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Les légendes du Graal

Août 1961 – le Mur de Berlin

28 Avril 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1961, #Berlin, #Mur de Berlin, #1963

Olga Ivinskaïa, est la compagne, et la muse de Boris Pasternak – mort en 1960, en disgrâce du pouvoir – sa fille Irina Emelianova a rencontré et s'est fiancée avec un étudiant français, Georges Nivat. En août 1960, l’OVIR (Service de l’enregistrement et des visas) l'informe qu’il doit quitter le territoire soviétique sous quatre jours. Olga et Irina, sont ensuite accusées de trafic de devises, en particulier d'avoir touché des droits d’auteur pour Le Docteur Jivago. Elles sont condamnées à 3 ans de camps.

En 1961, Le Figaro, lance une campagne de soutien, avec les signatures de Denis de Rougemont, Pierre Emmanuel, François Mauriac, Jean-Marie Domenach, Gabriel Marcel, Francis Ambrière, Jean-Louis Curtis, Georges Duhamel....

Le 4 mai 1961, l'espion George Blake, employé du Foreign Office, est condamné à quarante-deux ans de prison. Cette lourde peine signifie sa gravité...

Prisonnier en Corée, et libéré, le SIS l'envoie en poste à Berlin. C'est là, que Blake renseigne ses correspondants soviétiques sur les noms d'agents occidentaux infiltrés à l'Est, ainsi que l'existence d'un tunnel secret composé d'un système d'écoutes entre Berlin-Est et Berlin-Ouest, grâce auquel Américains et Anglais suivent les communications entre Berlin Est et Moscou.

Le danseur Rudolf Nureïev, une étoile que l'on compare à Vaslav Nijinski, Rudolf Nureïev demande l'asile en France au mois de juin 1961 à l’occasion d’une tournée du Kirov. Son passage à l’Ouest connaît un retentissement relativement important.

 

Les mauvais résultats économiques de la RDA, poussent des milliers de paysans et d'ouvriers à quitter Berlin-Est vers Berlin-Ouest. Dans la nuit du dimanche 13 août 1961, les autorités de la RDA ordonnent l'installation d'une clôture provisoire de fils de fer barbelés de 155 kilomètres de long, afin de séparer les deux parties de Berlin, ils ferment 69 points de contrôle, pour n'en laisser que 12 en fonction.

Ce mur provisoire, qui met un terme à la libre circulation des personnes et des marchandises, serait pour Khrouchtchev, un avertissement pour pousser les Occidentaux à négocier...

Les jours suivants la barrière provisoire se transforme en mur en pierre de taille. Les portes et fenêtres des façades d’immeubles sont murées

Le 27 octobre, à Checkpoint Charlie, point de contrôle américain entre Berlin-Ouest et Berlin-Est. Ce jour-là en effet, des gardes-frontières de RDA exigent de contrôler des membres des forces alliées occidentales voulant se rendre en secteur soviétique, malgré leur droit de libre circulation.

Pendant trois jours, dix chars américains et dix soviétiques se postent de part et d’autre du mur ; puis se retirent...

Des milliers de familles sont séparés, jusqu'à quand ?

Lancelot a noté une réaction d'Edgar Morin, amoureux de cette ville qui parle « de deux villes jumelles collées l'une à l'autre mais hétérozygotes, séparées par une distance politique et culturelle infinie, chacune intégrée à l'un des deux systèmes solaires ennemis en lutte pour la domination de la planète. »

Le 26 juin 1963, lors d’un voyage en Europe, le président américain John Fitzgerald Kennedy prononce un discours à Berlin-Ouest devant des centaines de milliers de personnes. Il y déclare « Ich bin ein Berliner » (“ Je suis un Berlinois ”).

 

Nous habitons Marseille. Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1963, a lieu un événement qui aura d'immenses répercussions sur ma vie, celle de l'enfant de 11ans qui ne réalise pas du tout ce qui lui arrive, puis celle de l'adolescent qui se fracasse par le rejet, et la haine ; sur le jeune qui se révolte, sur le jeune adulte qui ne sait plus bien aimer.... Cette nuit là, ma mère est morte. Je l'apprends le lendemain, alors que je suis hébergé chez des amis de mes parents.

