Geneviève prend un exemple : la génétique. La science soviétique a bâti ses succès sur la théorie de Ivan Mitchourine, selon laquelle l’environnement peut modifier l’hérédité des organismes vivants. Aujourd'hui Trofim Lyssenko (1898-1976) enseigne, sur cette base l'idée selon laquelle les caractéristiques acquises par les plantes et les animaux peuvent être transmises à leur descendance.

La science bourgeoise, ne reconnaît toujours pas - appuyée sur Mendel, un religieux autrichien, et Morgan, un scientifique américain, opposée en cela aux '' lois de la dialectique '' - l'influence fondamentale du milieu extérieur... !

* Je note que Gregor Mendel (1822-1884), moine tchèque, découvre les prémices de la génétique et propose le concept de gène. Ces notions vont être reprises au début du XXe siècle, et Thomas Morgan (1866-1945), généticien américain, montre que les gènes sont localisés sur les chromosomes, structures présentes dans le noyau des cellules, mais dont on ne connaît pas encore nature chimique.

 

Lancelot ne connaît pas assez le sujet ; cependant, il s'est renseigné et fait part du scepticisme de la plupart des scientifiques et dénoncent même l'erreur de propositions comme, celle de dire qu'une espèce pouvait être transformée en une autre (par exemple, l’orge en seigle) ; et que l’obtention de caractères voulus pour un organisme provenait non pas de la sélection naturelle (une imposture bourgeoise), mais de la coopération entre individus. A croire que les plantes, pouvaient subir une '' rééducation socialiste '' et devaient être plantées en groupes pour que les éléments faibles puissent se sacrifier pour les forts... !

Bien-sûr, il n'est pas absurde de penser que l'environnement influence les informations héréditaires des organismes... Que la génétique n'est pas aussi déterministe qu'elle semble l'être...

 

En 1950, le manifeste du PCF affirme donc qu’il y a maintenant une science bourgeoise et une science prolétarienne, et que la science « est aussi affaire de lutte de classes, affaire du parti ».

Geneviève insiste encore et valorise la cohérence d'un intellectuel, un scientifique qui adhère au communisme et le fait, par la même rationalité qui le conduit dans ses recherches.

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1947 - Teilhard de Chardin.

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot a réussi à retrouver Dominique Dubarle (1907-1987), dominicain, théologien, philosophe et scientifique. Le père Dubarle, lui annonce aussitôt le retour en France de Teilhard de Chardin

Dubarle est convaincu que le progrès des sciences et des techniques provoque une rupture dans le cours de notre civilisation, c'est à dire a un impact sur l'humain et son devenir, sur notre culture. Il est donc nécessaire d'actualiser notre discours sur la foi. N'est-il pas important de reconnaître dans la philosophie de la science, un matérialisme et une œuvre spirituelle ?

Nous avons abandonné notre vision ancienne du cosmos, sous la pression d'une vision scientifique matérialiste du monde. La réalité du spirituel ne contredit pas l'explication matérialiste.

Teilhard de Chardin

C'est d'ailleurs un point important de la discussion qui s'est déroulée le 21 janvier 1947, organisée par l'équipe '' Science et conscience '' du CCIF, entre le P. Teilhard de Chardin et Gabriel Marcel.

Un débat fort intéressant qui a fait défendre par Teilhard l'idée que « l'effort collectif pour pénétrer les secrets de la matière est un acte spirituel », et « plus l'acte est spirituel, plus il peut être hautement christianisé si l'Esprit le complète »...

G. Marcel, est sceptique : il envisage par exemple, la conscience des médecins des camps de concentration, des savants nazis: « qu'il y a t-il là d'hominisant ? » N'est-ce pas plutôt une conception anti-chrétienne, qui nous ramène à l'homme prométhéen ?

Teilhard répond : «  ce qui fait l'homme prométhéen, c'est le refus de transcender son geste.. »

Tous les deux sont d'accord pour reconnaître la fêlure profonde que le mal a introduite dans la condition humaine... L'homme oscille de l'invocation au refus. G. Marcel voit dans le collectivisme et la technique , une nouvelle manifestation de l'esprit prométhéen.

Gabriel Marcel

Note : Prométhée « Le héros enchaîné [qui] maintient dans la foudre et le tonnerre divins sa foi tranquille en l’homme. C’est ainsi qu’il est plus dur que son rocher et plus patient que son vautour. Mieux que la révolte contre les Dieux, c’est cette longue obstination qui a du sens pour nous. » Camus. - Camus dirait, qu'un '' esprit prométhéen '', prône sa foi en l’homme, en l’action et la transformation de la nature.

Teilhard ne nie pas le mal, mais pour lui la technique est un effort pour spiritualiser la matière, pour assimiler le cosmos à l'homme, et donc pour enrichir le plérôme ; le «plérôme» : « la mystérieuse synthèse de l'Incréé et du Créé, la grande complétion de l'Univers en Dieu».

