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Les légendes du Graal

1951 - Teilhard de Chardin - Une vision du Monde – 1 –

29 Juillet 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1951, #Teilhard de Chardin, #Bergson

L'hebdomadaire ''Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques'' du 11 janvier 1951, offre un bel article sur le père jésuite Teilhard de Chardin ( 1881-1955). Il est à présent une des personnalités du monde religieux les plus célèbres, alors que ses écrits non scientifiques sont confidentiels, comme ses conférences.

Nommé Directeur de recherche au CNRS et élu à l'Académie des sciences. Teilhard est célèbre, et très controversé. Il sollicite Rome et interroge le Saint-Office. Fin d'année 1948, il apprend la décision de Rome : - 'non' à la publication de ses œuvres autres que scientifiques, - 'non' à son acceptation de la chaire de paléontologie humaine qu'on lui propose au Collège de France, - 'non' à sa présence en France où ses idées trouvent trop d'écho.

 

Le père Coignet, par exemple, proche d'une spiritualité ''type Bossuet '', lui reproche de vouloir faire du christianisme une religion de l'évolution, de nier le problème du Mal et de supprimer les notions de péché, de fausser les notions de vie sacramentaire, de Révélation et d'en supprimer tout élément surnaturel. Il lui reproche de poser en principe, la collectivisation fatale de la société. Il note cependant un effort pour repenser nos grandes vérités chrétiennes dans le cadre de la pensée contemporaine ; même s'il en constate l'échec.

A l'opposé, Jean Rostand ( 1894-1977 - agnostique, libre penseur ) lui reproche d'affirmer – au nom de la science – que l'évolution a un dessein : celui d'aboutir à l'Homme ( ou à un ''surhumain''). Il décèle en lui, une volonté désespérée de croire, Teilhard se serait écrié : « la seule issue est la foi aveugle et absolue... Coûte que coûte, je le crois, il faut se cramponner à la foi en un sens et un terme de l'agitation humaine. »

 

Lancelot est sensible au difficile combat que Teilhard mène à la fois contre les méthodes de l'Eglise Romaine, d'un autre temps et de plus en plus discutées jusqu'à cette conviction manifestement fausse que le Monde a été créé par Dieu une fois pour toutes ; et aussi contre une vison scientiste et mécaniste du monde.

* Oui, Teilhard est résolument évolutionniste. Dans un texte de 1921, le père écrit: «Dieu fait moins les choses qu'il ne les fait se faire» et dans un texte de 1922 : «Plus nous ressuscitons scientifiquement le Passé, moins nous trouvons de place, ni pour Adam, ni pour le Paradis terrestre.». Le Cardinal Merry del Val, de la Curie Romaine - qui, très engagé dans la lutte contre le modernisme fit condamner le Sillon de Marc Sangnier – lui reproche de nier le dogme du Péché originel...

* Et, le combat de Teilhard est aussi de s'opposer à une vision mécaniste du monde : Forts de notre vision scientifique, nous avons abandonné une vision holistique du monde, pour une vision essentiellement mécaniste.

Que s'est-il passé ? R. Descartes (1596- 1650) acquiert la certitude que les lois de la nature sont accessibles à l'intellect, et permettent à notre esprit de déterminer l'essence des choses. ( Ego cogito, ergo sum ). Il estime que la pratique de la science permet de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » Discours de la Méthode (6e partie).

Avec Descartes, nous avons pensé que tous les aspects des phénomènes complexes peuvent être compris en les réduisant à leurs éléments constituants. La matière comme objet scientifique est quantifiable ; et ses qualités, sont vues comme étant issues du processus mental et non des propriétés de l’objet même. Newton (1642-1727) va valider cette intuition cartésienne. Sa théorie permet de formuler des lois générales du mouvement des corps solides, jusqu'aux objets du système solaire. L'idée d'un '' Monde – machine'' s'impose et cette vision mécaniste s'étend à la sociologie, à l'économie... L'humain seul réunit deux substances, la matière et l'esprit.

*Teilhard se situe à l'opposé de cette vision mécaniste du monde :

** Autour de 1910, Teilhard lit L’Evolution créatrice (1907) de Bergson, et comprend, au contraire, qu'il existe « une hétérogénéité de fond entre Matière et Esprit - corps et âme, inconscient et conscient, deux “substances” de nature différente […] non point deux choses, mais deux états, deux faces d’une même étoffe cosmique ». Cependant, Bergson dissocie âme et corps, et envisage l'immortalité de l'âme. Teilhard préfère unir ce que Bergson sépare, et va beaucoup plus loin sur l'étendue de la conscience ( Bergson s'en tient aux animaux), il l'a fait déborder du vivant à l'Univers entier....

Je reviens à cet article des Nouvelles littéraires (1951), qui permet au père jésuite d'expliquer ses intuitions : « (...) dans l’ordre de la pensée scientifique, la découverte, la prise de conscience, veux-je dire, de l’idée d évolution — d’évolution biologique, j’entends — me permettait de relier, dans le domaine de l’expérience, les deux notions d’énergie matérielle et d’énergie psychique. »

« (…) je ne suis ni un philosophe ni un théologien, mais un étudiant « du phénomène » (un physicien au vieux sens grec). Or, à ce modeste niveau de connaissance, ce qui domine ma vision des choses, c’est la métamorphose que l'homme nous oblige à faire subir à l’univers autour de nous à partir du moment où (conformément aux invitations impérieuses de la science) on se décide à le considérer comme formant une part intégrante, native, du reste de la vie. Comme suite, en effet, à cet effort d’incorporation, deux constatations capitales émergent, si je ne me trompe, dans notre perception expérimentale des choses. La première étant que l’univers, bien plus que par une « entropie » (le ramenant aux états physiques les plus probables), est caractérisé par une dérive préférentielle d’une partie de son étoffe vers des états de plus en plus compliqués, et sous-tendus par des intensités toujours croissantes de « conscience ». De ce point de vue strictement expérimental, la vie n’est plus une exception dans le monde ; mais elle apparaît comme un produit caractéristique — le plus caractéristique — de la dérive physicochimique universelle. Et l’humain, du même coup, devient, dans le champ de notre observation, le terme provisoirement extrême de tout le mouvement. L’humain : un bout du monde...

