Le Monde expliqué par A. N. Whitehead - 2
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Le projet de Whitehead est de « formuler un système cohérent, logique et nécessaire des idées générales, à l'aide duquel tout élément de notre expérience se laisse interpréter. »
Il ne considère comme réel au sens du ''principe ontologique'' que '' l'individuel concret ''; il s'agit d'une unité de base, ''concret'' dans le sens spécifique, particulier et tangible... Imaginons un film, chaque image individuelle du film est un instant figé, une représentation concrète et spécifique d'un moment particulier dans l'histoire. Chaque image individuelle serait comparable à un "individuel concret".
Cependant, la réalité ne se représente pas par une chose, mais un processus en cours, une série d'événements et d'interactions. Il insiste: tout ce qui existe est en mouvement perpétuel et en relation dynamique avec son environnement. Whitehead parle alors d'entité actuelle, pour signifier la dynamique de la réalité, en pointant une nouvelle approche, qui contraste avec la vision traditionnelle de la substance en philosophie, où les entités sont souvent considérées comme des objets permanents avec des propriétés définies et immuables. Whitehead, au contraire, voit toute existence comme étant en constante création et recréation. Whitehead réinvente le terme d'entité pour s'accorder avec son paradigme du processus. L'Entité actuelle serait le film en mouvement, pour dire que c'est un processus continu et une expérience dynamique qui incorpore toutes les images individuelles dans une réalité en constante évolution.
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Lorsque Whitehead écrit qu'il ne considère comme réel au sens du "principe ontologique" que "l'individuel concret," il met l'accent sur la réalité des entités spécifiques et particulières, plutôt que sur des abstractions ou des catégories générales. Il critique l'idée que les concepts abstraits ou les catégories générales soient considérés comme ayant une réalité ontologique indépendante. Selon Whitehead, les abstractions sont des outils utiles pour comprendre le monde, mais elles ne sont pas réelles en elles-mêmes.
Rappelez-vous le débat animé par Elaine, sur les ''Formes'' et le réalisme platonicien en mathématiques. Yvain, pensait que '' les cordes '' ( dans la Théorie des Cordes ) en un sens, ne sont pas observables, mais pourraient être considérées comme des entités idéales qui sous-tendent la réalité.
Whitehead, comprendrait ce que dit Yvain, il pourrait compléter son argument par sa critique envers l'idée d'un dualisme strict entre le monde des idées et le monde matériel. Il favorise plutôt une vision unifiée de la réalité où les processus mentaux et matériels sont interconnectés. En ce sens, Whitehead se distingue du réalisme platonicien en intégrant une vision plus fluide et interrelationnelle de l'existence.
Les abstractions doivent être dérivées de cette expérience, plutôt que d'être considérées comme des réalités indépendantes.
Chaque entité individuelle est un événement ou un processus unique en devenir, intégrant des aspects physiques et mentaux. C'est dans ces événements concrets que la réalité se manifeste pleinement. Whitehead propose une métaphysique du processus où la réalité est en constante évolution et transformation. Chaque entité concrète est un moment de ce processus dynamique.
Whitehead reconnaît la complexité et la richesse de la réalité, qui ne peut être entièrement capturée par des concepts abstraits et simplifiés, fussent-ils scientifiques...
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Lancelot intervient dans ma recherche, pour attirer notre attention sur le fait que Whitehead utilise le terme "formes éternelles" (ou "idéales éternelles")... De quoi s'agit-il ?
Si je me replace, dans le cadre de nos discussions sur les ''Formes'' au Moyen-âge, je dirais:
Pour Whitehead, les formes éternelles sont des idéaux abstraits et immuables qui offrent des possibilités de réalisation pour les entités actuelles. Elles ne sont pas intrinsèques aux objets individuels mais existent comme des potentiels pour diverses réalisations. Elles seraient comme des modèles pour les processus en cours. La réalité est en perpétuelle création, et les formes éternelles fournissent des schémas pour cette création continue. Whitehead met l'accent sur le caractère dynamique et changeant de la réalité, contrairement à la vision plus statique de la substance chez Aristote.
