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realite

1984 de George Orwell - 2

Publié le par Régis Vétillard

La ''réalité en soi'' serait-elle dépendante de l'esprit humain ?

Évoquer la réalité ''en soi'' vient de Kant : ce serait dire qu'il y a, dans le monde, des faits entièrement indépendants du langage ou du cadre conceptuel que nous utilisons pour les décrire. Et bien, Kant pense que la réalité en soi, n'est pas connaissable.

Pourtant, un cadre conceptuel, comme la science, montre que la réalité est intelligible. La connaissance s'inscrit dans ce cadre et figure la coopération entre un être intelligent et son environnement intelligible. Même ainsi, cette connaissance, qui n'est peut-être que partielle, n'est pas seulement dépendante de l'esprit humain....

 

Pour en revenir à 1984, O'Brien, tente de persuader Smith que la réalité n'existe que dans l'esprit humain - mais pas dans l'esprit individuel, ce serait l'objet de désordres - dans l'esprit d'une institution ( un collectif immortel ) comme ici, le Parti. Tout ce que le Parti tient pour être la vérité, est la vérité. Il est impossible de voir la réalité si on ne la regarde pas avec les yeux du Parti.

Finalement, y aurait-il une réalité extérieure, hors celle décrite par le parti ? Non. Si la notion de Vérité a un sens, c'est celle que le Parti tient pour vrai, et qui justifie qu'il existe un ''Ministère de la Vérité''.

Le passé n'est qu'une représentation qui se fabrique dans l'esprit collectif et immortel du Parti.

 

Lancelot se souvenait de ses discussions avec l'abbé Degoué, qu'il eut la chance d'avoir comme maître à Fléchigné, alors que sévissait la Première Guerre.... Le prêtre lui présentait la philosophie idéaliste de Berkeley ( début 18è siècle). Elle pouvait se présenter ainsi : L'arbre que je perçois, n'est que cette somme de perceptions. La réalité ( la matière ) est un produit fabriqué par notre esprit.

- Alors, quand je ne regarde plus l'arbre, existe t-il encore ?

- Oui, si on considère que Dieu est à la source de mes idées, de mes perceptions. C'est Lui qui coordonne cette réalité.

Cet idéalisme outrancier, correspond à celui promu par Big Brother. La seule réalité est ce que perçoit le Parti.

 

Allons plus loin. Winston Smith interroge : - Big Brother existe-t-il ?

- Naturellement, il existe. Le Parti existe. Big Brother est la personnification du Parti.

- Existe-t-il de la même façon que j’existe ?

- Vous n’existez pas. !

« Vous n’existez pas », ne contenait-il pas une absurdité logique ? Se demande Winston...

 

Dans 1984, le rôle de la '' Police de la pensée '' n'est pas seulement d'arrêter, de punir, d'avoir des aveux publics ; c'est de contrôler, soigner, laver la pensée. L'individu, pour son bien, et le bien du collectif, doit croire sincèrement à ses aveux, il doit se repentir et finir par aimer ''Big Brother''.

Ce qu'il faut retenir de 1984, ce sont une série de thèmes : la novlangue, l'utilisation extrême de la propagande, de la censure et de la surveillance, les slogans qui signifient le contraire de ce qu'ils disent, la réécriture de l'histoire, la double pensée, le crime de la pensée, la police de la pensée, etc., qui interroge notre monde sur la véracité de ce qui est annoncé. C'est à dire, qui interroge notre confiance en une parole ; et en celui qui la porte... Il y a là un mal qui ronge notre temps, même en Eglise, sûrement...

 

Pour George Orwell, ( selon James Conant ( philosophe américain)) avoir une ''intelligence libre'', c'est « concevoir la vérité comme quelque chose d'extérieur à soi, comme quelque chose qui est à découvrir, et non comme quelques chose que l'on peut fabriquer » ou préfabriqué. Le totalitarisme veut briser la personne en détruisant « ses croyances fondamentales, celles où son identité est en jeu », en le détachant de la réalité, en interdisant l’expression de sa pensée, et en dictant ce qui doit être pensé.

 

Pour le Christ ( c'est à dire ''l'homme Jésus en Dieu'' ), devant la question de Pilate à un homme qu'il va condamner à mort :

- « Qu’est-ce que la vérité ? »...

