L'Eucharistie et le Graal
Le concile de Latran de 1215, précise l’idée de la présence réelle par la doctrine de la transsubstantiation, et fixe la liturgie de l’eucharistie. « Le corps et le sang [du Christ] dans le sacrement de l'autel, sont vraiment contenus sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié au corps et le vin au sang, par la puissance divine [...]. » ( Latran Canon 1 (DS, 802). )
Avec Le Roman de l'Estoire dou Graal ( 1190-1199) Robert de Boron est l'initiateur, dans ce conte, de la présentation du Graal comme la Coupe eucharistique et de la '' doctrine trinitaire, christologique et eucharistique '' qui va dominer à partir de lui. Il place la figure de Joseph d’Arimathie, à l'origine de la liturgie eucharistique du Graal ; appuyé par un évangile apocryphe ''l’évangile de Nicodème'' connu et distingué à l'époque médiévale.
L’Estoire narre comment le plat où Jésus mangea l’agneau pascal avec ses disciples parvient entre les mains de Joseph, comment celui-ci l’utilise pour recueillir le sang du Crucifié, comment enfin le Christ ressuscité le lui rapporte dans sa geôle, après qu’il a été emprisonné, en le chargeant de transmettre à ses descendants un enseignement secret. Ainsi se forme une lignée de gardiens du Graal. L’invention de la relique du Précieux Sang, étroitement liée à la figure de Joseph, permet ainsi à des laïcs - des chevaliers - de recueillir les fruits d’une définition spirituelle grâce à « la mise en scène de l’élément dont la valeur symbolique est la plus forte, donc la plus légitimante : le sang du Christ. » ( Anita Guerreau-Jalabert )
Pendant la période médiévale, on vénère particulièrement l'Eucharistie, avec l’introduction de la fête du Corpus Christi (1264) et différentes formes de dévotion populaire ; alors que la communion à la Coupe disparaît, et que la population ( sauf les clercs … et les chevaliers) s'écartent de la communion, parce qu’on ne s’en croit plus digne.
Par contre les nobles réclament la célébration eucharistique, comme moyen d'obtenir le pardon.
C'est Latran (1215) qui juge nécessaire de légiférer pour que les fidèles reçoivent le sacrement au moins une fois par an pendant la saison de Pâques.
En l'abbaye de Cluny, la liturgie est célébrée avec faste ; au service de la beauté, la musique sacrée se développe. C'est au cours du XIIIe s. qu'est introduite l’élévation du calice consacré et que l'on installe le tabernaculum (« tabernacle » ou « tente ») qui reçoit l'hostie consacrée.
La liturgie du canon romain ne sera imposé à l'Eglise latine d'Occident, qu'au concile de Trente ( XVIe s.).
Un chevalier se doit de participer fréquemment à l'eucharistie. Déjà avec Chrétien de Troyes, le Graal porte tous les soirs l’hostie au père impotent du Roi Pêcheur. Ensuite, les apparitions du Graal vont s’accompagner de miracles : table garnie de mets succulents, hostie descendue du ciel par des anges, apparition du Christ,...
Au cœur du mystère du Graal, il y a corrélation entre Eucharistie, manducation du Corpus Christi, effusion de l'Esprit, Présence de Dieu...
Lancelot se souvient des longues discussions mystiques avec Madame Lot-Borodine qui les invitait à la suite de Galaad, en communiant au Graal, à retrouver dans son cœur l’imago Dei « incrustée dans notre tissu vivant Ab initio en l’acte créateur du sixième jour. »
Elle évoquait Guillaume de Saint-Thierry ( 1085-1148), moine cistercien, et son influence sur les rédacteurs du cycle du Graal, pour qui l'eucharistie est un chemin vers une communion amoureuse, une porte ouverte sur l'unification spirituelle entre son esprit et l'esprit de son Seigneur. C'est ce qu'elle appelle '' déification par l'Esprit ''.
La liturgie doit permettre cette union intime que la communion eucharistique doit favoriser entre chacun et le Christ. Pour Myrrha Borodine, c'est la liturgie ''gréco-orientale '', qui le permet davantage. « Dans la symbolique du Moyen Âge le signe est réalité substantielle » disait-elle.
Le père J. Daniélou ( futur cardinal) écrivit sa réaction à une série d'articles sur la déification : « Ce qui fait la valeur exceptionnelle de l’œuvre de Madame Lot-Borodine, c’est qu’elle a retrouvé l’expression vivante de la mystique byzantine et qu’elle a su la faire percevoir […]. Ce qui nous est donné est plus qu’un travail d’érudition. (…) Toute son œuvre se meut dans la sphère du sacré. Il s’agit de la transfiguration de la nature humaine par l’action de l’Esprit saint. »
Myrrha Borodine rapproche la ''Divine liturgie'' rapportée dans les romans en prose du Graal du modèle gréco-oriental, avec l'image de la participation des anges au ''service'' du Graal, par exemple.
