chevalerie
La Quête du Graal - 1– Béguin
Lancelot, avec le désir de se remettre à l'équitation, fait une chute et se retrouve contraint à l'immobilisation et au port du corset. Dès ce mois passé plutôt douloureux; Lancelot est à présent poursuivi par une fièvre incessante, sans symptôme particulier, sinon un état maladif qui le renvoie à la maladie, la mort, et la réflexion.
Lancelot a donc profité de ce congé, pour se réfugier plusieurs semaines à Fléchigné ; un livre l’accompagne : La Quête du Graal, transcription de Béghin, qu'il lui a lui-même offert ( voir précédemment : La Quête du Graal, par A. Béguin ) .
Anne-Laure lui propose d'en faire lecture, en soirée. Ainsi, Elaine entend l'intégralité d'un texte, si important pour nous. Elaine connaît déjà de nombreux personnages de la légende ; Lancelot s'étonne d'ailleurs de la fréquence à laquelle, elle trouve, dans ses jeux ou dans la vie quotidienne, des analogies pour en faire référence.
L'entrée dans la Quête du Graal, par la porte de Béguin ; arrive au bon moment pour Anne-Laure et Lancelot. De lecture aisée, nous entrons de plain pied dans la spiritualité de la Quête ; il s'agit d'un ouvrage que certains qualifieraient de religieux, déçus de n'y pas trouver les récits courtois et chevaleresques qu'a préféré retenir quelqu'un comme Jacques Boulenger dont nous avons déjà parlé, et que Lancelot avait rencontré.
Béguin, s'il est parti des manuscrits qu'avait rapportés Albert Pauphilet (1884-1948), a tenté d'offrir une traduction, plutôt qu'une adaptation de ce texte : la '' Queste del Saint-Graal'', qui date des environs de 1220.
Etienne Gilson ( 1925 dans Romania) explique que cette oeuvre exprime une conception chrétienne sous influence cistercienne, avec un Graal qui représente la Grâce.
La morale courtoise y est jugée et condamnée, à l'image de la relation entre Lancelot et Guenièvre.
L'idéal, écrit-il, « ne saurait être la connaissance de Dieu par l'intelligence, mais la vie de Dieu dans l'âme par sa charité, qui est la grâce ; d'un mot La Queste serait principalement organisée, non autour de la connaissance, mais autour du sentiment. »
Lecture :
Apparaît à la cour du Roi Arthur, le chevalier seul digne d'occuper le '' Siège Périlleux'' de la Table Ronde : Galaad (fils de Lancelot, et de la fille du Roi Pêcheur ). Le jour de Pentecôte, « le Saint-Graal parait, couvert d'une soie blanche », personne ne le voit, et qui le porte ; il garnit chacun de mets qu'il désire ; et chacun remercie Notre Seigneur, de les nourrir de la grâce du Saint-Graal. Chaque chevalier, fait vœu de retrouver le Graal.
E. Gilson, note que le jour de Pentecôte est l'anniversaire de la descente de la grâce du Saint-Esprit sur les Apôtres : « Le Graal, c'est la grâce du Saint-Esprit, source inépuisable et délicieuse à laquelle s'abreuve l'âme chrétienne. »
Si le Roi Arthur se désole de voir partir ses meilleurs chevaliers, nombreux sont ceux qui veulent s'engager dans la Quête. C'est Galaad qui formule le serment repris par tous : « en loyal chevalier, il maintiendra la Quête un an et un jour et plus encore s'il le fallait, et que jamais il ne reviendrait à la cour qu'il n'eût appris la vérité du Saint-Graal, s'il pouvait l'apprendre. »
Ensuite, c'est séparé, chacun son chemin, qu'ils se dispersent dans la forêt, pénétrant là où elle était la plus épaisse.
Commencent les aventures de Galaad.
Chaque aventure de la Quête , n'est en rien semblable de celle d'un chevalier qui n'y serait pas inscrit. Sur le chemin, un sage prud'homme se charge d'en expliquer le sens.
Galaad est comparé ( par la semblance) au Christ ; et les moines rappellent que les aventures du royaume de Logres ne disparaîtront qu'avec la venue de Galaad et l'issue de la Quête. La Quête ici n'est pas présenté comme la recherche de la Sainte Coupe ; mais comme un chemin aux diverses épreuves.
A la suite de la faute du jeune chevalier adoubé par Galaad, Mélyant, le péché d'orgueil, qui lui valut d'être blessé lors de la joute ; le moine qui lui explique le sens de l'aventure ; ajoute qu'il a confondu '' chevalerie célestielle'' et '' chevalerie du siècle ''.
L'écoute de la messe fait partie du quotidien du chevalier.
Le château des pucelles, que délivre Galaad de la mauvaise ''coutume'', était sous la coupe de sept chevaliers ( qui représentent les sept péchés capitaux). Il délivre les pucelles ( c'est à dire les âmes pures), à l'image du Christ.
La présence du diable constante. Les aventures ''terriennes'' , devenues des symboles de la lutte de Dieu et de l'Ennemi ...
