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L'homme qui a perdu son ombre... - A. von Chamisso -3/.-

Publié le par Perceval

En 1810, Adelbert von Chamisso (1781-1838) est de nouveau à Paris, il y fréquente la communauté allemande... Il a une liaison avec Helmina von Chézy (1783-1856); elle est une écrivaine et une journaliste allemande. Elle assiste aux cours que Schlegel donne à Paris et qu'elle va traduire en français avec Adelbert von Chamisso...

Avec elle, il vit un bonheur de quelques semaines ; mais, il ne peut s'établir avec elle … C'est elle, qui inspirera et donnera son prénom (Mina, diminutif de Helmina) à l'héroïne de son 'Peter Schlemihl' (1814).

 

<-- Cinq figures féminines du Romantisme allemand - Therese Hubert, Caroline Schelling, Dorothea Schlegel, Sophie Mereau et Helmina von Chézy

 

C'est à Rahel Levin, qu'il doit ce nom '' Schlemihl '' ; Rahel l'employait car elle redoutait de l'être .. Juive, elle souhaitait s'assimiler complètement ; mais, peu avant sa mort elle revendiquait fièrement son origine … Près d'elle, Chamisso a compris et a mieux vécu sa condition d'apatride...

 

Le malheur du Schlemihl, c'est qu'au lieu de se faire aussi mince qu'un ombre, il devient '' sans ombre '', et si lui ne s'en préoccupe pas ; ce sont les autres qui le distinguent et le rejettent, même et en particulier la belle Fanny... Le seul, à se fondre dans le décor, c'est '' l'homme en gris'' ( le diable), seul il est indiscernable … Je reviens sur l'été 1803 à Berlin, quand il rencontre Cérès Duvernay ... Il est tombé amoureux d'elle et a demandé en vain sa main en 1804/05. Il lui écrit des vers... Elle servira de modèle au personnage de Fanny...

 

En 1810, Chamisso rencontre Germaine de Staël ; elle réside alors à Chaumont (région de la Loire), où l’empereur Napoléon consent à ce qu’elle maintienne ses mondanités malgré la fâcherie provoquée par le roman Delphine. Adelbert von Chamisso passe un long moment au château, où se croisent écrivains, peintres, philosophes et intellectuels de renom, tels Mathieu de Montmorency et August Whilhelm von Schlegel, mais aussi Juliette Récamier et Benjamin Constant. Comme d'autres de ses amants, fasciné par Madame de Staël ; il la suit dans son exil suisse, au château de Coppet... Exil confirmé depuis le très politique ''De l’Allemagne''. Là-bas, Adelbert redécouvre la flore, notamment en compagnie d’Auguste de Staël, et ses longues marches l’emmènent à nouveau sur les traces de Rousseau et des sciences naturelles. Chamisso trouve en Mme de Staël, « un ''être complet'', à la fois une Corinne charmante et une souveraine. Elle n'est pas un être à qui il manque quelque chose, une ombre, mais quelqu'un qui parvient à faire de ceux qu'elle invite autant d'ombres qui lui appartiennent... » ( de Pierre Péju)

Quand il rentre à Berlin à l’été 1812, après un bref détour en Vendée ( qui n'est pas anodin... ! ).. En effet, il reçoit l'offre d'un poste de professeur qui lui est destiné... Mais sur place, rien ! Il n'est pas attendu .. 

Chamisso accroît ses recherches dans le domaine de la botanique. Il retourne chez Hitzig, qui l’accueille avec une amitié qui ne fléchira jamais, et s’inscrit à l’Université.

Eté 1813, Adelbert écrit '' L’Étrange Histoire de Peter Schlemihl '', pour les enfants de son hôte, œuvre qui sera très vite diffusée en Allemagne, mais qui ne connaîtra une édition vraiment satisfaisante en France qu’en 1838.

Chamisso raconte comment il aurait connu Schlemihl et comment celui-ci lui aurait remis son manuscrit : « J’ai connu Peter Schlemihl en 1804 à Berlin, c’était un grand jeune homme gauche, sans être maladroit, inerte, sans être paresseux, le plus souvent renfermé sur lui-même sans paraître s’inquiéter de ce qui se passait autour de lui [… ]. J’habitais en 1813 à la campagne près de Berlin [… ] lorsqu’un matin brumeux d’automne, ayant dormi tard, j’appris à mon réveil qu’un homme à la longue barbe, vêtu d’une vieille kurtka noire râpée et portant des pantoufles par-dessus ses bottes, s’était informé de moi et avait laissé un paquet à mon adresse. » Ce paquet contenait le manuscrit autographe de la merveilleuse histoire de Peter Schlemihl  - Préface à l’édition française de 1838, Schrag, Paris..

