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1947 - Edgar Morin – Duras-Antelme-Mascolo

Publié le par Régis Vétillard

Travailler pour une ''nouvelle Allemagne'' attire de la part des connaissances de Lancelot, un même type de questions, ou de réflexions. Comment se passe la convalescence d'un pays infecté par le virus nazi et dont l'abcès vient de crever ? Aura t-elle la volonté de se débarrasser de ses vieux démons ?

Certains ont du mal à voir la trace d'une volonté de pénitence quelconque. L'humiliation actuelle peut-elle lui permettre d'apprendre les règles de la démocratie ?

On craint également que l'Espagne franquiste puisse représenter une menace, en gardant en son sein les survivances d'un nazisme.

Le jeune Edgar Morin, soutenu par le parti communiste, dans son dernier livre '' L'Allemagne, notre souci.'', et après '' L'an zéro'', ne tient pas responsable le peuple allemand ; il ne s'en prend qu'à leurs dirigeants ; et même à l'administration actuelle.

Dionys Mascolo, Duras et R Antelme

Edgar Morin, explique à Lancelot comment il a rencontré Dionys Mascolo fin 1943, avenue Trudaine, le vélo à la main. Leurs deux mouvements de résistance fusionnaient. Il avait 22 ans, Dionys 27 ans. Edgar Morin, était persuadé que l'Union soviétique sauvait le monde du nazisme ; le communisme d'après-guerre serait celui du dégel et notre libération.

« Mascolo me parlait souvent d’une certaine Mme Leroy, le pseudonyme de Marguerite Duras, qui s’occupait alors des familles arrêtées et déportées et se consacrait à la recherche éperdue de Robert Antelme, son mari »

Dionys Mascolo, connaissait M. Duras, depuis 1942. Il travaillait chez Gallimard, elle était secrétaire de la commission qui attribuait du papier aux éditeurs. En 1943, elle publie son roman Les impudents. Mariée, depuis 1939, à Robert Antelme ; ils emménagent, au 5 rue Saint-Benoît, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés de Paris.

Le mouvement de résistance, peu gaulliste, est dirigé par François Mitterrand et se réunit dans l’appartement de Duras, rue Saint-Benoît.

Le groupe tombe dans un guet-apens, Marguerite Duras réussit à s’échapper avec l’aide de Mitterrand. Le 1er juin 1944, Robert Antelme (27 ans) et sa sœur Marie-Louise sont arrêtés et emprisonnés à la prison de Fresnes. En août 1944, alors que Robert Antelme est déporté dans un camp de travaux forcés à Buchenwald, Marie-Louise est envoyée à Auschwitz où elle périt.

Lors de la retraite nazie, le 4 avril 45, 450 détenus survivants commencent leur « marche de la mort » vers le camp de Dachau, atteint 3 semaines plus tard.

Le camp est libéré par les américains, Robert Antelme est mourant, malade du typhus.

Le 30 avril, François Mitterrand en mission officielle à Dachau, est interpellé par un homme qu’il ne reconnaît pas tout de suite. Il s’agit de Robert Antelme qui ne pèse alors guère plus de 30 kg et n’a pas l’autorisation administrative de sortir du camp (placé en quarantaine). Alertés, ses amis Dionys Mascolo et Georges Beauchamp, en voiture officielle et faux papiers réussissent à le faire sortir clandestinement, caché sous une capote militaire, et à le maintenir en vie jusqu’à son retour en France et sa prise en charge médicale.

Une année est nécessaire afin qu’il puisse se rétablir complètement.

Edgar Morin, continue son récit : « Lors de l'insurrection de Paris Violette et moi avons rejoint Dionys et Marguerite Duras au siège du Petit Journal, occupé par notre mouvement. »

M Duras et R Antelme

En 1945, M. Duras fonde avec Robert Antelme, les Éditions de La Cité universelle, qui publient, en 1946, « L’An zéro de l’Allemagne » d’Edgar Morin, les œuvres de Saint-Just présentées par Dyonis Mascolo et, en 1947, « L’Espèce humaine » de Robert Antelme qui raconte son expérience quotidienne des camps, en mettant en lumière ce que la déportation a révélé en lui : « ce sentiment ultime d’appartenance à l’espèce humaine ».

Le '' groupe de la rue Saint-Benoît '' - la rue St-Benoît est une petite rue qui coupe le boulevard Saint-Germain, une rue tranquille qui part du coin du café de Flore que Marguerite fréquente beaucoup - s’élargit au contact d’intellectuels tels que Maurice Blanchot, Jean Schuster, Maurice Merleau-Ponty, Claude Roy, et surtout Edgar Morin qui convainc Mascolo, Antelme et Duras d’adhérer au parti communiste. En effet, à la Libération, beaucoup adhèrent au PCF, « amoureux de l'idée communiste » plus que de l'appareil de plus en plus stalinien.

Le trio Marguerite Duras, Robert Antelme et Dionys Mascolo est le coeur de ce groupe, qui s'élargit au gré des amitiés, tous à la recherche de la juste philosophie. On y croise donc, Sartre, Camus, Georges Friedmann, Emmanuel Mounier, Lacan, Barthes, Alain Touraine, Claude Lefort...