Les théologiens du Moyen-âge valorisent la dimension sensorielle de l'homme ( ses cinq sens). L'incarnation divine s'exprime aussi dans '' voir l'hostie'' lors de la liturgie. Cette manifestation de l’invisible dans le visible, se fonde dans une expression de foi comme la présence réelle du Christ dans les espèces consacrées et l’importance que va acquérir la dévotion eucharistique au XIIe et au XIIIe siècles.
La réflexion théologique des livres du Graal appartient au pôle ''Platon-St-Augustin'' et la théologie mystique ; elle sera supplantée par le pôle ''Aristote-St-Thomas'' et sa théologie spéculative.
« Dans la perspective augustinienne et néoplatonicienne qui triomphe dans les romans du Graal, la nature est le miroir idéal du divin : il y a une expérience du monde créé qui permet de lire le mystère de Dieu, '' en similitude '' . La réalité est un ensemble organique où toutes les choses, qui sont aussi des signes, renvoient les unes aux autres, jusqu’à Dieu. La dyade image-ressemblance est ainsi assimilable au couple nature-grâce. L’image est bien le point de départ à partir duquel se déploie la ressemblance. » ( L’œuvre de ressemblance, par Alain Santacreu ).
La liturgie, comme forme d'art, devrait provoquer en l'homme « la conversion de semblance ». La liturgie offre des scènes visuelles et auditives qui appellent à une interprétation. Celle-ci « emprunte les voies de la demostrance (dévoilement centré sur la chose et adressé à la vision) ou celles de la senefiance (dévoilement centré sur le signe proprement dit et adressé à l’intelligence), cette production du sens est toujours subordonnée à la notion de révélation et fait du Graal son medium privilégié. » ( cf Jean-René Valette. La pensée du Graal. Fiction littéraire et théologie (XIIe-XIIIe siècle)
1963 - Le Concile Vatican II
Eté 1963, Lancelot s'est mis en ''retraite'' et a rejoint Fléchigné. C'est avec soulagement, qu'il estime ne plus avoir à se soucier de l'agitation politique.
Par contre, il reste fortement attaché à l'Eglise. Après sa retraite à Solesmes, il devient même un ''pratiquant '' régulier des services de sa paroisse. Il en était ainsi de sa mère, comme d'une très grande majorité des gens, avant la fin des années 60.
Le curé-doyen, le père Clavet - avec inquiétude - s’intéresse de près à ce qui se passe au Concile ( ouvert en Oct 1962), et en informe ses paroissiens. Très curieux de l'expérience de Lancelot au Vatican ; il cherche sa collaboration pour informer la population.
Lancelot modère les craintes du père curé : il ne s'agirait que d'un aggiornamento ( selon Jean XXIII), c'est à dire d'une mise à jour. Il imagine de nouvelles propositions sur le plan pastoral : ne conviendrait-il pas de présenter dans un langage plus moderne les vérités éternelles ? On pourrait imaginer une ''reprise'' de Vatican I qui, n'oublions pas, avait été suspendu suite à l'invasion de Rome par les troupes italiennes en septembre 1870 ; il pourrait durer une année, sur 2 ou 3 cessions...
Lancelot avait noté deux points points qui lui semblaient urgents à clarifier, lors de ce Concile.
- Le constat d'une Eglise en décalage avec le monde actuel.
- La place de l'Ecriture et de la Révélation au travers la diversité des genres littéraires que contient la Bible. Que ce soit en science exacte, ou en Histoire : « la Bible ne contient pas d’enseignement scientifique » ! Déjà en 1903, le Père Lagrange était partisan de ''La méthode historique''. Le Père M.-J. Lagrange est le fondateur en 1890, de '' l’École Biblique de Jérusalem ''.
Le Père Clavet exprime ses craintes d'une réforme qui retirerait au petit peuple, ses repères, sa piété simple mais sincère...
A l'intime spirituel, qualifié d'individualisme, on préférerait - dit-on - un aspect communautaire, collectif de la liturgie... Clavet qui a horreur des grandes célébrations fascistes ou communistes y décèle plus de paganisme que de spiritualité.
Effectivement, Lancelot comprend ce point de vue ; à ce propos il retrouve un passage du livre de Raïssa et Jacques Maritain, Liturgie et contemplation (1959) : « La systématisation pseudo-liturgique confond les ordres et au lieu de tendre à élever le social humain par la vie de l’esprit, elle tend à soumettre la vie spirituelle au social humain. Ce qu’il faut lui reprocher avant tout, nous semble-t-il, c’est de rabattre sur le plan du social humain ce qui appartient de soi au social divin ».
D'ailleurs, Lancelot ne se cache pas de goûter le mouvement liturgique qui avait été initié par Dom Guéranger (1805-1875), abbé de Solesmes, restaurateur de la vie bénédictine en France, et du chant grégorien.
Il suit également le mouvement de la Patristique, avec Jean Daniélou et Henri de Lubac qui sont à l'origine de la création de publications des Pères anciens, « les Sources Chrétiennes ».
