sciences
1978 – Visite de Charles Hartshorne
Elaine partage son temps entre son poste de professeure agrégée au Lycée de Caen et ses activités d’enseignement à la Sorbonne.
Les études médiévales constituent depuis toujours un champ intrinsèquement pluridisciplinaire. Les textes littéraires du Moyen Âge, tels que les romans arthuriens, sont traversés de références philosophiques et théologiques ; d’abord platoniciennes et néoplatoniciennes, puis aristotéliciennes. Ainsi, le spécialiste de Chrétien de Troyes ou du cycle du Graal se confronte nécessairement à des notions centrales pour la pensée médiévale : la quête initiatique, la nature de l’amour (fin’amor), la foi, la morale ou encore l’ontologie du Graal. L’étude de ces textes suppose la maîtrise des langues originales (latin, ancien français, etc.) aussi bien qu’une solide compréhension du contexte historique, philosophique et théologique dans lequel ils ont été conçus.
Dans cette perspective, Elaine s’attache à dégager les concepts philosophiques et théologiques sous-jacents aux symboles et aux dialogues romanesques ; qu’il s’agisse, par exemple, de la querelle des universaux ou de la pensée de Thomas d’Aquin et de Duns Scot.
Parallèlement, profondément interpellée par la philosophie du processus d’Alfred North Whitehead - tout comme son compagnon Yvain l’est sur le plan scientifique -, Elaine cherche à en comprendre les fondements et à en explorer les affinités possibles avec la pensée médiévale. Ce rapprochement, qui exige d’importantes distinctions conceptuelles, vise moins à établir des filiations directes qu’à identifier des précurseurs ou des résonances d’idées. Elaine espère ainsi isoler les notions essentielles à la construction d’une pensée dont les paradigmes contemporains, parfois déconcertants, ne sont pas sans rappeler les bouleversements intellectuels du Moyen Âge.
Nous évoquerons en détail cet exercice plus tard, car l'heure est à l'actualité de la philosophie du Processus. Nous sommes en 1978.
Après la mort de Whitehead (1947), le texte original de Process and Reality fut longuement étudié.
Les chercheurs découvrirent que le livre publié de 1929 contenait des erreurs de composition, des inversions de paragraphes, et même des sections manquantes. Une édition critique complète (Corrected Edition, par D.R. Griffin & D.W. Sherburne, 1978) publiée cette année, permet de rétablir le texte conforme au manuscrit original. Cela confirme ce que tous pressentent : Process and Reality était un livre à la fois grandiose et inachevé, une œuvre vivante, à l’image du monde qu’elle décrit.
Cette même année, le philosophe américain Charles Hartshorne ( 1897-2000) accepte l’invitation à donner des cours pendant un semestre à Louvain. Hartshorne est l’un des principaux continuateurs de la pensée de Whitehead, il fut proche du cercle de Harvard et a été, à l’occasion, assistant/éditeur associé aux travaux de Whitehead.
C'est aussi l'occasion de remettre un doctorat honoris causa à Charles Hartshorne, et de rassembler toutes les personnes du processus qu'il est possible de contacter en Europe pour un week-end consacré à l’héritage de Whitehead. Les actes de ce colloque sont publiés par le Centre de Louvain. Au cours de ce week-end, la Société européenne pour la pensée processuelle (ESPT) est créée, avec Charles Hartshorne comme président d’honneur. Dès lors, Louvain assume la responsabilité et la présidence de l’ESPT.
Hartshorne, est assisté de Bertram Sinsernin, que Lancelot et Elaine connaissent bien ; je rappelle que Lancelot avait rencontré Bertram Sinsernin par l'entremise de Quentin et Vanessa Bell. Lancelot avait invité Sinsernin à résider dans son appartement à Paris. Cette rencontre se situe dans le contexte des années 1963-1973. Sinsernin était invité par le CIEPFC (École Normale Supérieure) et le Collège International de Philosophie pour assurer des conférences sur A. N. Whitehead. Il était également prévu qu'il participe à un colloque à Louvain. C'est à cette occasion qu'Yvain, le compagnon d'Elaine, l'avait accompagnée à Louvain pour une visite chez le scientifique Ilya Prigogine. Pour Elaine, les travaux de Prigogine (sur le temps irréversible et l'ordre émergeant du chaos) complètent la vision de Whitehead sur la « création continue » et l'évolution.
Sinsernin aurait souhaité, pour profiter de la venue d'Hartshorne, organiser à Paris une réception à la Sorbonne. Lors de cette tentative, Elaine a pu expérimenter à quel point la philosophie du processus avait du mal à s'implanter en France.
Dans les années 1970 la scène philosophique française se trouvait à un moment charnière : la phénoménologie et l’existentialisme, encore vivants mais en déclin, cédaient progressivement la place au structuralisme triomphant — puis au post-structuralisme, avec Foucault, Derrida, Deleuze ou Lyotard. Ces courants, centrés sur le langage, les structures, les rapports de pouvoir et la déconstruction du sujet, occupaient alors tout l’espace académique et médiatique. Dans ce paysage intellectuel dominé par l’analyse des systèmes de signes plutôt que par la spéculation métaphysique, les grandes révisions ontologiques venues du monde anglo-saxon — comme la philosophie du processus de Whitehead — restaient en marge.
Cependant, même en France, la philosophie du processus alimente des discussions en philosophie de la religion, en métaphysique et, plus tard, en écologie philosophique et en philosophie des sciences.
Entre 1960 et 1990, la philosophie française traverse une période d’intense créativité — mais aussi de suspicion envers la métaphysique, surtout celle de type systématique. Elle refuse les grandes synthèses totalisantes, elle se méfie des discours de l’unité, de la nature, du divin, et se focalise sur le langage, la structure, la différence, la déconstruction. Autant dire : tout ce que Whitehead n’est pas. Lui parle de cosmos, d’organisme, de Dieu, de finalité, de cohérence. Pour beaucoup de français des années 1960–1980, c’est « suspect » : trop systématique, trop spéculatif, trop “anglo-théologique”.
En schématisant, disons que - Sartre veut une philosophie de la liberté et du projet, non du cosmos. Merleau-Ponty explore la perception incarnée, pas les structures ultimes de l’univers. Foucault analyse les discours, pas la nature. Derrida déconstruit la prétention à l’unité du sens. Et face à cela, Whitehead proposait… une cosmologie organique, avec une métaphysique de la totalité.
Whitehead n’a été traduit en français que très tardivement (et partiellement). Pendant que les Anglo-Saxons lisaient Whitehead, les Français lisaient Heidegger, Marx, Lacan, Nietzsche.
La Gnose de Princeton – 1
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Quelques temps après le retour des Etats-Unis d'Elaine et Yvain, et après leur visite à Nancy, nous découvrons en vitrine de librairie, le livre de Raymond Ruyer, titré '' La Gnose de Princeton ''.
Nous nous y sommes précipités.
Nos première réactions concernait le titre, pourquoi ''Gnose'', à notre avis, dévalorisant et trop marqué religion , ce qui finalement s'avérait volontaire, puisque le sous-titre était '' Des savants à la recherche d'une religion ''. Nous nous attendions à que le contenu soit annoncé, comme nettement plus scientifique que métaphysique, et encore moins religieux!
Ce sous-titre laisse t-il entendre que ces savants ''gnostiques'', sans le vouloir ou sans l’admettre, redécouvriraient sous une autre forme des intuitions anciennes, celles des gnostiques, mais cette fois par le biais des mathématiques et de la physique ?
Nous savons que Ruyer n'est pas religieux.
Ces titres, à notre avis, jettent l’ambiguïté sur certaines approches scientifiques contemporaines.