 

Chamisso maintient la fiction d’un Schlemihl.. Ils ont le même caniche qui s’appelle Figaro, le même domestique qui s’appelle Bendel, ils aiment les mêmes femmes : Fanny et Mina (Helmina von Chezy), la botanique, etc..

 

Dans les trois années qui suivent, l’écrivain s’éprend de la botanique, et dans une moindre mesure de la médecine, et c’est avec un bonheur non dissimulé qu’il consent à faire partie d’une expédition autour du monde, en 1815, au bord du navire russe Rurik...

Ce grand voyage durera trois ans exactement ...

Adelbert von Chamisso (1781-1838)

A la fille adoptive ( 14 ans) de Mme Piaste, orpheline élevée avec les enfants Hitzig, il promet le mariage à son retour … Antonia Piaste l'a attendu, elle a maintenant dix-sept ans. Chamisso, à trente-neuf ans l'épouse. C'est semble t-il, un mariage heureux, et sept enfants … A présent, il dit « Moi, j'ai trois ombres : la Prusse, les végétaux et Antonia. »

 

Pourtant, il eut une autre liaison : non pas avec ''Fanny'' Hertz, femme d’un des Hertz, ami de Chamisso et banquier à Hambourg ; mais,lors de ce voyage, avec Marianne Hertz, la jolie et vive maîtresse de maison, qui le reçoit si chaleureusement à Hambourg, et dont il eut un enfant (1822) qu'il a tenu à reconnaître … En 1825, il revient en France, et ressent un déchirement du à cette nationalité qui n'est pas réglée … Il a le besoin d'aller marcher des journées entières dans la solitude de la nature …

Sa jeune femme va mourir avant lui, et il ne lui survit que quelques mois... Berlin 1838

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L'émigration – le Romantisme et Germaine de Staël.

Publié le par Perceval

Weimar_1803 - Le peintre Otto Knille a réuni dans sa fresque Weimar 1803 les romantiques allemands des deux premières générations, le Sturm und Drang et le Cercle d'Iéna.

Weimar_1803 - Le peintre Otto Knille a réuni dans sa fresque Weimar 1803 les romantiques allemands des deux premières générations, le Sturm und Drang et le Cercle d'Iéna.

'' De L’Allemagne''

Les émigrés vont introduire le Romantisme dans la littérature française. Le rationalisme ( façon ''Lumières'' à la française) devient suspect...

''De l’Allemagne'' de Germaine de Staël grand succès après 1815 – au moment où les émigrés rentrent en France - est un livre qui va assurer la diffusion de ces idées...

En 1810, la police impériale avait saisi en France les 2000 exemplaires imprimés et seront pilonnés.

Napoléon lui fait rapporter :« Nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez.. Votre dernier ouvrage n’est point français. »

L’ouvrage paraîtra à Londres en 1813 et à Paris en 1814.

Qu’y a t-il donc de si terrible dans ce gros traité en deux volumes?

Gérard peint Mme de Staël, en son personnage: Corrine, à titre posthume.


Madame de Staël dénonçait déjà la stérilité, ou plutôt l’épuisement, du classicisme français.

Elle attendait la régénération par les auteurs du Nord, qui ont rejeté ce carcan de règles. C'est Germaine de Staël - fille des Lumières, attirée par la rêverie poétique et sensible à la relativité de choses – qui popularise le mot ''  romantisme '' : Déjà Delphine et Corinne ont fait souffler des ouragans sentimentaux.., assez proches de ceux rencontrés dans sa vie privée …

Romantiques à Iéna

« Le nom de romantique a été introduit nouvellement en Allemagne pour désigner la poésie dont les chants des troubadours ont été l'origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme. » (…) « ... en considérant la poésie classique comme celle des anciens, et la poésie romantique comme celle qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques. Cette division se rapporte également aux deux ères du monde: celle qui a précédé l'établissement du christianisme, et celle qui l'a suivi. » G d St ( Chap XI De la poésie ...)

En 1803-1804, Germaine de Staël séjourne à Berlin, Francfort et surtout Weimar. Cette dernière ville lui semble une nouvelle Athènes, en moins classique. Schiller, et même Goethe, prennent peur devant cette femme qui raisonne tant et si vite...

