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physique

Quel lien entre la Réalité et la théorie physique ?

Publié le par Régis Vétillard

Frédéric Joliot

Frédéric Joliot, au sein de l'université, mène une vie clandestine qui s’avérera critique par la présence d'un agent double... Ses rencontres avec d'autres intellectuels, les entraînent à réfléchir aux conséquences de découvertes comme la fission de l'atome. Certains sont attirés par le régime soviétique.

Joliot travaille sur le cyclotron ; il prépare les '' jours d'après '' et prévoient la construction de ''générateurs de projectiles transmutants'', et la formation des hommes qui devront les fabriquer.

Il republie des notes sur les réactions nucléaires, et la radiobiologie.

Joliot est persuadé que les allemands ne sont pas prêts à fabriquer une bombe nucléaire, ils ont fait peu de progrès sur l'uranium ; ils n’utilisent pas le cyclotron pour des projets militaires. Par ailleurs, il a su compter sur Gentner, qu'il qualifie d' ''anti-nazi'' ; qui a été rappeler à Heidelberg parce que trop ''proche'' des français; et sur Hans Jensen qui vient d'arriver et que Gentner lui a présenté comme un ''ami'' ; à la différence de Wolfgang Riezler, chargé de le remplacer à la tête de l'équipe.

 

La mère de Lancelot ne peux cacher longtemps, à son fils, le fond de sa pensée. Elle imagine volontiers pouvoir le marier, elle lui rappelle son âge, sa difficulté - suite à son accident - à être tout à fait autonome. Geneviève serait parfaite, ne lui conviendrait-elle pas ?

Lancelot, il est vrai est sensible aux attentions qu'elle lui prodigue. Il remarque sa beauté, même s'il transparaît derrière la régularité des traits, une certaine dureté... Elle n'eut pas une enfance facile : orpheline, des merciers lui offrent famille et travail dans leur commerce. Affaire d'autant plus prospère que le père assure les achats des trois magasins, tout en travaillant comme fondé de pouvoir-acheteur pour un grand magasin de nouveautés à Casablanca.

Lancelot arrive à marcher avec des béquilles. Son chirurgien, se félicite de ces résultats, alors qu'il a hésité sérieusement à procéder à l'amputation du pied droit. Les salons scientifiques se tiennent toujours le jeudi après-midi, avec parfois la visite de chercheurs. Ainsi Pierre de Launay, polytechnicien et thermodynamicien qui a bien connu Pierre Duhem et - curieusement - s'est intéressé avec lui à la ''science de la nature''... au Moyen-âge.

Duhem mêlait physique et métaphysique : « Il serait déraisonnable de travailler au progrès de la théorie physique, si cette théorie n’était le reflet de plus en plus net et de plus en plus précis d’une Métaphysique ; la croyance en un ordre transcendant à la Physique est la seule raison d’être de la théorie physique. » disait-il. Nous reparlerons - avec lui - du Moyen-âge...

Pierre Duhem

Pour Pierre Duhem, les théories physiques ne relient pas les phénomènes à leurs causes réelles et ne révèlent rien du monde réel. Maritain retient cette idée, pour les mathématiques du fait de son abstraction, - et il est vrai que la science prend de plus en plus une forme mathématique...- , mais il lui semble que la structure de la physique dépend de la matière et ne peut qu'adhérer au réel … 

Pour Duhem, dire que la matière est composée d’atomes, c’est tomber dans une métaphysique atomiste … Pour lui, le tableau de Mendeleïev est un système de classification qui rend compte des expériences de chimie, pas de la réalité ultime de la matière. 

De quelle nature est la réalité ? Duhem répond : - cette question ne relève pas de la méthode expérimentale ; celle-ci ne connaît que des apparences sensibles et ne saurait rien découvrir qui les dépasse. La solution de ces questions est transcendante aux méthodes d'observation dont use la Physique ; elle est objet de Métaphysique.

Il serait important de préciser le lien entre physique et métaphysique...

Quelle est donc la fonction d’une théorie physique, si ce n’est pas dire ce que c’est que la réalité ?

Duhem donne plusieurs réponses :

1. Une théorie physique permet l’économie de la pensée. C’est une idée que Duhem reprend à E.Mach,

2. un système de classement de nos expériences,

3. mais ce classement n’est pas arbitraire ; sa capacité prédictive montre qu’il doit refléter un ordre naturel.

 

Une loi physique comme U=R*I, n'explique rien. Elle se contente ( et c'est beaucoup...) de modéliser ce qui se passe, de permettre des calculs et faire des prévisions ( avec u=ri et p=ui, je peux calculer le temps nécessaire à chauffer mon café)

« Les grandeurs sur lesquelles portent les calculs ne prétendent point être des réalités physiques. » Duhem.

Poincaré lui-même écrivait : « Les théories mathématiques n'ont pas pour objet de nous révéler la véritable nature des choses ; ce serait là une prétention déraisonnable. Leur but unique est de coordonner les lois physiques que l'expérience nous fait connaître, mais que sans le secours des mathématiques nous ne pourrions même énoncer.