Ce malaise ne va pas nous quitter tout le long de notre lecture: pas de références explicites à des travaux scientifiques, trop peu de noms et de citations référencées. Tout le long de l'ouvrage l'auteur se réfère à la science de ces ''gnostiques'', sans les nommer.
Finalement, nous retrouvons un certain ton ironique propre au personnage. Il présente son livre comme une ''fantaisie intellectuelle'', dont il ne faudrait pas tout prendre au sérieux. Ruyer a prêté le flan trop facilement à ceux qui le condamnaient à l'avance...
A moins... A moins que Ruyer ait souhaité prendre à revers une certaine intelligentsia en matière de philosophie des sciences, pour exposer un certain nombre d'idées à l'intérieur d'un scénario impliquant une société semi-secrète ( qui aurait pu s'appeler aussi le Cercle de Pantemos ).
Néanmoins, nous prenons ce livre au sérieux. Il présente une nouvelle perspective sur la science et une nouvelle articulation de la matière et de l’esprit.
L'ouvrage n'est pas facile à lire, cependant il va être un succès, et édité en poche en 1977. Entre les qualificatifs qui le présentent comme visionnaire par certains, excentrique par d'autres, nous considérons qu'il est stimulant pour la réflexion.
Ruyer tente de montrer que les découvertes scientifiques de l'époque, notamment dans le domaine de la physique, ne peuvent être complètement saisies sans une compréhension plus profonde de l'âme humaine, et des structures de l'esprit.
La science est matérialiste, c'est à dire que la réalité première est la matière. C'est de la matière que serait venu l'esprit... Pour Ruyer, la science, elle-même aujourd'hui, réfute le matérialisme.
La réalité se découvre avec un ''dehors '' ( la Matière) et un ''dedans'' ( la conscience). Découvrir le dedans à partir du dehors (qu’étudie la science), c’est « remettre la science à l’endroit » selon Ruyer.
Ruyer ne se fonde que sur la science... La science, à la différence de la religion ou de la pensée de Teilhard par exemple, ne parle pas de Christ, ou de Salut .. Elle déchiffre la pensée primordiale dont l’univers est le langage.
Le "dedans" (l'intériorité, la conscience, l'expérience subjective) doit être réintégré au ''dehors '' dans le monde tel qu'il nous apparaît avec ses lois physiques et ses structures rationnelles: et c’est « remettre la science à l’endroit ».
Penser à l'envers, c'est - Considérer la pensée et la conscience comme de simples produits de la matière, sans autonomie propre - Penser que l’univers est uniquement régi par des lois aveugles ( hasard et nécessité) - Séparer la perception, du sens et de l’intentionnalité dans la constitution du réel.
Penser à l'endroit, c'est -Reconnaître que la conscience est un élément fondamental de la réalité. - Intégrer une organisation immanente dans l'étude du vivant. - Concevoir la science comme un outil de description du dehors, et du dedans du monde.
Il s'agit d'admettre que : côté « envers », le savant en sait infiniment plus sur la chauve-souris que le chauve-souris elle-même. Mais, côté « endroit » de la chauve-souris, la chauve-souris le connaît mieux que personne au monde.
Raymond Ruyer conclue: « ça pense » dans l’univers, puisque je pense !
L'approche de Suzanne Bachelard
A son retour de Nancy, Yvain est surpris d'être convoqué à l'Institut d'Histoire des Sciences et des Techniques (IHST) de la Sorbonne situé au 13, rue du Four, pour rencontrer sa directrice ( depuis 1971, à la suite de Georges Canguilhem), Suzanne Bachelard (1919-2007) : Philosophe et épistémologue, et fille de Gaston Bachelard.
Elaine a entendu parler d'elle. Il est coutume de dire que Georges Canguilhem, avait une approche plus ouverte sur l’indéterminisme, la complexité ou l’émergence de formes d’organisation non strictement mécanistes. De plus, dans ces années 1970, des courants émergents comme la théorie des systèmes, la cybernétique et les sciences cognitives commençaient à remettre en question une vision trop rigide de la rationalité scientifique.
Pourtant, l'approche de Suzanne Bachelard reste fortement axiomatique et rationnelle, notamment influencée par la logique mathématique et la philosophie analytique. Son travail sur la logique formelle et les mathématiques intuitionnistes (inspirées de Brouwer et Gödel) montre une fidélité à une vision structuraliste et mécaniste du raisonnement, laissant peu de place aux spéculations métaphysiques.
Yvain ne cesse pas d'être étonné, quand Suzanne Bachelard se montre informée de son voyage aux Etats-Unis, et à Nancy.
Elle dit ne pas être opposée aux communications entre Raymond Ruyer et l'IHST; mais....
Suzanne Bachelard, comme son père, dit-elle, croit que la science n’était pas seulement un ensemble de faits, mais qu’elle est aussi un processus de construction de la vérité. Comme son père, elle s'intéresse à la notion de rupture épistémologique dans la science. Comme Ruyer, elle cherche à comprendre comment la science évolue et comment les modèles scientifiques influencent notre compréhension du monde.
Cependant, elle tient à exprimer des divergences qui méritent, dit-elle, d'être soulignées:
La science n’est pas un terrain où l'on peut se permettre de glisser dans une ontologie aussi abstraite que le propose Ruyer. La science avance par la réfutation, par des méthodes rigoureuses et par l’évolution des savoirs. Certaines théories, bien que séduisantes d’un point de vue intellectuel, semblent déconnectées des réalités scientifiques que nous connaissons.
Elle fait référence à cette '' idée d'information consciente '' dans des structures matérielles. Ce genre de réflexion ne semble pas être une approche épistémologiquement saine. « Ne nous égarons pas dans un domaine où la pensée pure prend trop le dessus sur la réalité des données. »
Précisément, objecte Yvain, n'est-ce pas le rôle de la philosophie, de s'interroger sur les faits eux-mêmes. La science, loin de n’être qu’un ensemble d’observations et de lois purement mécaniques, est aussi une manière de structurer l’information qui constitue l’univers. Et c’est justement ce que propose Ruyer: que l’information soit le fondement même de toute réalité.
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La matière se réduit-elle à ce que l’on touche, à ce que l’on mesure? Quelle place ont la conscience et l'information parmi les propriétés des vivants? Ne vont-elles pas au-delà, dans toute la nature ?
Suzanne Bachelard répond: - penser de la conscience dans la matière, n'est-ce pas là une dérive métaphysique ? Nous devons nous en tenir aux observations concrètes de la science.
Yvain évoque la ''rupture épistémologique'' concept introduit par Gaston Bachelard, et appelle à une remise en question d'une conception linéaire et mécaniste des choses. La science a toujours été dans une démarche de réduction ( en décomposant les phénomènes complexes en éléments plus simples ) et de spécialisation, mais c’est là qu’elle se heurte à ses propres limites.
Nous devons dépasser le stade de la mécanique newtonienne, pour exploiter les découvertes récentes en biologie, en physique quantique, ou en cybernétique, qui montrent que la réalité elle-même est un enchevêtrement complexe d’informations en constante transformation.
Seulement, ce débat de nature épistémologique et qui intéresse la philosophie spéculative; n'en reste pas là. Et, la directrice de l'IHST va se montrer beaucoup plus directive...
Voilà ce que j'en ai compris. Elle en appelle à la responsabilité des intellectuels, dans un monde chaotique... Elle va relever le danger d’un savoir non maîtrisé et mal interprété, par le public.
Suzanne Bachelard insiste sur l’exigence d’un dépassement des expériences individuelles en science, tandis que Ruyer met en avant l’expérience vécue et la subjectivité comme fondement du sens. Elle ne croit pas et dit craindre une vision cybernétique du monde, une sorte de réseau d’intelligences interconnectées, sans régulation.