Elle semble n'avoir peu de goût pour la philosophie idéaliste qui conduit – affirme t-elle – au mysticisme et à la superstition... Germaine de Staël, aura besoin d'être initiée au kantisme : un jeune anglais Henry Crabb Robinson (un puits de science..) va s'en charger... Puis, elle réussira à s'attacher Auguste Schlegel, avec le prétexte qu'il soit le précepteur de son fils Augustin.

Johan Christian Dahl, Dresde en 1839

En 1811, un second voyage en Allemagne va compléter ce panorama, une vision de l'Allemagne, contrastée avec un Sud presque latin et un Nord brumeux à souhait... Une Allemagne négligée : jusque-là, l’Europe attendait la lumière du Sud... Il existe, au-delà du Rhin, des écrivains, des philosophes, des peintres aussi, qui innovent, alors que la France impériale stagne. Paris doit cesser de se regarder le nombril...

Une Allemagne en pleine mutation. Politique aussi, puisque Napoléon a supprimé en 1806 le Saint Empire romain-germanique, mais aussi morale et intellectuelle. Les Français ont l’habitude d’une Allemagne faible et morcelée (elle compte environ 400 états !).. Par ses guerres, Napoléon accélère son unité comme sa «germanicité»...

 

Au contact des penseurs allemands, Mme de Staël, va accepter l'idée d'une double nature chez l’humain : d'une part l’empire des sens, auquel est abandonné le monde visible ; et le monde invisible de la pensée, du sentiment, de l’âme, donc immatériel.

 

« Le jour où l’on a dit qu’il n’existait pas de mystères dans ce monde, ou du moins qu’il ne fallait pas s’en occuper, que toutes les idées venaient par les yeux et par les oreilles, et qu’il n’y avait de vrai que le palpable, les individus qui jouissent en parfaite santé de tous leurs sens se sont crus les véritables philosophes. Faut-il donc appeler du nom de folie tout ce qui n’est pas soumis à l’évidence matérielle ? » ( G de St. De L'Allemagne )

 

Si Mme de Staël s’accorde à accepter, qu'il y a des phénomènes dont on ne peut pas saisir l’essence car l’individu ne perçoit que sa manifestation extérieure. Pour Friedrich Schlegel ( le frère d'August...), cependant, l’individu peut, à travers l’esprit poétique, percevoir dans la réalité des fragments de l’essence divine des choses...

PÉREZ VILLAAMIL Y DUGUET, Genaro (El Ferrol, La Coruña, 1807 – Madrid, 1854). San Juan de los Reyes, Toledo

Madame de Staël s’intéresse à la façon dont la religion se rattache, en Allemagne, à tout un système littéraire et philosophique basé sur un sentiment de l’infini, «positif et créateur», et sur une absence de limites, auxquels la plupart des écrivains allemands rapportent leurs idées religieuses.

Hermann Corrodi

Le sentiment religieux de l’infini, que la nature a revêtu de divers symboles, étant le véritable attribut de l’âme. Elle se rattache de nouveau aux théories des romantiques allemands sur la capacité de l’esprit poétique de percevoir des fragments de l’essence divine des choses par le biais des combinaisons - chimiques - des différents éléments qui composent la nature.

Ce sentiment religieux permet donc de lier les méditations philosophiques aux plaisirs de l’imagination et aide l’esprit poétique à souligner les contrastes dans la nature et dans l’âme. Ainsi, les poètes mystiques allemands se rattachent au sentiment d’une religion qui est loin du protestantisme ou du catholicisme.

 

Germaine de Staël se méfie de la tendance mystique de la religion... Elle va aussi évoluer sous l'influence de A. Schlegel, et de Charles de Villers, Elzéar de Sabran... N'oublions pas alors la tendance ''illuministe'' de mouvements religieux et théosophiques en Allemagne ...

Dans De l’Allemagne, Mme de Staël note aussi que les grands intellectuels allemands s’occupent d’occultisme et d’alchimie... mais, elle, ne peut pas tout accepter...

Germaine de Staël reste sceptique : « tout ce qui n’est pas susceptible de preuves peut être un amusement de l’esprit, mais ne conduit jamais à des progrès solides ». ( G de St. De L'Allemagne )

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L'émigration – Charles de Villers, Dorothea Schlözer et Germaine de Staël

Publié le par Perceval

Avant de revenir à Madame de Staël et Villers, il faut parler de Dorothea von Rodde-Schlözer (1770-1825), elle est une des personnalités féminines allemandes étonnantes de cette époque. Fille d’August Ludwig Schlözer, professeur d’histoire et de politique à l’université de Göttingen, elle est la première femme allemande à être élevée au titre de docteur en Philosophie obtenu à l’âge de dix-sept ans en passant brillamment des épreuves aussi diverses que les mathématiques, le latin et l’architecture. Cette spécificité la rend célèbre dans l’Europe des Lumières... A quatre ans, elle lit. À l'âge de cinq ans, elle étudiait la géométrie. À 16 ans, elle maîtrisait dix langues..