» Ceci posé, la deuxième constatation à laquelle on se trouve amené, à mon avis, par une acceptation scientifique intégrale du « phénomène humain », c’est que le courant de complexité-conscience, dont le psychisme réfléchi (c’est-à-dire la pensée) est expérimentalement issu, n’est pas encore arrêté ; mais que, à travers la totalisation biologique de la masse humaine, il continue à fonctionner — nous entraînant, par effet biologique de socialisation, vers certains états encore irreprésentables de réflexion collective — c’est-à-dire, comme je dis, vers quelque « ultra-humain ». »

 

** 1900, Max Planck, avec l'hypothèse des quanta, ruine la vision mécaniste du monde. Il écrit : « …une réalité métaphysique se tient à l’horizon du réel expérimental. » ( Max Planck, L’image du monde dans la physique moderne p 74 -1949 ) Puis, avec les relations de Heisenberg, c'est le rêve de Laplace d'un déterminisme absolu, qui s'écroule.

La physique quantique, qui analyse les composants ultimes (particules élémentaires ou quantons), met en évidence une indétermination radicale, et des propriétés de continu et de discontinu...

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1950 – L'Indochine

24 Juillet 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1950, #Casablanca, #Indochine, #Duras

Lancelot suit toujours avec intérêt les nouveautés en ce qui concerne la TSF, et depuis peu, la télévision avec, même, des postes de poche. Dans les actualités du ''Pathé-Journal'', on imagine un futur, où :« Plus besoin d'acheter le journal, on se branchera sur l'émission d'information; et la rue présentera un singulier spectacle », chacun déambulant les yeux rivés sur son poste. Dans le métro, on lira le poste du voisin, derrière son épaule, absorbés on se percutera dans la rue. La télévision se présentera comme un besoin impérieux, et les voitures seront munis d'un poste récepteur ; causant de multiples accidents. » !

Les hommes politiques seront « choisis par la séduction de leur sourire, et le velouté de leurs yeux. » ; les femmes se faisant particulièrement influencées. Les images, après avoir été en relief,, traverseront les murs comme le son actuellement, et s'incrusteront chez les voisins.

Nous sommes prévenus !

Lancelot, au Cinéma, a vu et apprécié : Casablanca. L'action se déroule au Maroc. Casablanca est alors contrôlée par le gouvernement de Vichy, et relate l'histoire de réfugiés voulant fuir le régime nazi. Humphrey Bogart est Rick, un expatrié cynique Ingrid Bergman est Ilsa, une femme qu'il n'aurait jamais cru revoir, la seule qu'il ait jamais aimée...

Le tournage avait débuté le 25 mai 1942. On tourne au jour le jour, sans connaître la fin.

Il y a cette scène où un homme est abattu devant un mur peint à la gloire Pétain, et se termine par l’atterrissage d'un avion, devant des visages emplis de peur : la mort ou un billet pour la Liberté.

Dans ce décor de bar, sur fond d'espionnage avec musique américaine, des exilés errent en attente d'un billet d'avion. Rick doit-il plus s'engager dans la résistance, ou feindre la neutralité ?

Ce ne sera que le 8 novembre 42, que les forces alliées débarqueront en Afrique du Nord.

Le film sort en salle aux Etats-Unis, au moment de la Conférence de Casablanca (1943).

L’Indochine française, regroupe des régions conquises à partir de 1858 telles que les protectorats du Laos, du Cambodge, de l’Annam et du Tonkin (Centre et nord du Vietnam), la colonie de Cochinchine (sud du Vietnam), ainsi qu’une petite partie de territoire chinois. Au sein même de l’Indochine française, les différents territoires ont des statuts variés, et sont donc administrés différemment.

En 1949, pour ce qui est de l'Indochine, nous pensions être arrivés à une solution avec la « solution Bao Daï » l'ex-empereur, à qui la France offre le pouvoir et l'indépendance du Vietnam, en 1948. Cette solution transformait l’Union indochinoise en trois États associés de la France : le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Ils restaient cependant dépendants de Paris pour la diplomatie et les questions militaires. 

A présent, Hô Chi Minh n'est plus seulement un nationaliste, mais un «pion dans le jeu de Moscou » ; et l'Indochine, un enjeu de la ''Guerre froide ''. Et, la France compte sur l'aide américaine, pour prendre le relais. Mao a pris le pouvoir en Chine, et le reste de l'Asie est sous la menace communiste.

Cependant, en France ( 1950 ), ce conflit apparaît pour certains, comme une guerre coloniale ; et pour la plupart, les laisse indifférents. D'autres, c'est vrai, souhaiteraient conserver notre Empire en le modernisant. ''Après tout'', Camus en 1945, demandait « un régime d’égalité devant la loi qui donnera au paysan annamite comme à l'ouvrier français la même part de dignité ». Il conclut : «si nous ne voulons pas perdre notre Empire », il faut «donner à nos colonies la démocratie que nous réclamons pour nous »

Marguerite Duras

Lancelot, a eu la surprise de découvrir en librairie , un roman signé Marguerite Duras '' Un barrage contre le Pacifique '', et de plus sélectionné pour le prix Goncourt 1950. ( Le jury, las de ne pouvoir se décider, aura choisi Paul Colin, qui restera inconnu.). Un roman anti-colonialiste, semble t-il ?