Elle conteste l'ordinateur comme outil d'émancipation, s'il devenait individuel. Que pourrait-il se passer si ,comme Ruyer l'avance, l’information et l’intelligence n'étaient pas reconnues comme simplement des données mécaniques, mais des structures porteuses de finalité ?
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Plus clairement, la directrice demande à Yvain et à Raymond Ruyer, d'empêcher la diffusion de documents, même à teneur scientifique, que n'auraient pas validés les responsables de l'Université de Princeton. Si tel était le cas, cette ''Gnose '' serait fortement désavouée par l'Université française, et vaudrait à ceux qui la défendraient la relégation dans un mysticisme de mauvais aloi !
Vous êtes peut-être étonnés de la réaction de la fille de Gaston Bachelard, devant la tentative de la philosophie de la science à admettre un nouveau paradigme scientifique de plus en plus formalisé par les scientifiques eux-mêmes
Mais je rappellerai l'anecdote que Michel Serres a rapportée alors qu'il présentait la deuxième partie de sa thèse, en 1968.
Dans cette thèse, intitulée "Hermès ou la communication", Michel Serres explore la notion de communication, et en particulier la manière dont celle-ci se manifeste dans les différentes formes de la science et du langage. L’idée fondamentale derrière cette thèse est que la communication est un principe structurant de la société et des sciences.
Dans le jury de la thèse, Suzanne Bachelard jouissait d'une certaine autorité, et avec elle certains membres du jury ont trouvé cette partie trop spéculative et difficilement applicable aux pratiques scientifiques concrètes. Le fait qu'il prenne une approche interdisciplinaire a aussi soulevé des préoccupations sur la rigueur méthodologique, car il était difficile de trouver des connexions claires entre les différentes disciplines qu'il abordait.
Un autre facteur de friction venait du style de Michel Serres, qui était assez personnel et libre, en dehors des canons académiques....
La flèche du temps. Un temps irréversible
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L'astrophysicien britannique Arthur Eddington (1882-1944) introduit la notion de ''flèche du temps'' ( 1928 ) constatant qu’il est impossible de modifier le cours de certains phénomènes. Il pense à la part de hasard inscrit dans le devenir.
Précisément la flèche du temps découle du deuxième principe de la thermodynamique; il implique que les phénomènes physiques se déroulent toujours dans un sens déterminé, et nous indiquerait la réalité d'une direction, en relation avec la croissance de l’entropie.
Un peu après son début, l'Univers avait un haut degré d'ordre (ou une faible entropie), les lois naturelles sont telles que l'entropie augmente continuellement.
Ne faudrait-il pas dépasser la rationalité classique et oser penser la radicale nouveauté d'un temps réel irréversible ?
Einstein n'est pas convaincu... Le temps et l'espace étant relatifs et dépendants de la présence de matière et de gravité. Cela signifie que la flèche du temps, bien que toujours présente dans les systèmes thermodynamiques, n'est pas une propriété universelle absolue mais dépend des conditions locales de l'univers. Le temps peut se comporter différemment selon le contexte gravitationnel, comme dans les conditions extrêmes de courbure de l'espace-temps près des trous noirs.
Ilya Prigogine (1917-2003), lauréat du prix Nobel de chimie en 1977, a développé le concept de "structures dissipatives".
Ilya Prigogine a remis en question l’idée classique selon laquelle les lois fondamentales de la physique sont réversibles et déterministes.
Dans les systèmes ouverts où il y a un échange de matière et d'énergie avec l'environnement, des structures cohérentes et organisées peuvent se former. Ces structures dissipatives montrent que le temps est intrinsèquement lié à l'irréversibilité et à l'évolution des systèmes naturels. Pour Prigogine, le Temps est donc une dimension essentielle à la compréhension des processus naturels et de leur évolution.
Il a démontré que des systèmes loin de l’équilibre peuvent s’auto-organiser en structures ordonnées, un phénomène qu’il a appelé "ordre par fluctuations"
Un système hors équilibre est un système qui n’est pas en état d’équilibre thermodynamique. Cela signifie que les variables intensives comme la température, la pression, ou la concentration ne sont pas uniformes à travers le système et peuvent varier avec le temps.
Un exemple courant de système hors équilibre est un glaçon fondant dans l’eau : la température varie entre le glaçon et l’eau environnante, et cette différence de température entraîne un flux de chaleur.
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Prigogine a montré que, contrairement à l’idée que l’entropie doit toujours augmenter, des systèmes ouverts peuvent créer de l’ordre à partir du chaos en échangeant de l’énergie avec leur environnement. Cette découverte a des implications profondes non seulement en physique, mais aussi en biologie et en chimie, où des structures complexes peuvent émerger spontanément.
Pour Prigogine, l'univers n'est pas une machine statique. Il propose une vision plus holistique et dynamique de la réalité. Holistique, cela signifie qu'il considère l'ensemble des interconnexions et des interactions entre les éléments, plutôt que de les analyser de manière isolée. Dynamique, en ce qu'il met l'accent sur le changement et l'évolution constants; il reconnaît que tout est en flux, en perpétuelle transformation, et que le temps joue un rôle crucial dans ce processus.
Grâce à Ilya Prigogine, et à son intérêt pour les systèmes hors de l’équilibre, nous découvrons un nouveau monde où le hasard peut jouer un rôle déterminant. Dès lors, l’individu échappe à la prédictibilité, la liberté peut surgir au sein des systèmes et avec elle, ses corollaires : la responsabilité et donc l’éthique.
Sans-doute, si vous désirez connaître l'explication des choses, vous choisissez de vous tourner vers la science ; vous pensez même que la science devrait nous permettre de tout expliquer. C'est que vous pensez avoir affaire à un monde permanent, stable … Et bien, aujourd'hui nous n'en sommes plus du tout certain... Aussi bien en chimie, en biologie, en Physique nous nous interrogeons à propos de cet univers étrange que nous observons... En ressort, une inquiétude, peut-être une spiritualité... Comment l'exprimer ? La peinture, la musique, la poésie … La science n'est plus en compétition avec ces activités, il n'y a plus cette certitude au profit d'une science conquérante. Prigogine plaide pour une complémentarité de points de vue (scientifique, artistique, culturel) face aux incertitudes de notre univers.
L'Univers-bloc
Attention, nous allons tenter de suivre avec Albert Einstein, les conséquences philosophiques de ses propres travaux sur le temps. Dès 1918, il opérait un lien entre la théorie de la relativité et la conception de l’univers-bloc, d’après laquelle tous les moments du temps coexistent.
Si le temps en lui-même n'est pas une quantité absolue - mais relative, dépendant de la vitesse de l’observateur et de la gravité - l'espace-temps ( c'est à dire: le temps et l'espace unis formant, un ''univers bloc'' ) contient l’univers physique. Il est similaire à un espace, dans lequel ( attention: analogie...) le temps n'est que le paysage que nous voyons défiler du train où nous sommes.) Passé, présent, futur coexistent, et « les événements du futur sont déjà là, à un endroit où nous ne sommes pas encore; et ceux du passé sont encore là, mais à des endroits où nous ne sommes plus … » ( E. Klein). Le futur serait donc déterminé. Et, le passage du temps serait plus une illusion de notre conscience qu'une réalité absolue.
Cependant, le déterminisme constitue une position plus philosophique que scientifique (quoique inspirée par la physique), et la relativité ne conduit pas nécessairement à l’univers-bloc.
Albert Einstein était sceptique quant à l'indéterminisme quantique et a défendu l’idée que la théorie quantique devait être complétée par des variables cachées pour être déterministe.
Il existe d'autres tentatives de modèles d'univers proposés par les physiciens pour expliquer la nature du cosmos, et de notre Réalité.
- Le Multivers: ensemble infini ou très grand d'univers parallèles, chacun avec ses propres lois physiques et constantes.