Je rappelle, avoir signalé ma naissance, dans cet article ( 1953 – Le Maroc. Le CCIF - Les légendes du Graal (over-blog.net)

 

Le 22 novembre 1963, au cours d'une visite pré-électorale de John F. Kennedy à Dallas, le président Kennedy est assassiné.

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1961 - L'URSS : Khrouchtchev et Youri Gagarine

23 Avril 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1961, #Khrouchtchev, #Gagarine, #URSS

Ce 16 mai 1960, s'ouvre à Paris, la conférence « au sommet » Est-Ouest dont il est question depuis tant de mois. Elle réunit le général de Gaulle, M. Macmillan (  Premier ministre du Royaume-Uni ) , le président Eisenhower et M. Khrouchtchev.

Seulement ( et pour quelles raisons?), 15 jours avant ( le 1er mai) un avion-espion américain Lockheed U-2 survolait, sans autorisation, l’espace aérien soviétique. L’armée soviétique tirait sur l’appareil qui explosait peu après. Le pilote put s'éjecter et fut arrêté dès son arrivée au sol.

Khrouchtchev considère qu’il ne « peut que considérer l’attaque du 1er mai comme la préparation à la guerre »

Arrivé à Paris le 14 mai, Khrouchtchev a fait savoir qu'il subordonnait sa participation à la conférence à des excuses publiques d'Eisenhower, et au châtiment des responsables de l'opération (c'est-à-dire les services de renseignement américains) et à la promesse que de nouveaux vols de ce type n'auraient plus lieu. Le président des Etats-Unis, encouragé à la fermeté par le général de Gaulle n'ayant consenti qu'à cette dernière demande, Khrouchtchev refuse de poursuivre les négociations, il estime que « Les États-Unis ont torpillé la conférence " au sommet " parce qu'ils n'avaient rien à dire. ».

De Gaulle constate que deux camps ( Washington et Moscou ) s'opposent au détriment de l'Humanité. Il appelle à la '' Détente, au désarmement et à la coopération'' ; et regrette la réaction de Khrouchtchev malgré les engagements des États-Unis de ne plus renouveler ces vols.

Le 17 mai '' Monsieur K '', comme on l'appelle, accompagne le maréchal Malinovski dans la Marne, où le ministre de la défense soviétique combattit pendant la première guerre mondiale. Ils empruntent la nationale 4, et Khrouchtchev aperçoit des travailleurs en train de couper un arbre tombé sur la voie. Il s’arrête, empoigne une hache et s'illustrer en coupant le bois.

Avant son retour en URSS, le chanoine Kir – doyen de l'Assemblée Nationale – rencontre Nikita Khrouchtchev, qui se montre très satisfait de '' serrer une soutane sur son coeur''

Le président soviétique tient à laisser de lui une image joviale et conviviale.

Aux Etats-Unis, le 8 novembre 1960, à 43 ans, John Fitzgerald Kennedy ( démocrate) remporte l'élection présidentielle américaine de 1960 face à Richard Nixon.

Un autre événement, place l'URSS en vedette de nos actualités. Le 12 avril 1961, partout dans le monde, est annoncé le premier vol habité - le vaisseau Vostok vient d'effectuer une orbite autour de la Terre, avec à bord le cosmonaute Youri Gagarine – C'est un coup de tonnerre...

 

P. H. Simon, dans Le Monde, le 19 avril 1961 «...Victoire de Prométhée, notre victoire : il est naturel que la foule admire, applaudisse et danse. Et il est juste, je le répète, que l'esprit de l'homme, comme celui de Dieu après la création, se réjouisse de ce qu'il a fait. Mais, précisément, l'homme n'est pas Dieu, et il est plus facile de prendre à Jupiter son feu que sa sagesse : voilà pourquoi, devant la prouesse de l'astronaute, le recueillement convient aussi, avec une pensée de mesure. Car, enfin, quel usage l'homme va-t-il faire de sa nouvelle puissance? Pour le bien ou le mal? Pour la vie ou la mort? Il est acquis désormais qu'un aviateur cosmique pourra transporter n'importe où, qu'un radiotechnicien pourra diriger à distance et faire éclater au point qu'il aura choisi une bombe capable de dévaster une province, d'anéantir un peuple. Si la conséquence pratique tirée immédiatement de l'acquisition de ce pouvoir n'est pas la mise en place d'institutions internationales qui enchaîneront la volonté des gouvernements et de leurs stratèges, de quels désastres l'avenir n'est-il pas chargé! »

