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claudel

Soir du lundi 19 février 1951 – Mort d'André Gide

Publié le par Régis Vétillard

Julien Green a raconté à Lancelot, comment il vit la dépouille de Gide sur son petit lit de fer. Il avait l'air de réfléchir. Il y avait Roger Martin du Gard. Dans la rue, Green a pleuré. A Cuverville, où Gide fut enterré près de son épouse ; Martin du Gard fit un esclandre alors qu'un pasteur venu du Havre ( voir La Porte étroite, avec le pasteur Vautier, du Havre..!) commençait religieusement la cérémonie.

Le 13 décembre 1950, avait eu lieu à la Comédie-Française (salle Richelieu), la pièce adaptée par Gide, des Caves du Vatican - mise en scène par Jean Meyer – en même temps que la célébration nationale d'une grande figure de la littérature que représente André Gide ; avec la présence du président Vincent Auriol ; et beaucoup de fleurs, d’applaudissements et de rappels...

Certains pouvaient déjà parler d'enterrement.

 

André Gide

Gide avait régné sur la littérature française ; et la publication de son Journal nous livrait ses états-d'âme au cours d'un demi-siècle.

Un trait de caractère que retient Lancelot est sa totale sincérité. Sincérité littéraire, mais aussi humaine ; s'il donnait des conseils de force , de courage ; il refusait de donner des directions à suivre.

- « Eh bien, je voudrais dire aux jeunes gens que l’absence de foi désoriente : pour que ce monde rime à quelque chose, il ne tient qu’à vous. Il ne tient qu’à l’homme, et c’est de l’homme qu’il faut partir. Le monde, ce monde absurde, cessera d’être absurde, il ne tient qu’à vous. Le monde sera ce que vous le ferez » ( Souvenirs littéraires et problèmes actuels, Les Lettres Françaises, 1946.)

- « ...ne vous laissez point dessaisir de ce qui fait votre valeur d’homme, votre personnelle valeur : l’esprit de doute et de libre examen »  (« A Naples » )

Paul Claudel et André Gide

Lancelot repense à cette correspondance, juste publiée entre Claudel et Gide. Devant la violence du premier, le charme du second lui paraît bien plus séduisant. Gide était sensible à la force de la poésie de Claudel. Il n'en appréciait pas forcément la signification, mais elle éveillait en lui, le ''mystère''.

Claudel, le converti, sommait Gide d'en faire autant. Des amis ( Francis Jammes) faisaient le pas, Gide se sentait assiégé. Il écrit '' le Retour de l'enfant prodigue'', et détourne la parabole. 1910, avec ''La Porte étroite'' ( 1909 - premier succès public) un parfum de religiosité a fait croire d'un retour vers la religion. Gide résiste.

1910, Claudel écrit : « Vous pensez bien que l'Eglise représentée par ses théologiens sérieux ne préconise en aucun cas l'assassinat ou la violence. Mais étant ce qu'elle est, c'est à dire se croyant seule et exclusivement en possession de la vérité absolue, et d'autre part pensant que les écarts de doctrine entraînent le terrible risque de perte éternelle de l'âme, elle ne peut admettre ce qu'on appelle la liberté de penser ou plutôt de publier sa pensée (...). Elle cherche non pas à exterminer les hérétiques, (...) mais à les empêcher de nuire. Vous admettrez que son point de vue est assez logique. A un point de vue catholique, comme je vous le disais l'autre jour, un livre qui peut faire perdre la foi constitue un véritable homicide. »

Claudel insiste : Fin 1911, Claudel écrit à Gide : « Il faudra que nous causions un de ces jours comme ces personnages de Dostoïevski qui se disent des choses tellement confidentielles que le lendemain ils n'osent plus se regarder et sont pris d'une haine mortelle l'un contre l'autre. »

En janvier 1912, Gide écrit dans son Journal : «  Je ne voudrais n'avoir jamais connu Claudel. (…) ma pensée s'affirme en offense à la sienne. »

1914 paraît le roman voltairien de Gide : ''Les caves du Vatican''


 

Albert Béguin, dit qu'il y a chez Gide du Nietzsche et du Montaigne ; que ses œuvres avaient été, pour lui, des libérations ( Les Nourritures, l'Immoraliste...) ; mais qu'il s'en était heureusement détaché. Gide n'aurait-il pas exagérément cultivé son non-conformisme, sa singularité ? Mauriac, lui, parle d'un luciférien pari de Pascal, à l'envers !


 

Gide avait mesuré les dangers de l'engagement politique ; et face au jeune Sartre et son Existentialisme, il exprimait sa méfiance :  « Je crains que ce ne soit encore elle, la barbarie, sous une apparence nouvelle, qui s’introduise dans vos rangs, à votre insu, protégée, approuvée par vous, camouflée en liberté... » ( Essais critiques )


 

A quoi, donc, croyait Gide?

« Je crois au monde spirituel, et tout le reste ne m’est rien. Mais ce monde spirituel, je crois qu’il n’a d’existence que par nous, qu’en nous; qu’il dépend de nous, de ce support que lui procure notre corps.
(...) Je crois qu’il n’y a pas là deux mondes séparés, le spirituel et le matériel, et qu’il est vain de les opposer. Ce sont deux aspects d’un même et unique univers
 » (André Gide, Journal, t. II,)


 

À la mort de Gide, dans ''Les Temps modernes'', Sartre déclare : « On le croyait sacré et embaumé : il meurt et l’on découvre combien il restait vivant » 


 

Green a raconté, qu'il avait beaucoup ri, d'un télégramme que Mauriac a reçu peu de jours après la mort de Gide et ainsi rédigé : « II n'y a pas d'enfer. Tu peux te dissiper. Préviens Claudel. André GIDE. »

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