Etats d'âme.... avec Christophe André
Les états d’âme sont des émotions subtiles associées à des pensées ». Ils constituent une sorte de fond affectivo-cognitif constant de notre fonctionnement psychique...
Ci-dessous quelques propos autour du livre de Christophe ANDRE : Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité, Odile Jacob, Paris, 2009
Extrait:
"Mes états d'âme, c'est quoi? C'est tout ce dont je prends conscience lorsque je m'extrais de mes automatismes du quotidien, lorsque je sors de "l'agir", et me laisse aller à observer ce qui se
passe en moi. Le problème, c'est pour les observer: c'est que ça bouge tout le temps, un état d'âme, et c'est pour ça, sans doute qu'on dit "les" états d'âme. On parle en anglais de stream of
affects: "courant, flots d'affects. Les états d'âme, c'est l'écho en moi de ce que je suis en train de vivre, ou de ce que j'ai vécu, ou de ce que je n'ai pas vécu mais que j'aurais aimé vivre,
ou ce que j'espère vivre... C'est aussi tout ce qui continue de tourner dans ma tête après que je me suis dit: c'est bon, stop, arrête, n'y pense plus...Bref, les états d'âme, c'est tout un
monde...
...
Pensez à l'influence sur vous de vos cafards, de vos chagrins. Pensez a vos colères , exprimées ou non, mais si souvent disproportionnées par rapport aux événements immédiats: ne
proviennent-elles pas souvent de la rumination d'états d'âme, de ressentiment, de rancoeur, d'humiliation, ou tout simplement de déception, d'inquiétude? Des états d'âme remâchés depuis un bout
de temps, et d'autant plus puissants que l'on n'en aura pas été conscient. Pensez aussi - les états d'âme, ce n'est pas que du tourment! - à la force que peuvent vous donner vos élans et vos
emballements, à la légèreté du corps les jours de joie, à l'élan de la bonne humeur." (p. 19-20)
États d’âme : l’apprentissage de la sérénité
Je me suis levé, j’ai bu un verre d’eau, et j’ai prié jusqu’à l’aube. C’était comme un grand murmure de l’âme. Cela me faisait penser à l’immense rumeur des
feuillages qui précède le lever du jour. Quel jour va se lever en moi ?
(Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne)
Les états d’âme sont le cœur battant de notre lien au monde : ce mélange de pensées involontaires et d’émotions subtiles reflète ce que nous vivons et ce que
nous sommes. Ils peuvent être douloureux : inquiétudes, ressentiments, spleen, désespoir. Ils peuvent être heureux : calme, bonne humeur, confiance, sérénité. Ils conjuguent parfois les deux
: nostalgies, espérances… Le psychiatre Christophe André aborde la nature et le fonctionnement de nos états d’âme ; la manière dont ils peuvent se « dérégler » et nous faire
alors souffrir, voire tomber dans la dépression ou l’anxiété ; la nécessité de les protéger des influences de notre société matérialiste et consumériste ; et la manière de les intégrer à nos
grands équilibres de vie (pleine conscience, auto-compassion, bonheur, sagesse)
"Il n'y a pas de temps perdu, que du temps vécu"
Une amorce de chapitre qui m'a également interpellé, une phrase de Jean Anouilh :
"Je sais ce que vous allez me dire. ll faut rentrer en vous-même. Je
suis rentré en moi-même plusieurs fois. Seulement, voilà, il n’y avait personne. Alors, au bout d’un moment, j’ai eu peur et je suis ressorti faire du bruit dehors pour me rassurer."
" Il est très compliqué de voir clair en nous. Nous n’avons pas été éduqués, ni entraînés à cela. On nous apprend plutôt à gagner notre vie ou à résoudre des équations mathématiques ! Or cette
attention de l’esprit doit s’apprendre, comme on apprend la musique, la peinture ou la parole. C’est une discipline relativement difficile. Il ne suffit pas de s’asseoir pour réfléchir à
soi-même. En dix secondes, l’esprit est reparti ailleurs, comme un chien fou, dans des « choses à faire ». De plus, se pencher sur notre vie intérieure est parfois douloureux : nous pouvons être
confrontés à des états d’âme de culpabilité, de tristesse ou de ressentiment, qu’on aurait mieux aimé éviter.
Il faut dire aussi que l’environnement ne nous y pousse pas…
Absolument. Nous vivons dans une société matérialiste, qui exige de nous des actes, de travail ou de consommation, et non une introspection sur nos vrais besoins. Elle privilégie le « faire » au
détriment de l’« être », l’« exhiber » au lieu du « savourer », l’intérêt personnel au lieu de l’intérêt collectif. Ce type de société nous « arrache à nous mêmes », nous pousse à la compétition
et nous incite à réguler nos états d’âme en dépensant, en consommant, en achetant. Plus une société est matérialiste, plus elle est toxique pour les états d’âme et nous détourne de leur
importance. Notre société nous pousse à la distraction, la rapidité, la vitesse, à éviter l’ennui… Mais il existe d’autres dimensions de l’humanité, comme la lenteur ou l’intériorité, qui sont
laissées en friche. Or, amputer une partie de soi-même n’est jamais bon. Il faut rétablir cet équilibre nécessaire à notre bien-être et au fonctionnement de la société dans son ensemble."
*Les états d’âme, un apprentissage de la sérénité, Ed. Odile Jacob, 480 p. ; 22,90 €.