Dans l'Humanité, on se réjouit que « Considérer que l’envoi d’un homme dans l’espace par l’Union soviétique a un retentissement considérable dans le monde entier, y compris en France, ce qui renforce l’autorité de l’URSS et confirme l’avance du pays du socialisme dans toute une série de domaines, par rapport aux pays capitalistes » (PCF : réunion du secrétariat le 18 avril 1961) .

Youri Gagarine se rend à Londres, le 11 juillet, pour l’exposition soviétique à Wembley où il reçoit un accueil enthousiaste.

 

Les notes de Lancelot enrichies d'articles de presse, confirment qu'il était alors toujours en lien avec le service d’Europe orientale du Quai d'Orsay.

Lors d’une rencontre entre le général de Gaulle et l'ambassadeur Sergueï Vinogradov le 23 février 1961, de Gaulle juge les critiques soviétiques sur sa politique algérienne, comme « positivement intolérables ».

Yves Pagniez pour le cabinet du ministre le 29 juillet 1961, alors que se pose la question d'autoriser, ou non, la venue du premier cosmonaute russe, écrit : «  la présence de Youri Gagarine en France pourrait donner lieu, de la part du Parti communiste et d’autres organisations pro-soviétiques, à l’organisation de manifestations en l’honneur non seulement de l’homme lui-même, mais de la science et du régime soviétiques. Comme en Grande-Bretagne, ces manifestations comporteraient le risque de voir un hommage personnel rendu à Gagarine – en lui-même parfaitement admissible – être utilisé à des fins politiques. » Il ne sera reçu en France qu'en 1963.

 

Kennedy, le 25 mai 61, réagit et engage les Etats-Unis à « faire atterrir un homme sur la Lune et de le faire revenir sain et sauf sur la Terre » avant la fin de la décennie. !

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1960 - Nikita Khrouchtchev en France

18 Avril 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Khrouchtchev, #1960, #URSS

Ce mercredi 23 mars 1960, Elaine rate ses cours, pour aller avec sa mère ( Geneviève) assister à la venue de Nikita Khrouchtchev, président du conseil des ministres de l’URSS, qui entame une longue visite officielle en France, du 23 mars au 3 avril 1960.

Par cette invitation, le Général tient sans-doute à affirmer vis-à-vis des États-Unis l’indépendance et la souveraineté nationale en dialoguant directement avec les Soviétiques. Et le leader soviétique est ravi de trouver en France une plate-forme pour accroître sa propagande relayée par le parti Communiste.

 

Lancelot rattaché au DMA suit de loin, l'état de nos relations avec l'URSS, et en particulier la situation très particulière imposée à Berlin, au cours de ces années de Guerre froide.

 

Nikita Khrouchtchev et de sa femme ont atterri à Orly. Accueillis par le général de Gaulle, ils regagnent Paris à bord d’une voiture noire décapotée, escortée par soixante-cinq motards de la Garde républicaine.

Tout au long du trajet, une foule dense se presse sur les bords de la route.

Le journal l'Humanité insiste sur l'accueil « positif » réservé au président soviétique : « La porte d'Orléans sera grande ouverte, comme les bras de ceux qui, par milliers et milliers,, trottoir après trottoir, applaudiront le messager de la paix »..

Une fois à Paris, cent un coups de canon saluent l’arrivée de l’hôte soviétique.

A 12h le cortège présidentiel arrive au Palais des Affaires Étrangères, résidence du leader soviétique et sa femme. Nikita Khrouchtchev salue les parisiens du balcon de sa résidence sur le Quai d'Orsay.

Un déjeuner ''intime'' est prévu au Palais de l’Elysée.