Après l'écriture de Balzac, nous trouvons le style de Duras beaucoup plus dépouillé ; un peu comme si le narrateur tentait avec difficulté de se souvenir de la forme des personnages, et privilégiait l'atmosphère pesante, le climat à la chaleur moite, les relations ambiguës. La tension est palpable entre le chinois et Suzanne, Suzanne et son frère Joseph, et la mère sans plus d'illusions.

Lancelot est touché finalement par la sincérité de cette écriture. Le fond et la forme se mêlent, comme la lenteur de la narration, des événements...

Il s'agit de l’Indochine, avant-guerre, et la description implacable d'une société coloniale en décadence. La mère se bat contre l´administration, contre la corruption, contre le Pacifique.

Le système colonial écrase autant les indigènes, que les ''petits blancs'' ; même en 1950, cette description ne correspond pas à ce que les français se représentent de l'Indochine. Il est vrai qu'à présent ce système est menacé, le Vietnam est coupé en deux.

Un autre point de vue, singulier et féminin, de ce livre est la relation entre une jeune fille blanche et un Indochinois (pas un vrai indigène, mais un Chinois) plus âgé, qui transgresse les codes de la société coloniale.

Les pauvres blancs, trop proches des indigènes, n'accèdent pas à la ''ville blanche''.

« Dans le haut quartier n'habitaient que les blancs qui avaient fait fortune. Pour marquer la mesure surhumaine de la démarche blanche, les rues et les trottoirs du haut quartier étaient immenses. [...] Arrosées plusieurs fois par jour, vertes, fleuries, ces rues étaient aussi bien entretenues que les allées d'un immense jardin zoologique où les espèces rares des blancs veillaient sur elles-mêmes. Le centre du haut quartier était leur vrai sanctuaire. C'était au centre seulement qu'à l'ombre des tamariniers s'étalaient les immenses terrasses de leurs cafés. Là, le soir, ils se retrouvaient entre eux. Seuls les garçons de café étaient encore indigènes, mais déguisés en blancs, ils avaient été mis dans des smokings, de même qu'auprès d'eux les palmiers des terrasses étaient en pots. ».

La mort est très présente dans Un barrage contre le Pacifique . Le livre s'ouvre et se termine sur des scènes de mort ; et la destinée de la société coloniale apparaît tragique.

 

Edgar Morin trouve dans la revue d'Emmanuel Mounier, Esprit, un espace de liberté et de dialogue. Dans le numéro de novembre 1951, Morin dénonce la répression en URSS, dans un article intitulé '' L'honneur de la vérité '' ; et accuse son parti de censurer ces informations... L'article provoque son exclusion du PCF. Dans sa cellule, Annie Kriegel demande «  l’exclusion du camarade Morin ; le Parti doit s’épurer. ». Morin raconte : « Et tous ont voté mon exclusion. Je dois dire que cette nuit-là, j’ai eu du chagrin parce qu’alors, être exclu du Parti était une excommunication, une malédiction comme celle qu’avait subie Spinoza. En rentrant de cette séance, j’entendais dans la nuit un pick-up qui jouait la marche ukrainienne que je chantais à l’époque des victoires et de l’espoir. J’avais perdu tout espoir. Mais le matin, j’étais heureux, j’étais libre, et je suis resté libre. »

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La Quête du Graal - 2– Béguin

19 Juillet 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Graal, #La Quête du Graal, #Béguin, #Zweig, #Balzac

Nos héros chevaliers, tentent de retrouver Galaad qui les précède, loin devant eux sur le chemin de la perfection; même lorsqu'il vient à leur secours et les délivre de l'ennemi, il les quitte aussitôt. La Quête s'attache aux seuls chevaliers qui conservent pendant celle-ci, leur parfaite chasteté, des trois chevaliers qui achèveront les aventures du Graal, deux sont vierges: Galaad et Perceval ; le troisième est le chaste Bohort.

Perceval, Bohort et Galaad, et le Graal

Perceval, finalement, a vaincu l'Ennemi ; et depuis ce moment il devient véritablement le chevalier du Christ. Une dernière et profonde transformation s'opère dans l'âme de notre héros naissant à la vie spirituelle. Sur la nef blanche, la nef de Salomon, il rencontre avec ses amis élus, sa soeur, devenue la vierge sainte, vouée au martyre. Pendant des années il accompagnera partout Galaad,

dont il sera le bras droit, l'aidant à abolir les « mauvaises coutumes » du royaume de Logres, à en achever les hautes aventures. Il ceindra l'épée merveilleuse que le « bon chevalier » a retiré du perron flottant le jour de la Pentecôte à Camelot et que ce dernier lui cède, une fois armé lui-même de l'épée du roi David. Ensemble, avec Bohort, ils entreront au château de Corbenic, ensemble ils participeront au banquet de la Cène ; ensemble ils emporteront le Graal et la lance qui saigne dans la Jérusalem céleste, à Sarras. Si les trois compagnons sont admis à la liturgie secrète du Graal , seul Galaad pourra contempler ce qu'il y a dans le Graal.

Là Perceval, témoin fidèle de la disparition des reliques ravies au ciel avec l'âme de Galaad, meurt ermite, en odeur de sainteté, pour reposer aux côtés de sa soeur et du Rédempteur au Palais spirituel.