Et, ce n'est pas contradictoire, Lancelot espère que l'enthousiasme - de l'apôtre du mouvement Œcuménique qu'était l’abbé Paul Couturier (1881-1953) - de changer «absolument» le climat entre '' frères séparés '', sera repris. N'oublions pas que Pie XI dans Mortalium Animos, en 1928 : écrivait hélas encore: « L’union des chrétiens ne peut être pensée autrement qu’en favorisant le retour des dissidents à la seule véritable Église du Christ. » .
Enfin, Lancelot, regrette que la fin du long pontificat de Pie XII ait maintenu certaines tensions inutiles autour de la ''nouvelle théologie'' avec la condamnation de théologiens. En effet, les Pères Henri de Lubac, Pierre Ganne, Henri Bouillard, Émile Delaye, Alexandre Durand Jésuites, ont du cesser leur enseignement et renoncer à publier !
Finalement, nous reconnaissons que les attentes sont énormes. Le Concile durera trois années, sous deux pontificats ( Jean XXIII et Paul VI) en quatre cessions. Le concile approuvera 4 constitutions, 9 décrets et 3 déclarations.
Seulement deux jours après l'ouverture de la première cession, un groupe de cardinaux français, dont le doyen le cardinal Liénart, évêque de Lille, rompt le ''rituel '' et s'oppose à l'organisation proposée de la Curie, sur la composition des commissions. Et si les évêques refusaient d'être une chambre d'enregistrement ?
Le calendrier est bouleversé, et chacun commence à prendre conscience que la durée du Concile est indéterminé, et s'annonce sur plusieurs cessions....
L'Esprit souffle fort, et déstabilise même les acteurs... Exemple : le dominicain Yves Congar (1904-1995) théologien autrefois suspecté et surveillé par le Vatican devient cependant, à sa grande surprise, « consulteur pour la commission théologique préparatoire ». Son souhait est « faire avancer l’Église », la faire évoluer dans son ecclésiologie, ses formes langagières, sa théologie, dans une perspective de « ressourcement », face à une tradition qu’il perçoit comme recouverte par le « juridisme romain » et une théologie « baroque ».
Autre nouveauté, ces ''experts'' – 480 prêtres nommés au titre de leur compétence académique – conseillent des évêques seul autorisés à voter... Hans Küng est l'un d'eux qui critique fortement la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale par le concile Vatican I. Il se dit favorable à ce que le Concile revoit la question du célibat des prêtres et toute la question des ministères. ( ouverture aux femmes !)
Plus généralement, la curie et le cardinal Ottaviani ( le patron du Saint-Office) résistent au changement mais restent minoritaire.
La constitution sur la liturgie est le premier texte adopté ( 2ème cession) et statue sur la place du latin, la communion sous les deux espèces, l’importance de l'Ecriture et l'organisation du rite....
La correspondance de Lancelot avec le père Maurice Maillard, laisse entrevoir une discussion au sujet de la Liturgie, et il lui avait rapporté la citation des Maritain notée plus haut.
Le père Maillard reprend et défend la constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium en date du 4 décembre 1963. Cette réforme s'inscrit dans une reconquête pastorale, les gens désertent la messe ! - Finalement, il s'agit d'une action sociale, celle d'instaurer le Christ dans la société. La liturgie est un instrument d’évangélisation, elle se doit d'être proche des fidèles.
La liturgie, comme prière collective, assure la visibilité de l'institution et – important – est catéchèse ; aussi est-il nécessaire de l'adapter au monde moderne : célébration face au peuple , utilisation du français, place centrale de l'Écriture Sainte, participation aux chants... etc.
Lancelot comprend bien cette argumentation, mais elle ne nourrit pas sa foi. Peut-être est-ce parce sa foi intime se rattache à une histoire lointaine, et qui n'exclut rien de ce qui l'a enrichie jusqu'à aujourd'hui. C'est précisément un point essentiel de cette Quête. Peut-être serait-il intéressant de réfléchir à la liturgie, à la lumière du Graal...
1959-1963 – Jean XXIII – Julien Green
Lancelot avait appris le matin du jeudi 9 octobre 1958, la mort du pape Pie XII dans le nuit.
Pendant 19 ans, il fut le chef spirituel de 405 millions de catholiques romains. Ce pape était très érudit, il s’intéressait aussi à la science. On disait qu'il traquait la moindre erreur dans '' l'Osservatore Romano '' L'homme apparaissait comme un monarque, solitaire, peut-être même autocrate. Comment a t-il affronter la Mort ? Avant de sombrer dans l'inconscience, Pie XII a désiré entendre la Première de Beethoven...
Dix jours après, s'était ouvert le conclave pour élire un nouveau pape ; il s'agissait de 55 cardinaux qui composaient le Sacré-Collège. Parmi les papables on parlait du français Tisserant ; mais on s'attendait à un italien ; sans-doute l'un de ces cardinaux : Lercaro de Bologne, le jeune Siri de Gênes ( 55ans et conservateur) ou Ruffini de Palermo.. ?