« Je dis la Russie et la France […], c’est-à-dire deux nations très anciennes et très jeunes, filles d’une même mère l’Europe, deux peuples dont l’âme profonde s’est formée à la même civilisation et qui, de tout temps, éprouvèrent l’un pour l’autre un attrait particulier, deux États qui n’ont entre eux directement aucun territoire contesté ni aucun outrage à venger et qui furent des alliés, quand deux fois au cours de ce siècle, leur continent se trouva menacé par une ambition sans mesure et, depuis lors, disparue. » Toast adressé à N. Khrouchtchev le 23 mars 1960 à l’Élysée.

La question de l'avenir de l'Allemagne, la position de l'URSS sur les événements d'Algérie, considéré comme ''ambiguë'' par le Quai d'Orsay, sont au cœur des discussions. On parle également de coopération culturelle, scientifique et technique franco-soviétique, notamment sur le nucléaire civil...

 

Nos hôtes soviétiques visitent pendant ces douze jours, une vingtaine de villes françaises. Ils avaient refusé de prévoir l’étape de Hassi-Messaoud et de se rendre en Algérie, ce qui signifierait qu'ils reconnaissent implicitement que les départements algériens ne se distinguent pas des départements métropolitains.

A Dijon, le maire, le chanoine Kir, est empêché par sa hiérarchie de recevoir cet ''ami'' communiste. On dit que le prêtre, ce jour là, se laisse ''enlevé'' pour une visite en Haute-Marne.

Une invitation est faite au Général de Gaulle pour une visite officielle en Union Soviétique. On parle de l’été 1966.

Serait, avec les années Khrouchtchev ( 1953-1964) , ce que les journaux nomment le ''dégel'' avec la reconnaissance des erreurs du stalinisme, et le désir de normaliser les relations avec l’Ouest ?

Rien n'est moins sûr... N'oublions pas la répression de l’insurrection de Budapest contre l’autorité soviétique en 1956. Et, en 1957, l'« Affaire Pasternak », avec ''Le Docteur Jivago '' qui demeure interdit dans son pays. Etc...etc.

Un autre exemple : le 1er juin 1962, à Novotcherkassk, 5000 personnes, dont des ouvriers qui manifestent contre leurs conditions de travail, sont empêchés de le faire, la police ouvre le feu : 26 morts, 87 blessés, dit-on.

Enfin, en Octobre 62, la Crise est extrême : des armes nucléaires soviétiques sont installés à Cuba, en représailles des missiles balistiques américains en Turquie : nous sommes tout près du conflit nucléaire.

 

Pour nous, l'URSS se confond avec la Russie, ses chœurs, ses ballets, son cirque, son folklore. Les écrivains contemporains sont ignorés, nous restons attachés aux auteurs du XIXe s. Nous avons également l'image de l'espion, et de l'agent du KGB.

Cependant, les ''intellectuels'' s'intéressent aux guérillas et révolutions communistes qui se mènent dans le monde entier ainsi qu'au mode de fonctionnement des républiques populaires dont la mère patrie est l'URSS. Notre culture s'imprègne, s'initie et soutient ces révolutions, d'autant qu'elles concernent des gouvernements dictatoriaux soutenus par les États-Unis.

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La bombe H , thermonucléaire. 2

13 Avril 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1961, #Bombe H, #Peierls

Sir Rudolf Ernst Peierls (1907 - 1995)

Pour revenir à la bombe nucléaire, Rudolf Peierls se dit profondément préoccupé par les conséquences du développement et de l’utilisation d’armes nucléaires...

En 1944, pour ce qui est de la bombe à fission (A); il croyait qu’il était nécessaire que la Grande-Bretagne et l’Amérique la produisent, d’abord au cas où l’Allemagne la développerait ; et après la capitulation de l’Allemagne, parce qu’il pensait que son utilisation pourrait raccourcir la guerre dans le Pacifique et ainsi sauver des vies.

Aujourd'hui, il consacre beaucoup de temps et d’énergie à la lutte contre le développement des armes nucléaires, d'abord parce qu’il se sent coupable et responsable de leur développement, et parce qu’il est convaincus du danger d’une politique nucléaire irresponsable.

Selon ses mots : il estime que si le génie de la bombe nucléaire ne peut être remis dan sa lampe, des discussions rationnelles et des accords entre pays peuvent l'empêcher de semer la destruction dont il est capable.