- L'Univers cyclique : notre univers passerait par une série infinie de phases de contraction (Big Crunch) et d'expansion (Big Bang).
- L' Univers Holographique:
- L'Univers Stationnaire: l'univers aurait toujours existé et existera toujours.
- L' Univers Simulé: notre univers pourrait être une simulation informatique sophistiquée créée par une civilisation avancée.
- La ''Brane Cosmology'': Dans le cadre de la théorie des cordes, la cosmologie des branes suggère que notre univers est une "brane" (une dimension) dans un espace à dimensions multiples.
- L'Univers de la Gravité Quantique à Boucles: avec un espace-temps, discret et granulé, composé de petits morceaux appelés "boucles".
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Alors que je me lançais moi-même dans des études de sciences, j'avais besoin d'interroger Yvain ( lui seul était assez patient pour répondre à toutes mes interrogations...) sur quelques concepts, et la nécessité de comprendre le pourquoi, et le sens de ces études...
- Un phénomène est un événement ou un fait observable, souvent perçu par les sens. En science, un phénomène est tout ce qui peut être mesuré ou observé, que ce soit un phénomène naturel comme une éclipse solaire ou un phénomène expérimental en laboratoire. Les phénomènes sont les manifestations visibles et mesurables de la réalité.
- La ''Chose en soi '' un terme qu'utilise toujours Elaine ( repris de Kant) n'est pas forcément repris en sciences. On dit ''Réalité objective '' pour dire: ce qui existe indépendamment de la perception ou de l'observation humaine, donc indépendamment de notre conscience ou de notre connaissance. On peut parler de ''nature ultime de la réalité'' en insistant sur le fait que la réalité pourrait être décrite par des entités mathématiques abstraites plutôt que par les objets physiques que nous percevons.
Et, souligne Yvain, bien que notre représentation de l'espace-temps soit une construction mathématique abstraite, elle permet de faire des prédictions vérifiables sur des phénomènes physiques réels. Par exemple, la prédiction de la courbure de la lumière par la gravité.
Nos modèles scientifiques tentent de décrire et de prédire des phénomènes observables. Bien que ces modèles ne soient pas des représentations directes de la "chose en soi", ils fournissent des approximations de plus en plus précises de la réalité.
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Des expériences comme celles des fentes de Young et l'intrication quantique défient notre intuition classique et révèlent des aspects surprenants de la réalité. Nos équations de la mécanique quantique ont permis des succès technologiques comme les transistors et les lasers.
Pour Yvain, la science cherche à comprendre la réalité objective accessible à l'observation et à la mesure, tout en reconnaissant ses propres limites et sans prétendre accéder à la "chose en soi".
Cette recherche de la Chose en soi, peut être comparée à la recherche du Graal. Elle mérite d'être poursuivie pour:
- Élargir toujours et encore, notre Connaissance. Poser des hypothèses, les remettre en question et approfondir notre compréhension du monde. Elle maintient notre motivation, incite à l'innovation et à la créativité.
- Reconnaître son inaccessibilité. En cela, elle nous rappelle nos limites, évite l'arrogance de pouvoir la posséder, et nous invite à rester ouvert à de nouveaux paradigmes.
- Accepter que l'approche vers la ''Chose en soi '' ne peut se faire qu'en interdisciplinarité, avec une vision holistique. Et, elle peut avoir une dimension spirituelle.
Louis Leprince-Ringuet
A Fléchigné, Lancelot et Geneviève continuent de s'intéresser à la recherche scientifique. Un physicien a attiré leur attention :
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Louis Leprince-Ringuet (1901-2000). En 1929, il fut accueilli par Maurice de Broglie pour orienter son laboratoire de physique des rayons X vers la physique des particules. En 1936, il est nommé professeur à l'École polytechnique où il crée un laboratoire. Sa quête est de percer le secret des rayonnements cosmiques. S'agit-il d'ondes électromagnétiques, sont-ils composés de particules ?
En 1933, un aller et retour sur un bateau cargo entre Hambourg et Buenos Aires permit à Leprince-Ringuet d'entrevoir une réponse : il s'agirait de particules chargées, déviées par le champ magnétique terrestre. Pendant la guerre il établit son laboratoire de physique atomique dans les Hautes-Alpes, à 1 000 mètres d’altitude. Il y découvre ces particules lourdes, bien énigmatiques.
Ces ''rayons'' sont donc plutôt des flux de particules à haute énergie composés de protons, d'électrons et de noyaux atomiques qui circulent dans tout le cosmos. « Quand un rayon cosmique heurte un noyau (de l’atmosphère par exemple), il le casse complètement et, en plus, est capable de créer des particules nouvelles appelées mésons, hypérons, etc. »
Ainsi, si pour obtenir une transformation d'un élément chimique en un autre par une modification de son noyau atomique, on peut bombarder les noyaux avec des sources intenses de particules alpha des corps radioactifs ; on pourrait aussi utiliser les rayons cosmiques.
« On ne connaissait pas très bien les propriétés de ce rayonnement qui sillonne l’espace, jour et nuit, et qui nous arrive sur terre à la cadence d’une particule (en général un noyau léger) par seconde sur la surface de la paume de la main. Nous sommes donc traversés, jour et nuit, hiver comme été, par des particules d’une énergie considérable... »
Louis Leprince-Ringuet se demande si un physicien est un créateur, un artiste, un poète ? « notre œuvre n’est pas une œuvre d’art, nous ne méritons pas le beau titre de poète « L'œuvre d’art est unique. « notre œuvre s’inscrit dans une recherche constante des phénomènes de la nature, de leur explication, de leur association sous un même formalisme que nous inventons pour y parvenir. »
« En science comme en religion il faut être attentif aux signes. Nombre de grandes découvertes sont la conjonction du hasard et de l’acuité d’observation et d’interprétation des signes. » ( Foi de physicien)
Annoncé dans le journal du mardi 2 janvier ; ce 30 décembre 1944, Romain Rolland est mort, chez lui à Vézelay. Lancelot se retourne et observe, dans sa bibliothèque, ses magnifiques volumes reliés de ''Jean-Christophe'' ( roman en 10 volumes publié de 1904 à 1912) ; première lecture de livres d'adulte.
Il s'agit d'un roman d'apprentissage, c'est à dire d'une quête, celle de Jean-Christophe Krafft, un jeune compositeur allemand de génie, à l'égal d'un Beethoven, né sur les rives du Rhin. Le héros surmonte diverses difficultés, perd la foi, découvre l'amour, la sensualité, mais doit s'exiler en France. L'allemand et musicien se lie d'amitié avec le français Olivier Jeannin. Les deux amis se complètent et s'enrichissent réciproquement.
Romain Rolland, à travers Christophe héros musicien et romantique, recherche une vraie foi en dehors de tout dogme et de toute église. Il la trouve par Beethoven et Berlioz. Et, c'est une autre foi ; une foi en l'homme, en sa valeur universelle, et en l'efficacité de sa raison.
A Vézelay, peut-être déçu de son pacifisme, sa retraite lui permet de voir venir à lui, des personnes de grand notoriété en recherche de sagesse. Des gens aussi divers que Maurice Thorez, la reine Elisabeth de Belgique, Waldo Frank, Aragon, de simples militants, des prêtres, mais aussi, Marcelot, pépiniériste de Clamecy, le boulanger Crochet en bas de Vézelay, et un jeune couple de militants de Migennes.
Rolland admire Paul Claudel ; mais juge durement sa conduite envers sa sœur, et son adultère. Il a pour ami, le très controversé "l'Autre" Chateaubriand, Alphonse, et pour visiteurs aussi, des officiers allemands alors que ''Jean Christophe'' est interdit non seulement en Allemagne, mais aussi dans les écoles françaises.