A la différence de Galaad, qui se bat mais ne tue pas ; Gauvain est qualifié de mauvais chevalier ; de plus, il ne répond pas aux sollicitations du prud'homme et prêtre, de se confesser.
Les aventures de Lancelot, le conduisent d'une chapelle devant laquelle, alors que le Graal lui apparaît, il reste ''endormi'' ; jusqu'à un ermitage, où il se accepte le discours de l'ermite qui l'enjoint de croire en la miséricorde de Dieu, et de se confesser. Lancelot finit pas avouer sa faute avec la Reine Guenièvre.
Les aventures de Perceval, mettent le chevalier aux prises de l'Ennemi, qui prend la forme d'un cheval noir, d'un serpent ou d'une belle demoiselle... Perceval, perd son cheval, et s'épuise à pied à rattraper Galaad.
« Ah ! Perceval ! Dit le prud'homme, tu seras toujours aussi candide ! » ; mais, il est sauvé par la grâce.
Les aventures et les échecs de Gauvain et d'Hector : Gauvain est trop sensible à la gloire et aux amours d’ici-bas. Il est le pécheur endurci ; ses actions, belles en soi, vont à rebours de celles des saints ; elles sont donc condamnables et le héros tue à son insu son ami Yvain et devient un réprouvé.
Les aventures de Bohort – un saint laborieux - et l'échec de Lionel.
Les aventures de Galaad, avec l'Arbre de vie qui servit le bois dont est fait le navire de Salomon , les retrouvailles avec Bohort et Perceval ; arrivée de la sœur de Perceval. Si la femme de Salomon représente « l'ancienne loi », la sœur de Perceval représente la « nouvelle loi ».
Aventure et histoire de la ''nef de Salomon" ( le Temple, ou l’Église) et des objets merveilleux qu'elle abrite. Les trois compagnons prennent la mer avec la sœur de Perceval, qui mourra après avoir donné son sang à la châtelaine du château de la lépreuse.
On retrouve les aventures de Lancelot – le pécheur repentant - qui l'amènent à retrouver Galaad, quelques jours, avant d'errer de nouveau ; et parvenir au château du Graal. Il combat des lions fantasmagoriques, et trouve un château vide. Cependant, il s'approche d'une salle où se passe un rituel, mais l'entrée lui est interdite. Il est écarté du bénéfice de la grâce, Lancelot préférerait-il Guenièvre au Graal … ?
La Chevalerie, l'honneur et la guerre de 1914. -1-
Bernanos, comme J.B. sont des cavaliers, amoureux du cheval... Dans les dragons, ils pensaient éventuellement, affronter une mort glorieuse après une chevauchées lance au poing...
Bernanos est sorti anéanti de cette terrible expérience de quatre années. Loin de la gloire, il a rencontré le Mal... Ses romans, en particulier ''Sous le soleil de Satan '' et L'Imposture'' sont l'expression du combat spirituel au fond d'une tranchée... Une œuvre qui prend racine dans son enfance...
« Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que je fus. » dans 'Les Grands Cimetières sous la lune'
« Certes, ma vie est déjà pleine de morts. Mais le plus mort des morts est le petit garçon que je fus. Et pourtant, l’heure venue, c’est lui qui reprendra sa place à la tête de ma vie, rassemblera mes pauvres années jusqu’à la dernière, et comme un jeune chef ses vétérans, ralliant la troupe en désordre, entrera le premier dans la Maison du Père ».
« Pauvres petits garçons français, mis à la torture par les fabricants de morale civique, et qui n’auraient connu d’autre image de la France qu’un cuistre barbu qui parle de l’égalité devant la Loi, si le bonhomme Perrault – disons saint Perrault, puisqu’il est sûrement dans le Paradis ! – n’avait offert aux rois et aux reines exilés l’asile doré de ses contes, les châteaux du Bois dormant. Quel symbole ! les cuistres du siècle des cuistres poursuivant la majesté royale – leurs sabots à la main pour courir plus vite, les imbéciles – et la majesté royale déjà était à l’abri dans les pans de la robe des Fées. Le petit homme français, abruti de physico-chimie n’avait qu’à ouvrir le bouquin sublime, et dès la première page, il pourfendait les géants, il réveillait d’un baiser les princesses, il était amoureux de la Reine. [...] Je connais un jeune Lorrain de quatre ans qui, à ma demande : "Qu'est-ce qu'un roi ?" m'a répondu : "Un homme à cheval, qui n'a pas peur ! » : un chevalier ! » De 'Noël à la Maison de France', 1928, Essais et Ecrits de combat, I, Pléiade
Des contes, un roi, des chevaliers.... ? Ce n'est pas très sérieux.. !
« On peut faire très sérieusement ce qui vous amuse, les enfants nous le prouvent tous les jours.. » dit Bernanos... Adolescent, camelot du roi, il écrit - dans le journal Le Panache, revue royaliste illustrée, en 1907. - des nouvelles avec des chevaliers mourant à la guerre au service du trône de France. Pour Bernanos, la chevalerie c'est du sérieux...
