1967 - Le Monde ne serait-il qu'un spectacle?
La question d'envisager le monde comme un spectacle, a permis à Lancelot, de confronter ses propres réflexions...
Précisément, Guy Debord (1931-1994), dans son ouvrage La Société du spectacle (1967) - considère que notre société où règnent la propagande ( l'information) et l'aliénation ( consommation ) impose une nouvelle réalité : celle du spectacle. Le capitalisme coloniserait notre environnement naturel et humain, par le spectacle. Debord en revient à la Révolution qui nous obligerait à n'être plus seulement spectateur, mais acteur et s'adresse en particulier à la classe prolétarienne, « la classe de la conscience historique »...
Évidemment, cette manière de considérer le spectacle du monde, ne convient pas à Lancelot.
Il revient avec un intérêt non dissimulé, vers Jules de Gaultier (1858-1942). Il le fait avec plaisir, pour la raison qu'il s'agit d'un personnage rencontré par sa mère, Anne-Laure de Sallembier.
Nous étions dans les premières années du siècle ; au Mercure de France, Jules Gaultier tenait la chronique philosophique. Dans le salon de cette revue, Gaultier complétait les notions d'Anne-Laure sur Schopenhauer – auteur à la mode – et l'initiait à la lecture de Friedrich Nietzsche... Elle se souvenait aussi de plusieurs discussions autour de ''Madame Bovary '' de Flaubert ; et de ce qu'il appelait le '' bovarysme ''…. ( Jules de Gaultier – le Bovarysme. - Les légendes du Graal (over-blog.net) )
Le bovarysme, serait la tendance de notre esprit à s'échapper de la réalité, nous préférons nous faire une image faussée, une image du monde et de nous-même, embellie.
Ce qui semble étrange, à Lancelot, c'est que cet état pourrait engendrer une certaine méfiance vis-à-vis de cette illusion. Elle serait pour Gaultier, source de joie et même la substance esthétique de la réalité.
Le caractère bienfaisant du bovarysme serait de permettre à l'individu de réaliser son être propre, de le hausser vers un au-delà que seule la puissance de l'illusionnisme peut lui suggérer.
Gaultier soutient que « le monde est un spectacle à regarder plutôt qu’un problème à résoudre. »
Cependant, clairement, pour Flaubert, le bovarysme est source de terribles souffrances, du fait du caractère inconsistant des êtres et des choses, qui ne conduit qu'à la bêtise. Et tant pis, si une majorité d'hommes préfère contempler cette farce...
En contraste, Arthur Schopenhauer considère que la réalité est illusoire et que l’homme ne peut percevoir qu’une vision déformée du monde. Nietzsche remet en question les notions traditionnelles de vérité et de réalité ; mais il encourage l’individu à affronter le Monde, et même à embrasser la souffrance...
Pour un phénoménologue comme Maurice Merleau-Ponty, le Monde est bien plus qu’un simple spectacle. Il est profondément lié à notre existence corporelle et à notre manière de percevoir et d’interagir avec lui.
Le monde est vécu à travers notre corps, notre interaction avec notre environnement façonne sa compréhension. Il n'y a pas de dichotomie entre sujet et objet, ils sont en constante interaction et notre expérience du monde est toujours en mouvement et en transformation.
La Phénoménologie - 3
Procédons par un autre tour de spirale autour de la phénoménologie.
La phénoménologie est une méthode, une démarche, une attitude ; elle n'est pas une doctrine, une idéologie. La méthode phénoménologique veut démontrer qu'il existe une relation essentielle entre la conscience et le monde.
L'attitude pour observer le ''phénomène'' consiste à le mettre entre parenthèse, à suspendre notre jugement. C'est ce que l'on nomme ''la réduction'', ou ce que Husserl appelle aussi l'Épochè en grec (ἐποχή / epokhế)
« Revenir aux choses mêmes », nous dit Husserl, et pour ce faire, procéder à une « réduction phénoménologique »
Nous avons sous les yeux, deux œuvres essentielles de Merleau-Ponty, Le Visible et l’invisible (rédigés entre 1959 et 1960) et L’œil et l’Esprit, publiés à titre posthume. Remarquablement bien écrits, ce livres restent difficiles...
La discussion qui s'installe entre Lancelot et Elaine, permet d'avancer sur les tours de notre spirale.
- Avec Merleau-Ponty, la pensée est une aventure humaine, il ne s'engage pas à moitié, il veut penser avec tout son corps jusqu'à chercher à définir la vérité...
- Oui, il mêle deux tradition, celle de la raison et celle de la sensibilité.
Descartes pensait se trouver en évacuant le monde : dans la solitude, il reste mon existence... Résultat, le monde est à distance de lui... Merleau s'interroge, si - sans le monde – il peut être lui-même ?
- En effet, c'est une bonne question : Peut-on exister séparément du monde ? Le monde n'est-il qu'un spectacle ?
- Chacun, un jour, ne s'est-il pas demandé : n'ai-je pas l'illusion que le monde existe ?
- Mais que serait un monde que je ne verrais pas ? Un amour que je ne vivrais pas … ?
Et pourtant, même si c'était le cas, j'en ai quand même l'idée !
- Mais... Dans ''l’œil et l'Esprit'' : il écrit : « la science manipule les choses et renonce à les habiter ».
- Il dit aussi, je crois, que le sujet peut par la force de sa raison se servir de ces objets ; il peut faire de la science, prétendre à l'objectivité.
- Encore une question : Comment rencontrer le monde, alors que nous en faisons déjà partie ?
- Notre professeur, nous disait que Merleau est un penseur tragique, ( pas au sens de la catastrophe, mais au sens d'un problème qui ne trouve jamais sa solution ) ; au sens où il faut renoncer ( surtout en politique) à l'absolu.
- Il n'y aura jamais de coïncidence entre le sujet et l'objet. Effectivement il nous faut accepter cette situation de blessure...
Il nous faut reconnaître que le monde n'est pas un spectacle et le sujet n'est pas souverain.
Pour Merleau, le visible a toujours une profondeur, le visible repose sur un invisible. Ce que je vois à un moment du temps, est lié à un avant et à un après et n'a de sens que comme cela..