L'élection de Roncalli - 77 ans - fut une surprise, et parut comme un pape de transition ( comme Jean XXII, le fut... ! ), il prit le nom de Jean XXIII. Modeste, on le disait bon diplomate.
Alors qu'il était nonce ( représentant du Saint-Siège) à Paris, Angelo Giuseppe Roncalli, n'avait pas conquis les esprits réformistes d'une grande partie du clergé français. Qu'attendre de Rome ; d'autant que la promulgation du dogme de l’infaillibilité pontificale au concile Vatican I (1870) permet de se passer d'un nouveau concile ?
Aussi, Jean XXIII, n'annonçait que la continuité de la ligne de Pie XII, ligne opposée au cardinal Suhard ( mort en 1949) qui avait patronné les prêtres ouvriers, et craint le péril de l'intégrisme...
Quand, le 25 janvier 1959, Jean XXIII, nommé pape depuis trois mois, annonce la convocation d'un concile œcuménique : la surprise est totale. Le pape lui assigne le but suivant : « Promouvoir le développement de la foi catholique, le renouveau moral de la vie chrétienne des fidèles, l’adaptation de la discipline ecclésiastique aux besoins et aux méthodes de notre temps, (...) » (29 juin 1959)
C'était pendant l'été 1962, Lancelot avait retrouvé Julien Green, son compagnon Robert de Saint-Jean ( son homosexualité nous laisse indifférents ) et Anne la sœur de Julien, dans leur ''campagne'' ( Clairefontaine, Seine et Oise), ils avaient discuté de l'exploit des cosmonautes russes ; et Green affirmait que « nous ne serons pas moins barbares ni plus chrétiens pour nous être promenés sur la lune... ». Le vrai progrès n'est-il pas avant tout spirituel, nous demandait-il ? .
Lancelot s'interroge sur le sens d'un '' progrès spirituel ''. Pour Green, ce progrès est manifeste si le spirituel gagne sur le matérialisme. Le spirituel s'attacherait à ce qui serait ''invisible et inexprimable''. L'écrivain tente de décrire le monde de l'invisible. L'invisible de Julien Green est autant habité du Divin que de la présence « de Satan et de ses pompes ».
Lancelot interroge Julien Green sur le Mal lié au ''péché de chair'' qui semble l'avoir beaucoup préoccupé...
- Avez-vous peur de l'enfer ?
- Je n’ai pas la crainte de l’Enfer. Je ne l’ai jamais eue, bien que je me sois battu les flancs pour essayer de l’obtenir, mais je crois que ce qui serait plus affligeant que d’aller en Enfer, ce serait d’être anéanti après la mort et de ne pas voir Dieu.
Bien qu’il soit vrai que nous serons jugés sur l’amour, il est également hors de doute que nous serons jugés par l’Amour qui n’est autre que Dieu. Je crois que si l’on donnait le nom de Mal au manque de charité au lieu d’accabler le pauvre corps humain de cette malédiction, on ferait chavirer tout un faux christianisme et du même coup on ouvrirait le royaume de Dieu à des millions d’âmes. (avril 1950).
Julien Green sait que sa vie personnelle a enfreint la morale, et la morale de l'Eglise...
- Il y a un vrai désarroi devant ce que l’Église enseigne au sujet de l’Enfer. J’ai connu la crainte de la damnation, mais fugitivement. On ne va pas en Enfer si on aime Dieu. » (2 janvier 1963).
Le Pamphlet contre l'Eglise de France de Green est reparu chez Plon ( janvier 1963) avec une préface de Maritain. Paru en 1924, ce livre est celui d'un catholique récent, assez mystique pour rêver de la vie monastique et vivre dans une cellule : « J'y entrai aussitôt et ne ressortis jamais... Qui ferma la porte de la cellule, un ange ou un démon ? »
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PS: Suite à la lecture d'articles concernant l’édition intégrale du Journal de Julien Green, j'apprends le comportement déviant et condamnable, et je lis même les citations de propos écœurants qu'il rapporte dans son journal... Bien-sûr, quand je parle de cet auteur, je ne me rapporte qu'aux textes que je connais et parus au cours du XXè siècle.
Abbaye de Solesmes
Après avoir obtenu sa mise à la retraite ; Lancelot ressent le besoin impérieux de plus de solitude. Il s'agit de marquer la fin d'une période, et le début d'une autre dans le cours de cette Quête.
Il le fait aussitôt, sous le signe de Simone Weil ( et de ses ouvrages), et de Solesmes.
Dans une lettre à la mère de Simone Weil datée du 11 février 1951, Albert Camus écrit : « Simone Weil est le seul grand esprit de notre temps. »
De l'arrivée sur le pont sur la Sarthe, se déploie la silhouette massive, haute et majestueuse de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes, haut-lieu du chant grégorien, fondé au début du XIe siècle. Impressionnant !