Buste de Dorothea von Rodde-Schlözer, par Jean-Antoine Houdon, Paris, 1806

Elle se marie en 1792 avec Mattheus Rode, un marchand et sénateur beaucoup plus âgé qu’elle, mais après sa rencontre en 1794, elle entretient une relation amoureuse, et peu conventionnelle avec Charles Villers (1765-1815).

 

En 1801, Dorothea Schlözer se rend à Paris dans le cadre d'une mission diplomatique de son mari. Villers et ses enfants l'accompagnent. A Paris , ils cherchent à rencontrer des savants : elle fait la connaissance du naturaliste Lacépède , du géologue Dolomieu et du philologue Fauriel . Elle visite des galeries, rencontre Jacques-Louis David et Jean-Baptiste Isabey. Anicet Charles Gabriel Lemonnier fait son portrait et Jean-Antoine Houdon crée un buste d'elle.

Quelques années plus tard, son mari est ruiné (1810) et Villers et deux de ses enfants meurent... Affligée et affaiblie par une santé fragile, elle décide de s’installer dans le sud de la France et meurt à Avignon en 1825.

Revenons à Charles de Villers, et sa rencontre avec Madame de Staël :

« On trouve toujours M. de Villers à la tête de toutes les opinions nobles et généreuses; et il me semble appelé, par la grâce de son esprit et la profondeur de ses études, à représenter la France en Allemagne, et l’Allemagne en France. » Madame de Staël, De l’Allemagne

 

Madame de Staël écrit on 1800 dans De la Littérature (Première Partie, chap. 11 )  « Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment ..."

 

Une active correspondance s'était engagée entre Villers et Mme de Staël : « Villers m'écrit des lettres où l'amour de Kant et de moi se manifestent » écrit-elle le 23 Octobre 1802 à Camille Jordan.

En Octobre 1803, elle fait la connaissance de Charles de Villers à Metz, alors qu'il se rend à Paris.

Charles_de_Villers (1765-1815)

 

C'est alors l'occasion d'un marivaudage entre Villers et Mme de Staël, qui insiste pour qu'il l'accompagne en Allemagne... Mme de Rodde, l'égérie de Villers, s'en inquiète fortement... Au départ de Germaine, Villers, ensuite, se cache pour lui écrire...

 

« Deux journées se sont écoulées lentement, après d'autres si rapides, deux journées pleine de mélancolie, d'amertume, de rêveries, de regrets. Je restai avant-hier comme inanimé à la place d'où je vis disparaître la voiture qui vous emportait... Ils (ces jours) laisseront en moi à jamais le sentiment profond d'un bonheur plus qu'humain, une estime de moi-même que je n'ai due qu'à vous, le souvenir ravissant d'avoir été élevé par vous au premier rang entre les hommes, la certitude de ne pas mourir sans avoir connu toute la lassitude de l'existence et l'ivresse et l’énergie dont un être est susceptible. » ( cahiers staëliens N°7 mai 1968)

La conception idéalisée de l’érotique allemande présentée par Villers dans son essai de 1806, sur la manière essentiellement différente dont les poètes français et les allemands traitent l’amour, qu’il oppose à la tradition du roman galant français dans le but de donner une nouvelle orientation à la littérature française, prend sa source dans la haute estime qu’il a pour la philosophie et la religion allemandes, exprimée dès son Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther de 1804.

Villers interprète les violences de la Révolution française comme la conséquence d’un très ancien matérialisme mettant l’accent sur le plaisir et sur le corps, en contraste avec la culture allemande centrée sur l’âme et la vertu.

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L'émigration – L’Allemagne, Kant : Charles de Villers et Germaine de Staël

Publié le par Perceval

Dans les années 80, J. L. de La Bermondie, le répète : « Tout semblait possible, sauf l’exécution du Roi, sauf cette révolution-là !»