La Phénoménologie - 2
La phénoménologie, est une attitude philosophique qui peut prendre plusieurs visages. Elle reste vivante et laisse sur le côté, le structuralisme et même l'existentialisme, même si certains auteurs en viennent, comme Maurice Merleau-Ponty mort trop tôt ( en 1961) mais qui reste dans la mémoire des jeunes philosophes qu'il a inspirés.
On retient sa brouille avec Sartre, qui n'acceptait pas sa critique de l'URSS à propos de son impérialisme... Certains, comme Jean-Toussaint Desanti (1914-2002), ont tenté une convergence entre marxisme et phénoménologie.
Lancelot et Elaine citent encore, les derniers Merleau-Ponty ( 1908-1961) (Le Visible et l’invisible, 1964 ; L’œil et l’esprit, 1961), - Paul Ricoeur ( 1913-2005) avec Philosophie de la volonté II, t. 2, La Symbolique du mal, 1960 ; De l’interprétation. Essai sur Freud, 1965), - Michel Henry ( 1922-2002) (L’Essence de la manifestation, 1963) et Emmanuel Lévinas ( 1905-1995) (Totalité et infini, 1961).
Pour tenter de comprendre la méthode phénoménologique, je propose de procéder par la spirale, en effet il est nécessaire de tourner autour pour tenter l'approche..
Réalisons d'où nous partons :
Descartes fonde son raisonnement par l'attitude du doute, ''je doute de tout !'' Le monde ne serait-il qu'un songe, ou la suggestion d'un génie ; dans ce cas, que resterait-il ? Il resterait 'moi'' qui doute. '' Je pense, je suis...
Cette expérience est reprise par Husserl, comme l'évidence de l'expérience vécue, à partir de là on doit tout pouvoir reconstruire... Une fois que nous avons porté notre attention à cette expérience présente, d'être là face au monde. On peut tenter de le décrire de façon très fine. Husserl propose de décrire non pas les choses qui sont censés nous entourer, mais ce que l'on vit des choses
Avec Descartes, si le monde est à distance,.il est naturel à l'homme de vouloir se « rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ».
Nous partons d'un dualisme, c'est à dire que la chose est telle qu'elle m’apparaît, elle est pensé comme objet.
Husserl nomme l'objet : ''phénomène''. La chose qui m'est donnée, comme objet, que mes sens situent hors de moi , possède un ''en-soi'' dont je ne sais rien. Je ne connais que son phénomène, sa représentation que m'en donne les sens.
Avec Husserl et la phénoménologie, il s'agit de supprimer la distinction entre ''phénomène'' et ''chose en-soi''
A l'opposé de Descartes, le cogito du phénoménologue est un « être au monde ». Il appartient au monde et doit apprendre à voir le monde.
Un « phénomène » c’est, d’après le grec, « ce qui apparaît ».
On nous dit que ce qui compte, ce n’est pas le paraître, mais l’être. Pourtant le philosophe nous dit : c’est l’apparaître qui compte ; il n’est pas simple apparence, il est l’être vrai. En effet, il ne s’agit pas exactement de ce qui apparaît, il s’agit plus exactement de l’apparaître comme tel, de la manière dont le phénomène apparaît, de la manière dont il se montre, se révèle, se manifeste, de la manière dont il se donne à voir.
Comment cela peut-il se faire ? Comment l'objet pourra ne pas être déformé par les idées, les préjugés, les désirs... ? Comment pourra t-il apparaître dans la vérité ( de son être, si on peut le dire ainsi...) ?
Le phénomène serait l’être même de l’apparaître, et non l’objet.
La Phénoménologie – Edith Stein
Si Lancelot goûte sa retraite solitaire à Fléchigné, il apprécie les visites régulière de sa fille Elaine, qui l'entretient, en particulier, de ses études et de ses recherches.
Cette fois-ci, Elaine tient à partager sa nouvelle découverte : la phénoménologie...
Elle a appris à se douter que ce sera pour son père, l'occasion de faire écho à d'anciennes rencontres. C'est particulièrement le cas ici ; et elle constate que Lancelot l’entraîne dans un périple en Allemagne au début des années trente.
( Cela se passait ici ( suivre le lien) → 1931 - L'Allemagne - 3 – Heidelberg – Edith Stein - Les légendes du Graal (over-blog.net) )
Je rappelle qu'alors, Lancelot partageait sa vie avec une femme au nom de : Elaine de L. ; elle avait été malheureuse par une union désastreuse, et s’accrochait à la religion comme à une bouée au point de penser à la vie religieuse. Après une rencontre ''coup de foudre '', lors d'une soirée mondaine ; elle va entraîner Lancelot, à Meudon, chez les Maritain. Ils ne se quitteront plus, dans les limites de son mariage au début ; et … ensuite, jusqu'à sa mort en ...
En 1929, Paul Desjardins, rencontré à Davos, avait invité Lancelot et Elaine, aux fameuses décades d’été de Pontigny, qu'il animait. C'est en ce lieu, centre de rencontres intellectuelles, qu'ils ont entendu parler du philosophe Husserl et de la phénoménologie présentés par Bernard Groethuysen, allemand ( nationalisé français en 1938), qui parlait également admirablement de Goethe et d'Hölderlin...
Bernard Groethuysen, avec un ouvrage paru en 1926, sur la philosophie allemande, a introduit en France la phénoménologie. Il a fait connaître Husserl (1859-1938) et se prêtait volontiers au questionnement des non-spécialistes...
Dans la phénoménologie, on reconnaît que la connaissance ne repose pas seulement sur de la logique, ou du sensible; mais dans l'activité de la conscience... Husserl, nous disait-il, propose l'expérience de voir, comme s'il s'agissait d'une oeuvre d'art: le phénoménologue pratique ainsi l’épochè. Réapprendre à voir, c'est marquer un arrêt, mettre entre parenthèse le superflu...
La Phénoménologie, observe ce que la réalité laisse paraître... Nous y reviendrons.