Aussi, Peierls s'implique fortement dans le mouvement Pugwash, une initiative déclenchée par l'appel lancé, en 1955, par Bertrand Russell, Albert Einstein, Frédéric Joliot-Curie et d'autres scientifiques de renom. L'objectif principal du mouvement Pugwash est de rassembler les meilleurs scientifiques de multiples pays afin de discuter du désarmement et de la limitation de la course à l'armement.

 

Mal à l'aise, Lancelot tente d'expliquer la position de la France, à vouloir accéder à la bombe H.

Le désarmement n’a de sens que s’il contribue de manière effective à la stabilité et à la sécurité. Et précisément, la sécurité repose sur la dissuasion : c'est à dire sur la peur de notre adversaire du recours à l'arme nucléaire. De plus, se reposer sur une alliance, implique l’inféodation de la France. La dépendance militaire entraîne la dépendance politique.

 

Rudolf Peierls introduit Lancelot, auprès de William Cook, le conseiller scientifique du ministre de la Défense britannique. Il a dirigé différents essais nucléaires, dont l’essai thermonucléaire ( bombe H) réussi à l’île Christmas en novembre 1957. Cook exprime à Lancelot combien il adore la France, et promet de travailler au rapprochement scientifique et nucléaire entre nos deux nations. Il s'agit d'une négociation entre gouvernements, avec à la clé, peut-être, une Europe de la défense... !

A l'heure actuelle, n'oublions pas que la Grande-Bretagne - par son premier ministre Harold Wilson - demande à adhérer à la Communauté Européenne ; le président français Charles de Gaulle envisage t-il retirer son veto ?

 

Lancelot a souhaité revoir Trinity College qu'il a du mal à reconnaître, même si les bâtiments, eux, n'ont pas changé.

Malheureusement, Vanessa Bell, qui s'était occupé de lui lors de son séjour à Cambridge en 1919, venait subitement de mourir dans sa maison de Charleston, dans le Sussex ; là où Vanessa et Duncan Grant peignaient.

Quentin Bell n'est pas disponible, Aldous Huxley est reçu aux Etats-Unis ; Lancelot finit par revoir Dora Russell qui s'est séparée de Bertrand Russell, mais continue avec lui de militer pour le désarmement nucléaire. Elle se montre si convaincue de son combat ; que Lancelot évite ce sujet pour expliquer les raisons de son séjour en Angleterre.

de g à dr: Dirac, Wolfgang Pauli et Peierls, vers 1953

 

Rudolf Peierls lui fait la surprise de le présenter à Paul Dirac (1902-1984) : il occupe, depuis 1932, à Cambridge la chaire de mathématiques appliquées, qu'occupait Isaac Newton en 1669. Il est l'un des fondateurs de la mécanique quantique, prix Nobel en 1933 pour sa théorie atomique.

Dirac, fidèle à sa réputation, répugne à répondre aux questions, même dans le cours d'une amicale discussion. Grâce à Peierls, cependant Lancelot put comprendre que Dirac, était fasciné par la beauté ( il insiste...) des équations et du raisonnement mathématique. « Au fur et à mesure que nous développons des mathématiques supérieures, nous pouvons espérer mieux comprendre l'univers. » La question «  pourquoi la nature est bâtie de cette façon ? » reste sans réponse. Dieu serait-il un mathématicien ?

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La bombe H , thermonucléaire. 1

8 Avril 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Bombe H, #Peierls, #1961

Comme ancien du 2e bureau, puis du BMA, et à la suite de ses contacts initiés pendant la guerre avec certains scientifiques, Lancelot est contacté pour renouer le lien.

Je rappelle que Lancelot en juin 1941, avait été envoyé par le service de renseignement de l'Armée d'armistice en Angleterre pour tenter de valider une voie de passage de renseignements entre le BMA et l'I.S ( Intelligence Service britannique). Certaines informations, préparées par Gustave Bertrand et Louis Rivet, devant être transmises oralement concernaient un travail de cryptanalyse sur les codes allemands.