Les '' Lumières'' qui enchantaient les intellectuels, les lettrés, espéraient et soutenaient une monarchie qui s'adapterait aux transformations économique, politique et sociales inévitables... D'ailleurs cela se vérifiait dans les états des Habsbourg, et surtout en Angleterre où le roi n'exerce pas par la grâce de Dieu, mais par le libre consentement de ses sujets par le biais du parlement …

 

Je ne sais rien de ces années d'émigration concernant J. L. de la Bermondie ; mais j'imagine qu'elles sont proches de celles qu'ont vécu des personnages qui à cette même époque se sont croisés avec les même intérêts. A la croisée de ces chemins, il y a Madame de Staël (1766-1817), et en lieu et place de J. L. de la Bermondie : je vois Charles de Villers ( 1765-1815), François de Pange (1764-1796), Benjamin Constant (1767-1830), des personnages du ''groupe de Coppet'' comme Auguste Schlegel, (1767-1845), Mathieu Jean Félicité, duc de Montmorency-Laval,(1766 -1826), Prosper de Barante (1782-1866), et aussi Juliette Récamier...

 

Charles de Villers (1765-1815) a consacré sa vie à faire connaître en France les richesses de la pensée et de la culture allemandes. Il fut dans ce domaine un précurseur de Madame de Staël.

Officier d'artillerie, Villers s’intéresse au ''magnétisme animal'' d'où, sa foi en la ''force vitale '' et dans la vertu thérapeutique de la nature..

Le marquis de Puységur, major du régiment et mentor de Villers ; est l'élève de Franz-Anton Mesmer. Villers est admis dans la Société de l'Harmonie... Il compose même un Manuel du magnétiseur qu'on s'arrache et qui attire à son auteur éloges et critiques. Le magnétisme prend pour lui un attrait supplémentaire lorsqu'il fait la connaissance (1783) d'un de ses partisans les plus célèbres, le comte de Cagliostro qui préside alors la loge maçonnique de Strasbourg, et de sa jeune et charmante compagne, Lorenza Feliciani, qui devient la maîtresse du jeune officier jusqu'au départ de celui-ci pour Besançon. Dès lors, dit-on, Villers partage ses loisirs entre le mesmérisme et l'amour...

Dorothea Schlözer

En 1792, il émigre, et s'établit en Allemagne où il restera jusqu'à sa mort.

En 1796 il est inscrit comme étudiant à l'université de Göttingen où il est en contact avec les professeurs les plus illustres. Il y fait la connaissance de Dorothea Schlözer, fille de l'historien August Ludwig Schlözer, première femme docteur en philosophie de cette université et épouse d'un riche marchand lübeckois Matthäus von Rodde, plus âgé.

C'est dans la maison du couple à Lübeck qu'il séjourne ensuite de 1797 à 1811, formant un ''ménage à trois'' .Villers publie en 1801 son grand ouvrage Philosophie de Kant qui suscite des critiques diverses en France et est sollicité par Napoléon pour un exposé sur cette philosophie... Suit un ouvrage consacré à Luther.

En 1803, il se rend, avec Dorothea, à Paris pour y recevoir un prix. Puis, il rencontre Mme de Staël. Exilée par le Premier Consul, elle est en route pour l’Allemagne, où elle doit rencontrer tout ce qui compte de poètes et de savants. Ils passent douze jours ensemble, partageant la même fièvre et le même enthousiasme. En bien des points le “De l’Allemagne” de G. de Staël, paru dix ans plus tard, porte la marque de la pensée de Villers.

Villers fait donc découvrir la philosophie de Kant à Mme de Staël, qu'elle approfondit par la suite grâce à A. Schlegel, mais aussi grâce au jeune anglais Henry Crabb Robinson, qu'elle reçoit à Coppet ( Janv. 1804). Ce dernier présente en effet à Mme de Staël et Benjamin Constant l’esthétique kantienne, en se concentrant sur trois thèmes fondamentaux : l’autonomie de l’art, le problème de l’évaluation critique des objets esthétiques et de l’universalité du jugement de goût et, enfin, la question du sublime. Cela alimentera dans De l’Allemagne, plusieurs chapitres consacrés à la philosophie de Kant et son impact sur la littérature et les arts .

Emmanuel Kant et ses invités

Kant (1724-1804)... La philosophie va nourrir la réflexion sur l'art.

En effet, la philosophie de Kant ouvre une brèche au discours romantique sur l’art … En Allemagne, certains se disent que tout miser sur la Raison ( avec ''les Lumières''), est trop austère : si on laissait faire l’imagination ; le sentiment … ? Un vraie question philosophique.. !

 

Kant avance que '' la chose en soi '' dont le monde est au-delà de toute connaissance sensible. est à distinguer du '' phénomène '' : '' la chose pour moi''. Si la « chose-en-soi » est inatteignable, le « moi » ne serait-il pas plus excitant.. ? L'art n'est-il pas aussi moyen de connaissance ? Et pourquoi pas une expérience subjective de « la chose-en-soi ».. ?