Lors de leur voyage en Allemagne, Elaine et Lancelot avaient prévu un rendez-vous avec Édith Stein, comme ils l'avait promis à Jacques Maritain et à P. Desjardins, qui voulaient l'inviter... Ils étaient curieux de rencontrer cette femme de 40 ans, connue par sa carrière de conférencière, faute de n'avoir pu, comme femme, prétendre à un poste universitaire. Elle avait étudié la phénoménologie à Göttingen, et suivi Husserl. Elle avait soutenu son doctorat et devint son assistante, jusqu'en 1918. Sa demande d'habilitation à Göttingen fut refusée, bien que soutenue par '' le maître'', mais parce que ''femme''... A Breslau, elle donnait des cours chez elle, et enseignait au lycée...
Egalement, Lancelot raconte comment en 1952, à Ascona ( Italie) il côtoya pendant quelques jours C. G. Jung, sa femme Emma, et Henry Corbin dont il se mit à l'écoute avec chaque jour toujours plus de curiosité. ( à relire ici : 1952 – Ascona – Eranos – 2 - Les légendes du Graal (over-blog.net) )
Après être partis de la pensée allemande, avec K. Barth, puis Heidegger, Corbin expliqua sa découverte de l'Iran... Et en vint à la Phénoménologie, qui prend en compte tout acte de la conscience, tous : ainsi l'imagination, ou l'amour , bref : tout sentiment participe à la connaissance de l'objet. La connaissance du réel n'est pas seulement affaire de logique, mais l'affaire de l'acte de conscience.
C'est ainsi, je pense – reprend Lancelot – pourquoi les philosophes chrétiens s'intéressent à la phénoménologie. Cette méthode s’applique à décrire la manière dont l'Objet de notre recherche se donne à nous, se manifeste à nous, avant même que nous nous mettions à le considérer comme un objet dans une optique de connaissance.
Lancelot se souvient combien, lui et Elaine, avaient eu du mal à comprendre les tentatives d'Edith Stein à leur expliquer comment elle confrontait Husserl à Thomas d'Aquin, et comment finalement son explication s'était clôt par de grands éclats de rire...
Ensuite, Lancelot apprit à travers sa biographie – proposée par Elisabeth de Miribel et parue en 1954 - qu'en 1933, Edith Stein rejoindra le couvent Carmel de Cologne. Elle et sa soeur – qui l'avait rejoint - quittèrent l’Allemagne en 1938 pour résider au carmel d’Echt, en Hollande.
Sous le nom de Thérèse Bénédicte de la Croix, Edith Stein était devenue ''invisible'' pour le monde... sauf pour les nazis, qui vinrent arrêter Edith et sa soeur le 2 août 1942.
Edith Stein avait écrit au pape Pie XI au printemps 1933 pour l’informer de la situation des Juifs en Allemagne : « Comme fille du peuple juif, qui suis depuis onze ans, par la grâce de Dieu, fille de l’Église catholique » (...) « j’ose exprimer devant le Père de la chrétienté ce qui accable des millions d’Allemands. Des années durant, les chefs du national-socialisme ont prêché la haine des Juifs » et maintenant, « cette semence de haine a levé ».
« Cette idolâtrie de la race et du pouvoir étatique, martelée chaque jour aux masses par la radio, n’est-elle pas une hérésie ouverte ? », demandait-elle. « Ce combat en vue d’éliminer le sang juif n’est-il pas un blasphème contre la très sainte humanité de notre Rédempteur, de la bienheureuse Vierge et des Apôtres ? » Edith Stein précisait que « nous, les enfants fidèles de l’Église, […] craignons le pire pour l’image de l’Église, si jamais son silence durait encore ». Elle prévoyait de plus que le silence « ne sera pas en mesure d’acheter à long terme la paix face à l’actuel gouvernement ». Et si « la lutte contre le catholicisme est provisoirement encore menée avec discrétion », « elle n’est pas moins systématique ».
Edith Stein fut arrêtée avec sa sœur Rosa le 2 août 1942 au Carmel d’Echt et déportée avec six cent quarante Juifs néerlandais baptisés. Ils furent assassinés en 1942 au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.
Lancelot fut particulièrement touché par la démarche de cette religieuse qui n'est pas entrée au Carmel pour philosopher mais pour vivre avec bonheur la vie quotidienne simple et exigeante d’une petite communauté de moniales vouées à la prière silencieuse, et qui se donne l'objectif, dans cette période de haine, de - selon ses mots - « se tenir devant Dieu pour tous. »
Cependant, Edith Stein reste fidèle à sa recherche qui l’habite au profond de son être. Elle est une chercheuse de vérité, une quêteuse de Graal, devenue, phénoménologue.
De Duras : "Le ravissement de Lol V.Stein"
Après l'installation dans la région d'un émetteur en haute définition 819 lignes, Lancelot achète une télévision (noir et blanc) et peu après bénéficie de la diffusion d'une deuxième chaîne ( RTF Télévision 2 ) diffusée en 625 lignes UHF . La télévision diffuse entre 12 et 14 heures par jour.
Le 9 juillet 1966, a lieu la première diffusion de l'émission Au théâtre ce soir sur TF1, avec à la fin : « Les décors sont de Roger Harth... »
Cette question agite beaucoup de discussions : faut-il s'inquiéter que la télévision puisse tuer la lecture ? Sans-doute pas... N'oublions pas qu'en 1960, en France, très peu de français sont disposés à lire, les statistiques relèvent que seulement 22% seraient des passionnés de lecture.
Finalement, la télévision, participera avec une l'émission du mercredi-soir ''Lectures pour tous '' à gagner l'estime des lettrés et constater l'augmentation de lecteurs... !
Lancelot est très curieux de retrouver quelques visages connus, dans la lucarne disposée sur un meuble du séjour.
Ainsi celui de Marguerite Duras, interrogée par Pierre Dumayet . C'est à propos d'un livre dont la lecture l'a à la fois, agacé et fasciné. Le visage en gros plan, marqué, gonflé, peut-être, d'avoir souffert... Elle chuchote, elle parait si calme. La voix, la diction de Marguerite est singulière, et ses mots, ceux d'un livre qu'elle pourrait écrire.
Elle se confie à la France entière : c'est la première fois, dit-elle, qu'elle écrivait sans alcool, elle avait peur d'écrire n'importe quoi. Elle avait rencontré son personnage, Lol V. Stein, dans un asile psychiatrique, lors d'un bal de Noël, belle, intacte. Pourquoi ce nom : ''Lol'' ? A cause de Loleh Bellon, l'actrice...