Pour Whitehead, à la différence de Platon, les formes éternelles sont des possibilités abstraites qui n'existent pas dans un monde séparé, mais sont immanentes au processus de la réalité. Elles servent de modèles, de potentialités pour des actualisations concrètes. Mais, ce ne sont pas des réalités indépendantes. Elles sont intégrées dans le processus même de la réalité et influencent directement les entités actuelles.
Je vois là des rapprochements avec les idées de Teilhard de Chardin: - celle de la création continue, présente dans sa vision de l'évolution, où l'univers se développe et progresse vers des états de complexité et de conscience toujours plus élevés. Teilhard voit la présence divine à travers le processus évolutif de l'univers. Dieu n'est pas séparé du monde, mais agit à travers l'évolution et la conscience humaine.
Le Monde expliqué par A. N. Whitehead - 1
Avec Bertram Sinsernin, nous retrouvons avec un grand intérêt, Alfred North Whitehead (1861-1947).
Nous restons sur cette question de l'âme. Bien-sûr, lui et Aristote ne parlent pas spécifiquement de la même chose. D'autant qu'entre les deux s'est imposé Descartes, avec sa conception qui fait encore autorité, à savoir: l'âme est une substance immatérielle distincte du corps, c'est à dire que l'esprit est séparé de la matière. L'âme est immatérielle, indivisible et immortelle, tandis que le corps est matériel, divisible et soumis aux lois de la physique.
C'est ce que Whitehead nomme: une bifurcation de l'esprit et de la matière. Le terme de bifurcation est utilisé en sciences, pour décrire des transitions critiques, ou des divisions dans une évolution.
Reprenons cela et tentons de nous mettre dans les pas de A N Whitehead, pour comprendre son explication du Monde, sa cosmologie.
- Nous partons de la critique d'une vision classique des choses: celle de la distinction entre substance et accident d'Aristote qui perdure.
Selon Aristote: « La substance est ce qu'une chose était destinée à être, son essence. »
« Un accident est ce qui n'est ni nécessaire ni éternel. »
Pour Substance, nous pouvons dire: Essence, Noyau, Base, Identité, Fond, Substrat ...
Pour Accident, nous pouvons entendre Attributs, Propriétés, Modifications, Traits, Aspects, Manifestations...
Pour comprendre cette distinction, nous pouvons l'imager par l'Arbre et ses propriétés, ou la Statue, l'oeuvre et la texture, l'acteur et ses costumes, le texte ou le message et le style, le vaisseau ( de Thésée) et ses pièces de bois remplacées...
- Comment cette division classique a t-elle façonné notre compréhension du monde en influençant plusieurs aspects de notre pensée et de notre culture ?
+ Cette distinction nous permet de séparer ce qui est essentiel de ce qui est contingent.
+ Mon identité personnelle est vue dans la persistance à travers le changement, elle définit l'essence de mon être.
+ Je me méfie de ma perception, en distinguant ce que je perçois directement (accidents) de ce qui est supposé être la réalité sous-jacente (substance).
+ En science, elle oriente l'étude vers les propriétés observables et mesurables des objets (accidents) tout en cherchant à comprendre leur essence sous-jacente (substances). Nous isolons et manipulons les accidents afin de comprendre les substances.
+ En théologie, je comprends le concept de la transsubstantiation et la nature divine, en-deçà de l'apparence.
+ En éthique, je différencie l'entité responsable (substance) de ses actions ou états (accidents).
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Whitehead entend corriger une confusion de la pensée occidentale: ainsi celle de la séparation traditionnelle entre la matière et l'esprit. Descartes sépare la réalité en deux substances distinctes : la matière (res extensa) et l'esprit (res cogitans). Cette séparation crée une vision du monde où l'esprit et la matière sont considérés comme fondamentalement différents et indépendants.
La science moderne, selon Whitehead, a tendance à réduire la réalité à des phénomènes purement matériels. En accord avec la méthode phénoménologique, Whitehead rejette le dualisme rigide entre sujet et objet, et propose une vision intégrée où l'expérience est toujours une relation entre un sujet et un monde vécu.
Finalement, Whitehead insiste sur une erreur qu'il considère comme commune, et qu'il appelle: "fallacy of misplaced concreteness" c'est à dire le paresse de notre esprit à prendre une interprétation pour la réalité...