Janvier 1945, le froid est intense. Si le charbon manque, le bois supplée. En ville, la viande manque. Les prix s'envolent, et à Paris le marché noir est au plus haut. Ici, bovins et porcs sont bon marché mais, il n'existe que peu de moyens pour les transporter vers la capitale. Nous sommes toujours au régime des tickets de rationnement.
A Fléchigné, nous employons un prisonnier de guerre allemand ; et nous hébergeons des réfugiés du Calvados. Pas de gaz , et l'électricité est souvent coupée. L'acheminement du courrier est aléatoire.
Lancelot a croisé dans une ferme proche, un écrivain breton. Xavier de Langlais, lecteur de la légende arthurienne, souhaite se spécialiser dans la peinture, la décoration des églises et dans la recherche de techniques picturales nouvelles. Il œuvre également pour situer la légende en Forêt de Paimpont ; Lancelot n'a pas eu le temps de le convaincre de la réalité locale concernant le chevalier dont il porte le nom... De retour à Rennes en octobre 1944, il témoigne en faveur de ses amis bretons incarcérés, et à partir du début des années 1950, Brocéliande deviendra une des thématiques principales de l’œuvre de Xavier de Langlais.
18 janvier 1945 Le gouvernement dissout la direction des FFI. 21-23 janvier au Comité central du PCF, Thorez se prononce pour la fin des milices patriotiques (communistes).
L'énergie alimente le moteur de notre civilisation
* L'armée d'armistice cesse d'exister ; Rivet ( des BMA) aurait rejoint Alger. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, les forces américaines ont débarqué au Maroc, à Oran. Vichy va devoir choisir son camp ! Un peu d'espoir et quelques sourires s'échangent entre français ; alors même que le boucher apprend à ses clients qu'ils n'auront plus que 90gr de viande par semaine.
Inévitablement, les allemands envahissent la zone libre. Weygand a été arrêté. Pétain devrait se replier sur l'Afrique du nord, puisque les accords d'armistice sont devenus inopérants Comment les valeurs de la révolution nationale pourraient-elles s'accorder avec la terreur des SS, sur tout notre territoire ?
En décembre 1942, l’école d'Uriage, qui faisait preuve d’un esprit opposé à la collaboration et s’était de facto placée en marge de la politique menée par le gouvernement de Vichy, est dissoute par Laval pour “menées antinationales”.
* Dans le journal, Lancelot se satisfait d'apprendre que ce 20 décembre 1942, pour le prix Goncourt, une seule voix s'est portée sur Les décombres de Lucien Rebatet . Et, les bonnes surprises viennent de la publication par Albert Camus de L’Etranger et Le Mythe de Sisyphe.
* Drieu la Rochelle passe en coup de vent ; il dit préférer la victoire des russes à celle des américains. Il aurait entendu sur Radio Alger qu'on lui promettait, ''à lui comme aux autres, le châtiment suprême''. Il regrette d'être tombé dans les excès de la politique ; et ce qui l'attriste, « c'est d'être mis dans le même sac que d'autres. »
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* Entre mi-1942 et 43, Jules Guéron - chef du laboratoire de la direction de l'armement de la France Libre – affecté à Cambridge pour des des recherches sur la libération de l'énergie nucléaire dans la fission de l'uranium, tente - sans succès - de faire venir Joliot en Angleterre ; et s'occuper de la question de l'uranium.
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Un an avant les Américains, Guéron va établir la valeur juste de la section de capture des neutrons lents par l'uranium 238, donnée cruciale pour la poursuite des recherches atomiques. Ceci, avant que le groupe de Cambridge soit transféré au Canada ( janvier 43).
En effet, les scientifiques nucléaires américains progressent sur la fission des atomes d’uranium et la réaction en chaîne, en particulier dans l’isotope U235, lorsque la matière est bombardée par des neutrons. On connaît l’efficacité des neutrons lents par rapport aux neutrons rapides pour obtenir une réaction en chaîne, et les méthodes possibles de séparation de l’U235 de l’U238 dans l’uranium naturel. ( Plus de 99% de l’uranium naturel est composé d’uranium 238, difficilement fissible).
L'homme aurait donc besoin d'augmenter indéfiniment ses moyens d'agir ( énergie = moyen d'action). Il y eut la maîtrise du feu, la force humaine ou animale pour transporter, construire, utilisation du vent, de la vapeur, de l'électricité …. Reprenons :
Une force qui se conserve sur un déplacement produit un ''travail''. Descartes en observant le choc de deux boules en conclut que c’est la quantité de mouvement ''masse*vitesse'' qui se conserve en se communiquant d’un objet à l’autre. Newton met en avant l'idée de force - la force comme cause: force d'inertie, force imprimée - plus que celle de sa conservation ; la force est la cause qui modifie la quantité de mouvement ( m.v)
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En Allemagne - dans un contexte philosophique différent - un nouveau concept émerge : l'énergie.
Leibniz (1646-1716) pose un concept métaphysique, indissociable de la notion de force : l'action, « wirkung » La notion de « force » rejoint alors celle de '' puissance active '' à l’œuvre dans le monde.
C'est ensuite l'influence de la Naturphilosophie, de Schelling ( 1775-1854). La nature, est un sujet actif, gouvernée par 3 forces : la lumière, l'électricité et le magnétisme. L'Univers s'organise par transformation de forces. On appréhende la nature de façon globale et la force est le principe fondamental de tous les phénomènes ; cette force passe sans cesse d'une forme à une autre. Cette vision permet de chercher des analogies entre les phénomènes des différentes composantes de la physique.
Les phénomènes de chaleur, de puissance mécanique, d'électricité pourraient être la même puissance naturelle qui sous ses diverses formes reste constante en quantité.
J.P. Joule ( 1818-1889) va déterminer quantitativement l'équivalence entre la chaleur et le travail.
En 1847, Helmholtz propose la '' loi de conservation des forces '', il réfute l'idée du calorique, puisque la chaleur peut être engendrée. La chaleur exprimerait une quantité de force vive du mouvement et une quantité de tension de l'état intérieur de la substance.
C’est en 1850 que William Thomson ( = Lord Kelvin - 1824-1907) propose de substituer « energy » à « force » et ce n'est qu'après 1875, que le mot ''énergie'' est repris dans la littérature scientifique française.
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Au XVIIIe siècle, la température devient une grandeur mesurable. Mais, quelle est la nature de la chaleur ? Est-ce une matière ? Un ''principe '' ( un peu comme le ''feu en puissance'' d'Aristote).
Tout corps susceptible de combustion contiendrait du phlogistique ; et quand il brûle le phlogistique s'échappe, devient feu ( lumière + chaleur).
Une autre théorie fait l'hypothèse que la chaleur serait une sorte de fluide, nommée calorique. Il faudrait également différencier la chaleur ( une quantité) de la température ( une intensité)
Dès 1770, avec James Watt et les premières machines à vapeur, en l’absence du concept d’énergie, on considérait généralement la chaleur, à côté de la lumière, de l’électricité et du magnétisme, comme l’un des quatre « fluides impondérables », appelé phlogistique puis calorique.
Lavoisier va imaginer le '' calorimètre '' permettant de contrôler les échanges de chaleur...
Anne-Laure de Sallembier se souvient très bien d'un débat entre Poincaré et Duhem, que lui avait rapportée J.B. de Vassy. Pierre Duhem (1861-1916), monarchiste et catholique, était un physicien, spécialiste de '' Thermodynamique ''. J.B. avait été assez séduit par la tentative de Duhem, d' unifier les sciences physiques et chimiques au sein d’une thermodynamique généralisée. Duhem était en opposition au projet de réduction mécaniste des atomistes comme Boltzmann.