 

Les romantiques, défendent que l’imagination est une dimension spontanée et dynamique de la raison...

L’imagination humaine apparaît comme un pouvoir constitutif de la connaissance. Kant note dans la première Critique, que l’imagination est « un art caché dans les profondeurs de l’esprit humain ».

Ary Scheffer - Faust dans son cabinet, Méphisto

Jusqu'à présent, l'artiste était censé travailler ( et non créer) en l'honneur de Dieu et d'après des règles souvent assez strictes. Comme le disait Saint-Augustin, « creatura non potest creare » : la créature (l’homme) ne peut pas créer, l’homme peut seulement imiter ce que le créateur a crée, il est voué à se rapporter à un modèle extérieur.

Kant, lui, dit que l'imagination est un levier extraordinaire qui trouve sa source – non pas dans un modèle extérieur – mais dans l’esprit humain, dans la racine cachée de l’esprit humain.

Du coup, pour les romantiques précisément, l’artiste devient une sorte de démiurge, quasi-divin, qui peut créer grâce à son imagination. Il se met souvent en rivalité au sein du romantisme avec Dieu. C’est la thèse faustienne de la création.

Caspar David Friedrich, 'Man and Woman Contemplating the Moon', 1824

On parlera aussi d'une esthétique du sublime, dont on peut trouver la source chez Kant, dans la Critique de la faculté de juger ; voici en effet comment Kant définit le sublime par opposition au beau : « Le beau de la nature concerne la forme de l’objet, qui consiste dans la limitation ; en revanche, le sublime pourra être trouvé aussi en un objet informe, pour autant que l’illimité sera représenté en lui ou grâce à lui et que néanmoins s’y ajoutera par la pensée la notion de sa totalité ; ainsi le beau semble convenir à la présentation d’un concept indéterminé de l’entendement, et le sublime à celle d’un concept indéterminé de la raison » ( Kant : Critique de la faculté de juger ). Le sublime est ainsi lié aux notions d’illimité, d’infini, voire d’informe, alors que le beau est marqué par la limitation. ( le Rococo et le néo-classicisme sont à ranger dans le ''Beau'')...

Conversation de J. Sablet (1749-1803)

Pour Kant le sublime artistique n’est pas grec, mais il peut être égyptien ( les pyramides) ou chrétien...

 

Kant va se situer dans une position délicate, car il reconnaît à l'imagination, source des Idées esthétiques, la capacité d’usurper la place de l'entendement dans un processus qui ne relève pas à proprement parler d'un processus de connaissance, mais qui permet d'entrevoir – sous une forme sensible – une réponse aux questions fondamentales qui se posent à l'homme... Hegel remettra de l'ordre … !

 

Le ''Romantisme'' voit dans ce qui paraît ''obscur'' une expérience de ce qui est caché... Il met en avant la nuit, les légendes, le Moyen-âge, le rêve …

Schelling

 

L'esprit du monde se reconnaît dans la nature... Et d'ailleurs, y a t-il vraiment une distinction à faire entre esprit et matière ? Schelling voit en la nature : l'esprit du monde ; et il voit aussi cet esprit à l’œuvre dans la conscience de l'homme...

 

Friedrich Wilhelm Josef Schelling (1775-1854), a cinq ans de moins que Hölderlin ou Hegel ( trois camarades d'études au séminaire de Tübingen (Stift), tous trois destinés à devenir pasteur...) Cependant, Schelling semble par sa précocité les avoir dépassé... En 1794, il entend parler de Fichte (1762-1814) et le rencontre. Schelling se convertit alors à la philosophie.

à Iena...

Pour se faire une idée du climat intellectuel dans ces années, il faut se rendre à Iéna, qui vit sous sous le règne éclairé de Charles-Auguste (de 1775 à 1828) et de son ministre Goethe (1749-1832). La ville reçoit les Lumières de l'École de Weimar, ce qui suscite la renaissance de l'université. Goethe y consacre tout son zèle, pédagogique et administratif. C’est là qu'en 1794 il se lie d'amitié avec Friedrich Schiller, qui depuis 1789 était professeur et vit jusqu'en 1799 à Iéna.

L'université va recruter une pléiade de talents, avec notamment Johann Gottlieb Fichte (1794), Schelling (1798), Hegel (1801-07), faisant de la ville le centre de l'idéalisme allemand, mais aussi du premier mouvement romantique, avec August Wilhelm Schlegel, sa femme Caroline, Friedrich Schlegel, Ludwig Tieck, Clemens Brentano et Novalis.