Par exemple, quand nous prenons des concepts comme des représentations complètes de la réalité.
En Sciences, les équations mathématiques ne sont que des approximations, des modèles de la réalité. En philosophie, des catégories métaphysiques ne sont que des abstractions utiles...
En règle générale, nous avons tendance à simplifier des situations complexes.
Whitehead veut pointer: - l'importance de reconnaître la nature processuelle et dynamique de la réalité, qui ne peut pas être pleinement capturée par des abstractions statiques.
Whitehead propose une approche holistique qui prend en compte la totalité des relations et des processus dans la réalité.
Déjà, Emmanuel Kant, estime que les catégories de l'entendement organisent notre expérience, c'est à dire que notre connaissance du monde est façonnée par les structures de notre propre esprit, et ne reflète pas une réalité objective.
Heidegger critique la métaphysique traditionnelle, y compris la distinction substance-accident, elle néglige, dit-il, l'unité de l'être et l'expérience humaine.
- A présent, commençons de remettre en cause cette distinction '' substance/accident '' , et pour quelles conséquences?
+ Abandonner la distinction entraîne une vision plus dynamique et relationnelle de la réalité, où les entités sont définies par leurs interactions et processus plutôt que par des essences fixes.
+ Il s'agit: en sciences de mettre l'accent sur les processus évolutifs et les réseaux de relations plutôt que sur des objets isolés avec des propriétés fixes.
+ Encourager l'adoption de théories des systèmes complexes et de l'analyse des réseaux, modifiant notre compréhension des phénomènes naturels.
+ Insister sur l'interaction dynamique entre le sujet percevant et l'objet perçu.
+ En éthique, mettre l'accent sur les relations et les responsabilités interpersonnelles.
+ En théologie, percevoir le divin, comme interagissant de manière dynamique avec le monde.
+ Encourager une approche plus collaborative et intégrative.
L'enseignement de Rosslyn.
Nous reviendrons à Whitehead; mais nous sommes curieux et souhaitons profiter de la présence de Felix Sinclair, pour l'interroger sur ce fameux '' enseignement de Rosslyn ''
Felix Sinclair tient à préciser ce que l'on sait des circonstances de la construction de la chapelle de Rosslyn.
Sa construction a commencé en 1446, le 1er comte de Caithness Sir William Sinclair souhaitait un lieux de culte privé, offert pour sa lignée, dédié à saint Matthieu l’évangéliste, et consacré au plain-chant et à la polyphonie. Il a avait prévu une rente pour payer des chanteurs et louer le Seigneur, à perpétuité !A sa mort en 1484, seuls le chœur et la chapelle de la Dame, construite sur la crypte ( lieu de sépulture pour plusieurs générations des Sinclair ) beaucoup plus ancienne, étaient achevés. Son fils ajouta un toit et déclara que la construction de la chapelle de Rosslyn était terminée.
À la Réforme (1560), la chapelle fut fermée au culte public et la famille Sinclair fut forcée de briser les autels et de se débarrasser des saints sculptés de l’ancienne foi catholique.
Plus tard, William Sinclair de Roslin (1700-1778), le jour de la Saint-André en 1736 , est devenu le premier Grand Maître de la Grande Loge d’Écosse et, par la suite, plusieurs autres membres de la famille Sinclair ont occupé ce poste.
Le lien entre les tailleurs de pierre, la maçonnerie opérative et la franc-maçonnerie, sont avérés dès le XVIIe siècle en Ecosse.
Ce n’est qu’en 1861 que la chapelle de Rosslyn ouvrit à nouveau ses portes pour le culte public, cette fois dans la tradition épiscopale écossaise.
Pour ce qui concerne les templiers, chassés d’Europe continentale, ils avaient trouvé refuge en Ecosse. Mais ce n'est que un siècle et demi plus tard, que commençait la construction de la chapelle de Rosslyn.
Au XIXe siècle, la légende se renforce autour des liens entre l'Ordre du Temple et la Franc-maçonnerie. Ce n'est qu'au vingtaine siècle, que la question de savoir si Rosslyn Chapel est chrétienne ou maçonnique, voire païenne, se pose. On fit le lien entre les Saint-Clair, les Templiers, leur trésor, et un dépôt pour toutes sortes d' "objets".