Quand Bernanos parle d'Honneur, et pour donner corps au concept, il évoque la Chevalerie et le Moyen Age... Il n'est pas le seul...
Le chantre du patriotisme, son héraut : c'est Maurice Barrès (1862-1923)... Avant 1914, il est le maître à penser à droite et de certains à gauche...
« Si Monsieur Barrès n'eût pas vécu, s'il n'eût pas écrit, son temps serait autre et nous serions autres. Je ne vois pas en France d'homme vivant qui ait exercé, par la littérature, une action égale ou comparable. » Avis du jeune critique Léon Blum.
Avant et pendant la guerre, Maurice Barrès va être le 'propagandeur' de la guerre ; Romain Rolland le surnomme : « le rossignol des carnages... » Même à la fin de la Guerre, il reste le champion du « jusqu'auboutisme ».
Maurice Barrès est fasciné par les chevaliers, les croisades... En Orient, il en a cherché les traces ; et a exprimé son admiration dans '' Un jardin sur l’Oronte '', un roman qui présente dans un orient médiéval fantasmé, une histoire d'amour entre un chevalier et une sarrasine... En rapport avec la guerre, on peut y retrouver le goût de la gloire et de l'aventure.
Pendant toute la durée du conflit mondial, Barrès donne à L’Écho de Paris, des centaines d'articles... On peut lire, de Barrès, l'oraison funèbre de Paul Déroulède (1846-1914), en février 1914 ; il s'adresse au défunt : « Et maintenant, chevalier de la France, va rejoindre les grands chevaliers, tes pareils, la cohorte toujours accrue que mènent, depuis le fond des âges, les Roland, les Du Guesclin et les Bayard. » ( Chronique de la Grande Guerre, t. I,) Bernanos avait admiré Déroulède...
Il va comparer Péguy à Bayard, le capitaine Driant à Tristan ; et finalement tout soldat français... A un jeune soldat français, il écrit : « Cher enfant, Déroulède vous eût armé chevalier. […] je reconnais et salue (…) un des jeunes compagnons de Jeanne d’Arc, un de ces pages dont l’histoire n’a pas gardé le nom, et qui la comprenaient tout aisément, servaient sa gloire et sa tâche. » ( Chronique de la Grande Guerre, t.I )
Encore : … Nos soldats de 1914 possèdent intact l’héritage moral de nos vieux chevaliers (…). La civilisation des cathédrales n’est pas morte ! Nos soldats pratiquent toujours le code de la chevalerie et ses commandements précis. » ( Chronique de la Grande Guerre, t.I )
Enfin, Au printemps de 1919, à propos des aviateurs, Barrès notait dans ses Cahiers : « Les romans chevaleresques, vivre une vie de chevalier, conquérir le ciel, que cela est tentant ! Et de nos jours encore, je vois des gens qui réinventent une vie de chevalier »
Alors même que les armes parlent ; des spécialistes de l'art ou d'histoire rapportent que c'est en France, au Moyen-âge que la pensée chrétienne a trouvé sa forme parfaite ; au XIII e siècle, elle s'est exprimée au travers des cathédrales. Ils cessent d'employer l'adjectif ''gothique''... Les ravages exercés sur les cathédrales sont exploités dans la presse : la cathédrale blessée est souvent représentée, sous forme d’une allégorie féminine martyrisée... A la France : le Moyen Âge lumineux du temps des cathédrales et à l'Allemagne : les âges sombres des Grandes Invasions.
On retrouve la même symbolique en Angleterre et aussi aux Etats-Unis où la guerre est assimilée à une croisade contre le mal : c'est la « Pershing’s Crusaders »
Comme l'avait déjà observé Anne-Laure de Sallembier, et plus explicitement pendant la guerre, le chevalier arthurien est présenté comme le précurseur du gentleman britannique qui part à la guerre...
Jeanne d’Arc est un modèle pour tous les alliés : elle oppose à ses juges une foi inébranlable et symbolise le courage face au fanatisme. Sa vertu constitue l’ultime mode de l’expression chevaleresque.
Bernanos, décoré de sa croix de guerre, est défait... Le poilu n'est qu'un rouage d'une machine qui ne le considère que comme de la chair à canon. A la différence de Barrès, il ne s'est pas soustrait au destin tragique de sa génération.
L'après-guerre lui semble vide d'un pourquoi ? Pourquoi la guerre ? Pourquoi la Victoire ? Vide spirituel, et aussi intellectuel.
« De 1914 à 1918, l'arrière s'est parfaitement bien passé de nous. La mort de quinze cent mille des nôtres n'a rien changé à son aspect (…), je dis plus : ne fût-il pas revenu un seul d'entre nous, l'histoire de l'après-guerre n'en aurait pas été modifiée pour autant. Elle était faite par avance, et elle était faite sans nous ! » ''Les enfants humiliés: Journal 1939-1940''