Seul Galaad, le pur, le parfait, accédera à la vision du Graal, à Sarras qu'ils ont enfin abordé avec le navire construit jadis par le roi Salomon : c’est là que se perpétue la liturgie du Graal. Mais on ne survit pas à une telle vision : Galaad demande à Dieu de quitter cette terre. Perceval à son tour mourra. Bohort reviendra à la cour du roi Arthur, c’est lui qui racontera à un clerc chargé de les mettre par écrit les aventures de la quête du saint Graal.

Le Graal et la Lance, ont disparu dans les airs définitivement ; comme à la fin de l'épopée arthurienne, l'épée d'Arthur disparaîtra dans les eaux.

Nos héros, recherchent un mystère plus élevé, et reçoivent souvent le « corpus domini » ( l'Eucharistie) ; cette connaissance est selon les mots de Galaad : « voir ouvertement ce que l'esprit ne peut concevoir ni langue décrire »

Mais... Saint-Bernard ne condamnait-il pas, que : « apprendre pour savoir est vaine curiosité.... » ?

Madame Lot-Borodine ( cahiers du Sud ) nous enseigne qu'il y avait chez les cisterciens deux courants différents de pensée : celui qui se réclame de Saint-Bernard et celui qui dérivait de Guillaume de Saint-Thierry. Ce denier inspiré par les pères grecs, en particulier les Cappadociens, n'avait pas condamné la connaissance. Il y voyait un moyen d'aimer Dieu. C'est de lui que dériverait la Queste.

Gautier_Map: Aliénor_d'Aquitaine,_Henri_II_Plantagenêt

 

La fin du roman, tient à nous renseigner sur l'origine du texte de la Quête : il serait écrit par Gautier Map à partir des notes prises par les clercs d’Arthur lors du récit fait par Bohort à son retour de la Queste. Gautier Map (1130/1135-1210) a réellement existé. C’était un ecclésiastique et écrivain anglais qui a vécu à la cour du roi Henri II Plantagenêt (1133-1189), qui régna de 1154 à 1189.

La ''Queste '' n'est qu'un élément d'un grand ensemble ( un avant-dernier chapitre) , et suppose la lecture de l’œuvre complète.

Lancelot, père de l'élu Galaad, représente la Fin'amors et le passé du temps du Graal.

La Quête – qui se passe dans une forêt magique propice aux aventures – est une recherche dans une forêt de symboles, ou d'allégories.

Albert Béguin, dit à propos du Graal, qu'il s'est servi des travaux de Myrrha Lot-Borodine (1882-1957), pour lui servir de guide.

Lancelot ne manqua pas d’aller la voir lors de sa dernière maladie, à Fontenay-aux-Roses, dans la maison-pension de Melle Blanc au 1 rue Jean Jaurès. S'y croisèrent également, Jean Daniélou qui découvrit avec elle la théologie mystique de l'Orient, et le théologien Vladimir Lossky.

 

A Fléchigné, visites fréquente de Robert Buron, un homme politique avec qui on a plaisir à débattre. Démocrate-chrétien, ses années de jeunesse parlent beaucoup à Lancelot. Fondateur et député MRP, il est très sensible à l'urgence sociale qui se manifeste dans ces années, il soutient son ami l'abbé Pierre. Maire en 1953, il va beaucoup faire pour ouvrir Villaines-la-Juhel à la modernité.

'' L'autre personnalité que nous avons en haute estime est le libraire de la ville.

La boutique paraît intimidante aux gens du bourg, elle fait aussi papeterie et vend les livres scolaires ; mais elle est le lieu de passage de l'élite lettrée et cultivée du pays. Si nous sommes accueillis par un jeune homme en blouse grise, que l'on appelle le grouillot, celui-ci en nous reconnaissant, appelle aussitôt son patron. En blouse blanche, celui-ci, après une conversation polie, prend connaissance de la liste que nous lui proposons. Il nous installe alors dans un petit salon ouvert ; et nous rejoint avec une pile d'ouvrages disponibles. Parmi ceux-là, il y a quelques propositions de sa part.'' Ce jour-là Lancelot revient avec la traduction française, d'un ouvrage de Stefan Zweig, Trois Maîtres, Balzac, Dickens, Dostoïevski.

Honoré de Balzac

Pour nous, La Comédie Humaine de Balzac, tient une place de choix dans notre bibliothèque ; c'est à dire que la série d'ouvrages est régulièrement feuilletée, jusqu'à l'envie de reprendre l'un des vingt-quatre volumes.

Le dernier repris était '' le Colonel Chabert'' qui, précisément, fait référence à un point que Zweig souligne : Balzac naît au commencement de l'Empire ; son enfance coïncide avec l'époque héroïque de l'Empire, il en fait son mythe. L'exemple de Napoléon « fait naître en lui le désir de n 'aspirer toujours qu'à l'ensemble, de chercher avidement à saisir non pas quelque richesse isolée mais toute la plénitude de l'univers... », « il comprime l'univers qu'il a ainsi dompté dans le grandiose carcan de la Comédie humaine. ». Balzac veut être le Napoléon de la plume ! Et, il montre que le pouvoir suprême est à la merci de l'homme de la plus humble extraction.

Les héros de Balzac, sont, comme lui, des ''hommes à passion'', des ''monomanes'' . Lui est créateur d'univers, un forcené du travail. « Avec chacun de ses nouveaux livres, avec chaque désir qu'il mettait ainsi en œuvre, sa vie se rétrécissait comme la magique peau de chagrin de son roman mystique. » Zweig estime que Balzac, ne pouvait pas avoir de philosophie à lui ; il épousait chacune de ses personnages. Son principe de vie était la Volonté. Une autre idée forte, source de réalité est la valeur de l'Argent. L'argent, force agissante de la vie sociale.