Felix nous décrit la Chapelle, comme un édifice gothique qui devait, terminée, être cruciforme. L'objectif était d'offrir un lieu de sépulture, et de prière pour les morts de la famille Saint-Clair. La Réforme, contraignit les St-Clair, sous peine d'excommunication, à démolir les autels, non conformes au culte réformé, en 1590.
Ce qui frappe le visiteur, c'est la profusion de sculptures, avec semble t-il une intention délibérée du fondateur William Saint-Clair.
Aujourd’hui, nous avons la tentation d'utiliser les symboles comme des signes, dont il suffit de connaître le sens unique et exact; ce qui autrefois, n'était pas le cas.
J'aime cette image, nous raconte Felix, pour illustrer une des signification du Symbole, c'est l'allégorie de la fenêtre. Imaginons-nous dans une pièce avec une fenêtre, la fenêtre ( pour le symbole) permet de voir le paysage extérieur, de même le symbole permet de voir au delà de l'endroit ou l'on se trouve, dans le temps et dans l'espace. Alors que, littéralement la fenêtre peut être vue comme une chose faite de verre et de bois.
Le symbole n'est pas qu'une sculpture faite de pierre, de bois, de plâtre....
Le rôle du symbole est de faire la jonction entre le conscient et l'inconscient, des points de rencontre entre le microcosme et le macrocosme, l'homme et le divin...
Je ne reviens pas sur l'histoire des templiers et de Rosslyn, qui se trouve proche de notre lignée et que j'ai déjà abordée en plusieurs endroits, par exemple ici: Comment J.L. De La Bermondie retrouve les Templiers, au XVIIIe siècle... -5 et 6/.- - Les légendes du Graal
Il n'est pas anodin, de penser que l'on est passé des constructeurs de lieux sacralisés du Moyen-âge, aux francs-maçons spéculatifs. Pourquoi au XVIIe siècle, un Elias Ashmole (1617-1692) est-il devenu l'un des premiers maçons spéculatifs que l'on connaisse?
Les légendes qui sont venues jusqu'à nous, rassemblent à Rosslyn, templiers, francs-maçons et recherche de la Vérité.
L'enseignement de Rosslyn, est dans l'expérience de Rosslyn. On commence par se taire, pour regarder, s'imprégner.
Le mythe n'a pas la vérité pour condition. Par contre, il peut y conduire....
Éventuellement, on reconnaît, on se souvient ou on entend, pour la première fois, des histoires qui y sont attaché. On écoute... Grâce au mythe, on fait silence.
Puis, le symbole fait appel, en nous, à l'intuition. Notre esprit riche de sa lignée, de ses capacités analogiques, vagabonde, traverse sans entraves le délire, mais aussi la poésie, l'invention..
Le mythe participe à la transmission; et le voici arrivé jusqu'à nous.
Le mythe nourrit un chemin de quête qui se situe entre la réalité et l'utopie.
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Elaine, écoute avec attention et délectation, les paroles de Félix.
- C'est tout à fait ça! Mettons-nous dans la peau d'un lettré du Moyen-âge.
Qu'est-ce que connaître pour l'humain? Il faut en revenir à Aristote, et à ce qu'il nous dit de l'âme: - elle n'est pas l'apanage de l'homme, et – elle n'est pas qu'une entité spirituelle, opposée au corps.
- L’âme n’est pas le propre de l’homme, mais le principe de tout être vivant : celui des plantes, celui des animaux, celui de l’homme, celui de tout vivant.
- L'âme est ''substance '', elle est ''forme'' (eidos)
Et pour Aristote: '' L'âme, peut prendre forme de toute chose.'' L'âme, avec ses qualités, connaît ce qu'elle observe, et ''prend forme de toute chose''
L'animal, observe et connaît, pour satisfaire ses besoins premiers. L'Homme, aime à connaître pour connaître. Même s'il n'est pas marin, il observe les étoiles. Il élabore des raisonnements mathématiques au-delà de son usage. Il scrute son propre rapport au monde, il se décentre.