L'idée de collectivisation, ne le gêne pas, elle crée une complexité nouvelle , et permet la maturation de l'humain, dit-il : ce serait l'ultra-humain....

Dans le même cadre, Lancelot, au mois de mai, entendit Louis Lavelle ( ce philosophe donnait des cours privés à Elaine, c'était en 1938.) répondre devant un abondant public à la question : '' A quoi sert le monde ? '' - L'homme, tout en étant dépendant du monde, peut – par sa vie spirituelle – se dégager des réalités extérieures ; Il s'agit donc – au-delà de la société des corps – d'assurer des rapports plus étroits entre les esprits. Le monde et nos limites, sont une épreuve, mais une épreuve féconde.

Teilhard ne partage pas cette conception. Il regrette l'opposition Dieu-Monde. « Être c'est s'unifier », dit-il. Le Monde ( le cosmos...) n'est pas un obstacle, au contraire.

Le père reconnaît la crise actuelle de la conscience ; mais il a une confiance philosophique ( et chrétienne) sans faille dans l'avenir humain.

Le mal c'est le prix de l'être. La création ( le multiple ) permet l'apparition du mal. Le multiple évolue vers l'unification ( bien).

Le Père reconnaît que le mal devient de plus en plus grave ( la bombe atomique) : - « cela laisse en suspens le succès de l'univers. Mais par l'infaillibilité statistique des libertés, rien n'empêche une vérité de monter. »

Certains philosophes « se meuvent encore dans un Univers pré-galiléen » : «  une des dimensions les plus essentielles du '' Phénomène '' , qui n'est pas d'être perçu par une conscience individuelle, mais de signifier à cette conscience individuelle, qu'elle se trouve incluse dans un processus universel de '' noogénèse '' ( qui aboutit à une noosphère) ».

Lancelot est émerveillé par cette représentation du Monde. Hélas Teilhard ne publie pas, le père refuse les grands conférences, et préfère des rencontres dites ''privées'' ( et parfois peuplées).

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Les années 30 – La TSF

Publié le par Régis Vétillard

La TSF, merveilleuse... Lancelot le reconnaît bien volontiers, d'autant qu'il s'est lancé, en amateur, dans le bricolage sur de telles machines...

Elaine, très littéraire envisage le discours scientifique, comme une création de l'imagination humaine ; et ce qui l'interpelle, c'est sa déclinaison technique comme la radio ; et en particulier, ce qui invisible, se concrétise dans une voix venue d'on ne sait d'où... !

Elle s'adresse à Lancelot : - pourrais-tu tenter de m'expliquer ce qui se trame dans cet espace de réalité auquel je n'ai pas accès... ?

- Tu connais l'électricité, avec les charges électriques, l'aimant, la pile volta... On fait la connaissance du courant électrique avec Ampère vers 1820; ce qui permet de construire le télégraphe électrique, et communiquer par un code morse...

- L'aimant, c'est encore autre chose … ?

- On fait la relation entre charge électrique et aimant, quand on approche d'une aiguille aimantée un fil connectée à une pile ; aussitôt l'aiguille dévie.

- On a l'impression que cela bouge tout seul...

- Une particule chargée modifie son espace local, on parle de champ électrique ( autour d'un câble électrique ) quand s'exerce une force électrique exercée à distance... (comme on peut parler aussi du champ de la pesanteur...). Avec le câble, plus la ''tension'' est élevée plus le rayonnement du champ est important...

- Et donc, l'aimant... ?

- Il existe un champ magnétique autour d'un aimant... Un courant électrique crée également un champ magnétique ; plus ''l'intensité'' du courant est élevé plus le champ magnétique augmente...

- Tu parles de ''champ'', alors que d'habitude tu parles d'onde... ?

- Le champ c'est l'espace local, dont je parlais, le champ permet à l'onde de se déplacer. Mais, c'est un peu plus que cela, le champ a une valeur ; si la valeur change, cette variation se propage de proche en proche. Une charge crée un champ constant, qui n'est pas une onde... Une carte de France avec des températures, c'est un champ de température...

- Une onde, ça bouge...

- Une onde, c'est comme une vague. C'est une variation qui se déplace ; il n'y a pas de matière qui se déplace... Le son, c'est une variation de la pression de l'air.

- Et j'ai entendu dire que la lumière était aussi une onde... ?

- Une onde électromagnétique... Voilà ce qu'écrit Maxwell en 1864 : « L'accord des résultats semble montrer que la lumière et le magnétisme sont deux phénomènes de même nature et que la lumière est une perturbation électromagnétique se propageant dans l'espace suivant les lois de l’électromagnétisme »

- L'électromagnétisme … ?