Lancelot est accueilli par le père hôtelier, avec qui il a correspondu. Il dépose sa valise dans sa chambre et suit le moine qui le conduit dans l'abbatiale, étonnamment étroite pour cet ensemble monastique : il est frappé par l'odeur de la pierre, sans-doute de l'humidité, et surtout de l'encens. La lumière traverse des vitraux, et se reflète sur les murs des chapelles, aux motifs géométriques des années 30. Le chœur des moines date de dom Guéranger en 1865. Dom Guéranger (1805-1875), à qui on doit la vitalité de Solesmes, et en particulier ses recherches sur les origines du chant liturgique, et la restauration du chant grégorien.
Le père hôtelier présente Lancelot au père abbé, avant le repas, qui lui verse de l'eau sur les mains avec une aiguière à ablutions au-dessus de son bassin.
Les hôtes mangent au centre de l'immense réfectoire, entourés de tous les moines, dans le silence et accompagnés par une lecture spirituelle.
Lancelot va suivre, seul, dans le silence, la journée au rythme des cloches, et des offices ; en commençant par les matines à 5h30 ( autrefois au cours de la nuit).
Dans l'abbatiale, les hôtes ( masculins, logés) ont le droit de passer la petite barrière métallique, et s'asseoir avant les stèles des moines. Dans le chœur, on remarque un imposant pupitre ( un griffon) qui sert aux chantres lors des fêtes.
Les rituels des offices, et le déplacement des moines, sont adaptés au chant grégorien.
Lancelot n'est pas ordinairement assidu à la messe dominicale, même s'il reconnaît dans le rituel eucharistique, la place du Graal et surtout du mystère de l'incarnation. Il a plaisir à suivre dans son missel, un livre à couverture de cuir et papier bible, la traduction et selon les fêtes divers compléments marqués par les images de communion des amis ou de la famille...
Ici particulièrement, Lancelot goûte la beauté du chant, du geste, du rituel où tout est allégorie.
Lors des office se rassemble toute l'énergie produite par ce lieu monastique hors du temps, des bâtiments au travail et à la prière des moines ; jusqu'à, et surtout, l'offre pour chacun des bienfaits de l'Esprit-Saint.
Quel miracle, en ce milieu du XXe siècle, de trouver encore cette tradition doublement millénaire ; sachant qu'elle n'est faite que de simplicité, d'humilité, de joie et d'hospitalité...
Lancelot tente de faire corps à la musique grégorienne, et il s'imagine Simone Weil, à Solesmes ici, écoutant ces mêmes chants, en souffrant des maux de tête, et arrivant a les maîtriser par la contemplation du beau...
Lancelot se fait témoin de Simone Weil. Avec sa douleur et devant les yeux, ce Christ en croix ; soudain dans une intuition fulgurante, elle « comprend la possibilité d'aimer l'amour divin à travers le malheur ». Pendant la durée de cet éclair, Simone Weil a échappé aux lois de ce monde. « Instant d'arrêt, de contemplation, d'intuition pure, de vide mental, d'acceptation du vide moral. C'est par un de ces instants que l'homme est capable de surnaturel. »
Au transept sud de l'église, une impressionnante scène sculptée par un artiste inconnu de la renaissance , la mise au tombeau du christ, grandeur réelle. Se détache, en avant Marie-Madeleine confiante et en contemplation : image du moine, et peut-être de Simone Weil ?
Deux ''notables'', un sur la droite, Jean d'Armagnac, Seigneur de Sablé soutient le drap mortuaire, maintenu à gauche par Joseph d'Arimathie enturbanné, à ses côtés Nicodème. Marie, mère de Jésus, vacille soutenu derrière elle par le jeune saint Jean ; puis deux pleureuses.
En face, dans le transept nord, la ''chapelle des merveilles'' à la gloire de Marie. Sur son linceul, la ''dormition'' de la Mère de Dieu, avec au centre Saint-Pierre, image de l'Eglise, qui prend le relais...
Le témoignage de Simone Weil.
Lancelot prend sa retraite, et souhaite se replier à Fléchigné.
Geneviève a quitté le parti communiste en même temps que Dominique Desanti. C'est aussi avec elle, qu'elle a rencontré Simone de Beauvoir à l'époque du Congrès du Mouvement de la Paix, en 1955. Plusieurs fois, il lui arrivait de passer chez elle, rue Schoelcher, et d'aller manger dans un petit restaurant de la place Denferts-Rochereau. Dominique Desanti partait souvent à l'étranger, en particulier en Afrique.
Geneviève s'intéresse à l'action de l'inconscient, donc à la psychanalyse. Les relations entre Lancelot et elle s'apaisent ; sans-doute essaie t-elle de pratiquer son propre discours, à savoir qu'il est nécessaire dans le couple de préserver et reconnaître l'altérité de l'autre, et de ne pas limiter la liberté de l'autre en l'enfermant dans une seule histoire. Cela évoque le ''contrat sartrien'' du couple.
Geneviève se réfère souvent à l'ouvrage majeur de Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe.
Geneviève occupera, avec sa fille, l'appartement boulevard Victor-Hugo ; Elaine fera très souvent le trajet entre Paris et Fléchigné.
Elaine poursuit ses études à la Sorbonne. Après avoir passé en 1962, le certificat d’études littéraires générales ( propédeutique), elle se décide pour des études d'Histoire.