Le constructeur de cathédrales, le sculpteur, a distribué sur la maçonnerie, de multiples fenêtres. Nous sommes libres d'y regarder ou non.
Voir aussi: Ici: Voyage en Ecosse -5- la chapelle de Rosslyn - Les légendes du Graal
Alfred North Whitehead (1861-1947)
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Pour justifier, la carte 0, comme représentant d'un personnage à l'immense intellect; je rapporterai son côté excentrique. Souvent absorbé par ses pensées philosophiques, Alfred North Whitehead pouvait se perdre en chemin pour aller à son propre bureau à Harvard. Le sujet de ses cours étaient imprévisibles: Il pouvait commencer une leçon sur la logique mathématique et finir par parler de poésie ou de la nature de la réalité, laissant ses étudiants à la fois perplexes et fascinés. Whitehead menait une vie simple et modeste, sa maison était ouverte à tous les esprits curieux.
Il considérait important de comprendre en quoi une certaine idée cartésienne était erronée: celle selon laquelle la réalité est fondamentalement construite de morceaux de matière qui existeraient totalement indépendamment les uns des autres. Il s'opposait également à ce que Descartes sépare, une existence matérielle d'un côté, et une existence mentale de l'autre.
La philosophie de Whitehead, est une '' philosophie de l'organisme '' plus connue sous le nom de '' philosophie du processus''.
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Son œuvre est difficile; Process and Reality (1929) a été qualifié de « sans doute le texte métaphysique le plus impressionnant du XXe siècle », mais il fut peu lu, peu compris; mais ses commentateurs prévoyaient qu'il ne pourrait être en mesure d'être compris, que plus tard. Le physicien théoricien David Bohm (1917-1992), en particulier, s'est dit influencé par la philosophie de Whitehead. Effectivement, ses remises en question philosophiques anticipaient des découvertes scientifiques du XXIème siècle.
N'est-il pas étrange, qu'aujourd'hui ( ~2020), le gouvernement chinois encourage l’étude de la philosophie de Whitehead, et son œuvre est une lecture obligatoire pour les étudiants diplômés chinois?
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Yvain, est persuadé que l'enseignement de Whitehead nous conduit à penser notre période post-moderne. Même si: la fragmentation des savoirs et des disciplines, la complexité croissante des systèmes étudiés, une position relativiste en matière de connaissance, l'évolution rapide des techniques, et une inflation d'informations... rendent difficile l'idée même d'une formulation d'un ( nouveau) paradigme universel complexe... Tentons l'exercice.
Nous représentions jusqu'à présent, la réalité comme un assemblage de choses ( objets, êtres, …), en constante évolution, mais en un assemblage statique, et les caractéristiques dynamiques étaient secondaires et dérivées...
Si, avec Whitehead, nous admettons que les entités de base de notre monde sont des processus, nous pouvons générer de meilleures implications philosophiques de nos expériences, concernant autant l’intrication quantique, que la conscience, ou les institutions ...
Ce que Whitehead nomme ''entité actuelle'' est un processus ( dynamique) plutôt qu'un objet ( statique).
Les entités actuelles ne peuvent pas être comprises isolément, mais seulement en relation avec d'autres. Whitehead met l'accent sur l'importance des relations dans la constitution de la réalité; et précise: chaque entité est un '' événement ''.
Il dit encore (schématiquement): - Les entités actuelles participent à la création de nouvelles réalités. - Chaque entité actuelle contribue activement à sa propre formation. - Chacune intègre les influences des entités passées, et chacune possède une dimension subjective unique.
Pour Whitehead, la réalité est un processus évolutif où les entités actuelles contribuent à l'évolution continue de l'univers. Nous en reparlerons en détail....
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Il paraît que Gilles Deleuze l'admire et commente assez souvent Whitehaed: il aurait dit ( selon ses étudiants) que le projet de Whitehead était de penser '' le monde tel qu'en lui-même '', un monde hétérogène à notre mode de pensée, mais pas inaccessible. Pour avoir accès au mode propre du monde, il est impératif de ne pas le soumettre à nos catégories, en particulier celle de substrat ( cf Aristote, - le substrat désigne le support stable des propriétés et des changements). Bergson avait aussi relevé cette question et formulé une réponse similaire, au moins pour l'être.