Sitôt sur le sol anglais, l'I.S. avait remis Lancelot entre les mains de Walter Johannes Stein ( mort en 1957), conseiller de Churchill, qui lui avait présenté un physicien, Rudolf Peierls, installé en Angleterre depuis 1933, et professeur à l'université de Birmingham. Nous savons aujourd'hui qu'il travaillait sur le programme ''Tube Alloys'' ( programme britannique nucléaire qui ensuite intégra le projet Manhattan américain. Par ailleurs, il se disait fort intéressé par les ''Romances du Rosaire'' de Clemens Brentano, livre que Lancelot devait lui remettre... ( Je vous renvoie à ce précédent passage '' 1941 - L'Angleterre - Les Windsor - Rudolf Hess'')

Ces contacts avaient permis à Lancelot, de permettre la jonction entre la ''Rose Blanche'' ( résistance étudiante allemande) et l'aviation anglaise qui put - durant l'été 1943 - disperser un million de leur dernier tract.

Stein lui avait préparé un entretien avec Ronnie Reed ( officier du MI5 ) avec qui il échangea diverses informations sur Vichy, contre une collecte d'articles ( très superficiels) de politique intérieure britannique et le lien vers quelques journalistes.

Depuis, nous savons que Reed, avait été trompé par Kim Philby, espion double qui travaillait pour les russes et appartenait au réseau des ''Cinq de Cambridge'' ; aussi, en 1957, Reed avait été mis sur la touche au ''Affaires étrangères''...

Cependant, aujourd'hui il s'empresse de répondre à l'attente de Lancelot, satisfait de pouvoir s'impliquer à nouveau dans le Service des Renseignements.

Entrée de l’Angleterre dans le Marché commun - Véto de de-Gaulle

En 1961, la question que pose Lancelot pour la France, est celle-ci : est-ce que les conditions d'une éventuelle collaboration entre la France et l'Angleterre en matière nucléaire, sont envisageables ? Cette éventualité devra rester secrète, car paradoxalement : - l'Angleterre n'est pas hostile à l'étude d'un arrangement ; alors que de Gaulle, officiellement, souhaite que la recherche française reste indépendante et ne soit redevable à personne...


 

Lorsque Lancelot prend l'avion, un Caravelle, d'Orly, pour London-Airport, la nouvelle aérogare vient d'être inaugurée par le Général de Gaulle; elle enjambe la Nationale 7 ; et ses terrasses vont devenir la promenade du dimanche, pour les curieux d'aviation : les Caravelles, Boeing 707 et Douglas DC-8 ont remplacé définitivement les avions à hélices. Lancelot se souvient que le premier vol commercial entre Paris et Londres date de 1919...

Rudolf Peierls, qui est né en Allemagne en 1907, et s'est installé en Angleterre en 1933, est un grand mathématicien et physicien qui a développé la mécanique quantique ( années 1920-30), puis en participant au projet Manhattan de la bombe atomique américaine.

Lorsque Lancelot le rencontre à l'Université de Birmingham, la notoriété de Peierls auprès des étudiants est immense, en particulier parce que lui et sa femme Genia ( elle-même physicienne) , partagent avec eux tous les aspects de leur vie intellectuelle, émotionnelle, sociale et professionnelle.

Genia et Rudolf Peierls

Finalement, les quelques heures passées ensemble ont permis à Lancelot d'être introduit par Peierls auprès de la personne qui pouvait l'aider dans sa mission, William Cook.

Cependant, ce qui l'a profondément marqué c'est la discussion avec Rudolf et Genia, au sujet du poète allemand Clemens Brentano (1778-1842), connu aussi pour avoir recueilli et édité les visions mystiques d'Anna Katharina Emmerick.

Une étrange originalité de Brentano fut d'écrire un cycle de romances nommé ''Die Romanzen vom Rosenkranz ''( Les Romances du Rosaire ) pour expliquer l'origine du Rosaire ; il évoquait le temps du Christ jusqu'au XIIIe siècle, et un crime très ancien devait être expié par l’invention du rosaire. Ces écrits sur sa détresse et sa culpabilité l'ont conduit à sa conversion au catholicisme et sa dévotion à Marie.