Lancelot ressent le besoin de se consacrer à sa ''quête''. Même s'il eut la chance de l'avoir plus ou moins conduite tout au long des événements qui se sont présentées à lui au cours de sa vie, il regrette de n'avoir pas eu le temps d'approfondir certaines rencontres.
Comment ne pas contempler des existences comme celles de Simone Weil, de Camus qui ont été si brèves, inachevées sûrement.. ? Lancelot ressent le bonheur, mais aussi le malheur d'avoir raté l'occasion de donner du fruit à ces rencontres ; il reste leurs œuvres : cadeau inestimable. Lancelot invoque aussi Teilhard de Chardin, qui avec Simone Weil, nous offrent leurs réflexions à notre étude ( je parle de l'édition de leurs textes), alors qu'ils se sont retirés sans bruit...
Pour débuter cette nouvelle période de sa vie, Lancelot est décidé à passer quelques jours dans un monastère. Lequel ?
Alors qu'il recherchait des documents sur Simone Weil, à la Bibliothèque nationale de France, on lui indique une personne, conservatrice ici, qui a été l'une de ses amies d'études. Lancelot sollicite, ainsi un rendez-vous auprès de Melle Pètrement.
Simone Pètrement, agrégée de philosophie, connaît très bien le grec et on la dit spécialiste des origines chrétiennes du gnosticisme. Elle fut avec Simone Weil, étudiante au lycée Henri IV dans la khâgne d’Alain, et élève de l’École normale supérieure ( promotion 1927).
Après plusieurs échanges, Lancelot à la chance d'être invité dans son appartement, un dimanche soir, moment où Melle Pètrement reçoit des étudiants mineurs provinciaux d'Henri IV qui devaient avoir à Paris un correspondant, ce qui est le cas pour Pierre Magnard ( né en 1927).
Il profite ainsi de son témoignage quant au travail accompli par les deux Simone, sur leur lecture de Platon. Pour toutes les deux, le grand problème était celui du Mal. Que faisait Dieu ?
Alors que nous sortons à peine du ''désastre'', sans bien comprendre ce qui s'était passé... Simone Pètrement rappelle que cette question - qu'elles s’étaient toutes les deux posée - était d'où vient le Mal ? Comment le Mal est-il possible ? Que faisait Dieu ?
Et pour en revenir à la lecture de Platon ; '' il ne s'agit pas, comme beaucoup le font, en donner une lecture gnostique ou manichéenne, en donnant au mal une réalité. Ce travail, elles l'ont fait toutes les deux pour se convaincre que le Mal était irréel, que le Mal était un néant ; que le monde que les méchants croyaient bâtir était une nuée. Leur cité était bâtie d'illusions, elle n'existait pas. Il faut vous convaincre que le royaume du Mal est un royaume des ombres, et que ceux qui veulent s'en prévaloir se fondent sur le néant, et ne sont eux-mêmes que rien.'' ( propos recueillis par Pierre Magnard.)
Simone Pètrement raconte à Lancelot les circonstances du séjour de Simone Weil au monastère de Solesmes. Auparavant en juin 1937, elle racontait :« étant seule dans la petite chapelle romane du XIIe siècle de Santa Maria degli Angeli, incomparable merveille de pureté, où saint François a prié bien souvent, quelque chose de plus fort que moi m’a obligée, pour la première fois de ma vie, à me mettre à genoux. »
« En 1938 j’ai passé dix jours à Solesmes, du dimanche des Rameaux au mardi de Pâques, en suivant tous les offices. J’avais des maux de tête intenses ; chaque son me faisait mal comme un coup... »
Cependant, elle prend « une joie pure et parfaite dans la beauté inouïe du chant et des paroles ». L’expérience de sa propre souffrance physique, due a ses maux de tête violents, et la contemplation de la souffrance du Christ lui font découvrir la possibilité d’aimer l’amour divin a travers le malheur : « Il va de soi qu’au cours de ces offices la pensée de la Passion du Christ est entrée en moi une fois pour toutes ».
(…) « les histoires d’apparition me rebutaient plutôt qu’autre chose, comme les miracles dans l’Évangile. D’ailleurs dans cette soudaine emprise du Christ sur moi, ni les sens ni l’imagination n’ont eu aucune part ; j’ai seulement senti à travers la souffrance la présence d’un amour analogue à celui qu’on lit dans le sourire d’un visage aimé. »
Elle assiste à tous les offices et aux solennelles célébration de la Passion et de la Résurrection.