Deleuze rappelle, qu'à l'opposé, Kant proposait un '' principe de permanence '' : « Tous les phénomènes contiennent quelque chose de permanent (substance) considéré comme l’objet lui-même, et quelque chose de changeant, considéré comme une simple détermination de cet objet, c’est-à-dire d’un mode d’existence de l’objet » Emmanuel Kant, Critique de la Raison Pure, 1781 Le ''changeant'' de l'objet ne faisant pas partie de l'essence de l'objet..
Pour un nouveau paradigme
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La carte 0, celle qui annonce toutes les autres, est celle du Fou ( Fool). Elle représente un nouveau départ, un nouveau paradigme. Elle représenterait bien un philosophe dont la notoriété est grande, et son oeuvre scrutée au Royaume-Uni, aux USA, au Canada, au Japon et aussi en Chine. Je pense à Alfred North Whitehead (1861-1947); il influence aujourd'hui de nombreuses disciplines, y compris la philosophie, la théologie, l'éducation, la physique, la biologie, l'écologie, l'économie, la psychologie et la cybernétique. Son œuvre la plus célèbre, "Process and Reality" (1929), est considérée comme une contribution majeure à la métaphysique moderne. Lancelot, Elaine et Felix sont de cet avis.
Je rappelle, que Lancelot, en 1941, lors de son arrivée en Angleterre, était pris en main par les services de l'I.S. et fut accompagné lors de ce séjour par Walter Johannes Stein (1891-1957). Il rencontra Rudolf Peierls, à qui il devait remettre les fameuses '' Romances du Rosaire '' de Clemens Brentano....
Avant son départ, faute de ne pouvoir rencontrer Whitehead, Quentin et Vanessa Bell lui présentaient Godfrey Harold Hardy (1877-1947) de Cambridge, et un jeune philosophe Bertram Sinsernin ( cf Bertrand Saint-Sernin ) qui sut lui présenter fort lumineusement le travail du ''philosophe'' Whitehead, alors que celui-ci avait déménagé pour Harvard en 1924. Alfred prit sa retraite de Harvard en 1937 et resta à Cambridge, dans le Massachusetts, jusqu’à sa mort le 30 décembre 1947.
Par un heureux hasard de synchronicité, lors la venue de Felix, Bertram Sinsernin annonce sa venue en France, invité par le CIEPFC (Ecole Normale Supérieure) et le Collège International de Philosophie. Il doit également participer à un colloque à Louvain; le tout pour assurer des conférences sur A. N. Whitehead.
Et précisément, Felix fait référence à ce qu'il nomme '' l'enseignement de Rosslyn'', et à un changement de paradigme scientifique en cours, qui doit révolutionner la pensée philosophique …
Il cite Thomas Kuhn (1922-1996), un philosophe et historien des sciences d'Harvard, qui a publié en 1962, "La Structure des révolutions scientifiques". Il y expose que – contrairement à la vision traditionnelle du progrès scientifique comme un processus linéaire et cumulatif - le progrès scientifique est non linéaire et marqué par des révolutions périodiques. Chaque révolution scientifique entraîne une restructuration fondamentale de la manière dont les scientifiques et les philosophes comprennent le monde.
Lancelot invite Sinsernin à résider dans son appartement à Paris.
Bertram Sinsernin, est un adepte de Whitehead, il a le don d'éclaircir l'enseignement du maître et pour nous tous l'avantage de le lier naturellement au contenu traditionnel du christianisme.
Yvain est enthousiaste de le rencontrer, jusqu'à vouloir le suivre à Louvain pour l’accompagner chez Ilya Prigogine qui devrait les recevoir.
Pourquoi Prigogine? La philosophie de Whitehead met l'accent sur la dynamique des événements et des relations. Les travaux scientifiques de Prigogine ( voir les précédents chapitres, '' La flèche du temps. Un temps irréversible.'') complètent cette vision; ils montrent que malgré '' la flèche du temps, et l'irréversibilité '', un flux constant de matière et d'énergie peut engendrer de l'ordre à partir du chaos: à mettre en parallèle avec l'idée de ''création continue '' et d'évolution selon Whitehead.