A la source de ses propres travaux scientifiques, Duhem plaçait « l'une des plus grandes découvertes qu'aient jamais enfantées la philosophie naturelle » : la théorie de la chaleur de Sadi Carnot (1796-1832), présentée en 1824 dans ses ''Réflexions'', et que les institutions scientifiques ont ignorées...
Avant de revenir à Duhem ; rappelons-nous l'apport de S. Carnot.
S. Carnot, se passionne pour les machines à vapeur et leur rendement. Il considère que le travail moteur n'est produit dans une machine que par une « chute de calorique » d'un corps chaud à un corps froid ( comme le travail d'une chute d'eau...). Il en conclut les conditions de température et l'écart pour un rendement maximal...
A sa suite, en 1834, l'ingénieur Emile Clapeyron formule le second principe de la thermodynamique... Enfin, Joules vers 1843, affirme que la chaleur n'est pas une substance, et qu'une machine thermique est un dispositif de conversion entre chaleur et travail.
James Joule (1818-1889) a démontré que la chaleur, le travail mécanique et l'électricité sont des formes d'énergies interchangeables ; et d'une transformation à l'autre, la quantité totale d'énergie demeure égale.
Le berlinois Rudolf Clausius (1850) réunit les concepts de chaleur et de travail en un même concept, celui d'énergie.
Le XIXe siècle sera le siècle de la machine thermique décrite avec ces concepts de - énergie et - entropie.
L'énergie va se présenter sous des formes multiples : mécanique, chimique, chaleur, électrique, radiative, entre lesquelles elle peut se transformer .
Boltzmann donne une explication statistique à la deuxième loi de la thermodynamique ; elle est fondamentale, car elle impose, en une seule phrase, l'existence d'une flèche du temps, alors que toutes les équations de la physique permettent en principe d'avancer ou de reculer dans le temps.
« L'énergie disponible est le principal enjeu de la lutte pour l'existence et de l'évolution du monde. » Ludwig Boltzmann (1844-1906)
1942 - Les lois des hommes et de la matière
Une deuxième ''liste Otto'' ( « Ouvrages littéraires français non désirables » ) concerne près de 1200 titres, dont 30 chez Denoël. Les gens lisent de plus en plus, mais le rationnement du papier empêche la publication... au point que les ''occasions'' sont plus chers que les neufs, « parce que neufs, on ne les trouve plus ! ».
Anne-Laure de Sallembier ne peut s'empêcher de s’intéresser de près à la vie littéraire parisienne et suit de près Denoël qui ne tarit pas d'éloge pour sa nouvelle protégée Dominique Rolin, elle vient de publier un roman, ''Les Marais''.
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Les lois de la nature se dévoilent à notre raison, et semblent nous promettre un champ de possibilités ; malheureusement les lois des hommes paraissent bien irrationnelles et au seul profit de ceux qui peuvent les imposer par la force.
Le 29 mai 1942, une ordonnance allemande impose le port de l'étoile jaune aux Juifs en zone occupée. Les allemands souhaitent-ils contraindre tous les juifs à travailler dans des camps, à vivre dans des ghettos... ? Et, ce n'est pas Laval revenu au pouvoir, qui saura s'opposer à cet antisémitisme absurde !
Geneviève T. la jeune femme qui vient tenir compagnie à Lancelot ; et s’intéresse aux sciences, parle d'une émeute organisée par des femmes communistes devant un magasin de la rue de Buci... Il y aurait eu deux morts dans les rangs de la Police. Geneviève T. est, plutôt assez jolie, blonde mais d'aspect froid et sévère et sympathisante de l'Action Française. Après qu'elle soit rentrée chez elle, Lancelot s'indigne auprès de sa mère, d'opinions antisémites que Geneviève a laissé entendre.
Joliot-Curie, revenu à Paris, avait disputé des laboratoires aux occupants. Lors de cette négociation avec les allemands, il a le sentiment d'être soutenu par Vichy. L'un des responsables allemands, est Wolfgang Gentner, avec lequel, il peut compter pouvoir s'entendre. Les deux hommes se connaissent et s'apprécient depuis 1936, ils s'échangent une correspondance autour, en particulier, de leur ''cyclotron'' respectif. Gentner va même, semble t-il, s'engager dans un ''double-jeu'', au profit des recherches de Joliot.
L'arrestation de Langevin, va amener Joliot à manifester et suspendre sa collaboration. Gentner intervient. Langevin est libéré...
En juin 1941, s'organise le Front National Universitaire. Le 29 juin, alors que les troupes hitlériennes sont entrées sur le territoire soviétique, Joliot est arrêté à son domicile, Gentner le fait libérer le soir même.
Devant un parterre très éclectique et mondain, et allemand ; Anne-Laure de Sallembier assiste à une conférence de Joliot, sur'' Les neutrons et la radioactivité artificielle '' qu'il prononce le 11 octobre 1941 à la Maison de la Chimie.
En octobre 1942, la mère de Lancelot sera encore présente, pour la conférence inaugurale de l'année universitaire par Fr Joliot-Curie, invité de la société philomathique.
Sa relation avec l'occupant, concerne principalement la technique du cyclotron et la radioactivité artificielle.
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Avec Irène et Frédéric Joliot-Curie, reconstituons l'histoire de nos connaissances microscopiques de la matière.
Cela a commencé sans-doute avec la crainte et l'observation de la foudre. On s'amusait aussi du pouvoir de l'ambre jaune frottée à attirer les corps légers... Cette vertu a été qualifiée d'électrique.
Volta (1800) met au point la première pile, qui produit une sorte de décharge continue que le physicien français Ampère (1775-1836) baptise en 1820 de ''courant électrique''. La capacité à produire - la quantité - sera exprimée en volts.
Le courant électrique conduit à l'expérience de l’électrolyse qui permet de séparer des éléments chimiques... La matière serait faite de petites particules douées de puissance électrique... John Stoney en 1891, observe que pour rompre une liaison chimique, la quantité d'électricité est toujours la même.
Le passage de l’électricité dans des gaz raréfiés étaient une attraction offerte au public émerveillé ( cf les sculptures de verre de Geissler) ; elles vont nous conduire au tube cathodique qui délivre une haute tension aux électrodes dans le vide d'un tube de verre.
Le rayonnement cathodique est-il une onde, comme le pensent les allemands, ou un courant de particules chargées négativement selon les physiciens britanniques ; sachant qu'à cette époque la plus petite particule connue est l'atome ? J. John Thomson vérifie la seconde hypothèse en 1897, et a l'intuition d'une particule plus petite que l'atome...
L'histoire de l'électron, est selon les mots de Poincaré, « une pure satisfaction intellectuelle ». Il est deux mille fois plus petit qu'un atome d'hydrogène ; est-il énergie ou matière ? Un véritable petit lutin, qui fuit la force électrique. Les électrons forment une cour, celle d'un roi – autour d'un noyau.
Atomes et molécules ont été différenciés vers 1860, le tableau périodique des éléments est imaginé par le chimiste russe Dmitri Mendeleïev, en les classant par ordre de masse, avec la particularité de classer ainsi les atomes par nombre de liaisons chimiques ( 1, 2, 3, 4.) et ceci de façon périodique.
En les disposant dans un tableau, il s'aperçoit qu'il y a des trous dans le tableau... ! Donc, sans-doute des éléments non encore découverts....
Ce tableau sera amélioré ; et classé, non selon la masse, mais la charge. On pourrait alors imaginer un élément du noyau, le proton de charge 1 ( Rutherford ).On pourrait encore rêver de pouvoir changer le nombre de protons, par exemple, dans l'atome d'azote, pour le transformer en atome d'oxygène... Ce qui représente le rêve des alchimistes : la transmutation artificielle...