Anne -Laure de Sallembier, ponctue les conversations à propos de Balzac, par des anecdotes qu'elle destine à la petite Elaine. Notre aïeul Charles-Louis de Chateauneuf, fréquentait le salon de Delphine Girardin, et pouvait croiser Balzac avec d'autres grands écrivains comme Musset, ou Hugo. Chateauneuf va s'approcher, pour une femme, d'une société secrète, dont s'inspire Balzac dans Ferragus ; et c'est chez la duchesse d'A. qu'il eut la chance de pouvoir, avec lui, converser avec passion de science et de philosophie ( Swedenborg, l'alchime et Catherine de Médicis, etc..).

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La Quête du Graal - 1– Béguin

12 Juillet 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Graal, #La Quête du Graal, #Béguin, #Chevalerie, #Grâce

Lancelot, avec le désir de se remettre à l'équitation, fait une chute et se retrouve contraint à l'immobilisation et au port du corset. Dès ce mois passé plutôt douloureux; Lancelot est à présent poursuivi par une fièvre incessante, sans symptôme particulier, sinon un état maladif qui le renvoie à la maladie, la mort, et la réflexion.

Lancelot a donc profité de ce congé, pour se réfugier plusieurs semaines à Fléchigné ; un livre l’accompagne : La Quête du Graal, transcription de Béghin, qu'il lui a lui-même offert ( voir précédemment : La Quête du Graal, par A. Béguin ) .

Anne-Laure lui propose d'en faire lecture, en soirée. Ainsi, Elaine entend l'intégralité d'un texte, si important pour nous. Elaine connaît déjà de nombreux personnages de la légende ; Lancelot s'étonne d'ailleurs de la fréquence à laquelle, elle trouve, dans ses jeux ou dans la vie quotidienne, des analogies pour en faire référence.

 

L'entrée dans la Quête du Graal, par la porte de Béguin ; arrive au bon moment pour Anne-Laure et Lancelot. De lecture aisée, nous entrons de plain pied dans la spiritualité de la Quête ; il s'agit d'un ouvrage que certains qualifieraient de religieux, déçus de n'y pas trouver les récits courtois et chevaleresques qu'a préféré retenir quelqu'un comme Jacques Boulenger dont nous avons déjà parlé, et que Lancelot avait rencontré.

Béguin, s'il est parti des manuscrits qu'avait rapportés Albert Pauphilet (1884-1948), a tenté d'offrir une traduction, plutôt qu'une adaptation de ce texte : la '' Queste del Saint-Graal'', qui date des environs de 1220.

Etienne Gilson (1884-1978)

Etienne Gilson ( 1925 dans Romania) explique que cette oeuvre exprime une conception chrétienne sous influence cistercienne, avec un Graal qui représente la Grâce.

La morale courtoise y est jugée et condamnée, à l'image de la relation entre Lancelot et Guenièvre.

L'idéal, écrit-il, « ne saurait être la connaissance de Dieu par l'intelligence, mais la vie de Dieu dans l'âme par sa charité, qui est la grâce ; d'un mot La Queste serait principalement organisée, non autour de la connaissance, mais autour du sentiment. »

 

Lecture :

Apparaît à la cour du Roi Arthur, le chevalier seul digne d'occuper le '' Siège Périlleux'' de la Table Ronde : Galaad (fils de Lancelot, et de la fille du Roi Pêcheur ). Le jour de Pentecôte, « le Saint-Graal parait, couvert d'une soie blanche », personne ne le voit, et qui le porte ; il garnit chacun de mets qu'il désire ; et chacun remercie Notre Seigneur, de les nourrir de la grâce du Saint-Graal. Chaque chevalier, fait vœu de retrouver le Graal.

E. Gilson, note que le jour de Pentecôte est l'anniversaire de la descente de la grâce du Saint-Esprit sur les Apôtres : « Le Graal, c'est la grâce du Saint-Esprit, source inépuisable et délicieuse à laquelle s'abreuve l'âme chrétienne. »

Si le Roi Arthur se désole de voir partir ses meilleurs chevaliers, nombreux sont ceux qui veulent s'engager dans la Quête. C'est Galaad qui formule le serment repris par tous : « en loyal chevalier, il maintiendra la Quête un an et un jour et plus encore s'il le fallait, et que jamais il ne reviendrait à la cour qu'il n'eût appris la vérité du Saint-Graal, s'il pouvait l'apprendre. »

Ensuite, c'est séparé, chacun son chemin, qu'ils se dispersent dans la forêt, pénétrant là où elle était la plus épaisse.

Commencent les aventures de Galaad.

Chaque aventure de la Quête , n'est en rien semblable de celle d'un chevalier qui n'y serait pas inscrit. Sur le chemin, un sage prud'homme se charge d'en expliquer le sens.

Galaad est comparé ( par la semblance) au Christ ; et les moines rappellent que les aventures du royaume de Logres ne disparaîtront qu'avec la venue de Galaad et l'issue de la Quête. La Quête ici n'est pas présenté comme la recherche de la Sainte Coupe ; mais comme un chemin aux diverses épreuves.

A la suite de la faute du jeune chevalier adoubé par Galaad, Mélyant, le péché d'orgueil, qui lui valut d'être blessé lors de la joute ; le moine qui lui explique le sens de l'aventure ; ajoute qu'il a confondu '' chevalerie célestielle'' et '' chevalerie du siècle ''.

L'écoute de la messe fait partie du quotidien du chevalier.