« Quand on écoute Bach ou une mélodie grégorienne, toutes les facultés de l’âme se tendent et se taisent, pour appréhender cette chose parfaitement belle, chacune à sa façon » (…) « Musique grégorienne. Quand on chante les mêmes choses des heures chaque jour et tous les jours, ce qui est même un peu au-dessous de la suprême excellence devient insupportable et s’élimine. »
Grâce à un retraitant anglais, qu'elle qualifie de messager, elle découvre les poètes métaphysiques anglais du XVIIe siècle, notamment George Herbert et son poème Love, qui va devenir très important, puisque dans les moments de crise de maux de tête, elle se réfugie dans la beauté de ses rimes, « Je me suis exercée à le réciter en y appliquant toute mon attention et en adhérant de toute mon âme à la tendresse qu'il enferme. »
« Je croyais le réciter seulement comme un beau poème, mais à mon insu cette récitation avait la vertu d'une prière. C'est au cours de ces récitations que, comme je vous l'ai écrit, le Christ lui-même est descendu et m'a prise. »
Elle vit le détachement de son corps douloureux, et fait l’expérience de l’amour «transcendant».
Simone Weil raconte au père Perrin, sa grande surprise. Jamais, avoue-t-elle, elle n'avait prévu la possibilité d'un contact réel, « de personne à personne, ici-bas, entre un être humain et Dieu ». « J'avais vaguement entendu parler de choses de ce genre, mais je n'y avais jamais cru. »
- N'allez pas croire qu'elle se soit rendue aussitôt à cette révélation ! Son amour s'y rend, mais son intelligence s'y refuse. Elle décide alors de chercher ce que cette illumination peut receler de vérité, avec toute son attention. Elle ne craint pas de se lancer dans ce genre d'enquête ; puisque le Christ est vérité... C'est lui qu'elle trouvera en y accédant. C'est donc vers lui qu'elle reviendra, tout naturellement.
- Simone Weil, n'était pas « une âme faible », elle n'aurait pas cherché consciemment une consolation dans une religion.
« (...) la certitude d’avoir touché quelque chose de réel au-delà de la subjectivité (...) quelque chose au-delà de soi- même; (...) au-delà, mais par l’intérieur. Interior intimo meo. (...) On a touché en soi-même quelque chose de plus grand et de plus ancien que soi.»
Simone Pètrement ajoute, que c'est sa vie même - le fait qu’elle vit sa pensée avec une radicalité rare – qui nous indique la réalité et la véracité de son expérience spirituelle.
Albert Camus – Simone Weil
L'année 1962 avait commencé avec des plasticages de l'OAS. Le 8 février une manifestation contre l'OAS était durement réprimée, huit personnes perdaient la vie.
En mars, après la signature des accords d'Evian qui accordaient l'indépendance à l'Algérie ; c'est l'armée française qui tirait sur une manifestation de pieds-noirs à Alger et tuait une cinquantaine de personnes. Les attentats et massacres ne cessent pas.
Le 4 janvier 1960, Albert Camus, à 47ans, disparaissait dans un accident de voiture. Lancelot regrette de ne pas l'avoir plus approché. Sa réflexion, à l'aube de cette nouvelle décennie nous manque.
Déjà, Camus, soulevait la question et le paradoxe de la violence terroriste. Ils se retrouvent dans la maxime du militant révolutionnaire qui serait : « sauver l’humanité en tuant quelques êtres humains », ''sauver'', alors que le résultat certain et concret est le massacre d'innocents.
Plus généralement la question concerne l'emploi de la violence pour atteindre un but politique. Sachant peut-être que pour un révolutionnaire ( ou un fasciste), il s'agit avant tout, de créer un climat d'insécurité... Le terroriste qui se pose en représentant du peuple, affirme qu'il est désintéressé, prêt au sacrifice de sa propre vie.
Quel pourrait être le contenu d'une politique, qui se fondrait sur l'exercice de la terreur ?
La torture, réhabilitée par l'actualité, interroge l'Etat lui-même..
Pour Camus, l'état se discrédite si lui-même utilise la torture, la répression aveugle, et donne raison à ceux qu'il combat, il appelle cela ''la solidarité du sang'' : « La face affreuse de cette solidarité apparaît dans la dialectique infernale qui veut que ce qui tue les uns tue les autres aussi, chacun rejetant la faute sur l’autre, et justifiant ses violences par la violence de l’adversaire. » (Camus, Chroniques Algériennes 1939-1958 )
« Le terrorisme détruit la politique au nom de la politique. »
Comment peut-on justifier sa conduite quand on ne croit ni en Dieu, ni au pouvoir de la raison ?
Après l'Absurde avec L'Etranger, et l'essai Le Mythe de Sisyphe de 1942 ; puis la Révolte avec L'Homme révolté , Camus veut comprendre ce qui pousse des hommes à braver l’interdit du meurtre au nom de la justice. Avec la pièce Les Justes, et dans cet extrait (acte II), Camus illustre deux conceptions :
Stepan : L’Organisation t’avait commandé de tuer le grand-duc.
Kaliayev : C’est vrai. Mais elle ne m’avait pas demandé d’assassiner des enfants. […]
Dora [s’adressant à Stepan] : Ouvre les yeux et comprends que l’Organisation perdrait ses pouvoirs et son influence si elle tolérait, un seul moment, que des enfants fussent broyés par nos bombes.
Stepan : Je n’ai pas assez de cœur pour ces niaiseries. Quand nous nous déciderons à oublier les enfants, nous serons les maîtres du monde et la révolution triomphera.