- Le physicien allemand Hertz ( 1888) a réussit à créer des ondes électromagnétiques, appelées les ondes hertziennes. Il les caractérise comme étant invisibles et se propageant à la même vitesse que la lumière en étant elles aussi susceptibles de se diffracter, de se réfracter ou bien de se polariser.

* A l'époque dans laquelle je retranscris ces propos en les adaptant, l'hypothèse de l'existence de l'Ether, comme support pour assurer la propagation des ondes, est partagée par tous...

- Et, concrètement un poste radio... ? Il est magique chez soi, à travers cette machine, d'écouter un concert ou une pièce de théâtre jouée au même moment... !

- Puisque tu parles de magie ; j'ai vu que ''Le Livre national '' édite cinq volumes de Gabriel Bernard, sur la question de la ''TSF humaine''. Ce sont des romans, dans lesquels l'auteur imagine que nous pourrions communiquer par la pensée les uns avec les autres, comme des postes de T. S. F.... De même que Jules Verne a pensé avant qu'ils n'existent, le sous-marin, le dirigeable, l'avion plus lourd que l'air... De même l'auteur, ici, exploite l'idée que, peut-être, produisons-nous des ondes par notre pensée ; et si nous étions maîtres de leur émission, et de leur réception ; nous accroîtrions nos possibilités humaines, au point de paraître comme de véritables magiciens.... !

- Et que se passerait-il si ces pouvoirs étaient au service de mauvaises intentions... ?

- Précisément, les romans envisagent une confrérie '' les chevaliers de l’étoile '', qui se font greffer un organe en forme d’étoile rose leur permettant à la fois de communiquer par télépathie et de lire les pensées...

- En 1900, à ma naissance, le canadien Fessenden, réussit à faire voyager ( sur 80km) sa voix sur cette onde...

Mon premier poste était équipé d'un détecteur à galène ; je pouvais capter les ondes émises depuis la Tour Eiffel...

Donc, en faisant varier le courant, on fait varier le champ magnétique et on obtient une onde hertzienne; et c'est ce qui se passe à l'intérieur d'une antenne...

- A quoi servent ces tubes, ou ces lampes ?

- Elles sont le fruit d'une grande invention de Lee De Forest, l’audion, une lampe triode permettant d’amplifier les faibles signaux perçus. Elle remplace les détecteurs à galène.

Pour les inventer il a fallu précédemment connaître un peu mieux l'infiniment petit... L'atome n'est plus le plus petit grain possible de matière. Aujourd'hui l'atome est devenu très complexe : sa structure est comparable à celle d'un système planétaire comprenant un noyau central de charge positive ou « proton » autour duquel se meuvent des grains chargés d'électricité négative appelés « électrons ».

 

La radio, ça commence par l'émission, donc un micro : il s'agit d' une membrane mobile reliée à une bobine à l'intérieur d'un aimant qui sert à transformer les vibrations de la voix en signaux électriques, ces signaux couplés à une antenne vont fabriquer une onde électromagnétique...

Seulement la voix a une fréquence plutôt basse, et l'antenne devrait être autant plus haute ( en fait de 60km de haut...!)... Pour qu'une antenne, disons de 10m de haut, émette des ondes électromagnétiques, il est nécessaire de faire circuler dans cette antenne un courant de haute fréquence... Pour cela il faut un oscillateur qui nous produit une onde porteuse... En retour pour retrouver notre voix et l'adapter à notre oreille, il faut ''démoduler'' l'onde reçue...

 

En ville, pour une bonne réception, le problème de l'antenne est résolu dans ce poste à lampes, par un cadre autour duquel est entouré un grand nombre de spires. Et là, c'est un "bouchon intercept" qui utilise la ligne électrique comme antenne !

Enfin, j'ai rajouté un amplificateur à lampes derrière pour sortir sur un haut parleur.

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La terre tourne t-elle ? -1/2-

Publié le par Perceval

La terre tourne t-elle ? -1/2-

Anne-Laure de Sallembier a gardé des notes concernant la réinstallation du pendule de Foucault au Panthéon, à l’initiative de Poincaré et de l’astronome Camille Flammarion.

A deux heures de l'après-midi du 22 octobre 1902, eut lieu en présence de savants, de professeurs et d'une assemblée nombreuse représentante de la notabilité parisienne, dans le cadre glorieux du Panthéon, l'inauguration de la réinstallation du pendule de Foucault en présence de M. Chaumié, ministre de l’Instruction publique.