Le château des pucelles, que délivre Galaad de la mauvaise ''coutume'', était sous la coupe de sept chevaliers ( qui représentent les sept péchés capitaux). Il délivre les pucelles ( c'est à dire les âmes pures), à l'image du Christ.

La présence du diable constante. Les aventures ''terriennes'' , devenues des symboles de la lutte de Dieu et de l'Ennemi ...

A la différence de Galaad, qui se bat mais ne tue pas ; Gauvain est qualifié de mauvais chevalier ; de plus, il ne répond pas aux sollicitations du prud'homme et prêtre, de se confesser.

Les aventures de Lancelot, le conduisent d'une chapelle devant laquelle, alors que le Graal lui apparaît, il reste ''endormi'' ; jusqu'à un ermitage, où il se accepte le discours de l'ermite qui l'enjoint de croire en la miséricorde de Dieu, et de se confesser. Lancelot finit pas avouer sa faute avec la Reine Guenièvre.

Les aventures de Perceval, mettent le chevalier aux prises de l'Ennemi, qui prend la forme d'un cheval noir, d'un serpent ou d'une belle demoiselle... Perceval, perd son cheval, et s'épuise à pied à rattraper Galaad.

« Ah ! Perceval ! Dit le prud'homme, tu seras toujours aussi candide ! » ; mais, il est sauvé par la grâce.

 

Les aventures et les échecs de Gauvain et d'Hector : Gauvain est trop sensible à la gloire et aux amours d’ici-bas. Il est le pécheur endurci ; ses actions, belles en soi, vont à rebours de celles des saints ; elles sont donc condamnables et le héros tue à son insu son ami Yvain et devient un réprouvé.

Les aventures de Bohort – un saint laborieux - et l'échec de Lionel.

Les aventures de Galaad, avec l'Arbre de vie qui servit le bois dont est fait le navire de Salomon , les retrouvailles avec Bohort et Perceval ; arrivée de la sœur de Perceval. Si la femme de Salomon représente « l'ancienne loi », la sœur de Perceval représente la « nouvelle loi ».

Aventure et histoire de la ''nef de Salomon" ( le Temple, ou l’Église) et des objets merveilleux qu'elle abrite. Les trois compagnons prennent la mer avec la sœur de Perceval, qui mourra après avoir donné son sang à la châtelaine du château de la lépreuse.

On retrouve les aventures de Lancelot – le pécheur repentant - qui l'amènent à retrouver Galaad, quelques jours, avant d'errer de nouveau ; et parvenir au château du Graal. Il combat des lions fantasmagoriques, et trouve un château vide. Cependant, il s'approche d'une salle où se passe un rituel, mais l'entrée lui est interdite. Il est écarté du bénéfice de la grâce, Lancelot préférerait-il Guenièvre au Graal … ?

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1950 - Félix Sinclair

7 Juillet 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Félix Sinclair, #1950

Alors que Frédéric Joliot est haut-commissaire du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), il devient début 49, président du « Mouvement mondial des partisans de la paix ». Le président des Etats-Unis Harry S. Truman en janvier 1950, fait part des recherches américaines sur la bombe thermonucléaire. Joliot lance en mars 1950 « l’appel de Stockholm » pour l’interdiction de l’arme atomique qui recueille des dizaines de millions de signatures.

"Appel :

Nous exigeons l'interdiction absolue de l'arme atomique, arme d'épouvante et d'extermination massive des populations.

Nous exigeons l'établissement d'un rigoureux contrôle international pour assurer l'application de cette mesure d'interdiction.

Nous considérons que le gouvernement qui, le premier, utiliserait, contre n'importe quel pays, l'arme atomique, commettrait un crime contre l'humanité et serait à traiter comme criminel de guerre.

Nous appelons tous les hommes de bonne volonté dans le monde à signer cet appel."

L'Humanité_29 avril 1950

Ses activités politiques valent à M. Joliot-Curie d'être démis de ses fonctions de haut-commissaire le 28 avril 1950.

Le Figaro du 29 avril 1950, rapporte que « C’est du reste ce que M. Georges Bidault avait déclaré la veille à M. Joliot-Curie, convoqué à l’Hôtel Matignon. Ce dernier ne trouva d’autre excuse à son obéissance à un gouvernement étranger que le slogan répandu par les communistes : « Staline travaille pour la paix, tandis que le gouvernement français prépare la guerre. » — C’est par amour et par vénération de la paix que j’ai choisi Staline, — Pour le servir en toute indépendance, lui répondit M. Georges Bidault, il est par conséquent nécessaire que vous renonciez à vos fonctions... Le Conseil des ministres s’est rangé à l’avis du président du Conseil. »

 

En Ecosse, Félix Sinclair, âgé de vingt et un ans, vient d'enterrer sa mère, et découvrir la réalité des événements qui ont provoqué sa naissance. Il pose pour la première fois, un pied sur le Continent, ce jour de mars 1950. ( voir par ex/ 1941 – Lyon – Sinclair - 1941 – L'Ecosse – Rosslyn Chapel - Sinclair - ).... 

Avec les éléments qu'il a à sa disposition ; il trouve assez facilement le chemin de Fléchigné.

Quelle surprise pour Anne-Laure, que cette visite ! Lancelot averti, décide de les rejoindre au plus vite.

Félix, curieux de tout, en se promenant dans la région, rencontre une jeune fille, elle-même en visite chez des cousins de Mayenne. Micheline habite avec sa sœur et ses parents au Havre, actuellement en reconstruction. En attente d'être relogés dans les nouveaux immeubles de l'avenue Foch, ils habitent chez de la famille dont la maison a réchappé aux bombardements.

Entre les deux jeunes gens, c'est un véritable coup de foudre. Ils reviennent ensemble au Havre.