Marguerite divorce de Robert en 1946, alors qu'elle est déjà en couple avec Dionys. Sans rivalité entre eux, une fraternité profonde unit les deux hommes. Mascolo épouse Duras, avec qui elle a un fils, Jean.

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1947 – La science prolétarienne.

Publié le par Régis Vétillard

Dominique Desanti 1949

Geneviève, impressionnée par l'engagement de Dominique Desanti au parti communiste, s'engage avec elle dans le ''Mouvement de la paix''. Il s'agit de préparer un congrès mondial des partisans de la Paix.

Au Parti Communiste français, Victor Leduc, directeur d'Action, professeur de philosophie, est chargé de passer les consignes aux différents cercles d'intellectuels; sous la responsabilité de Laurent Casanova et de Louis Aragon, Il s'agit de faire l'apologie du réalisme socialiste, et d’insister sur l'apport soviétique : « en ce qui concerne les philosophes ( au sens large), je les engage à exalter l'apport de Staline au marxisme-léninisme, la science prolétarienne. » ( Leduc)

Victor Leduc ne manque jamais de demander aux physiciens de dénoncer l'interprétation idéaliste du deuxième principe de la thermodynamique. Il tempête contre l'indéterminisme de la théorie des quanta. Il appartiendra aux chimistes de faire traduire et de diffuser la ''théorie soviétique de la structure chimique'' et de lutter contre celles de la ''résonance'' et de la ''mésomérie''.

Lyssenko

Louis Aragon et Pierre Daix, parlent de ''science prolétarienne'' et se réfèrent aux théories du biologiste et agronome Trofim Lyssenko (1898-1976) qui remettent en cause chromosomes et gènes.

« Grâce à Lyssenko, l'homme n'est pas un loup pour l'homme » (Pierre Daix)

Et, c'est en février 1949, que Laurent Casanova, évoque une « science prolétarienne » qui serait en opposition à une « science pure » et à une « science bourgeoise », et provoque la gène des scientifiques communistes...

Jean-Toussaint Desanti est chargé de donner une épaisseur épistémologique à la thèse des « deux sciences. » ( science bourgeoise et science prolétarienne ). Il soutient que la science, est une « idéologie historiquement relative ». La science serait-elle donc un discours sur le monde comme un autre, ni plus ni moins vrai... ?

Lancelot et Geneviève se disputent sur ce que Lancelot qualifie d'intransigeance de l'idéologie communiste. Comme Marguerite Duras, il estime que les Desanti se laissent entraîner par le vent inquisiteur de la stalinisation. Après une littérature au service du parti, ils défendent l'idée d'une science qui serait ''prolétarienne'' ! ? La science serait donc sous influence de la classe sociale ?

« Il y a, bien sûr, science bourgeoise et science prolétarienne, tant pis pour ceux qui rient; en biologie, le conservateur a tendance à être fixiste, le « front populaire » évolutionniste, les radicaux demeurant dans la pure tradition darwinienne, les socialistes réformistes séduits par le lamarkisme et le dialecticien communiste fatalement attiré par les Weismann, de Vries, Giard... » Vailland, Drôle de jeu, 1945

Dominique Desanti, avoue choisir le ''courant du parti'', au ''courant de l'amitié''. Elle accepte de brûler ses idoles, « comme les missionnaires l’exigeaient des païens convertis. Rester animiste, c’est-à-dire adepte des esthétiques considérées comme décadentes, et se déclarer marxiste ne convenait plus. Avant la création de La Nouvelle Critique, on louvoyait. Là, nous nous trouvions au pied du mur. Je jetais au bûcher les dieux de ma première jeunesse en persiflant Gide ».

Entre communistes, on hésite pas à dénoncer '' les coucheries de Marguerite et son obscénité''. Duras ne reprendra pas sa carte en 1949 ; et Antelme sera exclu.

Edgar Morin

 

Jusqu’en 1947, Edgar Morin partage un appartement rue Saint-Benoît avec Marguerite Duras, Robert Antelme, Dionys Mascolo, sortant le soir pour écouter Boris Vian trompetter au Tabou ou Juliette Gréco au Vieux-Colombier. « Marguerite cuisinait des déjeuners franco-vietnamiens et des dîners de fête réunissant les Queneau, les Merleau-Ponty, les René Clément, Georges Bataille ».

Edgar Morin, et Mascolo contestent l'accusation ''d’agents américains'', et d'autres plus grotesques, accolées à Sartre et Merleau-Ponty. Suite à un article (1951) qu'il écrit pour pour l'Observateur, il sera convoqué par Annie Kriegel ( Annie Besse) et exclu. « Ce fut comme un chagrin d'enfant, énorme et très court. » dira-t-il.

Morin ( 28 ans) travaille sur une réflexion de la manière dont les civilisations ont construit et vécu la question de la mort ( L'Homme et la Mort, paraîtra en 1951). C'est assez original ; puisqu'il ose une étude transdisciplinaire. Pour lui l'humain est à la fois rationnel et relié à l'imaginaire. Sa motivation est d'ordre matériel pour organiser sa survie, et sans se couper du mythe, de l'imagination.

Homo sapiens a conscience de la mort et peut en même temps admettre la disparition de sa chair, et croire en une vie au-delà de la mort. Homo sapiens, malgré sa peur, est capable de risquer sa vie pour une cause supérieure : la famille ou la patrie.

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