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La Révolution Française et les avantages de l'émigration

Publié le par Perceval

Emigration: Les nobles fuient la France pour l'Angleterre.

Emigration: Les nobles fuient la France pour l'Angleterre.

Les liens que J. L. de la Bermondie va tisser à la veille de la Révolution, puis tout au long de celle-ci, et en partie dans l'émigration ; permet un regard différent sur cette période exceptionnelle...

Emigrés par Ferdinand Bac

 

Rencontre d'un noble français avec l’idéalisme allemand.

Mon aventure est de vivre à travers un personnage infiltré dans l'Histoire, les événements qui amènent à mieux comprendre le sens de la vie. Et, la philosophie n'est-elle pas le support essentiel pour questionner le Réel, avec intelligence … ?

 

L'esprit du temps, semble souffler sur deux pays ; en France de manière effective, en action ( c'est la Révolution!) ; et en Allemagne, il souffle aussi , mais en tant que pensée... Ce qui va étonner un noble émigré français, comme J. L. de La Bermondie ; c'est cette effervescence animée par la révolution française...

Le jeune Hegel

Dans ce que l'on va appeler '' l'idéalisme allemand'', on peut croiser plusieurs courants : des ''romantiques'' ou des '' matérialistes'' ( je ne sais pas comment les appeler...?)... Et, entre les deux, je dirais que commence à poindre, la pensée complexe de Hegel (1770-1831)... Hegel n'est alors que l'humble chercheur, qui vers 1792, accepte, de se faire le disciple de ses amis; de Schelling (1775-1854) en particulier...

 

Tübingen de 1788 à 1793 : Hegel, Hölderlin et Schelling partagent la même chambre au séminaire protestant de Tübingen. Les trois amis rêvent d'une révolution dans les Allemagnes.

Refusant d'être pasteur, Hegel devient précepteur à Berne... Là, sa réflexion critique porte sur la religion chrétienne. Hegel critique la ''positivité'' de la religion chrétienne, il reprend une opposition héritée de Lessing et très remendue à l'époque entre le ''rationnel '' et le ''positif'', le ''naturel'' et '' l'historique''. Comme Lessing, mais aussi comme Kant après celui-ci, il semble caractériser comme '' positive '' toute doctrine, toute croyance qui nous serait imposée par une autorité extérieure: par la Révélation ou l'Eglise, par les institutions politiques, ou même par nos pernets, c'est à dire les éducateurs en la parole desquels nous attacherions foi, sans pourtant être capables de determiner s'ils sont ou non dans le vrai.

La couverture du tome 1 de "Fraternités", de Camus et Rosanas, édité chez Delcour

 

Ce que Hegel oppose alors à la religion positive, c'est une religion qui serait fondée sur la raison. Il développe un idéal moral de liberté qui semble inspiré par Kant.

En ces temps troublés et révolutionnaires, il faut bien reconnaître que l'entraide maçonnique a son intérêt pratique. J. L. de La Bermondie, trouve de proche en proche, un milieu accueillant et sympathique. Mais, plus que tout autre chose, c'est l'agitation intellectuelle qui va le marquer.

Il n'est pas absurde de penser que J. L. de La Bermondie puisse rencontrer Hegel, dans une soirée, un atelier ...

Il faut dire que les plus grands penseurs de l'époque, même s'ils sont encore pour certains inconnus, se rencontrent dans des ateliers qui sont véritablement des lieux de réflexion ; un peu comme si chaque frère cherchait là, quelque chose qu’il désespère de trouver ailleurs... ( ailleurs, notamment dans la religion)... Si, un Goethe ou un Fichte, fréquentent ces lieux, ce n'est pas pour banqueter, faire du commerce, ou manifester quelque générosité dans une bonne œuvre...

Goethe (1749-1832)

Est-ce un hasard, si le Grand-duché de Saxe-Weimar ( régi par des maçons) ; reçoit les écrivains et les philosophes les plus novateurs, comme Goethe, Herder, Fichte, Hegel, Schelling, et tant d'autres.. ?

Bien sûr, et heureusement, on s'aperçoit bien vite qu'il faut tenir compte des divisions idéologiques qui se déploient ici : on y croise les ''Lumières'' , et aussi les '' Illuminés de Bavière'' ( de nombreux intellectuels "progressistes" comme : Niethammer, Schelling, Jacobi, seront accusés par leurs ennemis d'appartenir à l'Ordre des Illumines de Bavière) , et même les ''mystiques'' ; un peu comme en France ( dans une moindre mesure).