Devant cette question, qui relativise toute vérité, qui affirme peut-être même qu'il n'y a pas de vérité. Ou encore, qu'il doit décider, lui, ce qu'est la vérité....

Le Christ répond : « Je suis la Vérité. ». Autrement dit : '' Je témoigne de la Vérité, « Le Père et moi, nous sommes un ». Il s'agit d'une vérité vivante parce qu'humaine, et ''Toute Autre'' parce que divine.

Simone Weil ( morte à 34ans, en 1942), est précisément pour Lancelot, alors qu'il redécouvre sa pensée, une chercheuse de Vérité ( du Graal ). Au nom de cette Vérité, elle fréquente les syndicalistes révolutionnaires (1935), elle s'engage sur le front espagnol (1936), elle rejoint la résistance à Londres. Elle interroge l’institution-Église et désavoue parfois ses choix. Elle dénonce l'endoctrinement de la pensée ; elle se retrouve souvent seule et incomprise.

Elle refuse que l'individu soit subordonné à la société, c'est l'enjeu de la démocratie. L'homme doit penser par lui-même, exercer son « attention » c'est à dire laisser disponible son esprit à recevoir la vérité.

Lancelot se souvient bien de son témoignage sur la souffrance qu'elle avait ressentie à l'usine, où le seul moyen de survivre était d'arrêter la pensée.

Ce qui la choquait, dans l'histoire de l’Église, c'est qu'elle ait brûlé des hérétiques, qu'elle condamne encore les ''mauvais croyants'', par cette formule « anathema sit », et qu'elle affirme que « hors de l’Église, point de salut ». Il y a , disait-elle, un « malaise de l’intelligence dans le christianisme », et « partout où il y a malaise de l’intelligence, il y a oppression de l’individu par le fait social, lequel tend à devenir totalitaire ».

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Quel lien entre la Réalité et la théorie physique ?

Publié le par Régis Vétillard

Frédéric Joliot

Frédéric Joliot, au sein de l'université, mène une vie clandestine qui s’avérera critique par la présence d'un agent double... Ses rencontres avec d'autres intellectuels, les entraînent à réfléchir aux conséquences de découvertes comme la fission de l'atome. Certains sont attirés par le régime soviétique.

Joliot travaille sur le cyclotron ; il prépare les '' jours d'après '' et prévoient la construction de ''générateurs de projectiles transmutants'', et la formation des hommes qui devront les fabriquer.

Il republie des notes sur les réactions nucléaires, et la radiobiologie.

Joliot est persuadé que les allemands ne sont pas prêts à fabriquer une bombe nucléaire, ils ont fait peu de progrès sur l'uranium ; ils n’utilisent pas le cyclotron pour des projets militaires. Par ailleurs, il a su compter sur Gentner, qu'il qualifie d' ''anti-nazi'' ; qui a été rappeler à Heidelberg parce que trop ''proche'' des français; et sur Hans Jensen qui vient d'arriver et que Gentner lui a présenté comme un ''ami'' ; à la différence de Wolfgang Riezler, chargé de le remplacer à la tête de l'équipe.

 

La mère de Lancelot ne peux cacher longtemps, à son fils, le fond de sa pensée. Elle imagine volontiers pouvoir le marier, elle lui rappelle son âge, sa difficulté - suite à son accident - à être tout à fait autonome. Geneviève serait parfaite, ne lui conviendrait-elle pas ?

Lancelot, il est vrai est sensible aux attentions qu'elle lui prodigue. Il remarque sa beauté, même s'il transparaît derrière la régularité des traits, une certaine dureté... Elle n'eut pas une enfance facile : orpheline, des merciers lui offrent famille et travail dans leur commerce. Affaire d'autant plus prospère que le père assure les achats des trois magasins, tout en travaillant comme fondé de pouvoir-acheteur pour un grand magasin de nouveautés à Casablanca.

Lancelot arrive à marcher avec des béquilles. Son chirurgien, se félicite de ces résultats, alors qu'il a hésité sérieusement à procéder à l'amputation du pied droit. Les salons scientifiques se tiennent toujours le jeudi après-midi, avec parfois la visite de chercheurs. Ainsi Pierre de Launay, polytechnicien et thermodynamicien qui a bien connu Pierre Duhem et - curieusement - s'est intéressé avec lui à la ''science de la nature''... au Moyen-âge.