 

Puis, Félix ''ferme la parenthèse'' et retourne en Ecosse. Quelques mois plus tard, n'ayant pas renoncé à correspondre avec elle, Félix apprend que la jeune femme est enceinte. Il est affolé, car ce projet contrevient à sa promesse faite à sa mère, quant à un mariage prévu de longue date...

Un mariage que son ''nom'' oblige, il n'a pas le choix....

Il écrit tout cela à la jeune femme ; et à Lancelot.

 

Pourtant, au cœur du mois d’août, il reprend le voyage pour le Havre, sûr de pouvoir laisser seul l'amour décider.

Au Havre, Félix apprend très vite que la mère de son enfant s'est mariée ; et s'est envolée avec son mari à Casablanca, au Maroc.

Anne-Laure de Sallembier connaît bien le mari de la jeune fille ; puisqu'il est originaire de cette même région de Mayenne, en lien familial. La jeune femme, d'ailleurs, le connaissait déjà ; et le jeune homme avait l'opportunité d'un poste intéressant dans une entreprise de travaux publics, à Casablanca, qui s'ouvrait à lui, s'il partait rapidement... Juste, le temps de se marier. !

C'est ainsi que je suis né, le 10 décembre 1951, à Casablanca. J'ai, certes, modifié quelques circonstances. Ma mère est bien Micheline Haquet, havraise. Mon père se rattache à Fléchigné, il se nomme Georges Vétillard.

 

Lancelot et Anne-Laure de Sallembier, ont bien intégré cette marque de fabrique de leur lignée : la transmission échappe aux règles ordinaires de la famille. Elle-même, ne portât jamais le nom de son père ( qui précisément était ''Vétillard'' ! ( Louis-Ferdinand Vétillard, était un notable commerçant de Paris).

Lancelot lui-même, s'il porte le nom de son père, connut tardivement son géniteur; mais avant lui, Charles-Louis de Chateauneuf, était par sa mère, relié aux seigneurs du Limousin, mais hors lignée officielle, bien que reconnu.

 

Un soir, alors que Lancelot et sa mère échangeaient sur des événements du passé de la lignée. Elaine semblait douter de ce qu'ils évoquaient : « ça n'existe pas ! »

Quelle bonne question... Le passé existe t-il encore ?

Lancelot répond rapidement à Elaine, que ce qui s'est passé dans le temps ; c'est aussi ce qui se passe dans l'espace... Je ne suis plus à Paris, avec ta maman, pourtant je suis certain qu'elle existe aussi, même si je ne suis plus à Paris.... Plus tard, à Paris, je serai sûr qu'Elaine existe bien, alors que je ne serai plus avec toi... 

Anne-Laure continue : «  C'est très important, ce que nous sommes en train de dire.... Crois-moi, quand tu seras vieille comme moi, et que tu reviendras à Fléchigné, tu repenseras à ces instants que nous vivons, tu regarderas les murs, tu les toucheras, tu sentiras même cette odeur, et tu sera sûre que ces instants existent encore ; dans une autre dimension que malheureusement nous n'appréhendons pas avec nos sens, c'est-à dire avec nos yeux... Je ressens bien cela, dans une Eglise, par exemple.... »

Anne-Laure et Lancelot pensent alors à la même chose ; à la ''quatrième dimension '' que Proust évoquait dans un article du Figaro ( depuis 1912, gardé précieusement) sur '' L'église de village '', « un édifice occupant, si l’on peut dire, un espace à quatre dimensions – la quatrième était celle du Temps, – déployant à travers les siècles son vaisseau qui, de travée en travée, de chapelle en chapelle, semblait vaincre et franchir, non pas seulement quelques mètres, mais des époques successives d’où il sortait victorieux... »

Elaine semble avoir compris certaines choses, puisqu'elle de mande : « mais, si la maison n'existe plus ? »

Lancelot répond : «  Ce serait plus difficile, nous n'aurions plus nos sens, la vue, l'odorat pour nous aider... mais nous savons que le passé existe quand même. Tu sais, beaucoup de choses existent que nous ne percevons pas.... » Elaine répond : « comme ma maman, que je ne vois pas. ».

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1949-1950 - Lancelot – La Guerre froide

2 Juillet 2023 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #1949, #CIA, #Schuman

Lancelot, qui dépend toujours de son ministère d'origine, celui de la Défense, est convoqué, en novembre 1949, par le cabinet du ministre Pleven. rue Saint-Dominique.

René Pleven ( 1901 - 1993 )

Lancelot apprécie cet homme politique; il avait tenté, à tort selon beaucoup, un rapprochement entre le MRP et RPF ( de Gaulle). Ministre en pleine guerre d'Indochine , alors que l'opinion est assez indifférente à cette guerre coloniale lointaine; mais pourrait changer de statut avec la Révolution chinoise, et donc l'extension de la guerre froide.

Pleven était partisan de Pacte Atlantique et opposé au réarmement de l'Allemagne.

Lancelot est reçu par son responsable administratif, l'invite à signer l'habituel document qui l'engage à ne rien divulguer de cette rencontre, et lui présente un conseiller de l'ambassadeur américain David Bruce, et Jean-Paul David, qui d'ailleurs fort sympathiquement, lui avait proposé récemment de l'accueillir dans son parti : le RGR, le Rassemblement des gauches républicaines.

Malheureusement, cette réunion ''surprenante'' s'appuie sur une erreur des renseignements américains, selon laquelle Lancelot serait communiste ! Et peut-être même un agent pour la Tchéka !! Lancelot tombe des nues, et ne sait comment convaincre ses interlocuteurs de ses positions, à l'opposé de celles-ci.