Peu nous importe que l'éther existe réellement, c'est l'affaire des métaphysiciens ; l'essentiel pour nous c'est que tout se passe comme s'il existait et que cette hypothèse est commode pour l'explication des phénomènes. Après tout, avons-nous d'autre raison de croire à l'existence des objets matériels. Ce n'est là aussi qu'une hypothèse commode ; seulement elle ne cessera jamais de l'être, tandis qu'un jour viendra sans doute ou l'éther sera rejeté comme inutile. » (La science et l’hypothèse , chap. XII).

La science décrit, elle n'explique pas. Elle décrit avec plus ou moins de précision, ainsi ce qu'il en est des lois de Newton, ou de la notion d' '' éther'' … !

Il ajoute : « Loin de là, sans ce langage ( mathématique) , la plupart des analogies intimes des choses nous seraient demeurées à jamais inconnues ; et nous aurions toujours ignoré l'harmonie interne du monde, qui est, nous le verrons, la seule véritable réalité objective.

La meilleure expression de cette harmonie, c'est la loi ; la loi est une des conquêtes les plus récentes de l'esprit humain ; il y a encore des peuples qui vivent dans un miracle perpétuel et qui ne s'en étonnent pas. C'est nous au contraire qui devrions nous étonner de la régularité de la nature. » ( H. Poincaré, La valeur de la science 1906)

Il est donc difficile d'affirmer q.q.ch. sur la nature du réel ''en soi'', la théorie physique ne serait qu'une classification de nos représentations.

Pourtant...

Einstein pense pouvoir élaborer une théorie unique pour expliquer comment le monde s'organise à l'aide de lois élémentaires et universelles. Avant d'en parler. Je voudrais en rester à la thermodynamique, parce que notre polytechnicien Pierre de Launay souhaite nous entretenir de découvertes pour lui essentielles quant à notre besoin d'énergie.

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L'énergie alimente le moteur de notre civilisation

Publié le par Régis Vétillard

* L'armée d'armistice cesse d'exister ; Rivet ( des BMA) aurait rejoint Alger. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, les forces américaines ont débarqué au Maroc, à Oran. Vichy va devoir choisir son camp ! Un peu d'espoir et quelques sourires s'échangent entre français ; alors même que le boucher apprend à ses clients qu'ils n'auront plus que 90gr de viande par semaine.

Inévitablement, les allemands envahissent la zone libre. Weygand a été arrêté. Pétain devrait se replier sur l'Afrique du nord, puisque les accords d'armistice sont devenus inopérants Comment les valeurs de la révolution nationale pourraient-elles s'accorder avec la terreur des SS, sur tout notre territoire ?

En décembre 1942, l’école d'Uriage, qui faisait preuve d’un esprit opposé à la collaboration et s’était de facto placée en marge de la politique menée par le gouvernement de Vichy, est dissoute par Laval pour “menées antinationales”.

* Dans le journal, Lancelot se satisfait d'apprendre que ce 20 décembre 1942, pour le prix Goncourt, une seule voix s'est portée sur Les décombres de Lucien Rebatet . Et, les bonnes surprises viennent de la publication par Albert Camus de L’Etranger et Le Mythe de Sisyphe.

* Drieu la Rochelle passe en coup de vent ; il dit préférer la victoire des russes à celle des américains. Il aurait entendu sur Radio Alger qu'on lui promettait, ''à lui comme aux autres, le châtiment suprême''. Il regrette d'être tombé dans les excès de la politique ; et ce qui l'attriste, « c'est d'être mis dans le même sac que d'autres. »

 

* Entre mi-1942 et 43, Jules Guéron - chef du laboratoire de la direction de l'armement de la France Libre – affecté à Cambridge pour des des recherches sur la libération de l'énergie nucléaire dans la fission de l'uranium, tente - sans succès - de faire venir Joliot en Angleterre ; et s'occuper de la question de l'uranium.

Un an avant les Américains, Guéron va établir la valeur juste de la section de capture des neutrons lents par l'uranium 238, donnée cruciale pour la poursuite des recherches atomiques. Ceci, avant que le groupe de Cambridge soit transféré au Canada ( janvier 43).

En effet, les scientifiques nucléaires américains progressent sur la fission des atomes d’uranium et la réaction en chaîne, en particulier dans l’isotope U235, lorsque la matière est bombardée par des neutrons. On connaît l’efficacité des neutrons lents par rapport aux neutrons rapides pour obtenir une réaction en chaîne, et les méthodes possibles de séparation de l’U235 de l’U238 dans l’uranium naturel. ( Plus de 99% de l’uranium naturel est composé d’uranium 238, difficilement fissible).

 

L'homme aurait donc besoin d'augmenter indéfiniment ses moyens d'agir ( énergie = moyen d'action). Il y eut la maîtrise du feu, la force humaine ou animale pour transporter, construire, utilisation du vent, de la vapeur, de l'électricité …. Reprenons :

Une force qui se conserve sur un déplacement produit un ''travail''. Descartes en observant le choc de deux boules en conclut que c’est la quantité de mouvement ''masse*vitesse'' qui se conserve en se communiquant d’un objet à l’autre. Newton met en avant l'idée de force - la force comme cause: force d'inertie, force imprimée - plus que celle de sa conservation ; la force est la cause qui modifie la quantité de mouvement ( m.v)

En Allemagne - dans un contexte philosophique différent - un nouveau concept émerge : l'énergie.