Le ''chapelet'' est à l'origine, une coiffe, un chapel ornée de roses, offert à la bien-aimée. Le Rosaire - une couronne d'Ave Maria, unis au Pater Noster - devient alors la couronne offerte à la Très Sainte Vierge ( XIVe s.).

Brentanos - Romanzen_vom_Rosenkranz

 

Lancelot a plaisir à évoquer ces premières années du XIXe à Heidelberg ( ville qu'il découvrit à huit ans, lors d'un congrès de philosophie où il accompagnait sa mère ; et en 1931, avec Elaine, où ils découvrirent le fameux Codex Manesse ; et puis surtout leur rencontre avec Edith Stein ..), au XIXe nous y retrouvons un groupe de poètes et écrivains romantiques dont les frères Grimm, Arnim, Brentano, Eichendorff, Bettina Brentano et Caroline von Günderode. Quelques années plus tard, ce seront, Hoffmann, Chamisso, La Motte-Fouqué....

C'est Brentano qui retranscrivit la légende de la sirène aux boucles blondes qui faisait couler les bateaux des marins sur le Rhin, en les séduisant du haut de son rocher Lorelei ( Loreley ou Lore Lay ), le rocher de Lore duquel, elle s'est jetée par désespoir et par amour pour un marin.

Brentano va ensuite modifier cette histoire, pour évoquer la Lureley, une fée qui épouse un prince, devenu meunier par amour.

Enfin, Lancelot évoque l'Ondine de Friedrich de La Motte-Fouque, et son roman ‘‘Fata Morgana’’ (1820) : il s'agit de l’histoire d’un chevalier nommé Wilfred qui, après avoir été blessé au combat, est recueilli par une belle fée nommée Fata Morgana. Elle l’emmène dans son royaume enchanté où il tombe amoureux d’elle. Cependant, leur amour est voué à l’échec car Wilfred est déjà fiancé à une autre femme. Le roman est considéré comme un exemple classique de la littérature romantique allemande.

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13 février 1960 – la Bombe A

3 Avril 2024 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1960, #bombe atomique

Ce 13 février 1960, Lancelot accompagne le général Albert Buchalet dans le Sahara algérien, à la base de Reggane ( à 1000 km au sud-est de Casablanca ); ici a été construite une cité souterraine, dans les contreforts d'une vallée, où ont travaillé 6.000 à 7.000 personnes. Il s'agit d'un PC atomique d'où la mise à feu d'une bombe atomique française, une bombe de type A, sera télécommandée. A 40 km de la tour, en haut de laquelle est fixée la bombe.

Le physicien Yves Rocard, l’un des scientifiques présents, explique que l’explosion se produit « à 100 mètres d’altitude, la moitié supérieure de la boule de feu orientée vers l’air libre et la moitié inférieure vers le sol tout proche ». La puissance de l’explosion, baptisée « Gerboise bleue », atteint 70 kilotonnes de TNT, soit plus de trois fois celle de la bombe larguée par les Américains sur Hiroshima.

Sont présents également, Charles Ailleret, chef du Commandement interarmées des armées spéciales, Pierre Messmer, le tout nouveau ministre des Armées, et son prédécesseur, Pierre Guillaumat.

A moins 2 minutes, les hommes les plus proches, prennent la position de sécurité (assis au sol, dos tourné à l'explosion, tête entre les genoux, protection des yeux avec les coudes repliés). Le lancement de fusées (orange et blanche) indique que l'on est à moins d'une minute de l'explosion. Les haut-parleurs arrêtent de diffuser de la musique, puis le compte à rebours démarre.

A 7h04, l'explosion retentit au loin durant 14 secondes.  Un champignon de fumée se développe lentement dans le ciel. Malgré les lunettes de protection, Lancelot est surpris par l'éclair extraordinaire, et se sent traversé par la lumière. L'onde de choc impressionnante suit, et le champignon de fumée se développe lentement et se disloque, le bas reste mauve, le jour se lève, à moins que ce soit la lueur toujours là qui y contribue..

Bientôt, la vie reprend sur la base.

Tout le monde ici, ressent un sentiment de fierté, et celui d'avoir vécu un événement scientifique et historique pour la France.

