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1950 – L'Indochine

Publié le par Régis Vétillard

Lancelot suit toujours avec intérêt les nouveautés en ce qui concerne la TSF, et depuis peu, la télévision avec, même, des postes de poche. Dans les actualités du ''Pathé-Journal'', on imagine un futur, où :« Plus besoin d'acheter le journal, on se branchera sur l'émission d'information; et la rue présentera un singulier spectacle », chacun déambulant les yeux rivés sur son poste. Dans le métro, on lira le poste du voisin, derrière son épaule, absorbés on se percutera dans la rue. La télévision se présentera comme un besoin impérieux, et les voitures seront munis d'un poste récepteur ; causant de multiples accidents. » !

Les hommes politiques seront « choisis par la séduction de leur sourire, et le velouté de leurs yeux. » ; les femmes se faisant particulièrement influencées. Les images, après avoir été en relief,, traverseront les murs comme le son actuellement, et s'incrusteront chez les voisins.

Nous sommes prévenus !

Lancelot, au Cinéma, a vu et apprécié : Casablanca. L'action se déroule au Maroc. Casablanca est alors contrôlée par le gouvernement de Vichy, et relate l'histoire de réfugiés voulant fuir le régime nazi. Humphrey Bogart est Rick, un expatrié cynique Ingrid Bergman est Ilsa, une femme qu'il n'aurait jamais cru revoir, la seule qu'il ait jamais aimée...

Le tournage avait débuté le 25 mai 1942. On tourne au jour le jour, sans connaître la fin.

Il y a cette scène où un homme est abattu devant un mur peint à la gloire Pétain, et se termine par l’atterrissage d'un avion, devant des visages emplis de peur : la mort ou un billet pour la Liberté.

Dans ce décor de bar, sur fond d'espionnage avec musique américaine, des exilés errent en attente d'un billet d'avion. Rick doit-il plus s'engager dans la résistance, ou feindre la neutralité ?

Ce ne sera que le 8 novembre 42, que les forces alliées débarqueront en Afrique du Nord.

Le film sort en salle aux Etats-Unis, au moment de la Conférence de Casablanca (1943).

L’Indochine française, regroupe des régions conquises à partir de 1858 telles que les protectorats du Laos, du Cambodge, de l’Annam et du Tonkin (Centre et nord du Vietnam), la colonie de Cochinchine (sud du Vietnam), ainsi qu’une petite partie de territoire chinois. Au sein même de l’Indochine française, les différents territoires ont des statuts variés, et sont donc administrés différemment.

En 1949, pour ce qui est de l'Indochine, nous pensions être arrivés à une solution avec la « solution Bao Daï » l'ex-empereur, à qui la France offre le pouvoir et l'indépendance du Vietnam, en 1948. Cette solution transformait l’Union indochinoise en trois États associés de la France : le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Ils restaient cependant dépendants de Paris pour la diplomatie et les questions militaires. 

A présent, Hô Chi Minh n'est plus seulement un nationaliste, mais un «pion dans le jeu de Moscou » ; et l'Indochine, un enjeu de la ''Guerre froide ''. Et, la France compte sur l'aide américaine, pour prendre le relais. Mao a pris le pouvoir en Chine, et le reste de l'Asie est sous la menace communiste.

Cependant, en France ( 1950 ), ce conflit apparaît pour certains, comme une guerre coloniale ; et pour la plupart, les laisse indifférents. D'autres, c'est vrai, souhaiteraient conserver notre Empire en le modernisant. ''Après tout'', Camus en 1945, demandait « un régime d’égalité devant la loi qui donnera au paysan annamite comme à l'ouvrier français la même part de dignité ». Il conclut : «si nous ne voulons pas perdre notre Empire », il faut «donner à nos colonies la démocratie que nous réclamons pour nous »

Marguerite Duras

Lancelot, a eu la surprise de découvrir en librairie , un roman signé Marguerite Duras '' Un barrage contre le Pacifique '', et de plus sélectionné pour le prix Goncourt 1950. ( Le jury, las de ne pouvoir se décider, aura choisi Paul Colin, qui restera inconnu.). Un roman anti-colonialiste, semble t-il ?

Après l'écriture de Balzac, nous trouvons le style de Duras beaucoup plus dépouillé ; un peu comme si le narrateur tentait avec difficulté de se souvenir de la forme des personnages, et privilégiait l'atmosphère pesante, le climat à la chaleur moite, les relations ambiguës. La tension est palpable entre le chinois et Suzanne, Suzanne et son frère Joseph, et la mère sans plus d'illusions.

Lancelot est touché finalement par la sincérité de cette écriture. Le fond et la forme se mêlent, comme la lenteur de la narration, des événements...

Il s'agit de l’Indochine, avant-guerre, et la description implacable d'une société coloniale en décadence. La mère se bat contre l´administration, contre la corruption, contre le Pacifique.

Le système colonial écrase autant les indigènes, que les ''petits blancs'' ; même en 1950, cette description ne correspond pas à ce que les français se représentent de l'Indochine. Il est vrai qu'à présent ce système est menacé, le Vietnam est coupé en deux.

Un autre point de vue, singulier et féminin, de ce livre est la relation entre une jeune fille blanche et un Indochinois (pas un vrai indigène, mais un Chinois) plus âgé, qui transgresse les codes de la société coloniale.

Les pauvres blancs, trop proches des indigènes, n'accèdent pas à la ''ville blanche''.

« Dans le haut quartier n'habitaient que les blancs qui avaient fait fortune. Pour marquer la mesure surhumaine de la démarche blanche, les rues et les trottoirs du haut quartier étaient immenses. [...] Arrosées plusieurs fois par jour, vertes, fleuries, ces rues étaient aussi bien entretenues que les allées d'un immense jardin zoologique où les espèces rares des blancs veillaient sur elles-mêmes. Le centre du haut quartier était leur vrai sanctuaire. C'était au centre seulement qu'à l'ombre des tamariniers s'étalaient les immenses terrasses de leurs cafés. Là, le soir, ils se retrouvaient entre eux. Seuls les garçons de café étaient encore indigènes, mais déguisés en blancs, ils avaient été mis dans des smokings, de même qu'auprès d'eux les palmiers des terrasses étaient en pots. ».

La mort est très présente dans Un barrage contre le Pacifique . Le livre s'ouvre et se termine sur des scènes de mort ; et la destinée de la société coloniale apparaît tragique.

 

Edgar Morin trouve dans la revue d'Emmanuel Mounier, Esprit, un espace de liberté et de dialogue. Dans le numéro de novembre 1951, Morin dénonce la répression en URSS, dans un article intitulé '' L'honneur de la vérité '' ; et accuse son parti de censurer ces informations... L'article provoque son exclusion du PCF. Dans sa cellule, Annie Kriegel demande «  l’exclusion du camarade Morin ; le Parti doit s’épurer. ». Morin raconte : « Et tous ont voté mon exclusion. Je dois dire que cette nuit-là, j’ai eu du chagrin parce qu’alors, être exclu du Parti était une excommunication, une malédiction comme celle qu’avait subie Spinoza. En rentrant de cette séance, j’entendais dans la nuit un pick-up qui jouait la marche ukrainienne que je chantais à l’époque des victoires et de l’espoir. J’avais perdu tout espoir. Mais le matin, j’étais heureux, j’étais libre, et je suis resté libre. »

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