Duras à présent s'est retirée à Neauphles ( Seine-et-Oise), avec son fils Jean Mascolo. Ses amis la rejoignent en fin de semaine, dont Edgar Morin, que Lancelot revoie assez régulièrement.
Mais surtout, et, Lancelot applaudit à ce coup de coeur : elle vient d'acheter un autre lieu mythique, l'appartement 105 dans l'ancien palace des "Roches Noires", où Proust - soixante-dix ans plus tôt - y avait sa chambre ( appart 110), face à la grande plage de Trouville.
L’hôtel des Roches noires, paquebot de pierres et de briques : trois cents chambres à l’extrémité est de la plage. Les couchers de soleil, les lectures et les promenades sur le sable ou dans la campagne avec une bande d’amis (dont de futurs écrivains) qui attirent davantage Proust, que les baignades en mer.
C'est là que Marguerite Duras achève au cours de l'été 1963, face à la mer "Le ravissement de Lol V.Stein".
Elle nous raconte l'histoire : « Lol a rencontré Michael Richardson à dix-neuf ans pendant des vacances scolaires, un matin au tennis. Il avait vingt-cinq ans. Il était le fils unique de grands propriétaires terriens des environs de T. Beach. (…) c'est en Angleterre. ] « Il ne faisait rien. Les parents consentirent au mariage. Lol devait être fiancée depuis six mois, le mariage devait avoir lieu à l'automne (…) elle était en vacances à T. Beach lorsque le grand bal de la saison eut lieu au Casino municipal. ( …) Au cours de ce bal, le fiancé de Lol est tombé amoureux d'une femme. De la dernière venue du bal. ( …) c'était minuit, une heure du matin, le bal était à son plein. Et elles sont arrivées les dernières. Et ça a été immédiat entre Michaël Richardson et cette femme. (…) Anne-Marie Stretter. »
« Et Lol a assisté à cet amour... naissant. Elle a vu complètement la chose. Elle a assisté à la chose aussi complètement qu'il est possible. Jusqu'à se perdre de vue elle-même. Elle a oublié que c'était elle qu'on n'aimait plus. Elle était en faveur et avec... cet amour naissant. C'est ça le bal. »
Ceci est le début, et le point central du livre.
« C'est le roman de l'impersonnalité, c'est un état que beaucoup de gens frôlent. »
« C'est l'abolition du sentiment, c'est ce qui m’intéresse. (…) Ce livre... c'est l’obscurité limite, je ne peux pas aller plus loin... »
A notre tour, le lecteur est ''ravi'' par ce livre, par l'écriture, la poésie et par Lol, par son mystère, de ''non-sens''. Cependant, la lecture est souffrante, Lancelot ressent l'échec et peut-être aussi, l'échec de la lecture. Il est nécessaire de le relire.
1966-67 – L'individu, la société et la littérature
Nous nous souvenons de l'hiver 66, à Paris et la Normandie, avec d'abondantes chutes de neige
Nous avons appris que Mr M.I. Marrou s'insurge contre la disparition du latin, et du chant grégorien, dans nos liturgies. Il rejoint l'association '' Una Voce '' avec Ariès, Madaule, Fumet ...etc ; le Symbole de Nicée, dit-il, perdra beaucoup à la traduction... Par exemple : « incarnatus est de spiritu sancto ex Maria virgine. » ?
Né en 1900, Lancelot se dit qu'il a vécu, à la frontière de plusieurs mondes. Celui d'avant-hier appartenait encore à l'Ancien Régime, celui d'hier annonçait l'actuel par les révolutions du XIXème ; celui d’aujourd’hui, lui semble les prémisses du suivant déjà là....
La disparition de notre société traditionnelle, est sans-doute l'un des grands événements de notre histoire.
L'historien Philippe Ariès (1914-1984) note que « c'est sous la poussée de la conscience individuelle que les structures traditionnelles ont sauté ! »
D'ailleurs, n'est-ce pas dans cette direction que la spiritualité de Teilhard de Chardin situe l'avenir de l'humanité ? ….
« Je crois que l’Esprit, [dans l’Homme], s’achève en du Personnel » ( Pierre Teilhard de Chardin, Comment je crois, )
« En vérité, à un tel pic d’Hominisation (ou, comme j’ai pris l’habitude de dire, à un tel Point Oméga), plus moyen de douter que le jeu normalement prolongé des forces planétaires de complexité-conscience ne nous appelle et nous destine » (Pierre Teilhard de Chardin, L’Apparition de l’Homme, 1956 ).
Autrefois... La famille, la seigneurie, la compagnie ou la communauté de métiers comptaient plus que chaque personne; l'Ancien Régime ne réunissait pas des individus, mais des communautés, nous dit Ariès.
Ensuite... L'individu pris de la valeur : - '' L'individu est bon, la société le corrompt '', est un héritage du XVIIIe siècle. D'autant que, l'exode rural, l'embourgeoisement, ont dégradé les relations sociales ; la vie mondaine s'est présentée sans chaleur et sans vie.
Philippe Ariès, cet homme de droite, finalement séduit Lancelot, en particulier quand il donne – par exemple - son opinion sur les prêtres ouvriers, il estime que cette « histoire dramatique » a « un caractère profond » (…) « on ne peut pas ne pas être frappé de la grandeur du conflit et de ses acteurs... » tout en déplorant « les contaminations marxistes... ».
Mais, lui-même se voit en anticlérical de droite, à l'image de ceux qu'il décrit ainsi : « La plupart restent soumis aux pratiques de la dévotion et du culte et entretiennent une grande piété personnelle, mais ils ne peuvent plus voir une soutane (…) ils nomadisent de paroisse en chapelle, de chapelle en couvent, tantôt chassés par un office trop agressif, tantôt attirés par un prédicateur bien pensant. » ( Ariès dans Nation Française, Oct 1962)
Elaine est de l'âge des héros de deux romans, parus tout récemment, dont elle parle avec plaisir :
* Le Procès-Verbal de Le Clézio (1940-, ) : Adam Pollo vit à la périphérie de l'absurde, sauf quand il ne fait plus qu'un avec ses sensations, et la nature. À la fin, l’étudiant est interné...