Duhem mêlait physique et métaphysique : « Il serait déraisonnable de travailler au progrès de la théorie physique, si cette théorie n’était le reflet de plus en plus net et de plus en plus précis d’une Métaphysique ; la croyance en un ordre transcendant à la Physique est la seule raison d’être de la théorie physique. » disait-il. Nous reparlerons - avec lui - du Moyen-âge...

Pierre Duhem

Pour Pierre Duhem, les théories physiques ne relient pas les phénomènes à leurs causes réelles et ne révèlent rien du monde réel. Maritain retient cette idée, pour les mathématiques du fait de son abstraction, - et il est vrai que la science prend de plus en plus une forme mathématique...- , mais il lui semble que la structure de la physique dépend de la matière et ne peut qu'adhérer au réel … 

Pour Duhem, dire que la matière est composée d’atomes, c’est tomber dans une métaphysique atomiste … Pour lui, le tableau de Mendeleïev est un système de classification qui rend compte des expériences de chimie, pas de la réalité ultime de la matière. 

De quelle nature est la réalité ? Duhem répond : - cette question ne relève pas de la méthode expérimentale ; celle-ci ne connaît que des apparences sensibles et ne saurait rien découvrir qui les dépasse. La solution de ces questions est transcendante aux méthodes d'observation dont use la Physique ; elle est objet de Métaphysique.

Il serait important de préciser le lien entre physique et métaphysique...

Quelle est donc la fonction d’une théorie physique, si ce n’est pas dire ce que c’est que la réalité ?

Duhem donne plusieurs réponses :

1. Une théorie physique permet l’économie de la pensée. C’est une idée que Duhem reprend à E.Mach,

2. un système de classement de nos expériences,

3. mais ce classement n’est pas arbitraire ; sa capacité prédictive montre qu’il doit refléter un ordre naturel.

 

Une loi physique comme U=R*I, n'explique rien. Elle se contente ( et c'est beaucoup...) de modéliser ce qui se passe, de permettre des calculs et faire des prévisions ( avec u=ri et p=ui, je peux calculer le temps nécessaire à chauffer mon café)

« Les grandeurs sur lesquelles portent les calculs ne prétendent point être des réalités physiques. » Duhem.

Poincaré lui-même écrivait : « Les théories mathématiques n'ont pas pour objet de nous révéler la véritable nature des choses ; ce serait là une prétention déraisonnable. Leur but unique est de coordonner les lois physiques que l'expérience nous fait connaître, mais que sans le secours des mathématiques nous ne pourrions même énoncer.

Peu nous importe que l'éther existe réellement, c'est l'affaire des métaphysiciens ; l'essentiel pour nous c'est que tout se passe comme s'il existait et que cette hypothèse est commode pour l'explication des phénomènes. Après tout, avons-nous d'autre raison de croire à l'existence des objets matériels. Ce n'est là aussi qu'une hypothèse commode ; seulement elle ne cessera jamais de l'être, tandis qu'un jour viendra sans doute ou l'éther sera rejeté comme inutile. » (La science et l’hypothèse , chap. XII).

La science décrit, elle n'explique pas. Elle décrit avec plus ou moins de précision, ainsi ce qu'il en est des lois de Newton, ou de la notion d' '' éther'' … !

Il ajoute : « Loin de là, sans ce langage ( mathématique) , la plupart des analogies intimes des choses nous seraient demeurées à jamais inconnues ; et nous aurions toujours ignoré l'harmonie interne du monde, qui est, nous le verrons, la seule véritable réalité objective.

La meilleure expression de cette harmonie, c'est la loi ; la loi est une des conquêtes les plus récentes de l'esprit humain ; il y a encore des peuples qui vivent dans un miracle perpétuel et qui ne s'en étonnent pas. C'est nous au contraire qui devrions nous étonner de la régularité de la nature. » ( H. Poincaré, La valeur de la science 1906)

Il est donc difficile d'affirmer q.q.ch. sur la nature du réel ''en soi'', la théorie physique ne serait qu'une classification de nos représentations.

Pourtant...

Einstein pense pouvoir élaborer une théorie unique pour expliquer comment le monde s'organise à l'aide de lois élémentaires et universelles. Avant d'en parler. Je voudrais en rester à la thermodynamique, parce que notre polytechnicien Pierre de Launay souhaite nous entretenir de découvertes pour lui essentielles quant à notre besoin d'énergie.

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