Prigogine conteste l'idée du déterminisme, c'est à dire que les processus physiques soient entièrement déterminés par des lois précises et prévisibles. Il rejoint ce que l'on perçoit dans le niveau quantique, une vision plus flexible et probabiliste de la réalité.
Avant Louvain, à Paris Bertram Sinsernin souhaite rencontrer Maurice Clavelin (1927-2024) pour un projet de traduction en anglais de son livre La Philosophie naturelle de Galilée, paru en 1968. Depuis 1971, Clavelin est professeur de philosophie des sciences à l’Université Paris-Sorbonne, spécialiste de l'oeuvre de Galilée. Sinsernin nous explique que ce livre a l'intérêt d'insister sur l'originalité de l'apport de Galilée. Il insiste pour le considérer comme un nouveau paradigme, et non comme une avancée scientifique qui serait déterminée par un contexte social et économique. Clavelin met en avant la rupture radicale que représente l'œuvre de Galilée par rapport à la physique aristotélicienne.
Il s'agit d'une rupture épistémologique, une nouvelle manière de concevoir la nature et les phénomènes physiques, basée sur l'observation, l'expérimentation et la mathématisation, en opposition à la méthode déductive et qualitative d'Aristote. Il s'agit d'une nouvelle méthodologie scientifique. Galilée introduit de nouveaux concepts, comme celui de l'inertie et du mouvement comme un état physique autonome, indépendant de la nature des corps.
Sinsernin relève que l'apport de Galilée ne se situent pas dans ses résultats scientifiques, qui ont pu être taxés d'approximatifs; mais dans son approche méthodologique et dans la transformation radicale de la philosophie naturelle traditionnelle, principalement inspirée par Aristote.
Le terme de '' Philosophie naturelle'', caractérise une interprétation d’ensemble du monde et des phénomènes physiques, d'avant notre époque moderne.
En cette fin du XXè siècle, notre connaissance du monde, n'entre t-elle pas dans une période post-moderne, avec la difficulté de trouver un nouveau paradigme à nos représentations?
Yvain, grâce à la lecture de Whitehead et les commentaires d'Elaine, en est persuadé..
Elaine, le Tarot et la philosophie
Elaine, la fille de Lancelot, a repris le jeu de tarot de sa grand-mère, Anne-Laure de Sallembier. C'est Elaine, qui m'a enseigné le Tarot; et c'est avec les notes de Lancelot que j'ai rapproché les figures du tarot de Marseille de celles de la légende arthurienne.
Rappelez-vous, également, cette légende rapportée par Elaine, au sujet de la quête du chevalier Elyan et de sa fée Séraphine: la légende du Miroir de l'âme, portée par le chevalier au cygne noir. - cf ( Edith Stein, la Légende du Miroir de l'âme. 1 )
Mais revenons d'abord à ce que me disait Elaine à propos du Tarot.
Évacuons rapidement l'idée de rapprocher ce jeu de cartes de la voyance; il n'y avait chez la très rationnelle Elaine ( et même à sa création), aucun projet de lire l'avenir, aucune évocation de faire intervenir des esprits supérieurs dans le tirage et le message ainsi délivré.
Je dirais, comme ( en mieux) Henri Bergson, il n'existe pas dans une armoire, un choix de ''possibles'', qui contraindrait le futur, et encore moins un futur déjà prêt ou prévisible. Le futur est une création continue et imprévisible.
Nous savons que l'origine du jeu du Tarot n'est pas connue, et que le plus ancien que nous ayons date du milieu du XVe siècle.
Pour Elaine, ces cartes forment un ensemble cohérent, celui d'un discours, et sans-doute même celui d'un alphabet enfin, plutôt, celui d'un ensemble de logogrammes en référence aux caractères chinois utilisés dans cette écriture...
A quoi se rapporterait ce discours ? - Dans la suite des cartes majeures, nommées ''arcanes '' majeurs, les questions posées sont sans-doute celles des plus mystérieuses qui soit ( arcane évoque ce qui est caché et nécessite une quête...), des questions qui me questionnent profondément : - ''qui suis-je ? '' - '' qu'est-ce que l'humain ? ''
Folie ! Un peu sans-doute, ce n'est qu'un jeu... D'ailleurs cela commence avec le Mat (0) , le Fou. L'envie un peu folle d'en savoir plus. La fin de l'Histoire est représentée par la carte XXI, le Monde, cette recherche à propos de l'humain, conduit à une connaissance du Monde, de l'Univers.