- Lancelot compare le personnage avec Antoine de ''La Nausée'' de Sartre.
- Elaine conteste : elle y voit une recherche de l'Absolu, ce qui laissait indifférent Antoine...
- Mais quel type d'absolu ? Adam attend le « messie-géomètre arpenteur », il évoque les vertus de la « géométrie plane »... C'est un structuraliste !
- Ou, un existentialiste, répond Elaine : il se révolte et atteint une sorte de liberté jubilatoire...
* et Les Choses de Georges Perec (1936-1982) où les personnages - un couple qui craint de perdre sa liberté - s'ils lisent beaucoup, préfèrent désirer ce qu'ils critiquent, le confort ménager plutôt que de chercher comment transformer le monde. Leur engagement se réduit à lire ''le Monde''...
On parle même de ''culture de poche,'' avec le livre qui se plie à la demande de consommation...
Lancelot, même s'il partage peu de choses avec l'écrivain communiste Aragon (1897-1982), goûte son dernier roman : Blanche ou l’oubli . C'est un roman ''jeune'' ( un ''nouveau roman '' ?) écrit par un vieux ( un roman ''surréaliste'' ?)... Le passé ( Elsa Triolet décédée depuis 12 ans) et le présent s'y entremêlent, également des œuvres de Flaubert, Stendhal...
Le narrateur est bien d'aujourd'hui : Gaffier, traducteur, linguiste, lecteur de Benveniste et de Foucault, et Marie-Noire, jeune fille qu’il imagine,et reconstitue comme étant Blanche, son ex-femme qui l’a quitté depuis dix-huit ans : un roman dans le roman.
Il serait intéressant de rapprocher ''l'oubli'' d'Aragon, qui s'oppose au ''souvenir'' de Proust...
Marcel Proust est à l'honneur depuis 1963, date du cinquantième anniversaire de la parution de « Du côté de chez Swann »
RTF Promotion est devenu France Culture en décembre1963, et propose plusieurs émissions sur Marcel Proust, avec Roland Barthes, Nathalie Sarraute, Duras, Sollers...
Voici quelques notes à partit de l’émission du 09/12/1963, particulièrement intéressante, qui avait eut lieu avec Roland Barthes.
En réponse à la question "comment décider d'écrire", il y voit une aventure découpée en trois actes :
1er acte : un temps perdu par l'écrivain, fasciné par la littérature, mais qui n'y arrive pas...Ce que l'on retrouve dans le narrateur fasciné par la mondanité, qui s'épuise dans des poursuites amoureuses ( Gilberte, princesse de Guermantes ) sans résultats...
2è acte : 1ère révélation : le narrateur croyait posséder des dons littéraires, or à la lecture d'un pseudo passage du Journal des Goncourt qui relate des événements auquel il a participé : il constate que lui, ne sait pas observer... Il renonce à écrire et s'adonne à la frivolité : acceptation du temps perdu
3è acte , celui de la félicité : le narrateur est invité chez les Guermantes : il reçoit alors 3 signes, 3 chocs-souvenirs : les pavés, le bruit d'une cuiller sur un verre, le verre d’orangeade... Trois chocs-souvenirs : prise de conscience du bonheur total dans cette sorte de collusion du passé et du présent, félicité du temps retrouvé : victoire sur la mort ( sens de la vie qui rend la mort acceptable ) Décision : il va renoncer à la frivolité, il va se confier à une vie ascétique, s'enfermer et écrire et entretenir en lui cette félicité...
Dans l'acte d'écrire, le temps est retrouvé. Il sait que la soirée Guermantes sera la dernière soirée mondaine... (un peu comme, avant d'entrer dans les ordres ).
Proust nous donne une leçon avec ces 3 épisodes autour de l'acte d'écrire. - Ecrire c'est poser une alternative radicale : abandonner toute frivolité pour écrire. - Ecrire c'est : être heureux... - Toute écriture est une anamnèse, c'est dégager un essentiel, c'est un retour vers le moi profond.
C'est une très belle lecture de Roland Barthes, que cette leçon que nous donne Proust ; et qui permet de faire un sort à cette mondanité reprochée comme un poncif à Proust.
Il s'agit simplement de l'existence dans le monde, dans un premier temps ; puis d'un retrait du monde, pour tenter d'atteindre un but ( un Graal) , à travers l'acte d'écrire, par exemple.
En septembre 1966, sur France Culture, la voix et les anecdotes livrées par la princesse Marthe Bibesco (1886-1973), amie de Proust, au micro de Claudine Chonez. ; rappelle à Lancelot, les épisodes d'une vie mondaine qu'a connue sa mère, Anne-Laure de Sallembier, à cette même époque :
Par exemple, ici : - En quoi la vie mondaine, contribue t-elle à la Quête … ? - La place qu'y tient l'Art : → Anne-Laure de Sallembier – La Quête et la vie mondaine - Les légendes du Graal (over-blog.net)
ou Proust et le Graal - Les légendes du Graal (over-blog.net)
N'est-ce pas le moment de se replonger dans cette Collection la Pléiade, où sont parus en 1954, 3 volumes d'À la recherche du temps perdu , préfacée par André Maurois, et les notes critiques de MM. Pierre Clarac et André Ferré... ?
Un volume de La Pléiade, n'est pas n'importe quel objet. J’ouvre ce livre, et ce n’est pas n’importe quel livre… Il tient - ouvert - dans la main, je feuillette délicatement les pages de papier bible. Elles sont délicates, elles glissent. Elles se caressent... A l'abri de regards, je plonge mon visage dans sa chair.
1966 – Le Structuralisme
Nous sommes en 1966, et vingt ans, déjà, se sont écoulés depuis la défaite allemande. Lancelot se souvient d'une époque où l'antifascisme couplé souvent à la Résistance, menait les intellectuels à valoriser l'engagement. Chacun affirmait sa manière d'être existentialiste.
Le communisme ne put que fléchir, après la désastreuse tentative de révolution à Budapest (1956). La France retrouvait la prospérité ; le général de Gaulle s'imposa (1958) et mit fin aux guerres coloniales (1962). Depuis, s'installe la société de consommation, qui semble bien nous démobiliser...