De manière fortuite, en 1895, Whilelm Röntgen découvre une sorte de lumière, invisible à l’œil nu, qui traverse la matière et l'appelle ''rayon X''. Un an plus tard Henri Becquerel remarque que les sels d'Uranium ont la particularité d'impressionner une plaque photographique, s'agit-il aussi d'un autre type de lumière invisible... ?
Pierre et Marie Curie identifient trois types de rayonnements ( alpha, beta, gamma …) plus ou moins pénétrants,
On sait en 1940, que les rayons alpha sont des noyaux d'hélium; les rayons béta, des électrons ; et les rayons gamma ( des photons) sont de la lumière – comme les rayons X – et à une fréquence plus élevée.
Pourquoi ces matériaux émettent-ils spontanément un rayonnement ? - Parce qu'ils se désintègrent.
En 1898, Marie Curie découvre, et isole un ''nouvel ''élément très radioactif, et l'appellent le Polonium ; et encore plus radioactif, le radium. Les industriels, aidés des publicitaires en font un produit miracle, jusqu'à s'apercevoir de sa dangerosité.
Le polonium, ou le radium émettent des particules alpha qui vont servir de projectiles pour explorer l'atome et découvrir sa structure.
Enfin, on va se rendre compte que l'on peut produire de l'énergie à partir de cette radioactivité.
Mais d'où l'élément tire t-il cette énergie ? En 1902, Rutherford et Soddy expliquent que le radium possède en lui-même cette énergie : la radioactivité est la transformation spontanée d'un élément chimique en un autre par émission de rayonnement, le radium devient du radon.
Rutherford (1919), expérimente le modèle planétaire de l'atome, avec le noyau comme soleil et les électron comme des planètes...
Il reste une question : Pourquoi les électrons ne s'effondrent-ils pas sur le noyau ?
Neils Bohr présente le modèle avec des orbites d'énergie : Lorsqu’un électron absorbe suffisamment d’énergie, il « bondit » de son orbitale jusqu’à la prochaine orbitale de plus grand diamètre. Lorsqu’un électron « chute » de son orbitale vers une orbitale plus petite, il émet de l’énergie. La quantité d’énergie émise correspond exactement à la différence énergétique entre deux orbitales.
L'infiniment petit n'obéit pas aux mêmes règles que l'infiniment grand.... Ce n'est pas la Physique classique qui s'applique à l'atome, mais la physique quantique ; ainsi au lieu d'évoluer en continu, l'infiniment petit opère par paliers et par quanta.
Rutherford avait utilisé une source radioactive. La découverte de la radioactivité avait mis en évidence des rayonnements, émis lors de la désintégration d'atome lourds comme l'uranium : des particules alpha.
Les Joliot-Curie observent qu'un rayonnement de particules alpha, projettent des protons. Et, James Chadwick en 1932, explique que le noyau serait composé de protons, et de particules assez lourdes, électriquement neutres, que l'on nommera neutrons.
Pour en savoir plus encore, les physiciens vont bombarder la matière. Le neutron, ce nouveau projectile neutre, présente le grand avantage de ne pas être repoussé par la charge électrique du noyau, quand on essaie de l'atteindre.
Le Secret du Monde.
Anne-Laure a reçu de la part de Rober Denoël : ''Mille regrets'' d' Elsa Triolet, ces ''nouvelles'' espèrent un prix ( les Deux Magots?) ; également une invitation pour une réception qui clôt la ''Semaine Arno Breker'' ; elle y a croisé M. de Brinon, le Dr Epting et sa femme, Pierre Benoît, Denoël...
Lancelot eut la surprise d'une visite de Drieu la Rochelle, qui avait appris la nouvelle de son ''accident''. Ecrasé par le souci de la NRF, il trouve son réconfort dans la philosophie, la religion... Surprenant, son discours sur Saint-Paul. L'essentiel du christianisme, dit-il est là, dans ses écrits. - Un juif ? - « Un juif de la diaspora, trempé dans un milieu aryen. ».
Cependant, il préfère le védantisme : - L'être, le Monde … ces concepts y sont dépassés, abolis. La mystique chrétienne est trop encombrée de l'idée morale de l'amour. Il repassera, dit-il ; pour parler ''religion''.
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Le ''Secret du monde'', est la traduction du titre de '' Mysterium Cosmographicum '' (1596) de Johannes Kepler (1571-1630)·qui a vécu dans le saint empire romain germanique. Dans cette traduction, Mysterium est rendu par 'Secret', ce qui laisse tomber la nuance religieuse du « Mystère » et cosmographicum par 'du Monde', ce qui ne retient pas la nuance d'architecture cosmique impliquée par le terme latin... Mais enfin... Pour évaluer la teneur de ce secret : Reprenons les choses ( essentielles ) depuis le début...
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Si je lâche cette pierre, elle tombe. Je ne lui procure aucune force, pourtant, elle file vers le sol. De quelle force s'agit-il ici ? La Gravitation : voilà une force qui nous semble bien familière. N'hésitons-pas à être un peu plus curieux...
D'où vient cette force ? Comment a t-elle atteint l'objet ?
Pour Aristote (384-322 av. J.-C.) , l'état de la pierre est d'être un corps pesant, son état propre est d'être en bas, vers le centre de l'univers ( la Terre).
Le soleil apparaît vite comme bien plus gros, plus lumineux que la Terre. Le soleil n'aurait-il pas la place centrale, et la Terre serait une planète en rotation sur elle-même et en révolution autour du soleil : Nicolas Copernic (1473-1543) tente de comprendre ce nouveau modèle du Monde. La gravité serait la tendance à ce qui est de la Terre tend vers la Terre...
Johannes Kepler (1571-1630) propose, plutôt que des orbites circulaires, une orbite elliptique autour du soleil qui est l'un des foyers. La gravité n'est pas une caractéristique du corps, mais elle s'explique par l’attraction d'un autre corps apparenté, un peu comme l'action d'un aimant...
Kepler reste dans la perspective d'un monde aux divines proportions, il reprend la théorie des polyèdres réguliers, de Platon, dont l’emboîtement permet la construction d'un modèle de l'Univers. Il attribue au soleil une ''force'' motrice qui induit le mouvement des planètes. Et, découvre les relations mathématiques (dites Lois de Kepler) qui régissent les mouvements des planètes sur leur orbite.
Galilée (1564-1642), avec sa lunette astronomique découvre les satellites de Jupiter et démontre que tout ne tourne pas autour de la Terre. Il s'oppose à l'idée de Kepler selon laquelle la lune aurait une action sur la terre ; '' ce serait une idée occulte irrecevable pour un esprit rationnel ! ''
Il étudie la chute des corps, et conclut – par ''expérience de pensée'' que tous les corps tombent dans le vide à la même vitesse ; ils subissent la même accélération. ( et met en évidence les forces de frottement...). Au passage, il est bien étrange d'entendre Galilée parle du ''vide'' ( à quoi pensait-il?).
René Descartes (1596–1650) décrit un monde infini, sans vide ( mais avec des tourbillons..). La gravité est un effet mécanique des tourbillons, les mouvements de la matière subtile.
Christiaan Huygens (La Haye 1629-1695) pense que l'espace est rempli d'éther, dans lequel la lumière se diffuse comme une onde.
Huygens rejette, l'idée de Newton, d''' action à distance '' formulée pour décrire la gravitation.
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Et, Isaac Newton (1642-1727) démontre que la force qui fait tomber au sol une pomme est la même qui maintient la Lune en orbite autour de la Terre. Il confirme l'intuition de Galilée.
Les lois de Newton présupposent un temps absolu '' vrai et mathématique '' et un espace absolu, '' sans relations aux choses externes ''...
Reste une question : Comment un corps peut-il agir à distance ? L'idée de fonder la physique sur des ''actions à distance '', c'est la rendre inintelligible, pour l'opinion de beaucoup. Newton affirme l'action continue de Dieu.