Ces cartes, sont des supports de pensée, elles provoquent des expériences de pensée par des rencontres inattendues entre elles.
Amusons-nous... Vous vous rappelez dans la Légende du Miroir de l'âme, Séraphine proposait des cartes du tarot, pour aider Elyan dans sa quête. Reprenons-les, et ce sera un autre voyage...
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Avec le Bateleur (I), débute le voyage du Questeur. Tout commence dans les possibles - question ouverte avec Bergson...!- l'âme est disponible pour des transformations à venir.
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L’Hermite (IX) pourrait guider le héros à travers les moments de solitude nécessaires pour une profonde réflexion sur l’âme. Un philosophe ( pour commencer...) qui pourrait alors guider le héros, serait Søren Kierkegaard (1813-1855), il préconisait la solitude pour se détourner des distractions extérieures et se concentrer sur l'intériorité pour se découvrir vraiment, se confronter à son angoisse, tenter le ''saut de la foi'' et l'incertitude...
La Roue de Fortune (X) rappelle que la quête de l’âme est pleine de rebondissements et que l’acceptation du changement est essentielle.
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Continuons, conseille t-elle, avec Friedrich Nietzsche (1844-1900) avec qui on retrouve la roue dans le concept de l'éternel retour, et l'idée de l'amor fati, l'amour du destin, qui consiste à accepter et même à embrasser tout ce qui nous arrive, y compris les défis et les rebondissements.
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La Justice (VIII) évoque l’équilibre et la vérité, elle invite le héros à rester centré et à peser les conséquences de ses actions sur son âme et sur celles des autres. Pour cela, avec Aristote, et plus près de nous Emmanuel Lévinas (1905-1995), on pourrait explorer le concept de l'autre et de l'éthique. Lévinas est connu pour sa philosophie centrée sur l'altérité et la responsabilité envers l'autre. L’âme se révèle dans la relation avec autrui.
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Le Pendu (XII) offre une nouvelle perspective, ne s'agit-il pas alors de lâcher prise sur d'anciennes idées pour embrasser une nouvelle compréhension de l’âme? Elaine nous ramène alors à la phénoménologie, avec Edmund Husserl (1859-1938): mettons entre parenthèses nos préjugés et nos expériences passées pour percevoir les choses telles qu’elles se présentent à la conscience, dans leur pureté.
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La Tempérance (XIV) aide le héros à trouver l’équilibre entre les différentes facettes de son âme et à fusionner les contraires. La dialectique de Hegel est une méthode pour surmonter les contradictions, Gilles Deleuze ( 1925-1995) la critique et montre que la réalité est d'abord diversité, et que la fusion des contraires et l'acceptation des paradoxes peuvent mener à de nouvelles formes de pensée et d'organisation sociale.
Mais, le Diable (XV) défie le héros à reconnaître et à surmonter les entraves qui empêchent l’âme d’atteindre sa pleine liberté. De nombreux philosophes préconisent des solutions, par la raison pratique de Kant, avec le ''surhomme '' de Nietzsche, l'existentialisme, la libération de conscience de classe, ou par la méditation et la sagesse du Buddha...
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Avec L’Étoile (XVII), symbole d’espoir et de foi, et appelle le héros à maintenir sa vision et sa confiance en la nature lumineuse de l’âme, même dans l’obscurité; peut-être est-il nécessaire de faire des choix d'engagement et de foi...? Je pense, nous dit Elaine, à Simone Weil (1909-1943), avec l'écrit '' L'Enracinement ''; sachant comment la reconnaissance et l'acceptation de souffrances peuvent mener à une forme de liberté spirituelle.
Jusqu'à finalement, avec le Monde (XXI), atteindre l’accomplissement et l’unité, le héros comprend la nature interconnectée de toutes les âmes, et la complexité du Monde.
Pour ma part, je garderais bien par devers moi la carte 0, celle du ''Fou''; je vous explique... A suivre...