Quel engagement , peut-il être proposé aux jeunes générations, se demande Lancelot ?
- Pour la plupart d'entre nous, nous ne pouvons qu'être amateur d’une science qui se fait dans des laboratoires, remarque Lancelot. Tout progresse très vite...
Elaine reconnaît que nous sommes incités à nous spécialiser, et peut-être à nous isoler
- Cependant je remarque, ajoute Elaine, que de nouvelles sciences - elles se revendiquent sciences humaines - s'interpellent les unes les autres, je pense à la linguistique, la sociologie, l'ethnologie, la psychanalyse...
- Qu'est-ce que cela change ?
- Par exemple : ce que tu voyais comme une '' vision historique '', celle qui te permettait de croire à la mythologie révolutionnaire; et bien, ce n'était peut-être que le résultat d'intérêts, de pulsions, de fonctions que nous pourrions aujourd'hui mettre à jour...
- Je crains qu'il ne s'agisse alors que de désacraliser l'action de l'Homme... Et dans quel but ?
Que vont devenir nos ''valeurs'' ? Faudra t-il les relativiser aussi … ?
Lancelot apprend que cette vague qui risque d'emporter sa vision …. se nomme le ''Structuralisme ''
Ce nouveau savoir se veut cohérent, scientifique, indépendant du sujet...
Elaine lui rapporte qu'en cette année 1966-67, le livre phare serait ''Les mots et les choses '' de Michel Foucault.
Ce que Lancelot va retenir de la lecture de cet essai ''difficile'', est la notion d'épistémé, mise en avant par Foucault. Quand l'épistémologie étudie les sciences, elle établit une généalogie du savoir, donc le long de l'histoire. L'épistémé est cet ensemble de connaissances, à une époque donnée, défini en analysant la vision du monde, le système de pensée. Cela sous-tend une une contrainte structurelle du savoir.
Une amie de Lancelot ( Clémentine), philosophe, lui assure que c'est la publication de '' La Pensée Sauvage ''de Lévi-Strauss, en 1962, qui a donné « le coup de grâce » à l'existentialisme, à « l'humanisme mou » : « la raison passait du côté de la pensée sauvage », « il s'agit de remettre l'homme à sa place, non plus au centre de l'univers, mais comme maillon dans l'ensemble des conditions de la vie. Il s'agit de la déposséder de l'immense orgueil de la conscience. »
Lancelot note que, tout comme nous construisons de bien hauts HLM, peut-être nécessaires, nos penseurs, ethnologues, psychanalystes, historiens, imaginent des cathédrales de structures tout en rejetant la conscience, la liberté, l'idéalisme ...
Ce qui étonne Lancelot, c'est la critique que fait Clémentine de l'humanisme. Je reprends ici, quelques-uns de ses arguments :
- La Raison, s'oppose à l'argument religieux de l'humanisme
- L'humanisme est centré sur l'Homme, contre les autres formes de vivant.
- La justice n'est pas affaire d'humanisme, mais de règles sociales. ( pas de charité, mais de la politique)
- La maladie, la souffrance, la mort, ne sont pas des chemins, mais des combats.
Au XXe siècle, l'humanisme est critiqué pour son anthropocentrisme, son optimisme ( surtout religieux).
A l'opposé, le Structuralisme rejette l'idée d'un individu autonome ; et se donne l'objectif de révéler les structures sous-jacentes qui organisent la pensée, le langage, la société...
Lancelot conclut en s'adressant à Elaine : - Si tu valorises l'Histoire, l'évolution personnelle... Le structuralisme, lui, rejette cette dimension historique : les relations entre les éléments priment sur leur évolution dans le temps...
1965 – 1966 - Le monde change...
Elaine a obtenu en 1965, à la Sorbonne, son diplôme d’études supérieures en Histoire, et en 1966, elle prépare une agrégation ( agrégation féminine d'histoire et géographie )
Dès la fin de sa propédeutique, elle affirme son désir de devenir médiéviste... Agrégée, elle a l'immense privilège d'être invitée par Jean Frappier (1900-1974) qui l'a entendue lors d'un exposé, à faire quelques cours, en attendant un poste qu'il souhaiterait proposer à une femme. N'oublions pas que le milieu est encore très misogyne, au point que l'excellent médiéviste qu'est Edouard Perroy (1901-1974), note que mademoiselle Elaine de Sallembier pouvait bien faire une excellente assistante.
Dans les années 60, les étudiants représentent de 4 à 6% des jeunes en formation. L'époque est à la contestation du système universitaire qui brimerait les aspirations des individus, et dont la vocation ne serait que la reproduction de l’ordre social. Dès janvier et mai 1966, en Italie ( Trente) et en Belgique (Louvain) les étudiants se mobilisent. Suivront en 1967, les étudiants de Berlin-Ouest.
A Paris, les militants d'Occident ( extrême droite) s'attaquent aux meetings de gauche. Les étudiantes et étudiants s'en prennent aux loges des résidences universitaires des filles d'où les concierges sont chargés du contrôle et interdisent les visites de garçons.
L'agitation politique concerne de nombreux pays européens.
Les années 1965 et 1966 sont marquées par des crises, à Saint-Domingue et au Vietnam où interviennent les Etats-Unis, le Marché commun est marqué par la Crise dite"de la chaise vide" de la France qui pendant sept mois refusera de siéger dans les instances communautaires : « On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! L'Europe ! » de Gaulle le14 dèc 1965…
Ben Bella ( premier président d'Algérie, proche de Nasser) le 19 juin 1965 est renversé et remplacé par le ministre de la Défense, Houari Boumediene...
1966, voit de nombreux coups d'état en Afrique et les Gardes Rouges brandissent le Petit Livre Rouge de Mao Zedong, ils s'en prennent aux symboles du passé et rejettent l'influence occidentale. La Chine plonge dans la Révolution Culturelle : Mao Zedong, prend le contrôle de l'État et du Parti communiste.
1966 : de Gaulle refusant que la France soit soumise à la politique nucléaire américaine, la retire de l'OTAN.
1965 Avec les disparitions de Churchill, de Weygand , et 1966 celles de l'écrivain Georges Duhamel, de Paul Raynaud, et d'André Breton, Lancelot se dit qu'un monde disparaît.