Leibniz (1646-1716) pose un concept métaphysique, indissociable de la notion de force : l'action, « wirkung » La notion de « force » rejoint alors celle de '' puissance active '' à l’œuvre dans le monde.

C'est ensuite l'influence de la Naturphilosophie, de Schelling ( 1775-1854). La nature, est un sujet actif, gouvernée par 3 forces : la lumière, l'électricité et le magnétisme. L'Univers s'organise par transformation de forces. On appréhende la nature de façon globale et la force est le principe fondamental de tous les phénomènes ; cette force passe sans cesse d'une forme à une autre. Cette vision permet de chercher des analogies entre les phénomènes des différentes composantes de la physique.

Les phénomènes de chaleur, de puissance mécanique, d'électricité pourraient être la même puissance naturelle qui sous ses diverses formes reste constante en quantité.

J.P. Joule ( 1818-1889) va déterminer quantitativement l'équivalence entre la chaleur et le travail.

En 1847, Helmholtz propose la '' loi de conservation des forces '', il réfute l'idée du calorique, puisque la chaleur peut être engendrée. La chaleur exprimerait une quantité de force vive du mouvement et une quantité de tension de l'état intérieur de la substance.

C’est en 1850 que William Thomson ( = Lord Kelvin - 1824-1907) propose de substituer « energy » à « force » et ce n'est qu'après 1875, que le mot ''énergie'' est repris dans la littérature scientifique française.

 

Au XVIIIe siècle, la température devient une grandeur mesurable. Mais, quelle est la nature de la chaleur ? Est-ce une matière ? Un ''principe '' ( un peu comme le ''feu en puissance'' d'Aristote).

Tout corps susceptible de combustion contiendrait du phlogistique ; et quand il brûle le phlogistique s'échappe, devient feu ( lumière + chaleur).

Une autre théorie fait l'hypothèse que la chaleur serait une sorte de fluide, nommée calorique. Il faudrait également différencier la chaleur ( une quantité) de la température ( une intensité)

 

Dès 1770, avec James Watt et les premières machines à vapeur, en l’absence du concept d’énergie, on considérait généralement la chaleur, à côté de la lumière, de l’électricité et du magnétisme, comme l’un des quatre « fluides impondérables », appelé phlogistique puis calorique.

Lavoisier va imaginer le '' calorimètre '' permettant de contrôler les échanges de chaleur...

 

Anne-Laure de Sallembier se souvient très bien d'un débat entre Poincaré et Duhem, que lui avait rapportée J.B. de Vassy. Pierre Duhem (1861-1916), monarchiste et catholique, était un physicien, spécialiste de '' Thermodynamique ''. J.B. avait été assez séduit par la tentative de Duhem, d' unifier les sciences physiques et chimiques au sein d’une thermodynamique généralisée. Duhem était en opposition au projet de réduction mécaniste des atomistes comme Boltzmann.

A la source de ses propres travaux scientifiques, Duhem plaçait « l'une des plus grandes découvertes qu'aient jamais enfantées la philosophie naturelle » : la théorie de la chaleur de Sadi Carnot (1796-1832), présentée en 1824 dans ses ''Réflexions'', et que les institutions scientifiques ont ignorées...

Avant de revenir à Duhem ; rappelons-nous l'apport de S. Carnot.

S. Carnot, se passionne pour les machines à vapeur et leur rendement. Il considère que le travail moteur n'est produit dans une machine que par une « chute de calorique » d'un corps chaud à un corps froid ( comme le travail d'une chute d'eau...). Il en conclut les conditions de température et l'écart pour un rendement maximal...

A sa suite, en 1834, l'ingénieur Emile Clapeyron formule le second principe de la thermodynamique... Enfin, Joules vers 1843, affirme que la chaleur n'est pas une substance, et qu'une machine thermique est un dispositif de conversion entre chaleur et travail.

James Joule (1818-1889) a démontré que la chaleur, le travail mécanique et l'électricité sont des formes d'énergies interchangeables ; et d'une transformation à l'autre, la quantité totale d'énergie demeure égale.

Le berlinois Rudolf Clausius (1850) réunit les concepts de chaleur et de travail en un même concept, celui d'énergie.

Le XIXe siècle sera le siècle de la machine thermique décrite avec ces concepts de - énergie et - entropie.

L'énergie va se présenter sous des formes multiples : mécanique, chimique, chaleur, électrique, radiative, entre lesquelles elle peut se transformer .

Boltzmann donne une explication statistique à la deuxième loi de la thermodynamique ; elle est fondamentale, car elle impose, en une seule phrase, l'existence d'une flèche du temps, alors que toutes les équations de la physique permettent en principe d'avancer ou de reculer dans le temps.

« L'énergie disponible est le principal enjeu de la lutte pour l'existence et de l'évolution du monde. » Ludwig Boltzmann (1844-1906)

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