Le ministre reçoit par télégraphe, un message depuis Paris du Général de Gaulle : «  Hourrah pour la France. - Depuis ce matin elle est plus forte et plus fière. Du fond du coeur, merci à vous et à ceux qui ont, pour elle, remporté ce magnifique succès »

Dissuasion nucléaire CEA - Charles de Gaulle déclenche le tir «Bételgeuse », explosion nucléaire sous-ballon sur l’atoll de Mururoa, accompagné des ministres Alain Peyrefitte et Pierre Messmer,1966

Reste alors, pour la France, à s'attaquer au palier suivant: la bombe '' H '', plus puissante encore, qui fait appel à la fusion de deux atomes légers. La bombe A fait appel à la scission d'un atome lourd d'uranium ou de plutonium.

Après le succès de ce premier tir, de Gaulle fait pression sur les équipes du CEA, et de la DAM, pour qu'elles mettent rapidement au point la bombe à Hydrogène.

Cependant, beaucoup de monde au CEA, considère que la bombe A est suffisante. Des militaires de haut-rang préfèrent conforter l'armement classique.

10 mars 1960 - Le président Charles de Gaulle salue le physicien et haut commissaire du CEA Francis Perrin

De Gaulle considère, lui, que la bombe A n'est qu'une étape, qu'en réalité elle est obsolète. La doctrine de la dissuasion nucléaire, repose sur une bombe si puissante, qu’il est impossible de s’en servir. Parce que trop de force tue la force, cette nouvelle arme absolue serait à même de maintenir durablement l’équilibre des terreurs et donc, paradoxalement, la paix.

La France doit absolument rattraper son retard, si elle veut être sur un pied d’égalité avec ses alliés d’hier et garantir sa sécurité de demain.

 

Il s'agit donc de percer le mystère de la bombe à hydrogène, la bombe H, une entreprise laborieuse encore en 1960, entourée de mystères.

Les physiciens du CEA butent sur d’importantes difficultés techniques ; en particulier, ils ne parviennent pas à mettre au point le déclenchement de la fusion nucléaire.

On ne peut également éluder les interrogations de nombreux scientifiques, dans la lignée de Frédéric Joliot-Curie et de son Appel de Stockholm en 1950, sur leur responsabilité. Beaucoup dénoncent la guerre atomique dont ils ne veulent pas être les complices.

De nombreuses protestations à l'étranger, ont suivi l'explosion de la première bombe atomique française à Reggane ; an particulier du fait des retombées radioactives. Le général Charles Ailleret, responsable de cet essai, à ce propos répond à un journaliste : « Nous n'avons pas à nous inquiéter de cette pincée supplémentaire négligeable de radioactivité lointaine que nous introduirons dans le monde ». (France 1, Paris Inter, 20 février 1960)

Le président Charles de Gaulle salue le physicien et haut commissaire du CEA Francis Perrin dans la cour d'honneur des Invalides à Paris le 10 mars 1960 lors de la remise de la croix de la Légion d'Honneur aux militaires et physiciens de la "promotion atomique" pour leur participation à la mise au point de la première bombe atomique française, Gerboise bleue, qui a explosé le 13 février 1960 à Reggane dans le désert algérien.

Le R.P. Dubarle, réagit par un article dans Le Monde du 14 février 1960 « Sur une détonation, en soi de peu d'importance »

«...Il se peut qu'un armement nucléaire proportionné aux possibilités françaises puisse être un instrument de quelque valeur au service d'une politique nationale sagement et courageusement conduits. En tout cas nul ne saurait à l'avance se faire fort du contraire. Cela a été choisi. Soit : reste à faire la politique et non la rhétorique de ce choix. Or il se trouve que cette décision et son fait accompli posent sur le champ à notre monde entier tout un ensemble d'excellents problèmes, et donnent à la France l'occasion de parler un langage salutaire à tous, de mener un jeu à la fois très conforme à ses intérêts et aux vrais intérêts humains. C'est une chance qui lui est offerte. Seulement il lui faut s'en saisir. Cela demande à notre pays de prendre assez de hauteur vis-à-vis de lui-même et de son monde, afin de juger exactement de ce qu'on est dans le monde qui est. »

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