Dès le 13 juillet 1965, les femmes sont un peu plus libres. Elles peuvent désormais signer un carnet de chèque, ouvrir un compte en banque et travailler sans l’autorisation de leur époux.
En 1966, la France est jeune, la jupe des filles est mini, la chemises des garçons est à fleur ; et Mireille Mathieu, Antoine et Jacques Dutronc ( Et Moi Et Moi Et Moi ..) débutent. John Lennon, des Beatles, déclare dans une interview au journal Evening Standard : « Nous sommes plus populaires que Jésus ».
Un homme et une femme reçoit la Palme d'or à Cannes, et La Grande Vadrouille – avec le le duo Bourvil-De Funès- est un grand succès populaire ; mais La Religieuse de Rivette est interdite, alors que le Vatican retire l'index des livres interdits aux croyants.
Lancelot s'intéresse à la conquête spatiale. C'est l'URSS qui y tient la place essentielle : Premier satellite artificiel en 57 avec Spoutnik 1, le premier humain à contempler, du ciel, la rondeur de la terre avec Youri Gagarine, le 12 avril 1961, et le 18 mars 1965, Alekseï Leonov est le premier à flotter dans l'espace relié à la capsule spatiale Voskhod 2 par un cordon.
En février 1966, une sonde soviétique Luna 9 se pose sur la Lune et transmet les premières images du sol lunaire. Quatre mois plus tard, le 2 juin, la sonde américaine Surveyor I se pose sur la lune.
En France, la fusée Diamant lance le satellite Diapason (ou D1 A), après la réussite du lancement du satellite Astérix en novembre 1965.
En juillet 1966 , débutent les essais nucléaires français sur les atolls de Mururoa et Fangataufa.
Le 26 novembre 1966, le général De Gaulle, inaugure la première usine marémotrice française. Située entre Dinard et Saint-Malo, l'usine de Rance est la seule au monde à pouvoir produire de l'énergie électrique grâce à la force des marées
En décembre, le premier tir de la fusée française Cora, est un échec.
''Croire'', au Moyen-âge
Elaine s'interroge sur la rencontre entre la philosophie grecque, et la religion chrétienne.
Lancelot propose de voir ce qui s'est passé avec Augustin (354-430), né en Algérie actuelle, il a reçu une formation de lettré romain à Carthage et se passionne pour la philosophie, avant de se convertir en 386. Le néoplatonisme l'a fortement influencé dans sa conception de Dieu.
Augustin, partage avec Platon ce que celui-ci écrit au sujet du bonheur du philosophe qui a découvert « l'amour de la science et à la vraie sagesse et que, parmi ses facultés, il a surtout exercé celles de penser à des choses immortelles et divines... ».
Pour le chrétien Augustin, il n'y a plus qu'une seule vraie philosophie : la philosophie chrétienne. Enrichie par cette première étape qui va des présocratiques jusqu'à Platon ( Aristote, a alors été ''oublié'..), le christianisme est le « "système le plus remarquable. » : idéal de sagesse qui se réalise dans le Christ.
Nous nous interrogions sur ce à quoi on croyait dans l'Antiquité ; et nous pouvons avoir la même question pour le Moyen-âge.
Une formule est traditionnelle : « Credere Deo, credere Deum, credere in Deum. » soit '' Croire à ce que dit Dieu, Croire qu'il est Dieu, croire en Dieu '' ; sachant que: selon la théologie scolastique : « fides quaerens intellectum » c'est à dire que la foi ( première) est en quête d'intelligence.
Dans la liturgie, le Symbole de la Foi, est le ''Credo'' ; en compagnie du ''Pater'' et représentent la connaissance minimale du fidèle. Nous avons un Père ( Dieu), une Mère ( l'Eglise) et une Foi ( par le baptême).
Pour les laïcs, la liturgie ( dogmatique, rituelle, sensible ) reste le vecteur principal de la transmission de la foi.
Hors les monastères, et à partir du XIe siècle, naissent les Universités d'où émerge ce que l'on va nommer la scolastique ( de schola = Ecole ), une réflexion sur la relation entre la foi et la raison.
La pensée d'Aristote va profondément influencer la scolastique, mise au point par Saint Anselme (1033-1109), Abélard (1079-1142), et inspirer Albert le Grand et Thomas d'Aquin.
A l'Université, l'enseignement s'ouvre aux textes de philosophie, c'est à dire grecs et arabes. Thomas d'Aquin conciliant, adapte la théologie au modèle aristotélicien, un modèle que l'on estimerait aujourd'hui scientifique.
M.-D. Chenu (1895-1990), avec son livre sur la théologie au XIIe siècle, où écrit que l'on passe d'une « théologie monastique » ( celle de St Bernard...) à une « théologie scolastique » et que ce passage coïncide avec l’essor de l’Ordre dominicain et de l’Ordre franciscain. Il ne s'agit plus de seulement commenter les textes sacrés, mais de développer une '' intelligence de la foi '' ( recherche des ''causes'' et des ''raisons''..)
Je note également, d'Henri de Lubac, les quatre volumes parus de 1959 à 1964, sur '' l'Exégèse médiévale, Les quatre sens de l’Écriture '' : la théologie et la spiritualité chrétiennes ont été façonnées par la conviction selon laquelle l’Écriture n’a pas seulement un sens littéral mais aussi un sens spirituel ; cette conviction, héritée du Nouveau Testament lui-même et des Pères de l’Église (en particulier d’Origène), a sans cesse commandé la pratique de l’exégèse médiévale.
Avec son ouvrage '' Corpus mysticum '' H. de Lubac nous fait remonter au XIe siècle, alors que l'on s'interroge sur l'articulation entre « sacrement » et « réalité ». Si ''sacrement '' s'affaiblit, ''mystique '' s'affaiblit tout autant ; et le ''symbole '' se dévalorise. Pour de Lubac, le « spirituel » est plus réel que le « matériel ».
