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Les légendes du Graal

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L'approche de Suzanne Bachelard

11 Octobre 2025 , Rédigé par Régis Vétillard Publié dans #Sciences, #Bachelard

A son retour de Nancy, Yvain est surpris d'être convoqué à l'Institut d'Histoire des Sciences et des Techniques (IHST) de la Sorbonne situé au 13, rue du Four, pour rencontrer sa directrice ( depuis 1971, à la suite de Georges Canguilhem), Suzanne Bachelard (1919-2007) : Philosophe et épistémologue, et fille de Gaston Bachelard.

Suzanne Bachelard avec son père Gaston

Elaine a entendu parler d'elle. Il est coutume de dire que Georges Canguilhem, avait une approche plus ouverte sur l’indéterminisme, la complexité ou l’émergence de formes d’organisation non strictement mécanistes. De plus, dans ces années 1970, des courants émergents comme la théorie des systèmes, la cybernétique et les sciences cognitives commençaient à remettre en question une vision trop rigide de la rationalité scientifique.

Pourtant, l'approche de Suzanne Bachelard reste fortement axiomatique et rationnelle, notamment influencée par la logique mathématique et la philosophie analytique. Son travail sur la logique formelle et les mathématiques intuitionnistes (inspirées de Brouwer et Gödel) montre une fidélité à une vision structuraliste et mécaniste du raisonnement, laissant peu de place aux spéculations métaphysiques.

Yvain ne cesse pas d'être étonné, quand Suzanne Bachelard se montre informée de son voyage aux Etats-Unis, et à Nancy.

Elle dit ne pas être opposée aux communications entre Raymond Ruyer et l'IHST; mais....

Suzanne Bachelard, comme son père, dit-elle, croit que la science n’était pas seulement un ensemble de faits, mais qu’elle est aussi un processus de construction de la vérité. Comme son père, elle s'intéresse à la notion de rupture épistémologique dans la science. Comme Ruyer, elle cherche à comprendre comment la science évolue et comment les modèles scientifiques influencent notre compréhension du monde.

Cependant, elle tient à exprimer des divergences qui méritent, dit-elle, d'être soulignées:

La science n’est pas un terrain où l'on peut se permettre de glisser dans une ontologie aussi abstraite que le propose Ruyer. La science avance par la réfutation, par des méthodes rigoureuses et par l’évolution des savoirs. Certaines théories, bien que séduisantes d’un point de vue intellectuel, semblent déconnectées des réalités scientifiques que nous connaissons.

Elle fait référence à cette '' idée d'information consciente '' dans des structures matérielles. Ce genre de réflexion ne semble pas être une approche épistémologiquement saine. « Ne nous égarons pas dans un domaine où la pensée pure prend trop le dessus sur la réalité des données. »

Précisément, objecte Yvain, n'est-ce pas le rôle de la philosophie, de s'interroger sur les faits eux-mêmes. La science, loin de n’être qu’un ensemble d’observations et de lois purement mécaniques, est aussi une manière de structurer l’information qui constitue l’univers. Et c’est justement ce que propose Ruyer: que l’information soit le fondement même de toute réalité.

La matière se réduit-elle à ce que l’on touche, à ce que l’on mesure? Quelle place ont la conscience et l'information parmi les propriétés des vivants? Ne vont-elles pas au-delà, dans toute la nature ?

Suzanne Bachelard répond: - penser de la conscience dans la matière, n'est-ce pas là une dérive métaphysique ? Nous devons nous en tenir aux observations concrètes de la science.

Yvain évoque la ''rupture épistémologique'' concept introduit par Gaston Bachelard, et appelle à une remise en question d'une conception linéaire et mécaniste des choses. La science a toujours été dans une démarche de réduction ( en décomposant les phénomènes complexes en éléments plus simples ) et de spécialisation, mais c’est là qu’elle se heurte à ses propres limites.

Nous devons dépasser le stade de la mécanique newtonienne, pour exploiter les découvertes récentes en biologie, en physique quantique, ou en cybernétique, qui montrent que la réalité elle-même est un enchevêtrement complexe d’informations en constante transformation.


 

Seulement, ce débat de nature épistémologique et qui intéresse la philosophie spéculative; n'en reste pas là. Et, la directrice de l'IHST va se montrer beaucoup plus directive...

Voilà ce que j'en ai compris. Elle en appelle à la responsabilité des intellectuels, dans un monde chaotique... Elle va relever le danger d’un savoir non maîtrisé et mal interprété, par le public.

Suzanne Bachelard insiste sur l’exigence d’un dépassement des expériences individuelles en science, tandis que Ruyer met en avant l’expérience vécue et la subjectivité comme fondement du sens. Elle ne croit pas et dit craindre une vision cybernétique du monde, une sorte de réseau d’intelligences interconnectées, sans régulation.

Elle conteste l'ordinateur comme outil d'émancipation, s'il devenait individuel. Que pourrait-il se passer si ,comme Ruyer l'avance, l’information et l’intelligence n'étaient pas reconnues comme simplement des données mécaniques, mais des structures porteuses de finalité ?

Plus clairement, la directrice demande à Yvain et à Raymond Ruyer, d'empêcher la diffusion de documents, même à teneur scientifique, que n'auraient pas validés les responsables de l'Université de Princeton. Si tel était le cas, cette ''Gnose '' serait fortement désavouée par l'Université française, et vaudrait à ceux qui la défendraient la relégation dans un mysticisme de mauvais aloi !

 

Vous êtes peut-être étonnés de la réaction de la fille de Gaston Bachelard, devant la tentative de la philosophie de la science à admettre un nouveau paradigme scientifique de plus en plus formalisé par les scientifiques eux-mêmes

Mais je rappellerai l'anecdote que Michel Serres a rapportée alors qu'il présentait la deuxième partie de sa thèse, en 1968.

Dans cette thèse, intitulée "Hermès ou la communication", Michel Serres explore la notion de communication, et en particulier la manière dont celle-ci se manifeste dans les différentes formes de la science et du langage. L’idée fondamentale derrière cette thèse est que la communication est un principe structurant de la société et des sciences.

Dans le jury de la thèse, Suzanne Bachelard jouissait d'une certaine autorité, et avec elle certains membres du jury ont trouvé cette partie trop spéculative et difficilement applicable aux pratiques scientifiques concrètes. Le fait qu'il prenne une approche interdisciplinaire a aussi soulevé des préoccupations sur la rigueur méthodologique, car il était difficile de trouver des connexions claires entre les différentes disciplines qu'il abordait.

Un autre facteur de friction venait du style de Michel Serres, qui était assez personnel et libre, en dehors des canons académiques....

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