Cette expérience est au cœur d'une polémique entourant des propos de Henri Poincaré, et représentative d'un époque …

 

Cela commence pendant l’Exposition universelle de Paris, début août 1900. Lors du Congrès international de philosophie, Henri Poincaré (1854-1912), présente ses idées sur les principes de la mécanique lors de la session Logique et histoire des sciences. Dans son exposé, il remet en cause l’existence d’un espace absolu :

« Il n’y a pas d’espace absolu et nous ne concevons que des mouvements relatifs ; cependant on énonce le plus souvent les faits mécaniques comme s’il y avait un espace absolu auquel on pourrait les rapporter. » Puis, il ajoutait : «Cela n’empêche pas que l’espace absolu, c’est-à-dire le repère auquel il faudrait rapporter la Terre pour savoir si réellement elle tourne, n’a aucune existence objective. Dès lors cette affirmation: “ la Terre tourne” n’a aucun sens, puisqu’aucune expérience ne permettra de la vérifier; puisqu’une telle expérience ne pourrait être ni réalisée, ni rêvée par le Jules Verne le plus hardi, mais ne peut être conçue sans contradiction; ou plutôt ces deux propositions : “ la Terre tourne”, et : “ il est plus commode de supposer que la Terre tourne”, ont un seul et même sens; il n’y a rien de plus dans l’une que dans l’autre.»

 

Naît alors un débat entre Poincaré et le philosophe Édouard Le Roy, mais aussi le mathématicien Georges Lechalas et d’autres savants qui refusent de rejeter le principe newtonien de l’existence d’un référentiel absolu.

La Presse s'en fait l'écho; ainsi, dans le Journal des débats politiques et littéraires du 10 novembre 1900:

« M. Poincaré a soutenu sur les vérités scientifiques une thèse fort originale. Les vérités scientifiques ne seraient pas vraies à l’ancien sens du mot, en ce sens qu’elles se conformeraient à une nature des choses, elles sont de simples arrangements conventionnels, que l’esprit préfère à d’autres, pour de simples raisons de commodité. Que la terre tourne autour du soleil, cette thèse n’est pas plus vraie que la thèse inverse ; elle est seulement plus commode et plus simple. Voilà qui renverse toutes nos idées.»

A l'occasion de la réinstallation du pendule de Foucault au Panthéon, en 1902 ; cette controverse devient une polémique dans l'espace public, d'autant que Poincaré publie '' La science et l’hypothèse '', le premier de trois ouvrages de philosophie des sciences ; et enfin la condamnation en 1903, par l’Église, de l’abbé Alfred Loisy (1857-1940).

 

La Croix propose, dans une rubrique intitulée Causerie scientifique, une explication détaillée de l’expérience de Foucault. Le chroniqueur scientifique, Somsoc, commence ainsi son article :

« Sous l’action de la pesanteur, le pendule, écarté de la verticale, y reviendra par une série d’oscillations successives s’effectuant dans un plan fixe, puisqu’aucune force n’agit pour changer ce plan, et comme la terre tourne au dessous du pendule, le plan d’oscillation de ce dernier paraîtrait tourner relativement à la terre en sens contraire de la rotation, c’est-à-dire dans le même sens que la sphère céleste et cela en 24 heures. En visant une étoile située dans le plan d’oscillation, le pendule ne la quittera donc pas, tant que durera l’expérience [...] Le plan d’oscillation n’est pas un objet matériel... Il appartient à l’espace, l’espace absolu. »

Ceux qui pensent que l’expérience de Foucault ne prouve rien s’en prennent à Camille Flammarion.

au Panthéon de Paris, en 1851

Poincaré, dans son ouvrage, réaffirme la non-existence d’un espace absolu.

Et pour certains, Poincaré se contredit, puisqu’il participe à une expérience visant à prouver la rotation de la Terre tout en publiant un texte où il affirme que rien ne permettait d’en être assuré en l’absence de référentiel absolu.

Il est vrai que son texte peut prêter à confusion, semblant tout à la fois accepter les preuves de la rotation de la Terre autour de son axe et se demander si cette rotation a un sens:

« Si le ciel était sans cesse couvert de nuages, si nous n’avions aucun moyen d’observer les astres, nous pourrions, néanmoins, conclure que la terre tourne ; nous en serions avertis par son aplatissement, ou bien encore par l’expérience du pendule de Foucault. Et pourtant, dans ce cas, dire que la terre tourne, cela aurait-il un sens ? S’il n’y a pas d’espace absolu, peut-on tourner sans tourner par rapport à quelque chose, et d’autre part comment pourrions-nous admettre la conclusion de Newton et croire à l’espace absolu ? »

 

Dans L’Illustration du 29 novembre 1902, un article anonyme signé d’« un polytechnicien sceptique »

Début 1903 dans le Bulletin de la Société astronomique de France, il est reproduite avec une réponse de Flammarion. Une question est au cœur de la discorde: des étoiles suffisamment éloignées pour sembler immobiles, telles l’Étoile polaire ou Bêta du Centaure, sont-elles immobiles de façon absolue ou relative ?

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