 

Auparavant, du fait de la réputation des ''Illuminés de Bavière'', nous ne pouvons pas ne pas parler encore de la Franc-maçonnnerie...

La Franc-Maçonnerie, et la Révolution :

Le fameux ''serment du jeu de Paume'' (20 juin 1789), a un caractère maçonnique... Le Duc d'Aiguillon, qui fait partie depuis 1786 de la Société Olympique ( qui ne compte que des francs-maçons), avec le Vicomte de Noailles, proposent le 4 août 1789, la suppression des privilèges. Et, quand l'Assemblée Nationale va ensuite déclarer les Droits de l'Homme, inspirée par la déclaration américaine de 1776 ; on y reconnaît l’œuvre des maçons...

L'union des trois ordres

A la veille de la Révolution, le Grand Orient de France a 629 Loges et 30 000 Maçons. Même si on rencontre les opinions les plus variées parmi les députés maçons. On peut noter que, c'est dans la députation de la noblesse que la proportion de maçons est la plus éle­vée : 81 Francs-Maçons sur 285 députés, soit 28 % ; 6 % pour le Clergé et 17 ou 19 % pour le Tiers-Etat, 107 ou 121 sur 619 élus. Sur la base que l'assemblée était composée de 1165 membres, à l'ouverture le 5 mai 1789.

( Sources : M. Pierre Lamarque)

<- Ce tableau, très probablement peint au début de la Révolution Française, en 1789, symbolise la réconciliation de l'Église, de la Noblesse et du Tiers État en France devant l'entrée d'un temple maçonnique. Peint par Nicolas Perceval (1745-1837)

 

Si les maçons sont nombreux parmi les Girondins de la Convention, les grands ténors n'appartiennent pas à la Franc-Maçonnerie, à l'exception de Marat. Et Robespierre lui-même, contrairement à la légende, n'est pas maçon. La Terreur va arrêter les travaux maçonniques. Le Grand Maître Philippe d'Orléans, se fait désormais appeler Egalité, et déclare ne plus vouloir se mêler en rien des affaires du Grand Orient ni des Assemblées de francs-maçons.

Le Duc de Luxembourg, bras droit du grand maître et initiateur de la fondation du Grand Orient de France, émigre dès juillet 1789.

 

La thèse de l'abbé Barruel, selon laquelle la Révolution française résulte d'un complot fomenté contre l'Église et la royauté par les philosophes athées, les francs-maçons avec les ''illuminés'' et les jacobins, est sans fondement... !

 

La plupart des loges maçonniques de France font de la monarchie leur clef de voûte et chaque frère prête serment au Roi.

Favorables à une monarchie constitutionnelle, les maçons ne résistent pas au choc révolutionnaire... En 1800, seulement 75 loges seront en mesure de reprendre leurs travaux...

 

Necker n'a jamais été franc-maçon. Germaine de Staël, sera familière d'une certaine tendance maçonnique aux côtés de son mari, le baron suédois de Staël-Holstein, franc-maçon versé dans l’ésotérisme et fréquentant les cercles ''d’illuminés''... Mme de Staël dit ne pas apprécier ces sectes secrètes, qui veulent se distinguer par vanité.

Évoquant les ''illuminés de Bavière'', Mme de Staël écrit: « Un secret, quel qu'il soit, flatte l'amour-propre des hommes ; et quand on leur dit qu'ils sont de quelque chose dont leurs pareils ne sont pas, on acquiert toujours de l'emprise sur eux. »

Elle leur reconnaît une indépendance d'esprit, et observe cette fraternité qui permet de dépasser les différentes barrières sociales. En Écosse et en Allemagne, où se trouvent ses origines, la franc-maçonnerie est selon Madame de Staël une institution plus « sérieuse » qu’en France... !

 

Les ''Illuminés de Bavière'' ont formé une société secrète, sous l’impulsion d' Adam Weishaupt (1748-1811) en 1176, en Bavière où régnait une sorte de monarchie absolue, bastion de la Contre-réforme catholique et à l'écart du vent nouveau ( l’Aufklärung ) qui soufflait en Allemagne... L'ordre des illuminés se rallia à la franc-maçonnerie avec A. de Knigge (1781) pour devenir un cénacle où se retrouvait tout ce que la Bavière comptait d’esprits ouverts, adeptes du changement. L’Électeur sévit et promulgua plusieurs édits de 1784 à 1787: dissous, pourchassés, les Illuminés disparurent … Mais, la réputation de la secte ne cessa ensuite de hanter l'imaginaire ...

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