Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

1952 - Credo quia absurdum

Publié le par Régis Vétillard

Dans son groupe ''Esprit'' Lancelot porte le débat sur le pouvoir de l'idéologie, au point d'amener le condamné d'un procès stalinien à consentir à faire des ''aveux''. Certes ces aveux, sont à priori obtenus - comme le dénonce Koestler - '' par des semaines de tortures physiques et morales."... Mais certain n'excluent pas l'idée que le condamné n'abandonnant pas sa foi communiste, se sacrifierait, au profit de la vérité du parti omniscient, outil essentiel à la victoire contre le capitalisme...

Bien-sûr, Geneviève et Dominique Desanti ne veulent pas croire, les accusations de torture ; pour elles, le traître avoue devant un réquisitoire objectif, et pour soulager sa conscience.

 

Un peu plus tard, c'est Edgar Morin, qui revient sur le paradoxe de l'autocritique, outil disciplinaire chez les communistes.

Un bon communiste, d'autant plus s'il est cadre, « s’incline lorsque le Parti exige son autocritique. ».

Edgar Morin, explique, ce qu'il appelle son credo '' quia absurdum ''communiste, par cette formule : « on a raison, d’avoir tort avec le parti ; et on a tort, d’avoir raison contre le parti. ».

Tertullien (IIe s.), à qui on doit cette formule : « Credo quia absurdum » ( “Je crois parce que c’est absurde” ) voulait signifier que la foi n'était pas de l'ordre de la preuve et qu'il fallait bien le ''croire'' puisque ce n'était pas raisonnable ( ou absurde).

Pour ce qui est de la Foi religieuse, Lancelot répond que cette formule lui paraît paradoxale et inopérante, car elle dissocie foi et raison ; alors qu'elles sont intimement liées dans la théologie chrétienne.

Albert Camus aurait repris le ''credo quia absurdum'' ; en y reconnaissant le désir humain de donner un sens à ce qui est absurde... Alors « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » (…) « Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose. De même, l’homme absurde, quand il contemple son tourment, fait taire toutes les idoles. » ( Camus, '' Le mythe de Sisyphe '' 1942)

Sartre dans Libération 15 juillet 1954

 

Peut-être, des intellectuels communistes, ont pu ainsi adopter une attitude de foi aveugle envers le Parti et l’URSS, même face aux absurdités et aux horreurs du régime.

 

Plus généralement, Pour Camus, qui est athée, l’absurde, c’est la confrontation entre le désir humain d’ordre et de cohérence et le caractère irrationnel du monde. Pour Sartre, l’absurde, c’est avant tout la « contingence » de l’être-en-soi, l’injustifiabilité des objets du monde. La condition humaine apparaît également comme absurde dans la mesure où l’homme ne peut devenir le fondement objectif de sa propre existence, ne peut être à la fois « en-soi » et « pour-soi ».

Comment expliquer cette erreur de ''sens'' ?

 

Geneviève répond : « Toi, tu es chrétien, tu ne ressens pas l'absurdité du monde ; ta foi consiste aussi à te persuader d'un sens à l’aventure humaine ; alors que devant tes yeux, le capitalisme écrase la majorité de l'humanité, au profit d'une minorité capitaliste. »

 

C'est vrai, l'anti-communisme n'est pas une position évidente ; il ne s'agit pas de nier l'exploitation de l'homme par l'homme ; mais de s'opposer à un totalitarisme. Il est difficile de s'opposer au parti des ''100.000 fusillés'' et à une grande partie des intellectuels qui vénère le marxisme, comme étant la « philosophie indépassable » ( Sartre).

En 1950, Emmanuel Mounier - lui-même - avait craint que l'anti-communisme soit une « force de guerre, une reprise du fascisme.. » ( Esprit, février 1950). Jean-Paul Sartre le condamne fermement :  « Un anticommuniste est un chien, je ne sors pas de là, je n’en sortirai plus jamais. (J.-P. Sartre, Situations IV )

1952

Et, d’autres intellectuels, comme Raymond Aron, Jean-François Revel ou Claude Lefort, vont reprocher à Sartre son aveuglement face aux crimes du stalinisme et son mépris pour les libertés individuelles.

Egalement, Camus dénonce, chez Sartre, la justification de la violence révolutionnaire, et l'accuse de sacrifier les valeurs humanistes au nom d’un idéal abstrait.

Mauriac, dans Le Figaro le 26 novembre 1952, exprime sa stupeur et son horreur face au procès Slánský, qu’il a qualifié de « sinistre farce » et de « spectacle abominable ».

 

A l'opposé de l'engagement de Geneviève, Lancelot rejette l'idée qu'un ''socialisme d'état '' - comme celui de l'URSS - puisse être une garantie de paix.

Même si la guerre de Corée alimentée par ce contexte de guerre froide fait craindre une troisième guerre mondiale ; ce Mouvement de la Paix, Lancelot en est convaincu, n'est qu'un élément de la stratégie de politique extérieure soviétique.

Commenter cet article