Enfin, l'américain dévoile une série de documents qui attestent l'engagement de son épouse Geneviève dans le Parti communiste français. Photos, rapports, à l'appui.

En conclusion : Lancelot reconnaît les choix politiques - différents des siens - de la part de sa femme. Et, au risque de déplaire à ses interlocuteurs, Lancelot refuse d'envisager de travailler avec la CIA.

En conséquence... Il accepte une nouvelle affectation, au service de l’administration française ! Cette entrevue s'avère, pour Lancelot, très désagréable ; et surtout, lui laisse un arrière goût de trahison et d'un manque de jugement incompréhensible sur son travail.

 

La guerre froide intensifie la fascination pour les États-Unis depuis la libération. La culture américaine est bien présente, avec le succès de différents styles musicaux, du jazz au be-bop, qui influencent nos artistes. Les français découvrent Hemingway, Faulkner, les romans d'espionnage de Ian Flemming. Le ''Journal de Mickey'' commence sa parution en 1952. Avec le cinéma, nous découvrons les lunettes Ray ban, les briquets zippo, les mouchoirs jetables, les chewing-gum, les cigarettes blondes.... Les bases américaines de l'OTAN participent à la diffusion de ''l'American way of life''.

Les États-Unis financent plusieurs organisations comme les congrès pour la liberté de la culture, '' Paix et Liberté '' ; des revues, des brochures...etc

C'est Jean-Paul David, qui est le fondateur de Paix et Liberté, un mouvement anticommuniste très actif qui a sa chronique régulière sur les ondes nationales.

Lancelot a suivi, depuis Paris, la fondation du Congrès international pour la liberté de la culture (CILC) au Titania Palace à Berlin-Ouest le 26 juin 1950. Il s'agit de répondre à l'offensive communiste internationale, pilotée par l'URSS, sur le plan idéologique et politique.

Sont présents parmi ceux que nous connaissons : Denis de Rougemont, Pierre Emmanuel Karl Jaspers, John Dewey, Arthur Schlesinger, Bertrand Russell, Ernst Reuter, Raymond Aron, Jacques Maritain, Arthur Koestler, Robert Montgomery, Tennessee Williams, Ernst Reuter... etc. Plusieurs ex-communistes, comme Koestler et Borkenau, sont parmi les plus véhéments à résister au communisme.

Robert Schuman (1886-1963)

Quelques jours plus tard, Lancelot est nommé au Ministère des affaires Étrangères, à partir du 1er janvier 1950. Il s'avère, même s'il n'a pas pu le rencontrer, que c'est le ministre lui-même, Robert Schuman, qui s'est proposé de le recevoir dans ses équipes.

Schuman est arrivé au Quai d’Orsay, en juillet 1948. La question allemande est l'une de ses premières préoccupations.

Le 5 mai 1949, 10 pays ont signé à Londres le statut du Conseil de l'Europe, mais cela n'a pas satisfait Robert Schuman : ce conseil est consultatif, et peu incitatif à aller plus loin... Le protectorat français sur la Sarre reste un problème pour la RFA ; de même la tutelle internationale sur les bassins miniers de la Ruhr... Schuman élabore, avec Jean Monnet un plan en toute discrétion. Les parlementaires et les industriels ont été écartés du projet, Adenauer le soutient... Le 8 mai 1950, secrètement les cinq ministres des Affaires économiques du Royaume-Uni, des trois pays du Benelux et de l'Italie, sont mis au courant.

Et le 9 mai 1950 - à 18 heures dans le salon de l'Horloge du Quai d'Orsay à Paris - Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, propose de placer, sous une Haute Autorité européenne, la mise en commun de la production et le marché du charbon et de l'acier.

CECA

Cette déclaration provoque un engouement pro-européen, et les négociations aboutissent finalement à la signature du traité CECA à Paris entre les Six (France, RFA, Italie, Benelux), le 18 avril 1951, pour une durée de cinquante ans.

 

Mais, la mission proposée à Lancelot ne concerne ni l'Allemagne, ni l'Europe ; mais le Vatican ! Il est en effet chargé du conseil et de la rédaction de notes concernant les liens avec le Saint-Siège, via notre ambassade.

Lancelot, reste fortement blessé par l'abandon de ses supérieurs, et ressent cette nouvelle affectation comme une ''mise au placard''.

Anne-Laure de Sallembier a plaint son fils, et aussi beaucoup ri ! Pourquoi ne pas envisager, comme un signe, cette étrange affectation. ?

Elaine, qui a cinq ans, interroge son papa, s'il pourra venir plus souvent à Fléchigné. « Effectivement ! Si je laisse tomber les américains, et les communistes ; j'aurai plus de temps.... »

La conversation avec Geneviève a été plus difficile. Sans donner ses sources, et sans faire allusion à sa convocation ; Lancelot l'interroge sur son engagement politique, lui laissant entendre ce que des collègues lui auraient rapporté ; et, sa propre mise à l'écart. Choquée par ces critiques, Geneviève admet son investissement dans le '' Mouvement de la Paix'' ; mouvement, ouvert à tous et non aux seuls communistes, aux objectifs qu'elle est fière de défendre....

Très vite, elle en vient à ses reproches envers Lancelot, et ce mariage qu'elle qualifie '' d'arrangé''. Lui et sa mère, ne l'aurait ''arrangé'' que pour lui substituer sa fille. Lancelot lui rappelle le contexte de la naissance d'Elaine. C'est elle qui a préféré vivre et rester à Paris, elle est entièrement libre de voir sa fille, à Fléchigné, quand elle le souhaite.

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