Émilie du Châtelet, maîtresse de Voltaire, traduit '' Principia Mathematica '' de Newton. Le ''Principes Mathématiques'' ne paraîtra qu'en 1759, dix ans après la mort d’Émilie, 72 ans après l'édition anglaise.
Voltaire (1694-1778) rédige avec humour les '' Lettres anglaises '' ( ou ''Lettres philosophiques''), qui seront condamnées à leur sortie en France (1734) :
« Un français qui arrive à Londres trouve les choses bien changées en philosophie comme dans tout le reste. Il a laissé le monde plein, il le trouve vide.
À Paris on voit l’univers composé de tourbillons de matière subtile ; à Londres on ne voit rien de cela.
Chez nous, c’est la pression de la Lune qui cause le flux de la mer ; chez les anglais, c’est la mer qui gravite vers la Lune, de façon que, quand vous croyez que la Lune devrait nous donner marée haute, ces messieurs croient qu’on doit avoir marée basse… »
« Chez vos cartésiens tout se fait par une impulsion qu’on ne comprend guère, chez M. Newton c’est par une attraction dont on ne connaît pas mieux la cause ; à Paris vous vous figurez la Terre faite comme un melon, à Londres, elle est aplatie des deux côtés…
La lumière pour un cartésien existe dans l’air ; pour un newtonien, elle vient du Soleil en six minutes et demie. »
L'anglais Michael Faraday, ouvrier relieur, autodidacte puis assistant d'un chimiste travaille la loi de gravitation de Newton. Il revient sur cette idée de force agissant à distance et instantanément, et elle lui apparaît comme incompréhensible et inacceptable...
Nous sommes autour de 1830, et Faraday s'affranchit des idées de son temps et pense un milieu continu, quand les savants voient des structures ponctuelles.
Il propose le concept de '' champ '', qui rend compte d'une modification de l'espace par un corps, et qui est ressenti par un autre corps sous la forme d'une force.
Ainsi, un champ permet de caractériser un phénomène par une grandeur définie en chaque point de l'espace.
Le Monde d'hier, avant la guerre. 4. H. Poincaré – B. Russell

Lancelot a commencé à aller à l'école. Il est élève au Petit Lycée Janson de Sailly. Il s'ennuie d'apprendre des listes de sous-préfectures. Il est externe et en l'absence de sa mère la vieille Françoise s'occupe certainement de lui avec diligence...
Régnier ne trouve plus semble t-il sa place au Mercure de France... Il collabore désormais régulièrement à la Revue des Deux mondes et surtout à la Revue de Paris ; anciennes elles défendent des valeurs traditionnelles, et rétribuent mieux...
En 1911, a lieu le premier de la série des ''congrès Solvay de physique''; depuis, sept ont été tenus, avant la Seconde Guerre mondiale. Ces congrès virent les plus grands physiciens du début du XXe siècle débattre sur la toute récente mécanique quantique.
La première conférence, sous la houlette de Hendrik Lorentz, qui eut pour thème « La Théorie de la radiation et des quanta », eut lieu du 30 octobre au 3 novembre 1911 à l'hôtel Métropole à Bruxelles. A ce premier congrès Solvay de physique, en 1911; on y voit: assis: Marie Curie et Henri Poincaré; et en particulier debout: Max Planck, Maurice de Broglie, Ernest Rutherford, Albert Einstein, Paul Langevin....etc

Pour Poincaré la recherche de la Vérité est l'unique but de la science. Il distingue cependant la vérité morale de la vérité scientifique; et l'une ne peut influencer l'autre ( cf: affaire Dreyfus...)
Mais, pour Poincaré, nous l'avons vu, il n’existe pas de réalité tout à fait indépendante de l’esprit ( la polémique autour du pendule...). Les théories forgées pour comprendre le monde sont en constante évolution, toujours empreintes du passé...
Jean-Baptiste de Vassy, découvrit les travaux de Bertrand Russell grâce à Poincaré, et en particulier grâce au débat dans lequel ils sont engagés sur la nature du raisonnement mathématique
Dans la ligne des idées de Kant, Poincaré, affirme le caractère synthétique et intuitif du raisonnement mathématique. La conception logiciste de Russell, l'agace...
Le raisonnement mathématique ne pourrait-il être qu'une succession d’étapes de même nature que celles du raisonnement logique...?
La science est à la fois rigoureuse et créative... D'accord... Si, elle est créative, elle n'est donc pas entièrement déductive et pas complètement rigoureuse … ! ?
Poincaré interroge : Le raisonnement mathématique n'est pas que déductif, et pourtant il est rigoureux... ? Et, oui... par exemple: le raisonnement par récurrence, fondé sur le principe d’induction. Selon ce raisonnement, « on établit d’abord un théorème pour n = 1 ; on montre ensuite que s’il est vrai de n – 1, il est vrai de n et on en conclut qu’il est vrai pour tous les nombres entiers. ». Poincaré, 1902
Poincaré reproche, notamment à Russell et Whitehead, et à leur '' logistique '' d’entraver le travail du mathématicien; leur ''rigueur'' serait stérilisante... Pour Poincaré la rigueur logistique qui décompose une démonstration en une succession de déductions logiques, ne donne pas de compréhension d’ensemble de cette démonstration. Et, ce manque de compréhension constitue un manque de...? et bien, précisément, de rigueur selon Poincaré...
Poincaré, défend un type d'intuition, qui permet « non seulement de démontrer, mais encore d’inventer », comme peut le faire le raisonnement par récurrence ( qui ne nécessite pas d'être justifié par des principes logiques ...)...
Malgré, son admiration pour Poincaré; J.B. sent bien chez beaucoup de jeunes mathématiciens une crise des fondements des mathématiques... Comme en philosophie, on reste dans son raisonnement sur des formules vagues, du type: «il existe», «on peut trouver», «il n'existe pas»... Et finalement, on relève de plus en plus – même en mathématiques - des paradoxes qui mettent en évidence le manque de rigueur...
Ainsi, parler avec Euclide de point, de droite, de plan, de cercle, etc, comme des objets naturels , ne leur donne pas pour autant une définition scientifique et mathématique...
Comme un jeu, les mathématiques nécessite des Règles ( et, on prend conscience qu'on pourrait en choisir d'autres...)

Ainsi, Russel introduit quelques paradoxes et démontre quelques premiers théorèmes d'apparence paradoxale. Par exemple, c'est Russell (1902) qui a démontré qu'il n'existe pas un ensemble de tous les ensembles....
Pour Poincaré, définir les objets géométriques à partir des phénomènes physiques ne présente pas d’intérêt. D’après certains commentateurs, l’influence que le point de vue conventionnaliste exerçait sur les mathématiciens était considérable, et on suppose même que le conventionnalisme de Poincaré lui aurait coûté la découverte de la théorie de la relativité générale...
Henri Poincaré considère l'axiome des parallèles comme une convention, qui ne peut être dite « vraie » ou « fausse ». Parmi toutes les conventions possibles, le choix est guidé par le critère de simplicité et par l'expérience des phénomènes physiques. "Si la géométrie était une science expérimentale, elle ne serait pas une science exacte [et] serait dès aujourd’hui convaincue d’erreur . . . » et il décide que la question de la géométrie de l’espace n’a « aucun sens ».

Pour Russell, nous percevons les corps comme constitués de parties plus ou moins contiguës, la matière est organisée, par la perception, en un ordre spatial qui diffère à coup sûr de certains ordres possibles . Ces choix nous sont imposés par l’expérience et ne peuvent selon Russell être conventionnels. Dans sa réponse, Poincaré voit dans l’utilisation par Russell du mot perception l’origine de leur désaccord.
Jean-Baptiste de Vassy, rêve de rencontre Russell et propose à Anne-Laure de l'accompagner en Angleterre....