Dora : Ce jour-là la révolution sera haïe de l’humanité entière.
(...)
Kaliayev : « J’ai choisi de mourir pour que le meurtre ne triomphe pas. J’ai choisi d’être innocent ». (Camus, Les Justes (acte II)
Camus refuse le nihilisme. La vie, l'amour lui donnent « l'orgueil de sa condition d'homme. » (Noces suivi de L’Été )
Pourtant, Lancelot ne peut se satisfaire de ces raisons de vivre que Camus a exprimé dans ses livres.
Et c'est précisément, grâce à la collection Espoir que Camus porte chez Gallimard, que Lancelot est rappelé à l'enseignement et surtout au témoignage de Simone Weil.
Je rappelle que Lancelot par l'intermédiaire d'Auguste Detoeuf ( Alsthom) a rencontré cette jeune fille à l'étrange dégaine, qui faisait parler ceux qui fréquentaient l'ENS. Elle enseignait la philosophie à Bourges, et revenait alors à Paris, dont les usines étaient occupées, nous étions en 1936 ; et elle parlait de son expérience comme ouvrière. A ses yeux, Lancelot était alors un acteur du ministère Daladier de la défense, au sein du gouvernement Blum. Simone Weil, parlait d'aller en Espagne, s'engager auprès des républicains.
Ils avaient pris le temps de parler du « génie de la civilisation d'Oc », qui a su mêler « la chevalerie venue du Nord et les idées arabes, et qui ressemble à une petite réplique de la Grèce Antique ». Ils avaient échanger sur ''le Graal'' ; il parlait de ''La Coupe'', où elle préférait voir une Pierre, comme chez Parsifal. Elle relevait également, que la Question salvatrice, se rapportait à la découverte de l'attention à l'autre ( Quel est ton tourment ?). Elle l'avait prévenu : « La quête du Graal, peut être un détournement, ou un dévoiement, de l’attention. Vouloir trouver le Graal, c’est privilégier la volonté au détriment de l’attention. », comme l'évoque le personnage de Gauvain...
En juin 1940, à Vichy Lancelot croisait Simone Weil, qui fuyait Paris avec ses parents.
Enfin, en 1942, Lancelot avait échangé avec Gustave Thibon leurs impressions sur cet « être supérieur'' comme il disait.
Bien plus tard, après la guerre, Lancelot apprit par Maurice Maillard, que Simone Weil était morte à Londres le 24 août 1943, à l'âge de 34 ans.
Dès 1947, Gustave Thibon avait publié un recueil de pensées de Simone Weil, composé de divers passages tirés de ses carnets personnels écrits à Marseille entre oct. 1940 et avril 1942 et organisés par thèmes : La Pesanteur et la Grâce.
Ensuite, c'est Albert Camus, qui recevait un manuscrit présenté par Brice Parain, un philosophe proche d'André Weil, le frère mathématicien de Simone ; également ami du père Dubarle, dominicain que connaît bien Lancelot. Il propose le titre '' L'Enracinement'' à ce '' Prélude à une
déclaration des devoirs envers l’être humain'' qui sera publié en 1949, chez Gallimard.
Dans le cadre d'un travail d'une commission de réforme de l'Etat, où elle a été affectée en novembre 1942 à Londres, comme rédactrice ; elle écrit ce texte, qui deviendra son testament intellectuel, avec pour thèmes : l'oppression sociale, le travail physique (ouvrier et paysan), la religion, la beauté, le régionalisme, la science, la guerre, l'impérialisme, le colonialisme, le totalitarisme, etc...
Plutôt que ''devoirs'' Simone Weil eut préféré ''aspirations'' : elle parle d' « aspirations essentielles du peuple, éternellement inscrites au fond des âmes »
Elle réfléchit à ce qui '' entrave l’aspiration des êtres humains à la beauté, à la vérité et à la justice''
pour dessiner, ensuite, les contours d’une organisation sociale qui respecterait les hommes, respecterait les corps et, par-dessus tout, respecterait les âmes ; et satisfaire ce qui est « peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » : le besoin d’enracinement .
Dès le début de l'ouvrage, elle affirme : « la notion d’obligation prime celle de droit, qui lui est subordonnée et relative ».
14 janvier 1963 - le général dit non à l’Angleterre pour le Marché Commun |
Finalement, sous la pression de la France, les six pays de la CEE ajournent les négociations sur l’adhésion du Royaume-Uni. Le rapport de Lancelot sur les possibilités d'un échange scientifique et nucléaire entre nos deux nations, est ignoré.
En 1963, Lancelot décide de se retirer d'une agitation politique et administrative qui n'échappe pas aux enjeux de pouvoirs, et dirigée principalement vers la satisfaction des attentes du consommateur toujours plus avide... Il s'agit sans-doute de l'émergence d'un nouveau monde, mais Lancelot se demande si nous prenons le temps de la réflexion. Quelle est la vision de l'avenir de cette nouvelle société, quel est son désir et pour quel futur ?