Cela fait penser à cette phrase du père Teilhard de Chardin : qui voit « le Christ plus réel que toute autre réalité du Monde. »
« Le symbolisme (...) donne maints signes de décadence. Ses racines sont lentement rongées par l’analyse (...) Il devient de plus en plus, au sens moderne du mot, un allégorisme.. » ( H de Lubac)
Ou, comme le théologien Walter Kasper le formule bien, je trouve : En premier ''Symbole'' signifie une chose qui en un certain sens '' est '' ce qu'elle signifie, ou encore : '' une réalité qui participe à ce qu’il signifie. ''.
Aujourd'hui, on comprend désormais dans un symbole ( et donc dans un sacrement) une chose qui n'est pas réellement ce qu'elle signifie...
Le symbole se présente comme le moyen par lequel une vérité spirituelle est rendue accessible et compréhensible pur un être humain. Pour un catholique, l'exemple concret d'un symbole religieux est l'Eucharistie : il est une véritable participation au mystère du Christ...
De Platon, et Aristote pour aborder le Moyen-âge
Lancelot avait profité, pendant l'année de propédeutique d'Elaine, de revoir avec elle, les bases de la réflexion en philosophie sous les hospices de Platon et d'Aristote. L'essentiel pour aborder le ''Moyen-âge'' !
De la Grèce nous connaissons la mythologie ; Platon, philosophe, oui... Mais que pensait-il des dieux, 4 siècles avant J.C, se demandait Elaine ?
- Lancelot répond, qu'il lui semble que Platon considérait les dieux comme des allégories écrites par les poètes … Il écrit aussi dans Phèdre, 246 c-d : « nous forgeons, sans voir et sans connaître la divinité, une idée de celle-ci; c’est un être vivant immortel, pourvu d’une âme et d’un corps, naturellement unis pour toujours »
Admettons que si aujourd'hui la question du Divin reste importante ; elle l'a toujours été et le restera sans-doute toujours ! A l'origine, il y a la question sur ce qui est ''Bien'' et ce qui est ''Mal'' et la confrontation avec la Mort.
- Cherchons les emplois du mot ''théios'', chez Platon ?
- Le contexte de son emploi est religieux, mais il signifie aussi l'excellence, la perfection, ainsi que ce qui inspire le poète... On dirait aujourd'hui c'est le spirituel ( ainsi dans le Phédon), et même l'immortel ( dans le Banquet). On retient en général que le concept de '' Theios '' est appliqué aux Idées.
- Finalement, pour Platon, la question du Divin est d'ordre intellectuel, avant d'être religieux.
- Je lis dans La République, livre VI, 500 : « C’est ainsi que le philosophe qui vit en présence de ce qui est divin et harmonieux devient lui-même divin et harmonieux, autant qu’il est possible à un être humain de l’être. » ( )
- Pour en revenir à ta question sur la croyance aux dieux... Sa quête n'est pas : ce qui est réel, mais ce qui est Vrai ; plus exactement est réel ce qui est vrai.
Rappelle toi l'allégorie de la Caverne ( La République, livre VII, 514..): le monde sensible n'est pas le réel.
- Et chez Aristote ?
- C'est sensiblement la même chose... Pour Aristote ( disciple de Platon), le divin ( theios) est beaucoup plus large que le substantif theos : Dieu. Qualifier les astres de divins, ne signifie pas qu'Aristote considéraient les astres comme des dieux... Dans Métaphysiques, L, 7, 1072 b 29, il écrit : « Nous disons, d’ailleurs, que le dieu est un vivant éternel parfait »
- Un autre mot existe chez les grecs, c'est mûthos, Aristote l'emploie pour désigner un récit sacré, c'est-à-dire, qui met en scène des dieux, des héros... Mais un récit '' invérifiable '' ! Aristote s'en sert pour attirer l'attention, et en dégager des vérités. Un amateur de mythes est un amateur de sagesse, dit-il ; et il ne craint pas de se moquer de récits qui font consommer aux dieux du nectar et de l'ambroisie : je lis dans ( Métaph, II, 4, 1000a 8-18, ) : « Si c'est en vue de plaisir, en effet, que les immortels touchent à ces breuvages, le nectar et l'ambroisie ne sont en rien causes de leur existence; et si c'est en vue de maintenir leur être, comment seraient-ils éternels, tout en ayant besoin de nourriture ? »
Aristote le philosophe de la ''nature'' se représente le cosmos comme une intelligence ( = nature) à l’œuvre en toute chose. Tout tient admirablement à tout. Le Dieu d'Aristote ( noêsis noêseôs = la pensée de la pensée) est totalement transcendant, hors du monde. Cependant, la perfection divine s'exprime dans l'ordre du monde...
Platon, lui, voit le monde ( la totalité du monde) , comme « l'image de quelque chose » ( eikona tinos ).
En effet, pour lui, nos sens ne nous donnent pas accès au réel, mais à une ''image'' de celui-ci : le monde sensible. Nous voyons ce qui est beau, mais ce n'est pas le Beau.
Le lieu des idées ( des Formes) est au-delà de notre monde.
Dans '' Le Timée '' ( à lire !) Platon tente de trouver un discours adapté au ''Kosmos'' . Notre discours ne pourra n'être que semblable, et non pas identique, au Monde. Pour dire le Monde , il faut être philosophe ! Parce que le philosophe – s'il est en harmonie totale avec l'ordre du lieu des Formes – le saisit par la pensée. « pour l’âme, apprendre, c’est se remémorer les choses dont elle avait auparavant la connaissance » ! En effet, l'âme est immortelle... ( on en reparlera..)
Au Moyen-âge, ce que l'on connaît, c'est le néoplatonisme, c'est à dire une philosophie qui s'est construite après Platon confrontée aux trois religions, judaïsme, christianisme et islam. Certaines orientations furent tracées par Plotin, Origène ( IIIe s.), St Augustin, Boèce, Denis l’Aréopagite...
Pour ce qui est d'Aristote, retenons que c'est d'abord l'homme de l'empirisme, de la philosophie de la nature... et quelque fois aussi de la politique.
Oublié, Aristote est redécouvert en Occident en se frottant à la doctrine de St-Augustin, et du néoplatonisme.
En effet, Thomas d'Aquin ( 1225-1274) rompt avec la tradition, et réfléchit au -travers de ce que les ''païens'' ( les arabes) nous apportent, la philosophie d'Aristote. Il en fait même, ''la servante d'une théologie chrétienne'' !